Kinopoivre, les films critiqués par Jean-Pierre Marquet

Février-mars 2001

Sont analysés dans cette page : Sous le sable, de François Ozon, Chez les heureux du monde, de Terence Davies, Hannibal, de Ridley Scott, L’exorciste, de William Friedkin, Un monde meilleur, de Mimi Leder, La langue des papillons, de Jose Luis Cuerda, Les morsures de l’aube, d’Antoine de Caunes, Presque célèbre, de Cameron Crowe, Quills, de Philip Kaufman, La Tour Montparnasse infernale, de Charles Nemes, et Mercredi folle journée !, de Pascal Thomas. Avec deux Entractes pour encadrer le tout.

[Entracte 4]

« Nous nous foutons des critiques.

Elles sont faites pour les gens qui lisent.

Et l’écrit date du temps des dinosaures. »

 

Bruce Willis

« Libération », 8 mai 1997.

Certains n’ont pas digéré ce que j’avais écrit sur Les rivières pourpres, et ces groupies (il existe un masculin, pour ce mot ?) du grand intellectuel Bruce Willis – ce partisan de George Bush soutient la National Rifle Association présidée par Charlon Heston, vous savez, celle des partisans du port d’armes et du tir à vue sur tout ce qui bouge –, Bruce Willis, disais-je, que j’aime tant quand il prend de longues vacances, ces groupies, donc, me l’ont fait savoir et m’ont lancé une ou deux piques visant la longueur de mes phrases et mon goût de la critique. Et ils (elles ? Pour groupies) ont raison, comme je viens de le démontrer à propos du premier point. Ah ! que je les approuve... Pas tellement de me prendre pour cible, quoique je supporte ça très bien, mais surtout de me donner cette occasion (cette « opportunité », disent les cons) de débroussailler un peu la notion de critique, et de préciser l’importance du rôle qu’elle peut jouer.

Tout d’abord, à moins que vous soyez de grands distraits, il ne vous a pas échappé qu’on doit payer pour voir un film. Jadis, le cinéma était un divertissement de pauvres, et si vous avez du mal à imaginer cela, interrogez vos parents et grands-parents : ils vous confirmeront que, « de leur temps », même les familles les plus fauchées allaient au cinéma au moins une fois par semaine. Aujourd’hui, écœurés par la hausse démesurée du prix d’entrée, dont j’analyserai une autre fois les diverses causes, beaucoup de gens ne mettent plus les pieds dans une salle obscure et se contentent de la télé. J’en ai même entendu qui avouaient préférer le cinéma en conserve, pardon, en vidéo. Un peu comme un prisonnier avouerait s’attacher à sa cellule et refuserait de mettre désormais le nez dehors. Plaignons ou rigolons, mais comprenons...

Par conséquent, écrire qu’un film est mauvais et ne mérite ni le dérangement ni surtout la dépense afférente, cela relève, non de la méchanceté, non du sadisme, non de l’aigreur d’esprit, mais tout bonnement de la défense du consommateur – quoique cette idée de « consommer » du cinéma provoque chez moi comme chez vous, espérons-le, une éruption de boutons, mais le fait est là. Faire savoir autour de soi qu’un film est mauvais, c’est prévenir à la fois un gaspillage d’argent et un découragement probable dû à la déception, et qui se répercuterait injustement sur les bons films.

Et si vous pensez qu’un critique de cinéma est forcément quelqu’un d’aigri, de refoulé, de malfaisant, etc., c’est que vous ne connaissez pas Michel Ciment, de « Positif » et qu’on peut entendre sur France Inter, ni Élisabeth Quin, de Paris Première, pour ne citer que ceux-là, ni Alain Riou, ce plaisantin qui écrit dans « Elle » – et je ne dis rien de Jean-Louis Bory, puisque hélas il a décidé de se flinguer en 1979, donc on ne peut plus l’entendre si on peut toujours le lire. En outre, il est faux, comme on le prétend souvent, qu’un critique « démolit » le travail des créateurs parce que lui-même est incapable de créer. S’il est exact que certains critiques se sont essayés à la mise en scène et n’ont pas récidivé, ou peu, tels Pierre Kast, Jacques Doniol-Valcroze, Michel Cournot, Henry Chapier ou Peter Bogdanovitch, d’autres, qui ont débuté comme critiques, sont devenus des cinéastes à part entière, et on ne voit pas comment il est possible d’ignorer les noms de Truffaut, Chabrol, Rohmer ou Godard ! Cas particulier, celui d’Ingmar Bergman, illustre réalisateur que nul ne conteste, et qui s’est diverti, sous un pseudo, à descendre en flammes... ses propres films. Ah ! L’humour suédois...

Autre chose : les productions auxquelles je me suis attaqué ne sont en aucun cas de petites pellicules sans défense, mais de grosses machines, pour lesquelles on a dépensé des centaines de millions pour leur seule publicité. Il est notoire qu’aujourd’hui, la pub de certains films a coûté plus cher que la fabrication de l’œuvre elle-même, si œuvre il y a : ne citons qu’El Mariachi, film ultra-fauché il est vrai, puisqu’il n’a coûté que 7000 dollars. Autre aspect de cette tendance plus financière qu’artistique, les fameux « produits dérivés », T-shirts, casquettes, bonbons, CDs, jeux vidéo, etc., qui rapportent davantage que l’exploitation du film lui-même ! Souvenez-vous de Star wars... Et lorsque je m’en prends au dernier opus de Kubrick, il va sans dire que ma voix crie dans le désert, et que je ne convaincrai aucun des admirateurs inconditionnels du maître défunt. Bref, une critique défavorable ne fait pas perdre un seul centime aux banquiers qui ont financé le film !

