JPM - Films - Notules - Février 2007

Notules - Février 2007

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées : Pars vite et reviens tardApocalypto – La passion du Christ – Election – La vie des autresDas Leben der AnderenBobby – Orange mécanique – Hannibal Lecter : les origines du malHannibal rising – Le vieux fusil – Les oiseaux – L’ange exterminateur – Elephant Man – Blue velvet – Twin Peaks – Mulholland Drive – La règle du jeu – Snow cakeBlood diamond – Lord of war – Massacre à la tronçonneuse : le commencementThe Texas chainsaw massacre : the beginning – Mortuary – Full metal jacket – Le dernier roi d’ÉcosseThe last king of Scotland – Général Idi Amin Dada – AguaIl a suffi que maman s’en aille...The good German – Le troisième homme – Casablanca – Je crois que je l’aimeLa môme – Les rivières pourpres II – Le petit Poucet – Nue propriétéJuste une fois !StaySleeping dogs lieLettres d’Iwo-JimaLetters from Iwo Jima – Le pont de la rivière Kwaï – Chronique d’un scandaleNotes on a scandal

Personnes citées : Régis Wargnier – José Garcia – Fred Vargas – Alfred Hitchcock – Brad Pitt – Tom Cruise – Jude Law – Leonardo DiCaprio – Josh Hartnett – Vincent Cassel – Yvan Attal – Rudy Youngblood – Mel Gibson – Quentin Tarantino – Florian Henckel von Donnersmarck – François Mitterrand – Emilio Estevez – Robert Francis Kennedy – John Fitzgerald Kennedy – Sirhan Sirhan – Peter Webber – Thomas Harris – Gaspard Ulliel – Alfred Hitchcock – Luis Buñuel – Luc Besson – Jean-Jacques Annaud – David Lynch – Marc Evans – Edward Zwick – Prince – Tony Blair – François Mitterrand – Jonathan Liebesman – Tope Hooper – Lee Ermey – George Lucas – Stanley Kubrick – Lukas Ettlin – Kevin Macdonald – Valéry Giscard d’Estaing – Jean Bedel Bokassa – Idi Amin Dada – Forest Whitaker – Bob Goldthwait – Elizabeth Taylor – Barbet Schroeder – Veronica Chen – René Féret – Steven Soderbergh – Carol Reed – Michael Curtiz – George Clooney – Pierre Jolivet – François Berléand – Margaret Thatcher – Vladimir Poutine – Olivier Dahan – Édith Piaf – Marcel Cerdan – Charles Aznavour – Georges Moustaki – Yves Montand – Théo Sarapo – Catherine Allégret – Joachim Lafosse – Jérémie Renier – Yannick Renier – Isabelle Huppert – Helen Mirren – Jaffar Amin – Bobcat Goldthwait – Bryce Johnson – Clint Eastwood – Richard Eyre – Judi Dench – Cate Blanchett

Pars vite et reviens tard

Jeudi 1er février 2007

Réalisé par Régis Wargnier

Sorti en France et en Belgique le 24 janvier 2007

« Pars vite, longtemps, et reviens tard », tel était, nous dit-on, le remède conseillé au Moyen-Âge pour échapper à la peste. Pour échapper à ce film, ce conseil plus sobre s’impose : « N’y va pas ».

Oublions que José Garcia n’a rien pour incarner le commissaire Adamsberg, car chaque lecteur, après tout, s’en fait sa propre idée. Oublions aussi que l’auteur du roman, Fred Vargas, a préféré, une fois son chèque encaissé, ne pas se mêler du film, elle a bien fait de vouloir éviter les coups. Et louons plutôt le film de nous rappeler deux notions.

D’abord, qu’un film laisse beaucoup moins de place à l’imagination qu’un livre – pour une raison évidente. En conséquence, ce qui passe très bien dans un roman risque de « coincer » à l’écran. C’est donc une erreur, de la part des producteurs, que de croire à ce mythe : parce qu’un livre est bon et a remporté un large succès, on va pouvoir en tirer un film qui rassemblera un public aussi large et ramassera un maximum d’argent. Ensuite, qu’une intrigue fondée sur un mystère est d’autant plus attrayante que le mystère est profond au début de l’histoire. Souvenons-nous plutôt du conseil d’Alfred Hitchcock : ne jamais se lancer dans un pareil projet, car le public est toujours déçu lors de l’explication finale. Ici, une banale histoire de vengeance, celle d’un gosse qui a vu son père assassiné par une bande de trafiquants de drogue... et qui exécute les méchants en leur inoculant la peste, parce que c’est une lubie de sa grand-mère ! Non seulement, à l’écran, cela ne tient pas la route, mais le tout est aggravé par un scénario qui, d’un roman passionnant et clair, tire une histoire ennuyeuse et embrouillée, aux dialogues parfois ridicules (on cite bêtement le « virus » qu’il a répandu, alors que cette maladie est causée par une bactérie !). Il est vrai que le réalisateur, Régis Wargnier, est connu pour être l’un des moins bons du cinéma français.

