JPM - Films - Notules - Juillet 2004

Notules - Juillet 2004

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italique, autres que des films) : Amour et amnésie50 first datesL’armée des mortsDawn of the dead – Zombie – Cannibal holocaust – Super size meFat bottomed girl – Roger et moi – Le monde de Bush – Superman – Les risques du métier – Le seigneur des anneaux – Harry Potter – 2001, Odyssée de l’espace – First a girl – Victor Victoria – Le facteurIl postino – 1984 – L’arche russe – Le village des damnés – Les révoltés du Bounty – Le guépard – Shrek 2 – Alexandrie... New York – From hell – Le magicien d’Oz – Peter Pan (1953) – Fahrenheit 9/11 – Spiderman 2Bienvenue en Suisse – Coming apart – Vérités et mensongesF for fakeAbout fakesTableaux de chasse – La règle du jeu – Seuls les anges ont des ailes – Vidocq – Catwoman – Le garçon d’honneur – Brokeback Mountain – Le terminal – Arrête-moi si tu peux – Brando et Brando – Goodbye “Dragon inn”Bu san – Et là-bas, quelle heure est-il ? – Les quatre cents coups – Vive l’amour – Cinema Paradiso

Personnes citées : Peter Segal – Zak Snyder – Queen – Morgan Spurlock – Michael Moore – Abraham Lincoln – Jésus – George W. Bush – Ronald MacDonald – William Karel – Marlon Brando – San-Antonio – Elvis Presley – Marina Vlady – Georges Clemenceau – Jacques Brel – André Cayatte – Jean-Paul Grousset – Danny DeVito – Gary Cooper – James Stewart – Jacques Santini – Les Monty Python – Catherine Breillat – Jack Lang – Jean-Luc Godard – Victor Saville – Griffith Jones – James Garner – Blake Edwards – Patrick Brion – Jessie Matthews – Michael Radford – Philippe Noiret – Youssef Chahine – Jack l’Éventreur – Johnny Depp – Victor Fleming – King Vidor – Richard Thorpe – Mervyn LeRoy – Adolf Hitler – Benito Mussolini – Slobodan Milosevic – Joseph Mobutu – Fidel Castro – Mao Tse-toung – Sékou Touré – Joseph Staline – Hassan II – Francisco Franco – Luchino Visconti – Jeanne Labrune – Danielle Dubroux – Ingmar Bergman – Alfred Hitchcock – Federico Fellini – Claude Chabrol – Orson Welles – Elmyr de Hory – Roger Peyrefitte – Pablo Picasso – Jean-Pierre Darroussin – Howard Hawks – Paul Thomas Anderson – Woody Allen – Satyajit Ray – Ken Loach – Charlie Chan – Jean-Claude Vandamme – Halle Berry – Ang Lee – Steven Spielberg – Marlon Brando – Ming-liang Tsai – Tien Miao– Jean-Pierre Léaud – François Truffaut

Amour et amnésie

Jeudi 1er juillet 2004

Réalisé par Peter Segal

Sorti au Canada et aux États-Unis le 13 février 2004

Sorti en France le 30 juin 2004

Amour et amnésie n’est que le Titre À La Con dont le film est affublé par les distributeurs français. Son titre originel est 50 first dates (« Les cinquante premiers rendez-vous amoureux »). Henry et Lucy se rencontrent à Hawaii, mais la fille, amnésique, doit être reconquise chaque jour. Ouarf !

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L’armée des morts

Jeudi 1er juillet 2004

Réalisé par Zack Snyder

Titre original : Dawn of the dead

Sorti aux États-Unis le 10 mars 2004

Sorti en France le 30 juin 2004

L’armée des morts (titre original : Dawn of the dead) est un petit film sympathique et très agréable à voir, bien fait, très spectaculaire, dû à Zak Snyder, qui réalise son premier long-métrage. C’est un remake de Zombie (mais le titre original est le même), lequel fait partie de la série de George Romero sur les morts-vivants. Ici, très peu de gore, et le film n’est ni repoussant, ni complaisant. Une séquence curieuse, celle où les assiégés, réfugiés dans un centre commercial, commencent à s’amuser en faisant des cartons sur les assiégeants – les morts-vivants –, soit à coups de fusil, soit en les bombardant avec des balles de golf !

Ce n’est pas un chef-d’œuvre, mais un film tout à fait visible.

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Super size me

Vendredi 2 juillet 2004

Réalisé par Morgan Spurlock

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 17 janvier 2004

Sorti en France le 30 juin 2004

Super size me, que pour une fois on n’a pas traduit par un TALC (Titre À La Con, pour ceux qui ont manqué le cours précédent), commence par une musique appropriée : Fat bottomed girl, de Queen. Visiblement, Morgan Spurlock a pris des leçons chez notre cher Michael Moore, et on peut dire que, sur le plan du pur langage cinématographique, il fait plutôt mieux que son maître, car son film est vraiment très bien fabriqué, visuellement plus inventif que chez Moore. Les procédés, eux, sont les mêmes, y compris dans la demande d’interview avortée que celui-ci avait utilisée dans Roger et moi.

Ce film anti-McDonald’s relève de ce qui est en train de devenir un nouveau genre, aux États-Unis du moins, où on le pratique pourtant peu : le pamphlet politique. Je serais assez favorable, mais, pour une fois, ce que personne n’a fait dans la presse, je vais mettre un bémol, d’autant plus que le film est sorti au festival de Sundance, ce qui le rend suspect.