Dernier aspect de la critique : j’ai dit également beaucoup de bien de certaines œuvres qui me tenaient à cœur, et que peut-être deux ou trois de mes lecteurs n’auraient pas eu l’idée d’aller voir sans cela. Si je me moque de Dancer in the dark, j’insère dans le même article un éloge de Chansons du deuxième étage, qui ne remporte aucun succès, or c’est injuste. À l’heure où le cinéma mondial se trouve dans une merde noire, à l’heure où les marchands, les fabricants de « produits », semblent avoir gagné la partie, à l’heure où tout indique que le cinéma véritable n’aura pas vécu beaucoup plus d’un siècle, puisque le home cinéma, c’est-à-dire la vidéo, qui ne s’intéresse qu’aux productions spectaculaires, est en passe de le supplanter, sachant que certains films ne sortent même plus en salle, il est du devoir de tout cinéphile de défendre l’existence même du cinéma d’auteur, puisque les auteurs disparaissent les uns après les autres sans trouver, industrie oblige, de dignes successeurs. J’ai eu l’occasion de tenir brièvement ce type de propos à France Inter, mais dans une émission diffusée le dimanche à 20 heures 10, et qui ne bénéficie pas d’une audience massive ; c’est pourquoi je me répète ici. Prétendre que la critique est par essence négative constitue donc un non-sens. Ce n’est pas de ma faute si l’on sort davantage de mauvais films que de bons : chacun peut faire cette constatation, hélas !

Ma conclusion sera la suivante : lorsque je dis à mes copains que je viens de voir un bon film, ils me demandent généralement « Alors, tu vas écrire une critique ? ». Et souvent, je réponds que non. Par exemple, pour Charlie’s angels ou le dernier film de Woody Allen. La raison en est simple, je n’ai envie, ni de piétiner un mauvais film qui fait un flop et récolte seul ce qu’il a mérité, ni de voler au secours de la victoire (Charlie’s angels remporte un succès justifié, il peut se passer d’aide, et le géant Woody n’a pas besoin du nain de jardin JPM pour gagner des spectateurs). En somme, je n’expose mon opinion que pour défendre une œuvre injustement délaissée, ou pour attirer l’attention sur le charlatanisme de certaines productions commerciales qui vous anesthésient afin de mieux vous vider les poches. Plutôt utile, non ? Jack Lang va sûrement me décorer.

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Sous le sable

Réalisateur : François Ozon

Interprètes : Bruno Cremer, Charlotte Rampling, Alexandra Stewart, David Portugais, Jacques Nolot

Durée : 1 heure et 35 minutes

Sortie à Paris : mercredi 8 février 2001

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Ozon ! Non, ce n’est pas une injonction d’Elkabbach essayant de galvaniser ses troupes lors de sa nomination à la tête de la télévision de service public (il n’a réussi qu’à stimuler les Guignols), c’est le nom du réalisateur de Sous le sable. François Ozon, né à l’automne 1967, a réalisé treize courts métrages entre 1991 et 1997, dont un documentaire sur la campagne électorale de Jospin en 1995. Il est passé au long métrage avec Sitcom en 1998, un film assez décapant sur la liberté sexuelle, dont la fin était malheureusement un peu ratée : comme cela se produit souvent, il avait accumulé trop d’éléments disparates dans son film, et son propos, de ce fait, n’était pas très clair. Son deuxième film, Les amants criminels, fut un insuccès public et critique, mais il se rattrapa brillamment avec Gouttes d’eau sur pierres brûlantes en 1999, d’après une pièce de Fassbinder : au contraire de ce qu’auraient fait la plupart des réalisateurs de cinéma, il avait eu l’intelligence de retenir la leçon d’Hitchcock (dans La corde et dans Le crime était presque parfait) et de conserver la concentration de l’œuvre originale en ne permettant jamais à sa caméra de quitter l’appartement où toute l’action, en trois actes, se déroulait. Bernard Giraudeau y était inoubliable de méchanceté concentrée, et Malik Zidi, étonnant de soumission. Le film eut un succès d’estime, comme on dit, mais les cinéphiles avertis constataient déjà que François Ozon ne tournait pas deux fois la même chose, ce qui n’est guère courant dans une profession où l’on se répète beaucoup.

En général, le nom du réalisateur est pour moi plus important que celui des acteurs. En outre, Bruno Cremer et Charlotte Rampling ne figurent pas au nombre des quelques comédiens, rares, qui m’attirent dans une salle de cinéma ; le premier m’inspire un blues irrépressible, la seconde trimballe de film en film un numéro de névrosée qui ne varie jamais. Ici encore, le couple n’évoque guère les réjouissances poilantes d’une nuit de Réveillon, mais c’est que l’histoire l’exige : ils incarnent un couple marié, sans enfants, qui passe ses vacances sur la côte landaise. Le mari va se baigner, il disparaît. Sa veuve présumée ne se fera jamais à sa disparition, et, même mise en présence d’un corps dont il y a tout lieu de penser qu’il est bien celui de son époux, continue de nier l’évidence. Sur ce récit infiniment simple viennent se greffer quelques scènes où le mari probablement noyé apparaît à son ex-conjointe, en toute banalité, dans le cadre habituel de leur existence passée. Fantôme, ou fantasme (en portugais, c’est le même mot) ? L’histoire ne le dit pas vraiment, mais tout incite le spectateur à pencher pour la seconde hypothèse.

C’est tout ? Oui, et c’est passionnant. On n’évoquera ni Always ni Le sixième sens, autres histoires de fantômes bien connues, cela n’a rien à voir. Tout est dans l’émotion, la pudeur, la simplicité de la mise en scène, la présence et le poids des acteurs, qui se montrent excellents. Jamais on ne s’ennuie, et, une fois de plus, un film français apporte la preuve qu’il n’est pas besoin d’imiter bêtement le cinéma américain : « Imitation-Déception », tel était naguère le slogan des tampons Gex. Aujourd’hui, Karl Zéro surenchérirait : « Méfiez-vous des... CON-TRE-FA-ÇONS ! ». Je ne vise personne, mais suivez mon regard.

En bref : à voir absolument.Haut de la page

Chez les heureux du monde

Réalisateur : Terence Davies

Titre original : The house of Mirth

Interprètes : Gillian Anderson, Dan Ayckroyd, Elizabeth McGovern, Eric Stoltz

Durée : 2 heure et 20 minutes

Sortie à Paris : mercredi 7 mars 2001

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Encore un bon film anglais, même si l’action se déroule aux États-Unis et si le tournage a eu lieu en Écosse.