C’est pourquoi on terminera par un souhait : que le cinéma fiche la paix aux meilleurs auteurs de romans policiers (presque toujours des femmes, soit dit en passant). Littérature et cinéma font rarement bon ménage.

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

Apocalypto

Vendredi 2 février 2007

Réalisé par Mel Gibson

Sorti aux États-Unis le 8 décembre 2006

Sorti en France le 10 janvier 2007

Rudy Youngblood

Si vous me demandiez quel est l’acteur le plus beau du monde, je ne vous répondrais ni Brad Pitt, ni Tom Cruise, ni Jude Law, ni Leonardo DiCaprio, ni Josh Hartnett, ni, surprise de votre part, Vincent Cassel (qui a crié « Yvan Attal » ? C’est un site sérieux, ici, non mais...). Non, je dirais sans hésiter : c’est Rudy Youngblood. Quoi ! Vous ne connaissez pas ? Eh bien, vous allez apprendre à le connaître, et je vous prédis que ce garçon va devenir une grande vedette, car, non content d’être invraisemblablement beau, Rudy, né Gonzalez, venu du Texas et descendant de Crees, de Comanches, de Yaquis et d’Africains, est à la fois bon acteur, danseur, peintre et très bon sportif, puisqu’il a fait sans doublage toutes ses cascades dans... au fait, dans quoi ? Dans Apocalypto, le dernier film de Mel Gibson. Si vous voulez en savoir davantage, allez visiter son site, www.rudyyoungblood.com.

Attention, Apocalypto n’a rien à voir avec La passion du Christ, le précédent film du catho intégriste que vous savez. Il s’agit ici d’un film d’aventures assez classique, avec un héros gentil, Pattes de Jaguar, incarné donc par le merveilleux Rudy, qui est poursuivi par des méchants. À la fin, il s’en tire. Noël !

Certes, le fait d’avoir placé cette histoire chez les Mayas, juste avant l’arrivée des Espagnols (on les voit débarquer dans la dernière scène), n’est pas complètement désintéressé de la part d’un extrémiste catholique : ne chercherait-on pas à insinuer, tout à fait par hasard, que ces ambassadeurs de la Vraie Religion à laquelle le genre humain doit, entre autres bienfaits, la Sainte Inquisition, vont mettre un peu d’ordre chez ces sauvages, adeptes (que dit le film) du sacrifice humain ? Poser la question, c’est y répondre !

Toujours est-il que les reproches véhéments qu’on a fait à ce film AVANT de le voir ne tiennent pas la route, car la violence qu’on lui impute, d’une part est fort modérée, d’autre part n’est pas exhibée avec cette complaisance qu’on relève constamment, par exemple, chez Tarantino. Ou dans ce film de Hong-kong, sorti le mois dernier, et dont la presse est unanimement tombée amoureuse, Election : on y voyait tout de même un gangster écraser la tête de son ennemi douze fois de suite avec une grosse pierre ! Mais cela n’a pas gêné nos esthètes, semble-t-il. Bref, le film de Gibson est un peu longuet, un peu linéaire, un peu simple, mais pas répugnant.

Un détail tout de même : près d’être sacrifié, la poitrine ouverte, le cœur arraché, la tête tranchée, Pattes de Jaguar est sauvé par... une éclipse totale du Soleil ! Merci, Hergé. Cela dit, Mel Gibson aurait dû se documenter un peu, car il semble n’avoir vu aucune éclipse de sa vie : ce qu’il montre ne ressemble guère à une véritable éclipse. Il fallait venir à Compiègne en août 1999.

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La vie des autres

Lundi 5 février 2007

Réalisé par Florian Henckel von Donnersmarck

Titre original : Das Leben der Anderen

Sorti en Allemagne le 15 mars 2006

Sorti en France le 31 janvier 2007

Le monde se divise en deux camps : il y a ceux qui trouvent ce film génial, et il y a votre humble serviteur.

Certes, la police politique et pas tellement secrète de la défunte Allemagne de l’Est, la Stasi, faisait un travail répugnant : espionnage, arrestations arbitraires, pressions de toutes sortes, chantages. Mais enfin, on le savait, et ce film se contente de quelques révélations sur ses méthodes. Par exemple, pour briser un artiste du genre expansif, l’emprisonner pendant une dizaine de mois, sans aucun contact, pas même avec ses gardiens... puis le libérer sans autre justification. La victime a si peur que tout cela recommence, qu’elle ne produit plus rien.