Le cinéma n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais un instrument d’enquête scientifique. Un film ne peut constituer une preuve, surtout s’il n’est pas étayé par des éléments indiscutables un peu plus solides que ceux qu’on voit ici. Bien sûr, tout ça est assez drôle, et parfois effrayant, mais, à titre d’exemple, voyez plutôt cette séquence : on présente à une demi-douzaine d’enfants entre six et huit ans des photos de personnages célèbres ; le portrait d’Abraham Lincoln, un seul gosse le reconnaît ; celui de Jésus, personne (un enfant répond que c’est George Bush) ; mais le portrait de Ronald McDonald, le clown de la pub du fast-food, tous le reconnaissent immédiatement. Très bien, mais qu’est-ce que cela prouve ? Faites la même expérience en France, ou en Afrique, ou n’importe où, avec un personnage de la pub, et vous obtiendrez un résultat identique !

Le film est parsemé d’interventions de personnages présentés comme des médecins : diététiciens, cardiologues, généralistes, etc. Mais ils sont tous inconnus. N’y a-t-il pas une possibilité de bidonnage ? Lorsque William Karel, l’auteur du film dont on a parlé ici, Le monde de Bush, aligne les interviews, il prend des personnalités célèbres, indiscutables, dont il ne pourrait pas truquer les interventions, et donne leur nom et leurs titres. Ici, tout est possible, y compris de voir des acteurs jouer les médecins devant la caméra.

Et puis, il y a ce qu’on voit, et qui est tellement outré qu’on a parfois un doute. Ainsi, dès le PREMIER repas pris chez McDonald, Spurlock est malade et vomit tout dans la rue. Vous y croyez, vous ? Tout ce qui est excessif est sans portée. À la fin de son régime, au moment du bilan, il prétend avoir ingurgité 30 livres de sucre en un mois, ce qui signifie 454 grammes de sucre par jour. À d’autres ! S’est-il vraiment, au bout de trois semaines seulement, trouvé à deux doigts de voir son foie détruit ? Quant aux 11 kilos qu’il aurait pris en un mois, on ne les voit pas vraiment sur les deux photos comparatives qui nous sont présentées, et je me fais fort de prendre de moi deux photos du même genre à quelques minutes d’intervalle, en gonflant le ventre et en m’affaissant un peu, alors qu’évidemment je n’aurais pas pris un gramme.

Bref, allez voir le film, mais comme chez McDonald, n’avalez pas tout !

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Marlon Brando

Vendredi 2 juillet 2004

Déluge de larmes sur la mort de Marlon Brando (Branlons Mado, comme disait San-Antonio). Comme de coutume, « un géant du cinéma », « un titan », « il pouvait tout jouer », etc. Reste que c’était un mauvais acteur qui exigeait des cachets pharamineux : souvenez-vous des dix millions de dollars qu’il a exigés – et obtenus – pour trois minutes d’apparition dans Superman.

Obèse par sa faute, comme Presley, Brando incarnait justement ce dont parle le film Super size me. Mais on a aussi beaucoup raillé sa diction paresseuse. Quelqu’un avait écrit qu’il commençait une phrase à Noël et la terminait à Pâques.

La qualité humaine de l’homme ? Demandez à Marina Vlady, qu’il avait essayé de sauter sans trop lui demander son avis. Elle l’avait envoyé au bain, et il semble qu’elle n’ait pas perdu grand-chose, selon certaines indiscrétions féminines.

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Outreau, outrances

Vendredi 2 juillet 2004

« Regret et compassion » du ministre de la Justice sur les malheureux qui se sont tapé trois ans de prison pour des actes de pédophilie, alors qu’ils étaient innocents. Et bien sûr, promesse de mettre en place un « groupe de travail ». Comme disait Clemenceau, « quand je veux enterrer une affaire, je nomme une commission ». Et pas une cellule de soutien psychologique ?

Il n’empêche qu’il serait temps de se préoccuper de cette question du témoignage des mineurs. Aucune erreur, c’est en 1967 que Jacques Brel a tourné son premier film, Les risques du métier, d’André Cayatte. Il y jouait un instituteur envoyé en prison après avoir été faussement accusé de viol par une fille de quinze ans. Donc, dès 1967, et ça ne fait que trente-sept ans, il y avait en France des intellectuels et des artistes qui se préoccupaient de la question. Mais les ministres de la Justice, eux, se souciaient surtout de leur réélection...

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Retour sur Super size me

Vendredi 2 juillet 2004

Je ne dis pas que le film Super size me est bidonné, mais qu’il y a une possibilité de bidonnage. Ce qui me fait bouillir, c’est qu’aucun journaliste n’a vérifié la complète réalité de cette histoire. Classique : on reproduit le dossier de presse distribué par les attachés de presse du distributeur, et chacun répète ce qu’a dit le voisin. Vous savez quoi ? Je ne lis aucun article sur le cinéma paru dans les journaux. Une fois, j’ai eu la bêtise de le faire, et d’écrire qu’un certain réalisateur avait tourné un scénario dont sa femme était l’auteur. L’intéressé m’a écrit pour me dire que c’était faux, et j’ai rectifié.

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Les critiques du « Canard enchaîné »

Samedi 3 juillet 2004

Les « critiques de films » du « Canard enchaîné » ne méritent pas ce nom. Guère plus copieuses que les notules que j’écris ici, elles sont aussi, régulièrement, à côté de la plaque. Celles signées de Jean-Paul Grousset sont clonées à la photocopieuse, il écrit le même texte depuis quarante ans. Vérifiez, vous verrez ! De plus, il ne traite que de morale, pas de cinéma, car il n’y connaît rien. Les autres auteurs sont un peu plus avisés, et encore, mais aucun n’a la place de faire un article de fond : ils résument l’intrigue en deux phrases et disent s’ils ont aimé ou pas. Rien de sérieux. Ce n’est pas de la critique.