X-Files mène à tout, à condition d’en sortir, puisque c’est la vedette de cette série d’inspiration médiocre qui incarne ici, de façon très inattendue, le personnage de Lily Bart, jeune femme de la meilleure société mais désargentée, quelque peu imprudente aussi, et surtout peu douée pour les intrigues de sa classe sociale : hébergée par sa tante qui ne lui verse aucune pension, elle a perdu beaucoup d’argent au jeu, mais se refuse à faire un mariage d’argent, bien que les soupirants ne lui manquent pas. C’est qu’elle aime un homme, beau mais pas riche, et qu’elle ne peut pas avoir. Elle finit par tomber entre les mains d’un financier qui lui rend service mais exige d’être payé en nature, dette qu’elle refuse de régler de cette manière. Là-dessus, sa tante meurt, en la déshéritant précisément à cause de ses dettes. Pour vivre, elle devient secrétaire, puis ouvrière, puis plus rien, et elle se suicide, alors qu’un petit chantage, si elle avait accepté de l’exercer sur une personne insoupçonnable, lui aurait rendu sa position tout en assurant son avenir.

Bon, ce n’est pas gai, et c’est un peu long, mais quel plaisir pour le spectateur de n’être pas pris pour un imbécile ! Ça se fait rare... Cela dit, si vous aimez les cascades, les dinosaures et les combats de kung-fu, passez au large, ce film est trop subtil pour vous satisfaire.

En tout cas, il a le mérite de rappeler que la condition des femmes n’a pas toujours été ce qu’elle est aujourd’hui, n’en déplaise aux Chiennes de Garde, et que jadis, le choix était clair et limpide, il fallait vendre ou se vendre (et ça, c’est le genre de phrase qui ne veut pas dire grand-chose mais qui fait bien dans une conversation, lors des dîners en ville).

Le film est tiré d’un livre d’Edith Wharton, un auteur de haute tenue, même s’il n’envahit pas les rayons des supermarchés. Et à propos d’Edith Wharton, laissez-moi vous raconter cette petite histoire. Lorsque Jack Lang était ministre de la Culture, un éditeur lui avait adressé une réédition d’un roman de cet auteur ; toujours aimable et ne perdant jamais une occasion de se faire mousser auprès des artistes, le sémillant Jack avait alors pris sa plus belle plume pour envoyer une lettre de remerciements, non pas à l’éditeur, mais à l’auteur elle-même : « Chère Edith Wharton, etc. ». Quel dommage qu’à ce grand Manitou de la Culture, nul n’ait eu pris la précaution de dire qu’Edith Wharton était morte en 1937 ! Remarquez, dans le genre gaffeur, il ne faisait pas aussi bien que son idole Mitterrand, qui, dans des circonstances absolument identiques, avait envoyé une lettre de remerciements à Baltasar Gracián, un écrivain jésuite du dix-septième siècle.

Et avec tout ça, j’ai encore oublié de vous parler du film, alors qu’il ne me reste plus de place. Si bien que vous vous dites : « Mais pourquoi cet imbécile (c’est moi) vient-il nous raconter ces histoires d’hommes politiques, qui n’ont rien à faire avec le cinéma ? ». Eh bien vous vous trompez : les hommes politiques font toujours beaucoup de cinéma.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Hannibal

Réalisateur : Ridley Scott

Interprètes : Anthony Hopkins, Julianne Moore, Giancarlo Giannini, Gary Oldman, Ray Liotta

Durée : 2 heure et 5 minutes

Sortie à Paris : mercredi 7 mars 2001

Erreurs du film : http://www.erreursdefilms.com/sf/erreurs.php?idf=HANN

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Le cannibalisme anthropophagique, c’est sympa, et puis ça ne revient pas trop souvent au cinéma : dix ans après Le silence des agneaux, film un peu surfait mais non dénué d’une certaine atmosphère, cette résurgence est encore acceptable. En fait, le film de Ridley Scott fait un triomphe aux États-Unis, nous dit la pub, mais ce n’est pas une référence, quand on sait les faibles exigences du spectateur yankee, lequel se régale de peu, c’est le cas de le dire ici. Certes, dans le cas présent, ce peu dure tout de même cent vingt-cinq minutes, et c’est une demi-heure de trop qui m’interdit toute comparaison avec le fast food. Sachant par le bouche à oreille que le plat de résistance du film est pour la fin, vous faites comme tout le monde, vous prenez donc votre mal en patience en savourant les hors d’œuvre et en vous réjouissant des vues de Florence, puisque c’est là que le bon docteur Hannibal Lecter a élu domicile après son évasion de sa prison, preuve que c’est un homme de goût.

Le principal mérite du film est, en effet, de montrer sous un jour sympathique le plus sanglant des tueurs en série du grand écran (dans la vie réelle, le moindre chef d’État fait mieux), alors que, délit de sale gueule, on n’a que répulsion pour sa victime Mason Verger, affublée il est vrai d’un visage repoussant – pauvre Gary Oldman qui est au générique et qu’on ne voit jamais ! Privé de sa chair faciale qu’Hannibal a jeté aux chiens, ladite victime ne rêve que de rendre la politesse à son bourreau en le faisant dévorer par une horde de sangliers affamés, élevés à cette fin. On devine d’avance que l’inverse va se produire, et le défiguré se faire bouffer par ses cochons sauvages. Après ça, Hannibal le Cannibale fait manger à une autre victime un morceau frit de son propre cerveau, avant de s’amputer lui-même d’une main à l’aide d’un tranchoir de cuisine, pour se libérer des menottes que lui a passées Clarice, la femme policier dont il est amoureux. Tout autre aurait plutôt brisé un maillon de la chaîne, mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Marrant : dans un film précédent, Titus, d’après Shakespeare, le même interprète, Anthony Hopkins, faisait manger à Tamora, la reine des Goths, la chair de ses propres enfants Chiron et Demetrius, incorporée dans un pâté en croûte, et se faisait trancher la main par un ustensile identique. Eh ! Anthony, ça devient une habitude ? Tu y prends goût ?

