JPM - Films - Notules - Janvier 2005

Notules - Janvier 2005

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italique, autres que des films) : L’ennemi naturelLe silence (2005) – L’autre rive – La nuit du chasseur – Aviator – À boire – The quick and the dead – Pinocchio – Titanic – À corps perdusTu marcheras sur l’eauLa chuteMein KampfMelinda et MelindaTerre promisePromised LandTu vas rire mais je te quitte – Les randonneurs – The machinistMon ange – Gloria – Central do Brasil – Paris je t’aimeLes Sopranos – Big fish – Coffee and cigarettes – Closer – Angels in America – Le lauréat – Qui a peur de Virginia Woolf ?Les bouchers vertsDe grønne slagtere – Chansons du deuxième étage – Battle royale II - Requiem – Battle royale – Mon ami MachucaMachucaLe livre de JérémieThe heart is deceitful above all things – SarahFriendsLila dit ça

Personnes citées : Pierre-Erwan Guillaume – Jalil Lespert – Aurélien Recoing – Pierre-Erwan Guillaume – Ingmar Bergman – Orso Miret – David Gordon Green – Nicole Kidman – Virginia Woolf – Leonardo DiCaprio – Howard Hugues – Édouard Baer – Marion Vernoux – Emmanuelle Béart – Sam Raimi – Sharon Stone – San-Antonio – Sergio Castellito – Penelope Cruz – Eytan Fox – Oliver Hirschbiegel – Adolf Hitler – Bruno Ganz – François Mitterrand – Woody Allen – Amos Gitaï – Philippe Harel – Judith Godrèche – Frédérique Bel – Brad Anderson – Christian Bale – Serge Frydman – Gena Rowlands – John Cassavetes – Fernanda Montenegro – Walter Salles – Vincent Rottiers – Vanessa Paradis – Joel Coen – Ethan Coen – Steve Buscemi – Mike Nichols – Edward Albee – Richard Burton – Elizabeth Taylor – Jude Law – Julia Roberts – Anders Thomas Jensen – Kinji Fukasaku – Kenta Fukasaku – Andrès Wood – Salvador Allende – J.T. Leroy – Asia Argento – Cole Sprouse – Dylan Sprouse – Ziad Doueiri – Chimo

L’ennemi naturel

Lundi 3 janvier 2005

Réalisé par Pierre-Erwan Guillaume

Sorti en France (Festival Cinessonne) le 8 octobre 2004

Sorti en France le 8 décembre 2004

Quand un film avec deux acteurs compétents et de bonne réputation comme Jalil Lespert et Aurélien Recoing se trouve intéresser si peu les distributeurs qu’on n’en tire qu’une demi-douzaine de copies, et qu’il n’est programmé que dans des salles minuscules, lesquelles se le refilent pour le passer une seule fois par jour, voire par semaine, vous commencez par vitupérer contre la loi du commerce. Puis vous voyez le film, et vous comprenez que les distributeurs ne sont pas idiots.

Jalil Lespert interprète ici Luhel, un jeune inspecteur de police, de ceux qu’on désigne désormais par le grade de lieutenant pour faire comme aux États-Unis. Mais s’il partage ce grade avec Columbo, ce dernier frôle les quatre-vingts ans, alors que Luhel est au contraire trop jeune ! Comme son illustre aîné, nul ne le prend au sérieux, on le méprise, et il se fait houspiller par tout le monde : suspect, témoins, gendarmes, adjointe au maire. Dans son désarroi, il en oublie presque son enquête.

Peu importe d’ailleurs : de toute évidence, le réalisateur Pierre-Erwan Guillaume n’a voulu filmer que la fascination d’un jeune homme, qui se croyait à tort hétérosexuel, devant une belle brute, d’autant plus excitante qu’elle est soupçonnée de meurtre – et de meurtre présumé sur son fils, qui plus est. Malheureusement, à cette fin, le scénario a été farci non seulement d’une série de plans montrant des nus masculins complètement inutiles et plutôt laids, mais surtout, et histoire d’installer une atmosphère trouble (les cons disent « glauque »), d’une kyrielle de détails totalement saugrenus et d’une invraisemblance à hurler.