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Marlon Brando

Samedi 3juillet 2004

« Un géant nommé Désir », ils sont gentils, les chercheurs de clichés de la presse. Espérons qu’ils parlaient au sens figuré, parce qu’au sens propre, Marlon Brando, par la taille (et le gabarit, dans les trente dernières années), était physiquement plus proche de Danny DeVito que de Gary Cooper ou James Stewart. Beau et con à la fois, il incarnait l’idéal chanté par Jacques Brel. Mais il avait mis au point une technique de jeu qui le différenciait des autres acteurs, et qui concernait sa vitesse d’élocution : vous voyez la marionnette de Santini aux Guignols ? Pareil ! Je vous rappelle la fameuse blague déjà citée plus haut, pour que vous puissiez la replacer : il commençait une phrase à Noël et la terminait à Pâques.

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Retour sur Amour et amnésie

Samedi 3 juillet 2004

Oublié, en parlant d’Amour et amnésie, de mentionner un petit détail curieux. L’année dernière, sur mon forum généraliste, on avait parlé de spam. J’avais raconté que ce mot n’avait pas été inventé par les Monty Python, comme on le dit toujours, mais que c’était une marque de corned-beef vendue au début du siècle dernier. Ce que j’ignorais, car il y a des choses que j’ignore, mais si mais si ! c’est que la marque existe toujours. Dans le film cité, qui est de cette année, on voit plusieurs boîtes de Spam, et même une camionnette de la marque. C’est donc encore en vente, au moins à Hawaï, puisque l’histoire s’y déroule. Ils bouffent n’importe quoi, ces Hawaïens. Feraient d’aller au McDo.

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La carte UGC

Dimanche 4juillet 2004

Je ne crois pas du tout que la carte UGC ait tué – ou tuera – le cinéma. C’est si vrai que ses adversaires du début, Gaumont et MK2, ont fini par lancer leur propre carte. À la fin, tout le monde est satisfait, exploitants et spectateurs.

Pour ce qui me concerne, ce n’est pas deux ou trois fois par mois que je l’utilise, mais quatre ou cinq fois par semaine ! Je ne pourrais pas voir autant de films si je devais payer mon billet chaque fois. Quant à dire que je visionne tout sans faire aucun choix par souci de rentabiliser ma carte, ce n’est pas le cas, je continue de voir les bons films (que j’espère tels, en tout cas) et de laisser de côté les grosses machines genre Le seigneur des anneaux et Harry Potter. Dans la salle, je ne consomme pas non plus la moindre nourriture, et je refuse les menus à base de cochonneries sucrées si on m’en propose à la caisse. N’étant pas un personnage exceptionnel, je suis persuadé que chacun peut en faire autant.

Bref, un cinéphile de niveau normal est très capable, tout en profitant de ce qu’on lui offre à bas prix, de conserver son esprit critique et de ne pas suivre comme un mouton de Panurge. Faire obstacle à la carte sous le prétexte de protéger les gens contre leur mauvais goût, ce serait vouloir faire le bonheur d’autrui malgré lui, et je trouverais ce style de protection encore pire que le mal. Si les spectateurs sont assez niais pour aller en masse voir le dernier Besson, grand bien leur fasse ; de toute façon, l’expérience a montré que les blockbusters se cassaient la figure assez vite, en dépit de la monopolisation des salles durant la première semaine et du matraquage publicitaire.

Les salles concurrentes menacées de disparition ? Je connais très bien le problème : j’ai fait des recherches pour un recensement annuel et par arrondissement de toutes les salles de Paris sur vingt années de suite, et je tiens les données à la disposition de quiconque est intéressé ; elles démontrent que la disparition des salles indépendantes est bien antérieure à la création de la carte UGC. Un exemple : jusque vers 1980, il y avait dix-sept salles dans le minuscule rectangle boulevard Saint-Michel-boulevard Saint-Germain-rue de la Harpe-rue Saint-Jacques. Ce nombre est tombé à zéro en quelques mois, il y a... un quart de siècle !

Enfin, quand un film intéressant passe ailleurs que dans une salle UGC, j’y vais et je paye. Le MK2 Beaubourg est à deux pas de chez moi, et je le fréquente assez souvent. Mais : 1) les films en exclusivité qu’il passe sont souvent programmés aussi dans les salles UGC, et 2) les autres sont des reprises.

Et puis, si un film se foutait de Vivendi (ça n’existe pas, et ce n’est pas la faute des distributeurs, mais des scénaristes et réalisateurs), il passerait partout s’il était rentable. La seule « censure », c’est celle-là : rentable ou pas. Et elle n’est pas féroce, quand on voit que Catherine Breillat trouve de l’argent pour des films que personne ne va voir.

*

Je ne me pose pas en modèle du spectateur type, mais il y a tout de même beaucoup de personnes qui savent que le cinéma était naguère un divertissement de pauvre (dans ma famille, on était vraiment fauché, mais on allait au ciné tous les dimanches, et dès l’âge de 10 ans, j’ai commencé à y aller deux fois par semaine), et qui l’ont vu devenir un divertissement pour bourgeois au portefeuille bien garni. Ce que je défends, c’est le point de vue suivant : chacun est libre d’être con ou pas, tant que ça ne gêne pas les autres, et de faire l’usage qu’il veut d’une carte qu’il a achetée librement. Mais je réfute une attitude de principe, frisant l’intégrisme, et visant à restreindre une commodité bien agréable, sous des prétextes faussement culturels, trouvés en général dans des journaux qui sont, par attitude, contre tout, du genre « Libération » – un nid d’ayatollahs.