Bien. Je ne vois pas ce que je pourrais vous dire de plus sur Hannibal, mes amis. Il est temps pour moi de passer à table, permettez donc que je vous quitte et que je vous salue. À deux mains, si vous le voulez bien.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

L’exorciste

Réalisateur : William Friedkin

Titre original : The exorcist

Interprètes : Ellen Burstyn, Max von Sydow, Lee J. Cobb, Linda Blair

Scénario : William Peter Blatty, d’après son roman

Durée : 2 heure et 2 minutes en 1973, 2 heures et 12 minutes en 2000

Nouvelle sortie à Paris : mercredi 14 mars 2001

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Si vous ne lisez pas les journaux, autant vous prévenir : ce film ne date pas d’hier, ni même d’avant-hier, puisqu’il est sorti en 1973, et qu’on se contente cette fois, la mode étant au director cut, de ressortir ce vieux film augmenté de quelques minutes initialement coupées (à propos, quand verra-t-on enfin Le guépard en version intégrale ?). Il ne manquera pas d’attachés de presse pour soutenir, comme d’habitude, qu’il « n’a pas pris une ride », mais, à mon humble avis, cette pellicule était déjà démodée le jour de sa sortie. Le titre en dit assez pour comprendre que cette histoire de jeune fille possédée par le diable relève de ce genre tant prisé des Américains, le surnaturel. Certes, plus personne, hors du Vatican, ne croit encore à l’existence du démon, mais peu importe...

William Friedkin, qui fut aussi le deuxième mari de Jeanne Moreau, s’est fait connaître en 1970 avec Les garçons de la bande, d’après une pièce de théâtre qui se déroulait dans les milieux homosexuels de New York : une réception où l’on fêtait l’anniversaire d’un membre de la bande en question se terminait fort mal. En France, la pièce a été jouée à Paris, et Gérard Depardieu, débutant, y tenait un petit rôle, celui de Midnight Cowboy, un prostitué homo que l’on offrait en cadeau d’anniversaire au maître des lieux. C’était encore plausible, Gégé pesait alors deux tonnes de moins. Par la suite, Friedkin n’a pas persévéré dans ce genre intimiste et s’est lancé dans les grosses machines coûteuses, comme le célèbre French connection, puis L’exorciste, puis Sorcerer, remake du film français Le salaire de la peur, en beaucoup moins bien, et récemment Rules of engagement.

Pour tout dire, L’exorciste, réputé comme l’archétype du film d’horreur, inspire davantage la répulsion que la peur : on se lasse vite des torrents de grossièretés vomis par la « possédée », et de tout ce qu’elle vomit en sus, généralement de couleur verte. Un prêtre exorciste appelé à la rescousse y laissera sa vie, mais il est si antipathique (il a l’air d’un clergyman finnois) qu’on ne le regrette guère.

Le film a eu une suite, L’exorciste II, l’hérétique, réalisé en 1977 par John Boorman, un artiste, lui. Il dominait le premier par des qualités plastiques évidentes et un scénario beaucoup plus subtil. Bien entendu, il a eu moins de succès. Et c’est le premier qu’on ressort aujourd’hui. Ça vous étonne ?

En bref : à fuir.Haut de la page

Un monde meilleur

Réalisateur : Mimi Leder

Titre original : Pay it forward

Interprètes : Kevin Spacey, Helen Hunt, Haley Joel Osment, Angie Dickinson

Scénario : Leslie Dixon, d’après un livre de Catherine Ryan Hide

Durée : 2 heures

Sortie à Paris : mercredi 28 février 2001

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L’ardent défenseur (certains malveillants disent « l’obsédé ») de la langue française que je suis le reconnaît volontiers : notre langue maternelle a ses lacunes. Ainsi, nous ne possédons pas le système des prépositions qui rend l’anglais si souple, permettant à volonté la création de verbes inédits, selon les besoins. En français, nous sommes condamnés à la lourdeur dès que nous tentons de traduire une expression comme celle qui constitue le titre de ce film, et ce handicap explique le déballonnage du distributeur, qui n’a déniché qu’une platitude pour traduire Pay it forward. En anglais, to pay back, littéralement « payer en retour », signifie « rendre l’argent », donc « rembourser ». Mais comment traduire to pay forward, « payer vers l’avant » ? Le mot avancer (sous-entendu : une somme d’argent) est ambigu. Nous n’avons aucun terme concis exprimant cette idée, qui consiste, pour le petit garçon du film (joué par Haley Joel Osment, déjà vu dans Le sixième sens), à reconnaître un bienfait reçu en renvoyant l’ascenseur à quelqu’un d’autre que son bienfaiteur, ou plutôt à trois autres personnes, système pyramidal bien connu des escrocs, mais qui serait appliqué ici à l’entraide en société, quel progrès !

(À propos de cet enfant acteur, je l’avais qualifié de « tête à claques », et j’ai eu le plaisir de voir que, dans ce film, il s’en prenait une de la part de sa mère. Hélas, comme dans la quasi-totalité des films, à peine la baffe administrée, la maman se montre bourrelée de remords. Cliché !)

Pour en revenir à l’idée du scénario, « Le renvoi d’ascenseur, belle utopie ! », direz-vous, et le mot est prononcé, d’ailleurs, dans le dialogue. Riche idée, ajouterez-vous, mais riche surtout de potentialités génératrices de sensiblerie. Et cela ne rate pas. Mimi Leder, venue de la télé (elle a réalisé de nombreux épisodes d’Urgences), a débuté au cinéma en 1998 avec Deep impact, un film catastrophe passable. Celui-ci est son troisième, et si Un monde meilleur n’est pas un film meilleur, c’est qu’hélas, elle plonge tête baissée dans une sentimentalité poisseuse qui, très vite, après un début acceptable, rend le tout extrêmement ennuyeux. Ce défaut culmine dans la séquence finale des obsèques du gosse, mort poignardé par un camarade d’école : cérémonie nocturne visant à l’émotion maximale, tous ses copains présents avec une bougie allumée. On est prié de tirer son mouchoir... Même Kevin Spacey, qui était si bon dans Usual suspects, dans L.A. Confidential et dans American beauty, n’échappe pas au ridicule lorsqu’il raconte comment, à seize ans, l’amant de sa mère l’a arrosé d’essence avant d’y mettre le feu, un récit qui est loin de m’avoir enflammé, je ne vous le cache pas. Mais peut-être avais-je été distrait par l’agacement que m’ont procuré les sous-titres. Comme il y a déjà quelque temps que je désirais dire un mot sur ce sujet, voici l’occasion – « l’opportunité », disent les cons.