Mais enfin, le film se borne à nous montrer des interrogatoires, des écoutes téléphoniques et des perquisitions, autant de malversations qui ne font pas un spectacle, et se révèlent plutôt soporifiques. Et puis, il y a l’argument dramatique, le fil rouge du scénario : on est prié de croire que le capitaine Wiesler, qui espionne le dramaturge Georg Dreyman, finit par se prendre d’une telle sympathie pour sa cible, qu’il en vient à délaisser sa mission et trahir la Stasi. Mille excuses, on refuse d’y croire ! Un sale flic est un sale flic, il n’y a pas de rédemption possible. « J’ai changé », prétend Sarkozy pour se faire élire ? « J’ai changé », prétendait Giscard en 1981 pour se faire réélire ? Montrez-moi un type qui prétend avoir changé, et je vous montrerai un menteur. « Les gens ne changent jamais », rappelle d’ailleurs un personnage du film. Mais le réalisateur, lui, joue du violon pour parvenir à nous faire avaler ce revirement (je fais allusion à la musique, atroce).

Ce n’est pas le seul grief : le poète et dramaturge Dreyman est trahi par la femme qui l’aimait, Marta, qui le dénonce à la Stasi. Puis elle est victime d’un accident mortel, si mal filmé qu’il n’est pas crédible : une camionnette, qui roulait assez lentement, la renverse dans une rue large, rectiligne et déserte, la fille la voit arriver, et l’accident se produit néanmoins, assez violent pour l’expédier au paradis des mouchards. Pardon, mais on ne croit pas non plus à ce moyen récurrent de se débarrasser d’un personnage devenu encombrant pour le récit.

Et cet à-peu-près historique sur 1989 : « Le Mur de Berlin est tombé, des milliers d’Allemands de l’Est se précipitent hors des frontières », annonce un personnage. Mais non, c’est simpliste. Sous la pression de Gorbatchev, le gouvernement est-allemand avait ouvert les frontières (d’abord vers la Pologne) bien avant la démolition du Mur, qui n’était plus qu’un symbole d’un passé détestable, mais plus vraiment un obstacle à l’émigration.

Retenons, vers la fin, une réplique de Dreyman : « Dire que des gens comme vous ont dirigé un pays ! ». Sans doute, sans doute... Mais chez nous, « des gens » comme Mitterrand ont bel et bien dirigé le pays avec des méthodes identiques, les écoutes téléphoniques, sans l’excuse d’un projet politique, et il se trouve encore « des gens » qui vénèrent cette canaille et s’en réclament pour se présenter à l’élection présidentielle. Ce n’est pas plus glorieux.

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Bobby

Mardi 6 février 2007

Réalisé par Emilio Estevez

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 5 septembre 2006

Sorti en France le 24 janvier 2007

Reportage romancé sur le dernier jour de Robert Kennedy, frère de son frère, et qui se présentait à l’élection présidentielle. Son assassinat par Sirhan Sirhan en juin 1968, qui marque la fin du film, a aussi entraîné la fin des illusions, que pouvaient conserver encore les citoyens des États-Unis, de vivre au sein d’une démocratie élective. Le film ne le dit pas aussi crûment, mais c’est bien ce que l’on comprend.

Réalisé par Emilio Estevez, acteur qui a surtout réalisé pour la télévision, ce travail n’est pas inintéressant, mais pas exempt non plus de séquences oiseuses, comme celle du LSD. Et puis, est négligé une fois de plus le principe pourtant simple dont j’ai parlé à propos d’Orange mécanique : lorsque le dialogue est important, il ne faut pas détourner l’attention du spectateur par un excès de mouvements dans l’image. Ici, c’est le discours final (assez long) de Kennedy qui est noyé sous l’agitation de la mise en scène, et que par conséquent on n’écoute pas. Erreur de débutant. Trop de vedettes, également, qui viennent faire de la figuration. Cela tourne au film de copains...

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Hannibal Lecter : les origines du mal

Mercredi 7 février 2007

Réalisé par Peter Webber

Titre original : Hannibal rising

Sorti en France le 7 février 2007

L’UGC des Halles, à Paris, est la salle qui ouvre le plus tôt en Europe, à neuf heures du matin. Et comme c’était aujourd’hui la première mondiale du film, les lignes que vos yeux éblouis ont présentement le bonheur de lire (soyons modestes, disons plutôt : de parcourir) sont les premières écrites par un non-professionnel. Je veux dire : quelqu’un qui n’est pas payé pour cela. Hélas, contre qui faire grève ?