Il existe une méthode bien simple quand on veut connaître l’utilité de telle ou telle chose : essayer d’imaginer ce qui se passerait si cette chose n’existait pas. Je conseille la méthode aux professeurs de mathématiques, quand leurs élèves demandent à quoi servent les mathématiques, et plus précidément la géométrie, qu’en général ils n’aiment pas : qu’est-ce qui changerait dans votre vie si la géométrie n’avait jamais été exploitée ? Je vous assure qu’ils auront des révélations ! Eh bien, supposons que la carte UGC et ses imitatrices n’existe pas, ou n’existe plus. Est-ce que cela satisferait beaucoup de monde ? Est-ce qu’il y aurait davantage de spectateurs, qui se précipiteraient en foule pour ENFIN payer leur place ? Est-ce que le cinéma se porterait mieux ? Est-ce qu’on ouvrirait de nouvelles salles ? Y aurait-il de meilleurs films ? À toutes ces questions, on est bien obligé de répondre que non ! Ou alors, qu’on explique par quel miracle.

Par conséquent, laissons un peu de côté les idées extrémistes, les raisonnements dans le vide qui ignorent les faits, et l’esprit de système. Raisonnons plutôt sur les faits, ça nous changera.

Encore une remarque : l’exemple d’Harry Potter et des crétins qui y vont pour se gaver de sucreries, j’en ai parlé, puisque j’ai raconté que j’étais parti au bout de dix minutes, ne pouvant plus supporter les bruits de papiers de bonbons et autres nuisances sonores. Seulement voilà : le public de ces séances bourrées de jeunes débiles, ce n’est pas le public de la carte UGC, qui est peu répandue chez les collégiens et lycéens, puisqu’il faut la payer chaque mois, et qu’à cet âge on s’abonne rarement, sinon au téléphone portable. Le public d’Harry Potter est constitué de ces classes entières dont les profs ont organisé une sortie spéciale. Aux Halles, j’en vois assez souvent. Ils bénéficient alors du tarif exceptionnel pour les groupes. Rien à voir avec une carte d’abonnement !

En fait, je finis par reconnaître certains habitués, les titulaires de la carte ; on se salue parfois, on échange quelques commentaires, et ce sont rarement de jeunes niais bouffeurs de popcorn. Jamais, pour tout dire. C’était pareil quand je fréquentais le Forum des Images, où on entre aussi avec une carte (annuelle).

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Encore la carte UGC

Lundi 5 juillet 2004

Extrémiste n’est pas synonyme de fasciste. Il y a des extrémistes de gauche et des extrémistes de droite. Les journalistes de « Libé » et du « Nouvel Obs » (pas tous, mais dans la page culturelle, souvent) sont fréquemment des extrémistes de gauche. Enfin, d’une certaine gauche, la gauche caviar et les « bobos ». De toute façon, les critiques de la presse ne payent pas leur place, par conséquent ils peuvent taper sur les cartes d’abonnement, dont ils n’ont pas besoin. Si on prend au sérieux leurs propos hypocrites, on est bien naïf. Imaginons qu’on supprime les projections de presse qui leur sont réservées, et qu’on oblige les critiques à payer leurs places, ils se précipiteraient illico sur les cartes UGC et MK2-Gaumont.

J’assiste avec plaisir à la majorité des projections, y compris quand le film est mauvais, car cette circonstance me permet d’user de ma veine moqueuse. Il m’arrive de commencer à imaginer un article en regardant le film, quand c’est un vrai gros navet. En fait, ce qui me gâche le plaisir, parfois, c’est la muflerie de mes voisins. Par exemple, le spectateur de derrière, qui met ses pieds sur le dossier d’à côté, ou flanque des coups de genou dans ton dossier. Et celui qui froisse des papiers de sucreries. Et le renifleur inlassable qui ne songe pas à tirer un mouchoir de sa poche. Sans compter les couples idiots qui viennent au cinéma afin de mener une conversation qu’ils feraient mieux d’avoir au bistrot, pour moins cher. Rien à voir avec le fait que ces gens-là possèdent ou non une carte d’abonnement. En fait, je dirai plutôt que ce sont des individus qui vont rarement au cinéma, donc qui ne possèdent pas de carte : quand on y va tous les jours ou presque, on sait se conduire proprement, parce qu’on sait la gêne causée par un voisin idiot.

Les petits cinémas « qui sont en train de couler », il n’y en a pratiquement plus : ils ont DÉJÀ coulé, et depuis longtemps, bien avant que la carte UGC existe. Il est statistiquement établi que le nombre de salles ne bouge plus depuis dix ou quinze ans. À Paris, dans les dernières années du vingtième siècle, après la chute brutale des années quatre-vingt, ce nombre monte régulièrement, de 321 en 1995 à 364 en 1999. Depuis, presque pas d’évolution. Il y a vingt-cinq ans, il y en avait au moins cent de plus (426 en 1977). C’est un fait, et vérifiable, inutile de prétendre le nier. En réalité, leur nombre augmente même légèrement depuis que l’on construit des multisalles en banlieue, près des hypermarchés ; mais cette augmentation est marginale. La disparition des salles indépendantes, due au manque d’argent des petits exploitants, j’ai expliqué ailleurs ce qui a entraîné ce phénomène : la télé et la publicité ! Pas parce que la télé ferait concurrence au cinéma, mais parce qu’un film qui veut couvrir ses frais de promotion doit être vu partout en même temps le jour de sa sortie, qu’il faut donc fabriquer des centaines de copies (le record est de neuf cents, je crois), et que tout cela fait grimper vertigineusement les frais d’exploitation. De plus, les lois syndicales qui imposent des équipes de tournage inutilement pléthoriques, les lois tout court, qui obligent à prendre de coûteuses assurances, et les salaires imposants des vedettes (le salaire pour les trois minutes de présence de Marlon Brando sur Superman équivalait au prix total des quatre années de fabrication de 2001, Odyssée de l’espace !) ont fait grimper la note au-delà de tout ce qu’on imaginait dans mon enfance. Donc on doit augmenter le prix des places. Pour tout arranger, les spectateurs exigent à présent des salles confortables, des écrans de grande taille et du son stéréo partout, or ce n’est pas gratuit. Les équipements de sécurité non plus. Si bien que les salles indépendantes et mal situées ne peuvent plus suivre et disparaissent. Tout ce que je viens d’énumérer existait bien avant les cartes d’abonnement, qui n’ont pas cinq ans d’existence.