Les distributeurs, à mon sens, se fient un peu trop aux traducteurs chargés de fabriquer les sous-titres des films étrangers, car ces derniers semblent plutôt hantés par le souci, non de faire honnêtement leur boulot, qui est de traduire les dialogues originaux, et qui recèle beaucoup moins de contraintes que la tâche consistant à écrire les dialogues des versions doublées (puisque là, il n’y a pas lieu de se soucier de la synchronisation avec le mouvement des lèvres des acteurs), mais de faire valoir à quel point ils sont modernes et suivent scrupuleusement la dernière mode langagière – faute de quoi, bien sûr, on passe pour un has been. De sorte que le même mot est traduit différemment selon l’époque, et c’est là que ça devient pittoresque. Vous ne comprenez pas ? Vite, un exemple : il y a quarante ans, lorsqu’un personnage américain s’écriait « great », les sous-titres français traduisaient par « formidable » ; il y a vingt ans, on lui faisait dire « super » ; et aujourd’hui c’est « génial »... Allez comprendre pourquoi la traduction française d’un mot évolue, quand le mot anglais reste lui-même identique ! Il y a mieux, et le présent film le montre : à deux reprises ici, un même personnage dit « That’s it », et cette expression est traduite dans les sous-titres, d’abord par le très branché « Point barre » (si cher à Christine Bravo, mais qui fera ringard dans trois ans), puis, plus tard, par son équivalent correct « C’est tout ». Absurde !

Mais, ce qui semble dominer surtout chez les adaptateurs français, c’est la vulgarité conjuguée avec les trouvailles d’un esprit torturé. Voyez comme, littéralement, ils cherchent midi à quatorze heures au lieu de rester simples, et ne trouvent que des solutions raccoleuses. Il y a quelques mois, dans un film d’action, une fille demandait à un voleur de voitures ce qu’il préférait, « Having sex or stealing cars », en clair et sans la moindre fioriture argotique : faire l’amour ou voler des voitures. Or les sous-titres français lui faisaient dire « Tirer un coup ou tirer une caisse ». Ce jeu de mots sur tirer était totalement absent du dialogue d’origine, et se triplait d’un terme argotique et d’une grossièreté qui n’y figuraient pas non plus. Bref, au lieu de chercher l’équivalent exact des phrases originelles, le traducteur se faisait plaisir et prêtait son propre langage aux personnages. Abus de confiance à l’égard des spectateurs qui ne comprennent pas l’anglais, ni plus ni moins. Et cela fait penser à ces metteurs en scène de théâtre qui ont la prétention de comprendre le sens d’une pièce bien mieux que son auteur, et en imposent leur « relecture ». Eh oui, mes amis, le ridicule a cessé de tuer. Comme on dit à la Poste, ça c’est une bonne nouvelle !

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

La langue des papillons

Réalisateur : José Luis Cuerda

Interprètes : Fernando Fernan Gomez, Manuel Lozano Obispo, Uxia Blanco, Martin Uriarte, Alexis de Los Santos, Guillermo Toledo

Durée : 1 heure et 35 minutes

Sortie à Paris : mercredi 14 mars 2001

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À moins de fréquenter le Latina, rue du Temple à Paris, on a peu de chance de voir un film espagnol. Il est vrai que dans l’ensemble, on ne perd pas grand-chose, et la disparition des contraintes exercées par la censure franquiste a entraîné une certaine médiocrisation du cinéma d’outre-Pyrénées. Ne me jetez pas Pedro Almodóvar à la figure, s’il vous plaît, il y a longtemps que ce casseur de briques est rentré dans le rang. La langue des papillons échappe à ce triste sort et passe dans un grand circuit de distribution.

L’action se déroule en 1936, alors que s’affrontent en Espagne les Républicains et les fascistes. Moncho est un petit garçon timide. Atteint d’asthme, il découvre l’école pour la première fois, et a la chance de tomber sur un vieux maître qui ne bat pas les gosses, les respecte et leur apprend la vie. De conviction républicaine, cet homme n’a pas que des amis dans le village, et la victoire des fascistes en fera un proscrit peu après son départ à la retraite. Le film nous conduit lentement à la scène cruciale de l’histoire, où l’on voit les vaincus, partisans de la République, forcés de conspuer, afin de sauver leur peau, leurs amis de la veille. Comble d’horreur, Moncho insulte son vieux maître et lui lance une pierre (c’est l’image de l’affiche), alors que le vieillard prisonnier est emmené, en camion, Dieu sait où, avec les partisans de l’ancienne légalité.

On est loin de la mièvrerie qu’annonçait à tort la bande-annonce du film, et que faisait craindre le côté « monde vu par les yeux d’un enfant » qui sévit si fréquemment au cinéma. Et pour une fois qu’un film espagnol de qualité sort dans un grand circuit plutôt que dans une petite salle confidentielle, profitez-en, ça ne recommencera pas de sitôt.