Les quatre précédents films consacrés au personnage d’Hannibal Lecter étaient tirés de trois livres de Thomas Harris, honorable romancier qu’il ne faudrait cependant pas prendre pour un grand écrivain. Pour ce cinquième opus, on lui a demandé de rédiger un scénario racontant comment Hannibal était devenu cannibale, et il a eu raison d’accepter : le boulot de scénariste, surtout s’il se passe à Hollywood, est une prodigieuse sinécure, et l’on peut y rester des mois sans rien faire, tout en étant royalement payé. Cela dit, il ne s’est pas foulé !

Résumons : Hannibal rising (c’est le vrai titre, après l’abandon de Young Hannibal) a le cul entre deux chaises, car il repose à la fois sur un processus intéressant et sur un procédé sommaire. Comment, ce n’est pas clair ? Bien, délabyrinthons.

Le processus intéressant est celui dont je parle régulièrement, celui de l’identification du spectateur au personnage central. Ici, cela fonctionne plutôt bien, puisque le spectateur, non seulement ne désire pas qu’Hannibal se fasse prendre, mais, mieux, qu’il aille jusqu’au bout de sa vengeance. Soit dit en passant, une vengeance de plus, au cinéma, cela devient récurrent...

Le procédé sommaire est à double fond : d’abord, on joue sur l’apitoiement. En effet, la petite sœur d’Hannibal, alors qu’ils étaient enfants, a été mangée par d’affreux nazis ; outre cela, le jeune homme apprend vers la fin que lui-même, à son insu, a participé au festin ! Ensuite, on choisit pour incarner ce monstre un acteur sympathique, Gaspard Ulliel, qu’il est impossible de détester, quoi que fasse son personnage... Parions qu’avec Vincent Cassel ou Yvan Attal, cela fonctionnerait beaucoup moins bien !

Bilan : Hannibal rising est le moins bons des cinq films sur Hannibal. D’abord, parce que le moins inquiétant. Je ne dis pas que c’est nul ; parfois, c’est même réjouissant, puisque Hannibal n’expédie ad patres que d’immondes salauds, et en quantité industrielle. Certes, cela fait un peu auto-défense, mais au cinéma, c’est du tout-venant : souvenez-vous que Le vieux fusil passe couramment pour un grand film (alors que c’est un navet, mais cela nous entraînerait trop loin). Autre raison qui justifie d’écrire que le film n’est pas bon, c’est qu’il tente d’expliquer l’inexplicable, ce qu’on ne doit jamais faire (Hitchcock n’explique pas pourquoi ses oiseaux attaquent les humains ; Buñuel n’explique pas pourquoi ses bourgeois ne peuvent pas sortir du salon de L’ange exterminateur), et donne, de la charmante manie d’Hannibal, une explication psychanalytique, bourde suprême !

Détail : presque toute l’histoire se passe en France, beaucoup des personnages sont français, la vedette du film est un Français... mais tout le film est en anglais, y compris quand c’est un poissonnier des Halles qui parle. Il y avait longtemps qu’on ne nous avait pas fait le coup du « C’est indispensable si on veut vendre dans le monde entier », cher à Luc Besson et Jean-Jacques Annaud.

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David Lynch

Mercredi 7 février 2007

Aujourd’hui sortait aussi le dernier chef-d’œuvre de monsieur David Lynch, grand maître-sic du fumeux, de l’abscons et du bizarre bidonné. Lynch bénéficie d’une réputation incroyable depuis Elephant Man, film honorable mais qui est bien le seul de cette espèce dans sa longue carrière. Pour ma part, j’ai décroché tout de suite après Blue velvet, et n’ai rien compris à la suite de ses productions, que ce soit son feuilleton Twin Peaks, le film qu’il en a tiré, ou l’extrait de Mulholland Drive que j’ai pu voir en partie à la télévision et qui ne m’a pas fait regretter d’avoir boycotté le film en salle.

À l’occasion de cette ultime sortie, donc, on nous a appris que Lynch exigeait que le titre de ce dernier film soit partout écrit en lettres majuscules ; et, en effet, il s’est trouvé quelques journaux et sites Internet pour obtempérer, le petit doigt sur la couture du pantalon – si j’ose cette expression. Cette exigence de dingo m’a rappelé celle qu’avait manifestée le chanteur Prince, il y a une quinzaine d’années : lorsqu’on le recevait sur un plateau de télévision, il ne fallait ni lui adresser la parole, ni prononcer, ni écrire son nom sur les écrans. Cela a magnifiquement marché, car plus personne, après cela, n’a parlé de lui ni de sa carrière !