Ainsi, au terme de l’enquête qu’il conduit sur le suspect, après avoir appris que le père, sans doute innocent de la mort de son fils, n’en est pas moins coupable d’inceste sur sa fille (qui serait la véritable meurtrière de son frère), notre inspecteur débutant s’en va prendre un bain nu dans la mer, de nuit, puis il s’endort sur la plage, toujours à poil, et y passe la nuit entière, ce à quoi le climat breton incite fortement, comme on sait. Puis il se rend à la gendarmerie, apprend que le chef de la brigade, auquel il se heurtait en tant qu’étranger au village, est muté ailleurs, et que deux gendarmes ont mystérieusement disparu, sans grande nécessité scénaristique. Il rentre à son hôtel et se met à pleurer, ce que tout le monde ferait en pareil cas. À la nuit, il s’introduit discrètement chez l’ex-suspect, qui dort chez sa maîtresse, entre dans sa chambre, soulève le drap, découvre une monumentale érection (prothèse ?), et tend la main à des fins que l’on devine... mais la belle brute fait un mouvement en dormant, et le jeune flic s’enfuit, regagne sa chambre et avale un stock de somnifères. Heureusement, son Roméo, dont on ignorait qu’il savait tout, arrive à point pour le tirer de là, et tous les deux partent à l’aventure, en automobile, sur les routes. Plan de fin dans un style très Lucky Luke et lonesome cowboy, quoique sans coucher de soleil (la Bretagne, vous dis-je).

Aussi vais-je prendre le risque de pasticher ce critique ayant cru autrefois expédier un Lelouch débutant, et réutiliser sa formule qui a eu tant de succès : Pierre-Erwan Guillaume, retenez ce nom, vous ne l’entendrez plus jamais.

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

Le silence

Mardi 4 janvier 2005

Réalisé par Orso Miret

Sorti au Chili le 9 avril 2004

Sorti en France le 29 décembre 2004

Un titre maudit ? Le film de Bergman (Tystnaden, en 1963) était assez sinistre. Aujourd’hui, celui d’Orso Miret est d’une lourdeur de plomb. Le plomb qu’on tire sur les sangliers au cours des deux parties de chasse du film ? Celle qui fait l’ouverture est suivie d’un long intermède où l’on décrit la population locale, d’autant plus ennuyeux que les accents et la prise de son, médiocre, ne facilitent pas la compréhension des dialogues.

Au bout d’une demi-heure, l’histoire commence enfin : Olivier, en vacances en Corse dont il est originaire, assiste au meurtre d’une commerçante par un petit voyou qui rafle la caisse. Va-t-il parler ou se taire, attendu qu’on lui susurre qu’il « ne connaît pas le pays » et qu’il risque un accident de chasse ? Cela lui prend une bonne heure avant de se décider, après qu’on l’ait affectueusement qualifié d’« assassin » une fois son premier sanglier occis (message subliminal : tuer un être humain, ce n’est pas être un assassin). De sorte qu’il va enfin tout déballer aux gendarmes. Cela fait, il rase pour la première fois sa barbe de quatre jours. Ce doit être un symbole : c’est bien connu – voyez les barbouzes –, la barbe est un accessoire de dissimulation.

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L’autre rive

Mercredi 5 janvier 2005

Réalisé par David Gordon Green

Titre original : Undertow

Sorti en France (Festival de Cannes) le 14 mai 2004

Sorti en France le 5 janvier 2005

Titre français un peu fâcheux, car il a déjà été employé pour un film africain.

Filmé comme une série B, avec caméra portée, un drame familial bourré de scènes violentes et sordides, mais avec des sentiments très forts. C’est assez prenant dans la première moitié, qui est une sorte de huis-clos à quatre personnages. Ensuite, lorsque les deux garçons s’enfuient devant leur oncle qui veut les tuer, on a un road movie mâtiné de La nuit du chasseur. De nouveaux personnages apparaissent, le récit, jusque là concentré, se dilue, et c’est moins bon.

La fin est ambiguë : l’oncle a-t-il noyé son neveu (en fait son fils), qui a eu le temps de le poignarder ? Probable, en dépit de la séquence de fin, un happy end saugrenu.

Quoi qu’il en soit, le film ne caresse pas le spectateur dans le sens du poil, et tranche fortement sur la tisane tiédasse que le cinéma français offre actuellement.