En bref : à voir.Haut de la page

Les morsures de l’aube

Réalisateur : Antoine de Caunes

Interprètes : Guillaume Canet, Gérard Lanvin, José Garcia, Asia Argento, Gilbert Melki, Vincent Pérez

Scénario : Laurent Chalumeau, d’après un roman de Tonino Benacquista

Durée : 1 heure 35

Sortie à Paris : mercredi 21 mars 2001

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Mais qu’est-ce qu’ils ont tous, les animateurs de télé, à vouloir devenir auteurs de cinéma ? Il n’en est pas un qui ne se soit planté en tentant le grand saut : Karl Zéro avec Le tronc, Édouard Baer avec La bostella, Les Nuls avec La cité de la peur, Patrick Sébastien avec T’aime, Benoît Delépine avec Michael Kehl contre la World Company, et on attend Laurent Baffie d’une part, Éric et Ramzy d’autre part. Pourvu que Lagaf’ se tienne tranquille ! Les réalisateurs de télévision eux-mêmes loupent le coche, comme on l’a vu avec le Babel de Gérard Pullicino, le complice de Nagui. Il n’y a guère que Bernard Rapp qui s’en soit sorti à peu près honorablement avec son Tiré à part, au point de passer le cap du second film, raté celui-là, Une affaire de goût.

Aujourd’hui, c’est Antoine de Caunes qui se lance, non sans audace car le genre est casse-gueule, dans le cinéma fantastique. Eh bien le résultat, lui, n’est pas fantastique. J’aime beaucoup Antoine de Caunes, et nous avons tous gardé le meilleur souvenir de ses délires à Nulle part ailleurs, une émission faite pour lui et par lui, avec la complicité nonchalante de son gros nounours et mentor, Philippe Gildas, et de son partenaire José Garcia. Et puis, Antoine a désiré faire autre chose, l’acteur en l’occurrence, et on le comprend, car le surmenage le guettait. Être acteur dans un film, c’est beaucoup moins fatigant et ça n’impose que peu de responsabilités. Depuis, accessoirement, Nulle part ailleurs a sombré, entraînant dans le naufrage Alain De Greef, le directeur des programmes de Canal Plus. « Plouf ! Plouf ! La vie parfois fait plouf ». De Caunes, lui, a tourné dans deux ou trois navets sans conséquence, desquels ne surnage qu’un assez bon film, L’homme est une femme comme les autres, où il avait un rôle intéressant de clarinettiste juif homosexuel, et où il montrait ses fesses, non moins intéressantes.

Guillaume Canet interprète ici Antoine, un fêtard porté sur le bluff : sa spécialité, s’inscruster dans les endroits où l’on s’amuse et où il n’est pas invité. Un soir, il prétend être le copain d’un « roi de la nuit », Jordan... qu’il n’a seulement jamais vu. L’ennui, c’est que quelqu’un cherche en vain Jordan, gobe la vantardise d’Antoine, et le charge de retrouver l’homme-mystère, moyennant un million de francs tout de même. Au cours de ses recherches, notre charlot va tomber sur un couple de vampires – réels ou supposés, on ne le saura pas. Bref, c’est une parodie. Mais une parodie de quoi, là est le hic.

Eh oui, Antoine de Caunes a voulu trop en faire, comme beaucoup de débutants, et son film, sans être déshonorant, est un fourre-tout dont on se lasse vite. Ce n’est pas que les idées manquent, mais elles ne mènent à rien. Et puis, si les deux acteurs masculins, Gérard Lanvin et Canet, sont passables, la vedette féminine, Asia Argento, la fille du réalisateur de films d’horreur Dario Argento, manque terriblement de charisme. Bref, un film pour rien. C’est dommage, on aurait aimé aimer.

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Presque célèbre

Réalisateur et scénariste : Cameron Crowe

Titre original : Almost famous

Interprètes : Billy Crudup, Frances Mac Dormand, Kate Hudson, Jason Lee, Patrick Fugit, Philip Seymour Hoffman

Durée : 2 heures 3 minutes

Sortie à Paris : mercredi 21 mars 2001

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William est passionné de rock, écrit des critiques musicales dans un journal local, et désire en faire son métier au lieu de devenir avocat, comme le voudrait sa mère. Conseillé par Lester Bangs, un critique intègre (l’excellent Philip Seymour Hoffmann, qu’on a vu dans Magnolia et dans Le talentueux Mr Ripley), qui le pousse à être « honnête et sans pitié », il parvient à se faire engager par « Rolling Stone », le fameux magazine spécialisé. Abandonnant ses études, il va réussir à s’intégrer dans un groupe de rock en pleine ascension et dont il est fan, Stillwater. C’est l’occasion d’une éducation à la fois artistique, professionnelle et sentimentale.

Détail, William n’a que 15 ans, et le journal qui l’a engagé ignore ce détail, car il a décroché par téléphone le travail que le magazine lui a confié : faire un article de fond sur le groupe Stillwater. Peut-être en raison de son jeune âge, peut-être parce que, dans les professions artistiques, on se méfie toujours des journalistes – et à juste titre, même si on essaie de les utiliser –, il aura le plus grand mal à venir à bout de son reportage. Et puis, a-t-il le droit de révéler tout ce qu’il a appris sur ses amis musiciens, drogues, vie de bâton de chaise, et autres pratiques quotidiennes du monde des artistes ?

Le réalisateur Cameron Crowe a vécu personnellement cette histoire qui flirte à la fois avec la guimauve et avec le sordide sans jamais y tomber, et filme cela sur un ton suffisamment alerte pour que son film se démarque totalement des films du même genre. Sa réussite fait heureusement oublier son Jerry Maguire de 1996, film sur un publicitaire repenti, complètement raté en raison d’un scénario sans crédibilité. En dépit du milieu dépeint ici, jamais la bande sonore n’est tonitruante, et on ne dit pas « fuck » toutes les trente secondes. C’est reposant.

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Quills, la plume et le sang

Réalisateur : Philip Kaufman

Scénario : Doug Wright

Titre original : Quills

Interprètes : Geoffrey Rush, Kate Winslet, Joaquin Phoenix, Michael Caine

Durée : 2 heures 4 minutes

Sortie à Paris : mercredi 21 mars 2001

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Le mot quill, en anglais, désigne ces plumes d’oie qui servaient autrefois à écrire. Ce film va donc traiter de l’écriture, mais sur le mode tonitruant, manière de montrer que cette passion n’est pas de tout repos.