Bien. Je ne voudrais surtout pas aller à l’encontre des désirs de monsieur Lynch, mais il se trouve que, comme le cuisinier de La règle du jeu, j’ai horreur des caprices. Adoptons par conséquent un compromis : je n’écris pas le titre de son film en lettres normales ; mieux, je ne l’écris pas du tout. De cette façon, tout le monde est satisfait.

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Snow cake

Jeudi 8 février 2007

Réalisé par Marc Evans

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 9 février 2006

Sorti en France le 31 janvier 2007

Alan, quinquagénaire, prend Vivienne en auto-stop, mais un chauffard les heurte, et elle perd la vie. Alan, qui se sent à tort coupable, veut connaître la mère de Vivienne, mais il s’avère que Linda est autiste – une autiste très bavarde, soit dit en passant. Il reste quelque temps dans le village, devient l’amant d’une amie de Linda, et finit par laisser affleurer quelques détails de sa propre vie.

Le film joue beaucoup sur les sentiments. Trop, dirait un esprit chagrin. À vrai dire, il n’existe aucune autre possibilité dans ce type de scénario, si l’on veut tenir presque deux heures. Un seul détail m’a retenu : Alan avait appris qu’il avait un fils de 22 ans dont il ignorait l’existence ; un rendez-vous a été pris pour que les deux hommes se rencontrent, mais ce fils est lui aussi mort d’un accident avant de rencontrer son père. « J’ai pleuré pendant quatre ans quelqu’un que je n’avais jamais vu », remarque Alan. Bof, on a connu mieux...

La mère autiste est jouée par Sigourney Weaver, qui en fait des quintaux. Dans quelques mois, on distribue les Oscars. Et devinez qui va décrocher celui de la meilleure actrice ?

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Blood diamond

Vendredi 9 février 2007

Réalisé par Edward Zwick

Sorti aux États-Unis le 8 décembre 2006

Sorti en France le 31 janvier 2007

Hasard ? À une semaine d’intervalle sortent deux films dans lesquels une vedette sympathique joue un rôle de monstre ou de salaud. Avant Gaspard Ulliel en cannibale, on a donc ici Leonardo diCaprio en trafiquant de diamants sans scrupules. Même genèse de la monstruosité : Hannibal avait vu sa petite sœur mangée par des nazis, Danny Archer a vu sa mère violée et tuée, son père décapité et suspendu à un crochet.

La comparaison s’arrête là, car le scénario d’Hannibal rising, tout en étant sans surprise, est bien meilleur que celui de Blood diamond, qui est une épuisante collection de clichés. Dommage, car le sujet était brûlant : la responsabilité des pays riches dans les guerres civiles africaines, et le thème des enfants soldats. Ce dernier thème est illustré par une scène-choc, montrant l’initiation d’un enfant à la pratique du meurtre : on bande les yeux d’un gosse, on lui remet un fusil et on lui demande de tirer droit devant lui... alors qu’on vient d’amener dans le champ de l’arme un prisonnier. Le gosse tire, on lui ôte son bandeau, et il découvre qu’il vient de tuer sa première victime. C’est le premier pas qui coûte, mais on voit mal où est l’initiation s’il ne savait pas ce qu’il faisait...

Il faut reconnaître que cette recherche d’un énorme diamant brut par une crapule est un peu longuette et semble un peu artificielle ; non moins que l’ébauche d’une histoire d’amour avec l’éternelle journaliste honnête, personnage-cliché qui traîne sa déontologie dans la moitié des films d’outre-Atlantique. Quant à l’agonie rédemptrice jouée par Leonardo, elle frise le ridicule : « Je meurs, mais à ma place ». Non moins ridicule, la fin bien-pensante dans le style des cuisines hollywoodiennes, avec le gentil héros noir qui a sauvé sa famille, et applaudi par une assemblée de Blancs parce qu’il « vient témoigner ». On a l’impression d’avoir vu cela vingt-cinq fois, et en beaucoup mieux. Le film est très en-dessous de Lord of war, par exemple, sur un sujet voisin.

Reste une mise en scène efficace, dont les scènes de combat, composées d’une multitude de plans très compliqués, semblent témoigner d’une grande expérience du cinéma d’action.

Leonardo DiCaprio, dont on a dit qu’il était exceptionnel dans ce film, est en fait comme d’habitude. Il est vrai que son rôle n’est pas compliqué.

Un détail rigolo : le diamantaire sans scrupules qui veut à Londres acheter le gros diamant ressemble fort à Tony Blair ! Encore un hasard ?