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Maquillage

Jeudi 6 janvier 2005

Chaque fois qu’un acteur doit interpréter un personnage auquel il ne ressemble pas, et que le maquilleur se décarcasse pour lui modifier la physionomie, il se trouve toujours un ahuri, dans la presse, pour écrire que la ressemblance est « hallucinante ». Et, en général, l’acteur reçoit un prix d’interprétation : souvenez-vous de Nicole Kidman et de son faux nez lorsqu’elle a joué Virginia Woolf.

En conséquence, je suis en mesure de vous prédire que Leonardo DiCaprio va y avoir droit pour son interprétation de Howard Hugues dans Aviator, qui sort en France le 26 janvier. On ne peut pas compter sur le jury du Festival de Cannes, qui a couronné en 2004 un garçon de quatorze ans totalement inconnu ; et, de toute façon, le film sortira trop tôt pour Cannes. Par conséquent, c’est à Hollywood que Leo va se ramasser un Oscar. Il pourra le mettre à côté de sa médaille des Arts et Lettres, qu’on lui a décernée hier à Paris. Comme à toutes les vedettes de passage chez nous...

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À boire

Jeudi 6 janvier 2005

Réalisé par Marion Vernoux

Sorti en France (Festival de Brest) le 13 novembre 2004

Sorti en France le 29 décembre 2004

« Pourquoi donc voulez-vous que je dessoule ? », cette phrase prononcée par Édouard Baer est censée résumer le thème du film de Marion Vernoux. Mais, dans cette comédie qui ne fait jamais rire, Emmanuelle Béart et trois anciennes vedettes de Canal Plus s’épuisent en vain à faire n’importe quoi. La première demi-heure est passable, ensuite, c’est le vide.

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Vantardise

Jeudi 6 janvier 2005

En 1995, âgé de 21 ans, Leonardo DiCaprio a tourné un western réalisé par Sam Raimi, The quick and the dead, avec Sharon Stone. Celle-ci a cru bon de raconter que, premièrement, c’est elle qui l’avait fait engager et qu’elle avait même payé son cachet de sa poche, et, deuxièmement, qu’elle avait déniaisé le jeune homme à cette occasion.

Surveillez son nez, Sharon Stone est mûre pour un remake de Pinocchio : ainsi, à 21 ans, célèbre depuis quasiment un bon lustre, et un an avant de tourner Titanic, le beau Leo était encore vierge ? Comme disait San-Antonio, raconte ça à un cheval de bois, et il te flanque une ruade !

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À corps perdus

Vendredi 8 janvier 2005

Réalisé par Sergio Castellitto

Titre original : Non ti muovere

Sorti en Italie le 12 mars 2004

Sorti en France le 5 janvier 2005

Les films italiens sont assez rares. Ils évitent en outre les tares qui affligent en ce moment le cinéma français : la comédie de mœurs bobo et le polar de série. On a donc intérêt à ne pas les manquer. La déception, par conséquent, est d’autant plus grande lorsque, comme ici, on tombe sur le mauvais numéro. Sergio Castellito a complètement raté son coup avec l’histoire de ce chirurgien qui après l’avoir violée, s’éprend d’une fille du peuple d’origine albanaise mais prénommée Italia (symbole ?), on ne peut plus commune (elle est jouée par Penelope Cruz !), laquelle, tombée amoureuse de lui (rien de tel qu’un viol, apparemment), puis enceinte, se fait avorter par des maladroits, et finit par en mourir... alors que sa fille à lui, victime d’un accident de la circulation, doit passer sur la table d’opération. Le mélange des époques n’arrange rien, ni le récit ni l’atmosphère n’ont le moindre attrait, et le film semble ne jamais devoir finir.