Une phrase telle que « Pour moi, la carte UGC n’existe pas, et je m’en passe sans problème » est le reflet exact, en négatif, de ce que je décrivais à mon sujet. Alors, si mon cas n’est pas un critère, l’inverse non plus ! À cela près que, n’ayant pas d’argent et n’en ayant jamais eu, je suis obligé d’avoir une carte d’abonnement. Tant mieux pour ceux qui peuvent s’en passer, moi je ne peux pas. Ce n’est pas grâce à UGC que j’allais au cinéma dans mon enfance ? Je ne vois pas en quoi cela contredit tout ce qui précède. Je n’en avais pas besoin alors, d’UGC, parce que le cinéma était bon marché.

Enfin, « si on le voulait, on rendrait le cinéma accessible à tous » est une idée totalement utopique... et fausse ! Si la recette existait, on l’appliquerait. Elle aurait, soit dit en passant, bien rendu service à Jack Lang... Mais elle n’existe pas. En mai 1968, le Festival de Cannes a été interrompu par les extrémistes de type Godard, qui proposait, entre autres innovations super-réalistes, de rendre le cinéma gratuit pour tous. Quelle idiotie ! Parce que j’aime le cinéma, je dois décider qu’il est gratuit ? Et qui paiera ? Le contribuable ? C’est-à-dire que ceux qui ne s’intéressent pas au cinéma paieront pour ceux qui s’y intéressent ? Ne délirons pas, la solidarité nationale, c’est bon pour la Sécurité sociale et les équipements indispensables, pas pour le divertissement. Or le cinéma EST un divertissement, pas une grande cause nationale. Donc ceux qui l’aiment doivent payer. Et si on leur offre des conditions avantageuses, qu’ils en profitent : ils seraient bien bêtes ou bien snobs de repousser cette occasion d’un pied méprisant.

Tout le reste est de l’idéologie.

La carte ne sert QU’À REMPLIR les caisses de l’UGC ? Voilà un magnifique sophisme. D’une part, je me suis efforcé de démontrer le contraire, en pointant les avantages inespérés qu’elle a donné aux cinéphiles. D’autre part, quelqu’un connaît des maisons commerciales qui vendent des produits ne servant QU’À VIDER leurs caisses ? Il me semble que c’est l’essence même de toute activité commerciale, que de gagner de l’argent. Ce n’est pas ça qui est immoral. Ce qui est immoral, c’est de ne rien donner en échange, ou de fourguer de la camelote. De toute évidence, ici, ce n’est pas le cas. Cet abonnement n’entraîne pas une baisse de qualité. Au contraire !

Et voici un argument que je n’ai pas encore utilisé : en assurant à des distributeurs, des exploitants, des producteurs – comme UGC, Gaumont ou MK2 – des entrées d’argent régulières, on favorise en amont l’indispensable production, qui ne vit pas de l’air du temps. Supprimez l’argent qui vient de cette source, et observez les conséquences : le seul financement possible devient alors celui de la télévision (les avances sur recette du CNC étant marginales et faibles) ! Qui osera prétendre que, le jour où les chaînes de télé seront les seuls organismes capables de financer les films, il y aura un gros progrès dans la qualité ? Rappelons au passage que le producteur n’est pas ce gros con à cigare qu’on représente dans les caricatures. C’est fini, ce temps-là...

Du point de vue du spectateur, qui compte aussi, dès l’instant qu’une carte d’abonnement lui permet de payer moins cher ce qu’il n’aurait pas pu s’offrir autrement, et ne produit aucun effet pervers puisque la raréfaction des salles indépendantes n’est pas due à cette cause-là, il lui faudrait être un jobard ou un masochiste pour la combattre. D’ailleurs, aujourd’hui, plus personne de sincère (parmi ceux qui y connaissent quelque chose) ne la conteste.

 Lancer des condamnations de principe, en s’appuyant sur des points de vue théoriques ne correspondant à aucune réalité, est généralement une erreur. Les journaux bien pensants sont remplis de ces avis autorisés déversés sur les foules par des philosophes multicartes (justement !). Dès qu’on étudie la question, on ne prend plus au sérieux ces avis moralisateurs, démentis par les faits.

Simple remarque en passant : les sociétés UGC et Capitol ne sont pas cotées en Bourse, il est donc impossible de connaître leurs bénéfices. Pathé l’a été, comme filiale du groupe Chargeurs, mais ne l’est plus depuis des années – sept ou huit. Elle a perdu beaucoup d’argent, ce qui explique en partie son retrait de la cote. Supposer que ces sociétés s’en mettent plein les poches, ce n’est qu’une supposition.

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First a girl

Lundi 5 juillet 2004

Réalisé par Victor Saville

Sorti au Royaume-Uni le 7 novembre 1935

Sorti aux État-Unis le 31 décembre 1935

Ressorti aux États-Unis (Festival de Chicago) en octobre 1982

Il y avait une curiosité hier soir sur France 3 : le film anglais de Victor Saville, qui a inspiré Victor Victoria, et datant de 1935. Son titre, First a girl. Le personnage masculin, joué par Griffith Jones, était un peu plus sympathique et agréable à regarder que ce pauvre James Garner, qui était vraiment le point faible du film de Blake Edwards, par ailleurs parfait.