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Critique de La vie des autres

Vendredi 9 février 2007

Je ne suis pas un fan d’Éric Neuhoff, critique figaresque, mais il faut tout de même reconnaître qu’à propos de La vie des autres, dans l’émission Le masque et la plume, il a eu le bon sens de remarquer que l’espionnage téléphonique ne fut pas l’apanage de la RDA, et que Mitterrand a lui aussi espionné des actrices, sans l’excuse de vouloir protéger sa politique, puisque, en vieillard libidineux et vicieux, il ne recherchait que le détail croustillant.

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Massacre à la tronçonneuse : le commencement

Mardi 13 février 2007

Réalisé par Jonathan Liebesman

Titre original : The Texas chainsaw massacre : the beginning

Sorti à Taiwan le 5 octobre 2006

Sorti en France le 7 février 2007

Depuis 1983, c’est au moins le cinquième opus – sans compter les parodies et dessins animés, dont un court-métrage kenyan de deux minutes ! Et le second (on l’espère) avec Lee Ermey, qui jouait le shériff Hoyt dans le précédent, en 2003, et interprète celle fois-ci un faux shériff Hoyt, qui est en fait Charlie, l’un des membres de la sinistre famille Hewitt. Famille dont on n’a pas fini de voir les exploits sanguinaires (ils auraient tué vingt ou trente personnes, on ne sait pas).

Le film est peu imaginatif et reprend ce qu’on a vu vingt fois, mais il faut croire qu’il existe des amateurs. Le gore est par chance moins appuyé que dans certaines productions très cotées, notamment japonaises.

Quelques remarques : ce film-ci est encore coproduit par Tope Hooper, l’auteur de la première mouture. C’est ce qu’on appelle bégayer. Hooper, qui n’a plus aucun talent – on l’a vérifié en 2005 avec Mortuary –, fait comme George Lucas, il exploite un filon. Autre remarque : Lee Ermey, qui avait brillamment débuté avec Kubrick dans Full metal jacket, est tombé très bas aujourd’hui. On le qualifie quelque part de « grand acteur », mais ce doit être une blague pour initiés.

Enfin, il est grand dommage qu’un excellent directeur de la photo comme Lukas Ettlin en soit réduit à ce type de production : son travail constitue le seul intérêt du présent film, avec ses images bien composées et très bien éclairées, et son souci du cadrage montrant ce qu’il faut et rien de plus.

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Le dernier roi d’Écosse

Jeudi 15 février 2007

Réalisé par Kevin Macdonald

Titre original : The last king of Scotland

Sorti aux États-Unis (Telluride Film Festival) le 1er septembre 2006

Sorti en France le 14 février 2007

« Ensemble, nous allons faire de ce pays, etc. », non, la démagogie ne date pas de 2007 et de ses deux candidats « principaux » à l’élection présidentielle : en 1970, quatre ans avant que Giscard invente la communication politique, Idi Amin Dada, président putschiste d’Ouganda, prononçait ce type de phrase creuse pour se rallier les bravos du populo.

Le film, tiré d’un roman et dont on nous dit qu’il met en scène des personnes réelles (mais ce jeune médecin écossais a-t-il vraiment existé ?) est passionnant de bout en bout, malgré quelques personnages caricaturaux ou conventionnels – et je ne parle pas d’Idi Amin, qui n’est pas caricaturé. Tourné réellement sur les lieux, il fait vrai, et ce caractère d’authenticité n’est pas dû à la seule interprétation de Forest Whitaker, lequel ne ressemble pas vraiment à Idi Amin : le vrai faisait beaucoup plus plouc. Mais son talent compense tout, et lui vaudra un Oscar dans quelques jours. Le récit est bien mené, avec la gradation qui nous conduit, en compagnie du très naïf personnage témoin, de la vision sympathique à la vision d’horreur. Et l’un des mérites du film est de rappeler la responsabilité des Occidentaux, qui, de tout temps, ont encouragé – parfois en se ravisant ensuite, comme Giscard avec Bokassa – de sanglants dictateurs... lesquels servaient les intérêts privés de quelques firmes richissimes ayant pignon sur rue. Et toute allusion à Total, à Bouygues ou à la Lyonnaise des Eaux, dans la présente notule, n’est pas l’effet d’une coïncidence.

On regrette seulement, sur le plan du scénario, que l’histoire qui nous est contée s’arrête juste avant le raid israélien sur l’aéroport d’Entebbé, qui a ridiculisé à jamais le dictateur. Manque d’argent, ou le film était déjà trop long ? Cet épisode manquant fait vraiment défaut au film, car on l’attend et on ne le voit pas. Certes, il y a déjà eu deux ou trois films sur Entebbé (dont un téléfilm avec Elizabeth Taylor !), mais cela commence à dater.