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Tu marcheras sur l’eau

Lundi 10 janvier 2005

Réalisé par Eytan Fox

Titre original : Walk on water

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 5 février 2004

Sorti en France le 5 janvier 2005

Eyal, tueur pour les secrets secrets israéliens, plutôt dénué de sensibilité, assez méprisant envers les Arabes, a pour tâche d’éliminer des terroristes palestiniens. Ce métier ingrat mine sa femme, qui se suicide. Comme il refuse de voir un psy, et que ses chefs désirent néanmoins le maintenir à flots, on le charge de retrouver un vieux nazi qui a pas mal de crimes sur la conscience, et qui a disparu. Pour cela, il devient ami avec ses petits-enfants, Axel, jeune Berlinois très ouvert, et Pia, qui milite en Israël, dans un kibboutz – tous deux très critiques envers leur classe sociale d’origine, la haute bourgeoisie berlinoise. Or les jeunes gens ne savent même pas que leur grand-père vit encore, planqué : la famille a fait retomber sur le passé le voile du secret, comme on dit. À la fin, Eyal, qui a retrouvé sa cible, très diminuée par l’âge et la maladie, flanche parce qu’il en a « marre de tuer », renonce à l’exécuter... et c’est le petit-fils qui s’en charge ! Dénouement à vrai dire prévisible, à la fois parce qu’il répond aux nécessités de la dramatisation, et parce que la personnalité du jeune homme le laissait facilement prévoir.

Le film n’est pas toujours très adroit. Ainsi, l’homosexualité d’Axel semble un peu plaquée, à première vue, sur cette histoire qui parle de tout autre chose. Peut-être ce trait n’a-t-il inséré que pour mieux souligner le caractère fermé d’Eyal, qui, en effet, est le dernier à percevoir ce détail sur son nouvel ami : même la douche qu’ils prennent en commun et la remarque d’Axel sur les sexes circoncis qu’il trouve « plus jolis » ne lui met pas la puce à l’oreille !

Néanmoins, ce n’est qu’une critique mineure, et les intentions du film sont louables, car il souligne en fait cette évidence : que les crimes des nazis, c’est fini depuis soixante ans ; que les jeunes Allemands en ont marre de traîner la culpabilité de leurs grands-parents ; et que la responsabilité collective est une absurdité, non moins que la malédiction néo-biblique faisant retomber les fautes des parents sur leurs descendants « jusqu’à la septième génération ». Une mise au point que l’on n’entend pas souvent. Raison de plus pour en parler.

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La chute

Mardi 11 janvier 2005

Réalisé par Oliver Hirschbiegel

Titre original : Der Untergang

Sorti en Allemagne le 8 septembre 2004

Sorti en France le 5 janvier 2005

Après Tu marcheras sur l’eau, il est logique sur s’intéresser à un autre film sur le nazisme. Mais là, on est tout de suite à deux ou trois étages au-dessous – sans jeu de mots, s’agissant des derniers jours d’Hitler dans son palais souterrain de Berlin.

Il se trouve que ni les louanges (à propos de Bruno Ganz, notamment, qui n’est pas, comme le prétend la publicité, « hallucinant de vérité »), ni les critiques excessives, ne se justifient. Je ne suis pas non plus de ceux qui s’insurgent parce qu’on y donne à Hitler un petit côté humain en contradiction avec le cliché du fou sanglant ; cliché dont ceux qui l’adoptent ne voient pas le corollaire : si les crimes nazis sont l’œuvre d’un fou, ce ne sont plus des crimes ! Jusqu’à preuve du contraire, dans un pays de droit, la folie n’est pas condamnable. Je préfère croire que les théories nazies étaient un plan politique, et que les projets de la clique hitlérienne arrangeaient beaucoup de monde, dans l’Allemagne de l’époque. Et puis, s’il suffisait d’être fou pour se hisser au sommet de l’État...

Assez long, deux heures et demie, le film ne semble pas trop long. Il est plutôt froid, mais sans doute vaut-il mieux éviter de jouer du violon sur la fin des dirigeants nazis et les cascades de suicides qui ont suivi celui – présumé, jamais prouvé formellement – d’Hitler et de sa femme. Le résultat est honnête, mais plat, sans génie, et réalisé comme un téléfilm, avec beaucoup de gros plans. Lui reprocher de ne pas traiter du sort des Juifs est un faux procès, cette histoire ne visait pas ce but, puisque son sujet véritable est la débâcle d’un État qui prétendait durer mille ans et n’a pas tenu plus de douze ans (moins que le double septennat, chez nous, de Mitterrand – et ne me faites pas dire que je compare Mitterrand à Hitler). Ce que le film relate, en réalité, c’est la perte des illusions et la fin des ambitions politiques d’une bande de malfrats méprisants. On retiendra surtout la conclusion, une interview de la vraie secrétaire d’Hitler, recueillie peu avant sa mort en 2002 ; elle s’exonère de toute culpabilité, sur le mode on-ne-savait-pas qui a tant servi : « Nous aurions dû mieux nous informer ». En effet ! D’autant plus que, d’emblée, dans Mein Kampf, Hitler avait annoncé la couleur. Les Allemands de l’époque savaient.