En bref : film très moyen, vu à la télévision.Haut de la page

Sur First a girl

Mardi 6 juillet 2004

[Sur quelqu’un qui aurait « fumé la moquette » à propos de First a girl]

 

First a girl passait au Cinéma de Minuit de Patrick Brion. Celui qui a fumé la moquette est en réalité le type qui a rédigé la notice, en parlant d’un « jeune garçon » qui est obligé de remplacer un travesti. Il s’agissait bien sûr d’une jeune fille, jouée par Jessie Matthews. Cette version était elle-même un remake d’un film allemand sorti deux ans auparavant. La supériorité de la troisième version, celle de Blake Edwards, était dans un scénario beaucoup plus travaillé, dans des numéros musicaux plus drôles, et dans l’introduction de l’aspect homosexuel de l’histoire, tout à fait absent du film de France 3.

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Le facteur

Mardi 6 juillet 2004

Réalisé par Michael Radford

Titre original : Il postino

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 1er septembre 1994

Sorti en France le 24 avril 1996

Le facteur m’a déçu. D’abord, on est désagréablement dérouté d’entendre Philippe Noiret doublé en italien. Et puis, que raconte cette histoire ? Pas grand-chose de passionnant, vraiment. On peut toujours regarder le paysage, mais ça ne va pas beaucoup plus loin. Film hybride, produit par la France et l’Italie, écrit et réalisé par un Britannique né en Inde et qui n’a pour tout titre de gloire que d’avoir fait 1984... en 1984. Pas beaucoup à sauver de cette histoire qui ne sait quel parti prendre, ne montre rien que de conventionnel, et où tout se passe comme on l’attend.

En bref : film assez médiocre, vu à la télévision.Haut de la page

Arte

Mardi 6 juillet 2004

Les programmateurs d’Arte ont le chic pour passer la version doublée quand on voudrait la VO (L’arche russe, Le village des damnés, Les révoltés du Bounty), ou alors ils la passent en deuxième diffusion et à 2 heures du matin. Et quand la version doublée serait préférable, cas d’un film italien joué par des Français, là, évidemment, ils envoient la version italienne... qui est doublée de toute façon, et pas forcément par les acteurs italiens qui l’ont interprétée à l’écran (voir mon article sur Le guépard).

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Shrek 2, anti-Bush ?

Samedi 10 juillet 2004

[À un ami qui avait entendu parler de Shrek 2 comme d’un film anti-Bush]

 

À mon avis, Shrek 2 ne relève pas de cette nouvelle forme cinématographique. C’est davantage anti-Disney. Le nouveau film de Youssef Chahine, Alexandrie... New York, lui, critique bien les États-Unis, donc Bush indirectement, peut-être. J’ai fait un article sur ce film, que je remanierai sans doute encore.

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Shrek 2, politique ?

Dimanche 11 juillet 2004

Pour Shrek 2, les références tournées en dérision ne sont pas politiques, si ma mémoire est bonne. Tous les films anti-Bush se réfèrent évidemment à sa politique, bien plus qu’à l’american way of life. Le film de Chahine s’attaque plus globalement aux États-Unis – y compris avant Bush, mais c’est dans un esprit voisin.

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Jack l’Éventreur

Lundi 12 juillet 2004

[Sur la véritable identité de Jack l’Éventreur]

 

Tout le monde peut savoir qui était Jack l’Éventreur, ce n’est pas un secret d’État, il suffit de lire. L’affaire a été scientifiquement élucidée (ADN mitochondrique, et tout le saint-frusquin) en 2002, à peu près au moment où ce film idiot, From hell, avec Johnny Depp, ressassait une fois de plus la théorie absurde de l’assassin « médecin de la famille royale », qui est ce qu’on a écrit de plus stupide sur cette affaire. Le pauvre docteur avait passé les 70 ans à l’époque, et il avait déjà eu une crise cardiaque ; il ne risquait pas de passer ses nuits à aller éviscérer dans la rue de malheureuses prostituées.

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Le magicien d’Oz

Jeudi 15 juillet 2004

Réalisé par Victor Fleming, King Vidor, Richard Thorpe et Mervyn LeRoy

Titre original : The wizard of Oz

Sorti aux États-Unis le 12 août 1939

Sorti en France le 26 juin 1946

Hier, j’ai vu pour la première fois Le magicien d’Oz. Autant la mise en scène, les décors et les costumes sont impeccables, autant l’histoire est mièvre, convenue et ennuyeuse. C’est ça, un film « culte » ? Dans la catégorie des films pour enfants, je préfère Peter Pan, c’est un peu plus futé.

En bref : classique surfait.Haut de la page

Commentaire sur Fahrenheit 9/11

Jeudi 15 juillet 2004

Sur la séquence de la mère d’un soldat tué en Irak, j’ai donné mon avis dans la critique que j’ai écrite, et mon impression que cette scène n’est pas si inutile que ça. En réalité, Moore a profité d’une occasion intéressante, et il aurait été un mauvais cinéaste s’il l’avait laissé passer.