Espérons qu’un distributeur aura l’idée de ressortir l’extraordinaire Général Idi Amin Dada, de Barbet Schroeder, vu en 1974, et qui avait le mérite d’avoir été mis en scène, dans une sorte de co-réalisation involontaire, par Idi Amin lui-même !

*

Forest Whitaker a effectivement eu l’Oscar du meilleur acteur, mais aussi : un Bafta Film Award, un Bet Award, un Black Reel Award, un BSFC Award (c’est la récompense décernée par la Boston Society of Film Critics), un Critics Choice Award (décerné par la Broadcast Film Critics Association), un CFCA Award (décerné par la Chicago Film Critics Association), un DFWFCA Award (décerné par la Dallas-Fort Worth Film Critics Association), un FFCC Award (décerné par le Florida Film Critics Circle), un Golden Globe, un Image Award, un KCFCC Award (décerné par le Kansas City Film Critics Circle), un Sierra Award (décerné par la Las Vegas Film Critics Society), un ALFS Award (décerné par le London Critics Circle Film), un LAFCA Award (décerné par la Los Angeles Film Critics Association), un NBR Award (décerné par le National Board of Review), etc. On a rarement vu une telle pluie de récompenses. Or, pour une fois, c’est mérité.

En bref : à voir.Haut de la page

Agua

Vendredi 16 février 2007

Réalisé par Veronica Chen

Sorti en Argentine (Festival de Buenos Ayres) le 21 avril 2006

Sorti en France le 7 février 2007

L’histoire tourne autour de deux personnages. Goyo, nageur de compétition, a gagné une course importante, mais on découvre qu’il avait pris un produit pharmaceutique interdit, et il est disqualifié. Deux mois plus tard, le produit est autorisé ! Bien plus tard, consciente de l’injustice, la Fédération lui rend sa coupe, mais des années ont passé, Goyo a vieilli et n’est plus en condition physique pour gagner quoi que ce soit. L’autre personnage, Chino, est un jeune nageur, doué mais n’ayant encore rien gagné. Découragé, aussi parce qu’il a besoin de gagner sa vie, le voilà qui abandonne la compétition.

Vous vous dites immédiatement qu’on va subir un de ces films de sport, dans lequel un ancien prend en charge un jeunot, lui fait subir un entraînement sévère, et le conduit à la victoire, saluée par un beau discours patriotique sur les vertus de l’effort, plus les niaiseries habituelles. Mais non, car nous ne sommes pas aux États-Unis, nous sommes en Argentine.

La suite est le récit d’une tricherie étrange et manquée : Goyo accepte de concourir dans une compétition de natation qui se dispute sur un fleuve boueux, ramifié en plusieurs bras comme le Rhône en Camargue, où chaque concurrent est libre de choisir son itinéraire, l’essentiel étant d’arriver le premier. Soit dit en passant, on devrait tenter cette formule avec le Paris-Dakar ou le Tour de France... Goyo et ses concurrents doivent être suivis, chacun, par un canot de secours. Or le canot de Goyo tombe en panne, et l’entraîneur en envoie un autre, piloté, vous l’avez deviné, par Chino. Celui-ci retrouve son aîné, épuisé, à deux doigts de se noyer, le repêche, et s’entend suggérer cette combine : qu’il revête la combinaison de Goyo, fasse la plus grande partie de la course, et que les deux compères se retrouvent à la sortie du bras où actuellement ils sont seuls, pour une nouvelle substitution permettant à Goyo de finir. Chino accepte, mais, au lieu du rendez-vous, Goyo se cache, ne répond pas aux appels de Chino, qui termine la course (pas premier, tout de même, il ne faut pas charger... la barque !). Évidemment, l’un et l’autre se trouvent publiquement déconsidérés : Chino retourne à ses travaux de manutention, et Goyo pleure sur sa gloire passée.

On le voit, les intentions de Goyo... et du scénariste sont aussi limpides que le fleuve en question.

Dans ce cas, pourquoi ce film est-il à voir ? Justement, parce qu’il y a « à voir » dans la prise de vue. Nul ne semblait y avoir songé auparavant, or les scènes d’entraînement et de compétition sont filmées, non pas comme de coutume, avec la caméra à côté des nageurs, ou au-dessus, mais au-dessous, dans l’eau, par de longs travellings arrière ou latéraux. De sorte qu’on a le point de vue d’un poisson qui se serait égaré dans une piscine. C’est à la fois original et très beau, surtout avec le son résonnant qui accompagne les images. Un petit exploit, qui sera très vite récupéré par la pub, comme chaque fois qu’un réalisateur (ici, une réalisatrice, Veronica Chen) a une idée neuve.