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Melinda et Melinda

Mercredi 12 janvier 2005

Réalisé par Woody Allen

Titre original : Melinda and Melinda

Sorti en Espagne (Festival de San Sebastián) le 17 septembre 2004

Sorti en France le 12 janvier 2005

Une idée plusieurs fois avancée sur ce site : celle de l’auteur, deus ex machina, qui crée des évènements à sa propre guise, sans trop se soucier de la logique des personnages, à seule fin d’exposer ses thèses ou de se ménager des occasions de mots d’auteur – selon sa catégorie. C’est ce qu’illustre ce film, avec un point de départ qui sert de prétexte, l’irruption d’une jeune femme névrosée dans un dîner d’amis où elle n’était pas conviée. Woody Allen veut montrer que, selon la spécialisation de l’auteur qui rédigera le récit, le résultat peut être soit tragique, soit comique.

C’est très intelligent, comme toujours. D’où vient alors que le spectateur s’ennuie un peu et peine à suivre les péripéties, faute d’y accorder davantage d’intérêt ? Peut-être la carence inhabituelle en répliques brillantes. Peut-être l’interprétation : il n’y avait aucun rôle pour Woody Allen lui-même, et tous les acteurs sont inconnus. Peut-être aussi à cause de ce parti-pris de bâtir deux histoires non seulement différentes, mais surtout vécues par des personnages différents, et donc des acteurs différents, à l’exception du rôle de Melinda. Le tout, sans doute, aurait été plus palpitant si les différences n’avaient résidé que dans le style du récit, et si le passage d’une histoire à l’autre n’avait été perceptible que par les ruptures de ton ; or il est flagrant que, non seulement le drame qui nous est montré n’a rien de tragique, et la comédie rien de très drôle, mais aussi que tous deux, en outre, sont filmés de la même manière, assez plate en fin de compte.

Et puis ces personnages, au fond, ne nous intéressent pas.

Mais on ne va pas refaire le film. Il est raté, voilà tout.

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Terre promise

Vendredi 14 janvier 2005

Réalisé par Amos Gitaï

Titre original : Promised Land

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 7 septembre 2004

Sorti en France le 12 janvier 2005

Cela commence comme un de ces films « bibliques », par une caravane de chameaux dans le désert du Sinaï, la nuit. La fuite en Égypte ? Non : un convoi clandestin, un trafic de prostituées en provenance de l’Europe de l’Est, à destination d’Israël. S’ensuit une incroyable vente aux enchères, toujours en pleine nuit, avant la dispersion des filles sur le marché aux bordels de Tel-Aviv. Cette ouverture du récit est brutale, étonnante. Il m’a semblé que le film était ensuite moins prenant, car, au fond, il ne se passe pas grand-chose, hormis cette description de la dégradation de ces malheureuses qui ne comprennent même pas la langue du pays où elles débarquent. Mais l’essentiel est ailleurs : d’un bout à l’autre, elles sont traitées comme du bétail. Et l’on se dit qu’Israël ne doit pas être le seul pays « civilisé » coupable de cette démission du pouvoir politique. Vous savez, ces dirigeants qui n’ont que les Droits de l’Homme à la bouche, et que le massacre de dizaines de milliers de malheureux n’empêche pas de digérer leurs ortolans.

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Tu vas rire mais je te quitte

Lundi 17 janvier 2005

Réalisé par Philippe Harel

Sorti en France le 5 janvier 2005

De Philippe Harel qui a fait beaucoup mieux avec Les randonneurs, encore une comédie à la manière française et sans grande ambition. Cette fois, le personnage central est une de ces filles qui, pour avoir tourné deux ou trois publicités, se disent comédiennes, ne trouvent aucun engagement, et vivent d’expédients, tantôt « tapant » leur père, tantôt couchaillant utile. Évidemment, les problèmes de cœur se greffent sur tout cela. On s’en fiche vraiment. Les filles sont assez jolies, surtout Judith Godrèche, les hommes n’ont aucun attrait particulier. Un tas de personnalités traversent l’écran à titre de vedettes invitées, et la fameuse « blonde » de Canal Plus, Frédérique Bel, pas aussi bien qu’à la télé, tient un petit rôle on ne peut plus déshabillé.