Cela précisé, que ce film rajoute une couche de faits à tout ce qu’on sait déjà, c’est peut-être un sentiment valable pour les spectateurs convaincus d’avance, notamment les Français ; seulement voilà, le film n’est pas destiné aux Français, il est destiné aux gens qui votent aux États-Unis. Et ceux-là, il est bon qu’on leur rafraîchisse les idées, y compris en se répétant. La répétition, c’est la base de l’enseignement. Si un cinéaste de leur pays s’en était pris à Hitler, Mussolini, Milosevic, Mobutu, Castro, Mao, Sékou Touré, Staline, Hassan II ou Franco, les spectateurs étrangers ne lui auraient pas dit « Écoutez mon vieux, vous commencez à être lourd, on connaît déjà tout ça ! ». Il ne s’agit pas d’être subtil et de faire un beau film à la manière de Visconti, mais de taper sur une cible jusqu’à ce qu’elle tombe.

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Spiderman 2

Vendredi 16 juillet 2004

Réalisé par Sam Raimi

Sorti aux États-Unis, dans les Émirats, en Australie, au Canada, en Colombie, Indonésie, à Hong Kong, etc. le 30 juin 2004

Sorti en France le 14 juillet 2004

Pas mal, Spiderman 2. Mieux que le premier. La première partie est amusante. Mais il y a trop de tout, surtout de musique. Si on peut dire...

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Bienvenue en Suisse

Vendredi 16 juillet 2004

Réalisé par Léa Fazer

Sorti en France (Festival de Cannes) le 13 mai 2004

Sorti en France, en Belgique, en Suisse et au Luxembourg le 30 juin 2004

C’est bon au début, quand les deux pays se renvoient leurs divers clichés respectifs. Mais ensuite, quand ça veut devenir sérieux et parler des affaires qui fâchent (l’argent sale), c’est beaucoup moins drôle, et j’ai un peu décroché.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Réalisatrices

Lundi 19 juillet 2004

Il y a des femmes réalisatrices qui ne manquent pas de talent, en France. Mais leurs noms sont peu connus. Comme Jeanne Labrune ou Danielle Dubroux (vous pensiez que j’allais parler de Catherine Breillat ?). Aujourd’hui, j’ai vu une sacrée merde, dont « Le Canard » et France Inter ont dit beaucoup de bien. Je vous conseille par conséquent de prendre vos jambes à votre cou si vous traînez devant une salle qui programme Coming apart (avec un seul « p », s’il vous plaît).

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Vérités et mensonges

Jeudi 23 juillet 2004

Réalisé par Orson Welles

Titre original : F for “fake” ou About fakes

Sorti en Espagne (Festival de San Sebastián) en septembre 1973

Sorti en France le 12 mars 1975

À propos de ce film, Super size me, pour lequel j’avais émis quelques doutes quant à sa complète authenticité, quelqu’un a écrit qu’on ne peut pas tricher lorsqu’on fait un film de ce genre, et qu’on s’explique dans des interviews à des journalistes. Or je ne vois pas ce qui pourrait empêcher quiconque de mentir. Du côté des réalisateurs de cinéma, on sait que chez Bergman et Hitchcock (un peu), chez Fellini et Chabrol (beaucoup), les écrits et interviews sont farcis de mensonges. Si vous lisez le dernier livre de Chabrol, ça vous sautera aux yeux.

Mais il y a un bel exemple, et c’est le film Vérités et mensonges, le dernier film d’Orson Welles. Le titre officiel est F for fakes, mais le titre qui apparaît à l’écran pendant le générique est About fakes. Déjà, je trouve significatif que le titre officiel d’un film ne soit pas celui qui est vu à la projection. Mais le meilleur est dans le contenu.

Au début, Welles apparaît pour annoncer qu’il va nous raconter diverses histoires tournant autour de la peinture, des faux tableaux et des faussaires. Et il prévient : « Ces histoires vous sembleront peut-être extravagantes. Peut-être aurez-vous du mal à les croire. Mais je vous fais la promesse que, dans l’heure qui suit, je ne vous dirai que la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ». Et il embraye sur l’histoire d’un certain Elmyr de Hory, un faussaire célèbre, capable d’imiter n’importe quel peintre, histoire que je connaissais déjà, car Roger Peyrefitte l’avait racontée dans son livre Tableaux de chasse. Suivent diverses autres anecdotes tournant autour du même thème, jusqu’à une histoire mettant Picasso en scène, avec une belle femme brune mystérieuse que le peintre observait derrière sa fenêtre, et une histoire mouvementée qu’hélas j’ai oubliée.

Le film arrive à sa fin, et Orson Welles revient pour dire : « J’espère que mon film vous a plu. Malheureusement, je dois vous révéler que l’histoire sur Picasso que je viens de vous raconter ne contient pas un mot de vrai, j’ai tout inventé ! Pourtant, au début du film, je vous avais promis que, dans l’heure qui suivrait, je ne vous dirais que la vérité. Oui, mais passé ce délai, une heure, je me suis considéré comme étant libre, j’avais tenu ma promesse, et depuis, je n’ai cessé de vous mentir. Conclusion : il n’y a pas de faussaires qu’en peinture, il y en a également au cinéma ! Ne croyez pas tout ce que les cinéates vous racontent. »

Cette histoire est très amusante, et je trouve qu’elle s’applique parfaitement à la situation.

Et puis, qui vous garantit que je n’ai pas moi-même inventé ce film d’Orson Welles ?

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Autopsie d’un canard

Dimanche 26 juillet 2004

Tiens, pour une fois, on va faire l’exégèse de « Illimité », le canard gratuit de l’UGC.

Interview de Jean-Pierre Darroussin : il va au cinéma « deux fois par semaine, [...] de préférence le matin ». Il préfère La règle du jeu, Seuls les anges ont des ailes et les films d’Howard Hawks, et, pour l’époque actuelle, les films de Paul Thomas Anderson. Plus, chez les aînés, Woody Allen, Satyajit Ray, Ken Loach. Et il conclut : « Je vais plus facilement voir un film taïwanais qu’un film français ». Mais il me pique tout, ce mec ! Et depuis quand il y a des acteurs intelligents ?