Le marquis de Sade est interné à l’asile d’aliénés de Charenton, or il parvient à faire passer à l’extérieur ses manuscrits, pornographiques le plus souvent, qu’il y rédige ; lesquels sont aussitôt publiés, or ça énerve Napoléon. En vue de soigner la propagande de l’empereur auto-proclamé, on lui envoie un médecin (à Sade, pas à Napo, dommage) pas précisément adepte des médecines douces chères à Rika Zaraï, et qui va se charger de serrer la vis au divin marquis, jusqu’ici gardé par un jeune abbé trop idéaliste (il est joué par Joaquin Phoenix, dont je regrette d’avoir écrit, à propos de Gladiator, qu’il était très laid. En fait, il n’est pas si mal et joue fort convenablement). Mais Sade est un dur à cuire : on lui confisque son papier, son encre et ses plumes, il écrit sur ses draps avec du vin et un os de poulet ; on lui enlève sa literie et on le met à la diète, il écrit sur ses vêtements avec son sang ; on l’enferme nu dans une cellule vide, il écrit sur les murs avec ses excréments ! Ça nous change de ces écrivains qui transforment la littérature en merde, précisément...

Bien sûr, l’histoire finira très mal. En dépit de quelques libertés prises avec la vérité historique, (non, on n’a pas coupé la langue de Sade, non, il n’est pas mort à Charenton en avalant la croix d’un chapelet, d’où sortent ces âneries ?), le récit est très fort et plaide ardemment en faveur de la liberté d’expression. Le marquis mort, c’est dans la personne de son ancien geôlier, le jeune abbé, que passe l’esprit de liberté. Emprisonné, il veut écrire, on l’en empêche, il trouve un subterfuge, et toute l’histoire va recommencer. Moralité : on ne fait pas taire ceux qui, plus que tout, veulent crier la vérité sur leur époque. Je conseille la vision de ce film à ceux qui pensent qu’on n’en a pas encore fini avec les livres, informatique ou pas. Les autres, retournez à vos consoles de jeux.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

La Tour Montparnasse infernale

Réalisateur : Charles Nemes

Scénario : Kader Aoun, Ramzy Bedia

Interprètes : Éric Judor, Ramzy Bedia, Mariana Foïs, Serge Riaboukine, Michel Puterflam, Pierre-François Martin-Laval, Joe Starr, Jean-Claude Dauphin

Durée : 1 heure 30 minutes

Sortie à Paris : mercredi 28 mars 2001

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Encore des comiques de télé qui tentent leur chance dans le cinéma, toujours avec le même bonheur ! Il est probable que pour apprécier les numéros aussi longuets que pitoyables d’Éric et Ramzy, ainsi que leurs gags à deux balles (comme de faire jouer le planton d’un poste de police par Joe Starr), on doive posséder le fameux « esprit Canal », mais hélas, tout le monde n’a pas ce privilège... Dommage, car ces deux garçons ne sont pas idiots et ont de la répartie, mais le cinéma en exige davantage.

J’avais très mal dormi la nuit précédente, et je vous garantis que j’ai rattrapé mon retard. Si vous souffrez d’insomnies, n’hésitez pas : la place de cinéma coûte, en gros, le prix d’un tube de barbituriques, et le film vous fera autant d’effet que son contenu entier.

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Mercredi folle journée !

Réalisateur : Pascal Thomas

Scénario : François Caviglioli, Nathalie Lafaurie

Interprètes : Vincent Lindon, Alessandra Martines, Victoria Lafaurie, Catherine Frot, Olivier Gourmet, Anne Le Ny, Kelly Acoaca, Isabelle Carré, Clara Navarro

Durée : 2 heures 7 minutes

Sortie à Paris : mercredi 28 mars 2001

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Pascal Thomas s’était fait connaître en 1973 avec Les zozos, et avait remporté un succès l’année suivante avec Pleure pas la bouche pleine. Depuis, tout en continuant de tourner, il n’avait pas vraiment brisé les vitres. Il est revenu au devant de la scène avec La dilettante, en 1999. C’est le cinéaste de la province et de la classe moyenne. Son dernier film se passe à Nantes, ville très vivante mais pas très belle parce que trop rénovée (les bords de la Loire à Nantes sont ce qu’il y a de plus moche sur le cours de ce fleuve), et a le mérite de ne pas tomber dans les clichés habituels aux cinéastes qui en font le cadre de leurs films, puisque, à aucun moment, il ne nous montre le passage Pommeraye !

L’inconvénient avec les films qui servent une « tranche de vie » au lieu de raconter une histoire, c’est qu’on peut y fourrer n’importe quoi, et que, généralement, ils consistent en une suite de sketches dont l’intérêt est divers. Dans le cas présent, si la plupart des scènes qui mettent des enfants en scène sont rafraîchissantes, on se lasse assez vite de regarder Vincent Lindon – acteur peu attrayant, perpétuellement débraillé, et qui semble toujours avoir passé la nuit dans une benne à ordures –, de suivre son personnage, un cavaleur impénitent et joueur invétéré, et les aventures très peu inattendues qui lui arrivent au cours de cette journée où il doit prendre en charge sa fille que, divorcé, il voit rarement. Si bien que l’intérêt qu’on prend à ce film beaucoup trop long se dilue la première heure passée.

Et puis, le spectateur sent un peu trop qu’on a voulu doser la fantaisie et le drame afin d’en donner pour tous les goûts, et la séquence de la mort d’une droguée par overdose apparaît comme plaquée sur cette comédie, dont ne retiendra guère que les personnages du commissaire et de l’instituteur, qui font vrai, eux. Cela dit, le film n’a rien de déshonorant.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

[Entracte 5]

Pour détendre un peu l’atmosphère, si nous recensions quelques clichés cinématographiques ? Vous en connaissez peut-être d’autres que ceux qui suivent ; envoyez-les moi, et je les inclurai dans la liste avec votre nom. Allons-y :

 

Dans un film, lorsqu’un personnage ouvre la porte d’un frigo, il ne la referme jamais.

Dans un film, lorsqu’un personnage se brosse les dents, il ne se rince la bouche qu’une fois, et ne rince jamais la brosse à dents.