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The machinist

Jeudi 20 janvier 2005

Réalisé par Brad Anderson

Sorti aux États-Unis le 18 janvier 2004

Sorti en France le 19 janvier 2005

En dépit de son titre, de sa langue, de son interprétation, de son cadre et du nom de son réalisateur – Brad Anderson, qui a surtout réalisé des séries B et des épisodes de feuilletons télévisés –, c’est un film espagnol. Trevor Reznik, un an auparavant, a provoqué un accident mortel en renversant un enfant et en prenant la fuite. Cette histoire est celle de ses remords refoulés, car il a tout oublié de ce crime. Mais, depuis, il ne dort plus, ne s’alimente plus, il trouve partout des post-its demandant « Qui es-tu ? » sans savoir que c’est lui qui les écrit, et il est d’une maigreur effrayante. Le récit est peuplé d’épisodes réels ou fantasmés, jusqu’à ce que la mémoire enfin lui revienne.

Réalisation et interprétation (Christian Bale, qui a débuté dans Empire du soleil) sont remarquables. Alors oui, c’est assez lugubre. Pour les poilades à la noix, voir plutôt le cinéma français actuel.

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Mon ange

Vendredi 21 janvier 2005

Réalisé par Serge Frydman

Sorti en France (première à Paris) le 9 décembre 2004

Sorti en France le 19 janvier 2005

Qui veut faire l’ange fait la bête. Le film veut tellement donner dans le poétique, tant par les dialogues que par les comportements, l’atmosphère et les péripéties, qu’il en est ridicule. Le talent des interprètes n’est pas en cause.

L’argument du film a déjà été utilisé : une femme, qui a son content d’ennuis personnels, doit en plus se coltiner un gamin encombrant et sans famille qui lui tombe sur les bras par hasard, et des méchants leur courent après, histoire de corser le scénario. Il y avait eu Gena Rowlands dans Gloria, de John Cassavetes, en 1980, puis Fernanda Montenegro dans Central do Brasil, de Walter Salles, en 1998. La différence, c’est que le gosse avait, pour ces deux films, entre six et huit ans. Ici, il en a environ seize, apparemment (l’interprète Vincent Rottiers en a dix-neuf), et il est deux fois moins débrouillard. Et puis, Vanessa Paradis n’est ni Fernanda ni Gena !

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Oscars

Samedi 22 janvier 2005

Je ne voudrais pas avoir l’air de frimer, d’autant moins que ce n’est pas encore dans la poche, mais quand j’affirmais, le 6 janvier, que Leonardo DiCaprio était bien parti pour se ramasser un Oscar vu qu’il porte une moustache dans Aviator, c’était bien vu. Les Golden Globes, décernés le 17, et dont la presse nous serine qu’ils servent d’avant-première à la cérémonie suprême du 27 février, ont récompensé notre acteur favori, désigné comme « Meilleur acteur dramatique ». Plus qu’un mois de patience. Pour ma part, je bous...

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Paris je t’aime

Dimanche 23 janvier 2005

Réalisé par Olivier Assayas, Frédéric Auburtin, Emmanuel Benbihy, Gurinder Chadha, Sylvain Chomet, Ethan Coen, Joel Coen, Isabel Coixet, Wes Craven, Alfonso Cuarón, Gérard Depardieu, Christopher Doyle, Richard LaGravenese, Vincenzo Natali, Alexander Payne, Bruno Podalydès, Walter Salles, Oliver Schmitz, Nobuhiro Suwa, Daniela Thomas, Tom Tykwer, Gus Van Sant

Sortira en France le 21 juin 2006

Hollywood prépare un film à sketches sur Paris, qui s’intitulera Paris je t’aime. Un sketch par arrondissement, donc vingt parties a priori. Ce sont les frères Coen qui se chargent de mon arrondissement, avec Steve Buscemi, qu’on a vu dans Les Sopranos, dans Big fish et dans Coffee and cigarettes.