Interview de Charlie Chan : tous les films d’action hollywoodiens contiennent maintenant du kung-fu, et « c’est un peu too much. Il y a peu d’arts martiaux et beaucoup trop d’images de synthèse. Ça ne m’intéresse pas trop. [...] J’ai des responsabilités, je suis père de famille [...] : je ne peux ni ne veux glorifier la violence. J’aime l’action, je déteste la violence ». Pourquoi Jean-Claude Vandamme ne prend pas des cours chez Charlie ?

L’ahuri qui avait fait Vidocq va récidiver : il a tourné Catwoman, avec Halle Berry. Sortie le 8 septembre. Tous aux abris !

Ang Lee, qui avait réalisé Le garçon d’honneur et ce film stupide d’arts martiaux avec des héros qui volent, tourne ce qu’on annonce comme un « western gay », Brokeback Mountain. Ça fait peur, « brokeback » !

Il paraît qu’avec Terminal le 15 septembre, Spielberg « revient à la comédie ». Ah bon ? Arrête-moi si tu peux, c’était donc un drame.

Et enfin, cette nouvelle : « À 80 ans, Marlon Brando vient de boucler le tournage de Brando et Brando ». Il n’a pas bouclé que ça...

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Goodbye Dragon inn

Lundi 27 juillet 2004

Réalisé par Ming-liang Tsai

Titre original : Bu san

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 29 août 2003

Sorti en France le 21 juillet 2004

Dernier film de Ming-liang Tsai, le réalisateur de Et là-bas quelle heure est-il ? Ce film n’est pas conseillé aux amateurs de poursuite de voiture dans les rues de Marseille. Ici, on ne sort presque jamais de ce vieux cinéma qui va fermer, et qui passe Dragon inn pour sa dernière séance. Il y a très peu de dialogue, et quasiment aucune action.

On reconnaît instantanément l’auteur du film, qui procède toujours de la même manière, ou quasiment. Il y a notamment ce truc déjà employé dans le film précédent : le film Dragon inn, qui date de 1967, comportait deux acteurs qui se retrouvent dans la salle pour cette dernière projection du film, qu’ils ont tourné étant jeunes (l’un des deux est l’acteur qui joue le père dans la plupart des films de Ming-liang Tsai, et qui a été professeur d’art dramatique, Tien Miao), et cela rappelle beaucoup le Jean-Pierre Léaud qu’on voyait à la fois dans Les quatre cents coups en cassette, puis quarante ans après, sur un banc de Paris, dans le film cité plus haut.

Ce n’est ni marrant ni revigorant, mais je n’arrive pas à trouver que c’est sinistre ni ennuyeux. Peut-être par réaction envers les films contemporains, aussi agités que débiles. Après-demain, on repasse Vive l’amour.

PS : « Le Canard enchaîné » n’a pas aimé du tout. Une référence  !

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Sur Goodbye Dragon inn

Mardi 28 juillet 2004

Pas relevé de références à Truffaut dans Goodbye Dragon inn. À part l’amour du cinéma, mais c’est très général. Truffaut est, paraît-il, le réalisateur préféré de ce Chinois qui ferait mieux de changer de nom s’il veut qu’on parle de lui sur M6. Et je ne suis pas certain que la réciproque aurait été vraie : Truffaut, qui était hétéro à 150 %, n’aurait jamais fait ces films dont les femmes sont presque absentes, ou se contentent de troisièmes rôles et sont généralement des victimes sans défense. Dans ce dernier film, on ne voit que deux femmes, une spectatrice qui mange bruyamment des trucs du genre noisette, et une femme de ménage qui boite d’horrible façon et cherche à voir le projectionniste mais n’y arrive pas. Les plans séquences défrisent beaucoup de spectateurs, car ils sont longs, et surtout vides d’action. Quand la fille qui boite monte dans la cabine de projection, on filme toute l’ascension de l’étage, puis son parcours sur un long couloir (avec deux portes à ouvrir), et ça dure trois bonnes minutes.

 

Pour répondre à une lectrice, Vive l’amour n’est pas le film qui se termine à Paris ; ça, c’était Et là-bas, quelle heure est-il ? En fait, Vive l’amour est une sorte de comédie à trois personnages. La fille est agent immobilier, elle passe sa vie à faire visiter des appartements et n’a aucun homme dans sa voie. Elle est amoureuse de l’un des deux garçons, un séducteur pas méchant mais insouciant, tandis que l’autre garçon, vendeur d’accessoires funéraires et lui aussi amoureux du même garçon, passe son temps à s’introduire dans des appartements vides dont il a volé les clés. C’est une histoire sur la solitude et la frustration. Arte ferait bien de le programmer – et en V.O., si les gens qui dirigent la chaîne savent encore ce que ça veut dire.

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Goodbye Dragon inn et Cinema Paradiso

Vendredi 31 juillet 2004

Cinema Paradiso, sur un sujet voisin qui est la mort des vieux cinémas, n’était pas fait dans le même esprit que Goodbye Dragon inn. Il jouait beaucoup sur les sentiments, à la manière italienne. Les films taïwanais sont très froids, et les personnages qui les peuplent également. Ils ne contiennent aucune trace de psychologie. Je dirais qu’on ne connaît les personnages qu’en observant leur comportement, pas toujours très compréhensible, alors que les personnages de films italiens parlent beaucoup et se révèlent par les dialogues.

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Sites associés :    Yves-André Samère a son bloc-notes 122 films racontés

Dernière mise à jour de cette page le mardi 8 septembre 2020.