Dans un film, lorsqu’on rend service à un personnage et que, embarrassé, il bafouille « Je ne sais pas quoi dire », on lui répond toujours : « Eh bien, ne dites rien ! »

Dans un film, lorsqu’un personnage en voiture veut s’arrêter en ville, il trouve toujours de la place à l’endroit exact de sa destination.

Dans un film, lorsqu’il y a une conférence avec projection d’un document ou de diapositives sur un écran, le conférencier se place toujours entre l’écran et le projecteur, et ses auditeurs ne lui disent pas de se pousser un peu.

Dans un film, lorsque les personnages tapent un message électronique ou bavardent sur un site de dialogue en direct, ils ne font jamais de fautes d’orthographe.

Dans un film, lorsqu’un personnage boit du thé et du café, on voit bien, à sa façon de tenir la tasse, que celle-ci est vide.

Dans un film, lorsqu’un personnage sort une lettre d’une enveloppe qu’il vient de décacheter, la lettre, par on ne sait quel mystère, est toujours froissée, alors que l’enveloppe ne l’est pas.

Dans un film, lorsqu’un personnage quitte un lieu, il dit toujours avant : « Bon, ben, faut qu’j’y aille ».

Dans un film, lorsqu’un personnage a fini de se raser, il essuie toujours la mousse avec une serviette, jamais avec le gant qui lui sert à se laver la figure et qu’il pourrait rincer ensuite.

Dans un film, lorsqu’un personnage habillé s’allonge sur un lit, jamais il n’enlève ses souliers.

Dans un film, lorsqu’un personnage téléphone, ce n’est jamais occupé, on lui répond immédiatement.

Dans un film, lorsqu’un personnage doit donner un pourboire, il a toujours de la monnaie.

Dans un film, lorsqu’un policier s’approche d’une voiture dont le conducteur a commis une infraction, il est toujours filmé depuis l’intérieur de la voiture.

Dans un film ayant pour cadre un collège avec un internat, il y a toujours une scène de douches (chez les garçons). Si ça se passe dans une prison, il y a en plus une scène de viol.

Dans un film qui se passe aux États-Unis, les numéros de téléphone commencent toujours par 555.

Dans un film de procès qui se passe aux États-Unis, le juge est presque toujours un Noir. Mieux, une femme noire.

Dans un film, lorsqu’on pénètre dans une église, on entend toujours jouer de l’orgue.

Dans un film, lorsqu’on pénètre dans un couvent, on entend toujours sonner une cloche.

Dans un film, lorsqu’on veut montrer qu’on est à Paris, on met toujours de l’accordéon.

Dans un film, lorsqu’un personnage paie sa consommation au café, il ne ramasse jamais la monnaie.

Envoi de Clochette : Dans un film, lorsqu’un personnage est poursuivi et qu’il se réfugie dans un cinéma, il n’y a jamais la queue à la caisse.

Envoi de Valérie Belderrain : Dans un film, lorsqu’un personnage reçoit un coup de téléphone, c’est toujours l’appel important qu’il attendait, jamais celui d’un sondeur ou d’un démarcheur en assurances.

Envoi de Valérie Belderrain : Dans un film, quand un personnage veut retirer de l’argent d’un distributeur, celui-ci n’est jamais vide ni en panne.

Envoi de Denis Ambrois : Dans un film, les personnages qui utilisent un ordinateur ont toujours un Macintosh.

Envoi de Fifide : Dans un film, lorsque sonne un téléphone mobile, c’est toujours une sonnerie basique et sans fioritures, alors que la plupart des possesseurs de ces engins ont à cœur de personnaliser leur gadget avec une sonnerie à la mode.

*

Oui, mais dans la vie, ce n’est jamais comme ça. Quelques exemples pris dans mon existence personnelle :

 

Dans la vie, quand vous venez de faire la queue durant une demi-heure devant un guichet, et qu’enfin votre tour arrive, l’employé se découvre toujours quelque chose d’urgent à faire ailleurs.

Dans la vie, quand quelqu’un, au milieu de la foule, s’arrête brusquement pour réfléchir, c’est toujours dans l’embrasure d’une porte, dans un couloir étroit, à l’entrée ou à la sortie d’un escalator, bref, juste là où cela gêne le plus les gens qui veulent passer ; et il ne voit jamais que vous attendez.

Dans la vie, si vous asseyez sur une pelouse où tout le monde est déjà vautré impunément, c’est vers vous que le gardien bondit afin de vous rappeler que c’est interdit.

Dans la vie, quand vous choisissez un plat au restaurant, justement il n’y en a plus.

Dans la vie, quand vous achetez un nouvel appareil électro-ménager, vous tombez toujours sur le seul modèle du magasin qui possède un vice de fabrication.

Dans la vie, quand vous partez en vacances, il y a toujours une grève des transports.

Dans la vie, quand vous espérez assister à une avant-première d’un film, il n’y a plus de place au moment précis où vous parvenez enfin à la caisse.

Dans la vie, quand un mendiant fait la manche au milieu de la foule, c’est toujours vers vous qu’il vient.

Dans la vie, quand vous désirez emprunter un livre à la bibliothèque, il est toujours sorti.

Dans la vie, quand une paire de chaussures vous plaît, il n’y a jamais votre pointure.

Dans la vie, quand vous venez d’acheter une belle écharpe, vous l’oubliez au cinéma dès votre première sortie.

Dans la vie, quand vous vous placez tout seul au théâtre pour échapper à l’ouvreuse, vous vous asseyez toujours à une place qui n’est pas la bonne, et vous finissez par vous faire engueuler devant tout le monde.

Dans la vie, quand vous avez décidé d’enregistrer enfin le film que vous attendiez depuis dix ans, votre magnétoscope tombe toujours en panne, ou bien vous n’avez plus de cassette vierge, ou la télé passe la version doublée alors que vous vouliez la version originale.

Dans la vie, quand vous donnez à réparer un appareil sous garantie, le fabricant est précisément est rupture de stock de pièces détachées, et il doit les commander à Taïwan.

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Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.