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Closer

Lundi 24 janvier 2005

Réalisé par Mike Nichols

Sorti au Canada et aux États-Unis le 3 décembre 2004

Sorti en France le 19 janvier 2005

Mike Nichols, réalisateur qui va sur ses 74 ans, et qui ne fera sans doute jamais mieux que son gigantesque téléfilm Angels in America, est surtout connu pour Le lauréat. Il avait débuté en 1966 avec l’adaptation au cinéma de la célébrissime pièce d’Edward Albee, Qui a peur de Virginia Woolf ?, où deux couples, dont l’un était le mythique duo Richard Burton-Elizabeth Taylor, s’affrontaient en un huis-clos, le temps d’une nuit. Son dernier film relève du même genre, une pièce de théâtre adaptée mettant deux couples en scène, sans aucun autre personnage. Mais le premier film était nettement plus fort, il faut le reconnaître.

Dans Closer, deux couples se forment, se délitent, se reforment d’une autre façon, se détruisent à nouveau et pour de bon cette fois. Il faut donc aimer les histoires de couples, d’inconstance, de mensonges, de trahison, et tout ce qui s’ensuit. Les deux tiers du cinéma mondial depuis les origines...

Le film avance surtout par le dialogue, qui tourne beaucoup autour des histoires de sexe, et dont l’origine théâtrale est évidente. Dialogue parfois brillant, parfois ridicule, comme cette perle : « Je sens ton amour qui reflue ». On espère qu’il ne sent pas la marée.

Jude Law et Julia Roberts sont meilleurs que d’habitude, ce qui n’est pas peu dire.

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Les bouchers verts

Mercredi 26 janvier 2005

Réalisé par Anders Thomas Jensen

Titre original : De grønne slagtere

Sorti au Danemark (NatFilm Festival) le 8 mars 2003

Sorti en France le 26 janvier 2005

Les Danois font peu de films : le marché local est minuscule, et la langue, quasi-confidentielle. Donc leurs productions sont difficiles à rentabiliser. Faute d’argent, il faut compenser par l’inventivité. C’est d’ailleurs pour cette même raison que les spots publicitaires danois, souvent réduits à un seul plan fixe, se révèlent tellement supérieurs aux spots français : on doit tourner très vite et pour peu d’argent, donc faire preuve d’ingéniosité et de talent. Phénomème identique en Suède, et le dernier bon film suédois de long métrage, qui donnait dans l’humour noir, date de 2000, avec Chansons du deuxième étage. Rareté, par conséquent.

Les bouchers verts (pour une fois, la traduction du titre original est correcte) raconte l’histoire de deux garçons bouchers qui veulent se mettre à leur compte. Un homme meurt accidentellement dans leur chambre froide, et, pressés de satisfaire une commande, l’un d’eux vend quelques filets prélevés sur le corps. Succès immédiat, et les deux compères, « pris dans l’engrenage », comme disent les amateurs de clichés, sont obligés de continuer avec d’autres victimes. Mais en fin de compte, il s’avère que ce succès ne venait pas de la viande, mais de la marinade qui l’accompagnait. Ils font disparaître les ultimes traces de leurs activités délictueuses... juste à temps pour un contrôle sanitaire, duquel ils sortent blancs comme neige.

C’est très sarcastique sur le plan de l’anecdote. D’où vient alors le malaise ? Du style, évidemment. Cette fable est filmée comme un drame, ce qu’elle n’est pas ; sans une once de distance, avec l’un des personnages qui transpire d’angoisse, et l’autre brusque, taciturne et charriant une lourde rancune de famille. La musique accentue ce caractère. Qui sait si un réalisateur britannique ne s’en serait pas mieux tiré ?

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Battle royale II - Requiem

Mercredi 26 janvier 2005

Réalisé par Kinji Fukasaku et Kenta Fukasaku

Titre original : Batoru rowaiaru II : Rekuiemu

Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2003

Sorti au Japon le 5 juillet 2003

Le film n’a pas trouvé de distributeur en France, et n’est sorti qu’en DVD, le 20 janvier 2005. Kinji Fukasaku, atteint d’un cancer de la prostate qui devait l’emporter en janvier 2003, a réalisé cette suite avec l’aide de son fils Kenta, déjà auteur du scénario de Battle royale.

Cette suite, qui n’est pas déshonorante, déçoit cependant. Les personnages sont beaucoup moins identifiables et charismatiques, l’humour très noir de la première partie a totalement disparu, et le récit manque de clarté : le garçon qui avait survécu à la fin du numéro 1 a déclaré la guerre aux adultes, une guerre quasi-mondiale – en fait, dans les vingt-deux pays bombardés par les États-Unis au cours de leur histoire ; et le gouvernement japonais, afin de l’éliminer, réactive le jeu Battle Royale, en le désignant comme cible aux « candidats » à l’extermination. On ne voit pas très bien le rapport, et on ignore par quel moyen un simple lycéen a pu acquérir les moyens de se constituer une armée clandestine.

C’est donc le scénario qui n’a pas été suffisamment travaillé. La réalisation reste honnête.

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Mon ami Machuca

Jeudi 27 janvier 2005

Réalisé par Andrès Wood

Titre original : Machuca

Sorti en Suisse Alémanique le 24 février 2004

Sorti en France le 19 janvier 2005

Les prémices puis l’accomplissement du coup d’État contre Allende, en 1973, vus par les yeux de deux enfants, un petit bourgeois, et le camarade qu’il s’est fait dans une autre classe sociale, un petit Indien pauvre. C’est farci de bonnes intentions, mais sans surprise et assez terne. La seule idée de mise en scène arrive à la fin, quand le prêtre de gauche qui dirigeait le collège, viré par les militaires et remplacé par un curé plus docile, déboule dans la chapelle en pleine messe, se dirige vers le tabernacle et avale toutes les osties en stock, en commentant « Cet endroit n’est plus un lieu sacré, le Seigneur n’est plus ici ». Ce qui, d’ailleurs, va contre le dogme catholique.

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Le livre de Jérémie

Vendredi 28 janvier 2005

Réalisé par Asia Argento

Titre original : The heart is deceitful above all things

Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 2004

Sorti en France le 19 janvier 2005

J.T. Leroy s’est fait connaître en publiant, à vingt-trois ans, un livre qu’on a dit autobiographique, Sarah, l’histoire d’un enfant qui, fils d’une petite prostituée, admire tant sa mère qu’il veut l’imiter en tout, y compris en adoptant sa profession. Le livre, cependant, ne tombait jamais dans le sordide, encore bien moins dans l’éloge de la pédophilie. Il était plutôt picaresque et avait du style, si bien que l’histoire s’en trouvait transcendée de façon magistrale.

Assez vite, on annonça que la réalisatrice Asia Argento allait en faire un film. En fait, c’est le livre suivant du même auteur qu’elle a partiellement adapté, sous le titre The heart is deceitful above all things, et les événements décrits précèdent ceux du premier livre. Les âmes sensibles n’aimeront pas, car les mauvais traitements à enfant occupent quelques scènes qu’on peut estimer pénibles – et non pas « insoutenables », car au fond, l’on ne voit rien, si l’on entend souvent. Cependant, le film est assez fort, et magnifiquement joué par trois enfants, qui se partagent le rôle de Jérémie, dont les jeunes jumeaux Cole et Dylan Sprouse – Cole est celui qui interprétait Ben, le fils de Ross dans Friends (c’est lui qu’on voit en fille sur l’affiche). La réalisatrice s’est attribué celui de la mère indigne, et des vedettes connues tiennent quelques petits rôles. Il est douteux que le film remporte le moindre succès aux États-Unis, où l’histoire se passe.

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Lila dit ça

Lundi 31 janvier 2005

Réalisé par Ziad Doueiri

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 11 septembre 2004

Sorti en France le 26 janvier 2005

Deuxième film pour le cinéma d’un caméraman travaillant aux États-Unis, d’après un roman datant d’une dizaine d’années, présenté comme autobiographique, et signé Chimo – un pseudonyme dont on a soupçonné qu’il dissimulait en fait l’éditeur. On en parla quelques semaines avant de passer à autre chose.

Dans un quartier populaire de Marseille, la naissance d’un amour entre Chimo, jeune Arabe de dix-neuf ans, et Lila, jeune Polonaise. Celle-ci est très provocante dans ses manières et son langage, et ne parle que de sexe. Les copains de Chimo, très vite, la tiennent pour une pute, et la violent. Or il s’avère qu’elle était vierge. Ce coup de théâtre, hélas, on le voit venir depuis le début.

Le film vaut surtout pour la beauté des deux interprètes et la peinture très désabusée du sort des jeunes, sans espoir, sans formation, sans travail, sans avenir. La fin heureuse, suggérée, n’est pas crédible.

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