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Il a suffi que maman s’en aille...

Lundi 19 février 2007

Réalisé par René Féret

Sorti au Canada (Festival de Montréal) le 29 août 2006

Sorti en France le 14 février 2007

... pour que papa s’occupe enfin de moi.

Une petite fille, qui a l’air d’un garçon (et qui trouvera au cours de l’histoire un petit copain qui a l’air d’une fille – ce doit être lourd de sens), vit seule avec son père, très affairé sur ses chantiers de construction, et qui avait peu de temps pour elle avant le départ de sa femme, partie avec un godelureau, mais là il fait un effort. Le sujet parfait pour un de ces téléfilms bien-pensants du samedi soir sur France 3, et le film est effectivement de ce niveau.

Comme il ne se passe strictement rien, le réalisateur fait comme de coutume dans une pareille situation, il invente des évènements. Recette, que je conseille à tous les scénaristes en panne d’imagination : coller au père une maladie de cœur, ce qui permet à la fois d’entretenir un peu de suspense (il a des alertes), puis de ménager une séquence à l’hôpital, qui ne mange pas de pain, puisque l’opération réussit. À la fin, papa va donc mieux, la fille s’entend de nouveau avec sa mère et son beau-père de la main gauche, et le spectateur est soulagé, car il n’en pouvait plus devant une telle tension dramatique.

Ce film, où l’auteur suit son chemin sans se soucier de l’existence des spectateurs endormis dans leurs fauteuils, relève à la fois de la catégorie David Lynch, que je viens de créer, et de la catégorie « spéciale népotisme », puisque trois membres de la famille Féret jouent dedans, dont l’interprète principale et omniprésente, fille du réalisateur.

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The good German

Mardi 20 février 2007

Réalisé par Steven Soderbergh

Sorti aux États-Unis le 12 novembre 2006

Sorti en France le 14 février 2007

Le film fait ouvertement référence à deux œuvres universellement connues : Le troisième homme (un homme en cherche un autre, censé mort, dans une grande ville germanique après la Deuxième Guerre Mondiale) et Casablanca (pour la scène finale de l’aérodrome) ; les deux étant ce qu’ont fait de meilleur Carol Reed et Michael Curtiz, deux réalisateurs honorables mais ne passant pas pour de grands maîtres... à l’instar de Soderbergh, qui a réalisé The good German.

Soderbergh, lui non plus, ne sera jamais considéré comme un grand auteur de cinéma, car il tourne trop et ne possède aucun style, mais c’est néanmoins un bon producteur de films. Pour celui-ci, est conservé le noir et blanc qu’il affectionne, et George Clooney se trouve encore de la partie, en correspondant militaire dans Berlin occupée par les Alliés. Au passage, osera-t-on remarquer qu’il ne fait quasiment rien ? Ses admirateurs devront chercher ailleurs...

Contrairement aux films cités plus haut et dont il s’inspire, The good German n’est pas d’une limpidité de cristal, ce qui interdit de lui tresser des couronnes. Mais enfin, on peut s’y intéresser, car c’est très bien réalisé, et les images d’archives parviennent à s’intégrer au décor : c’est presque ce qu’il y a de mieux, en fin de compte.

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Je crois que je l’aime

Mercredi 21 février 2007

Réalisé par Pierre Jolivet

Sorti en Allemagne (European Film Market) le 8 février 2007

Sorti en France le 21 février 2007

Pierre Jolivet a du savoir-faire et des idées. De quoi réussir un film sur trois. Ce dernier opus surprend un peu, car il commence comme une histoire romanesque, et passe à la comédie au bout de trois quarts d’heure, surtout parce que le dialogue contient quelques perles, et parce que le personnage de Berléand, ancienne barbouze qui s’est fait la main en espionnant pour Mitterrand, est un dingue authentique. Mais il fallait l’être, ou posséder la trempe d’une parfaite canaille, pour accepter un employeur de ce tonneau.

Ce n’est pas désagréable à voir, mais je ferai des réserves sur le pédégé incarné par Vincent Lindon, et qui est d’une invraisemblable sentimentalité, à faire pleurer Margaret Thatcher et Vladimir Poutine réunis. Si les présidents de grosses boîtes vouées à gagner du fric ressemblaient à ce benêt, on le saurait.

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La môme

Jeudi 22 février 2007

Réalisé par Olivier Dahan

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 8 février 2007

Sorti en France le 14 février 2007

Olivier Dahan avait commis en 2004 une abominable suite, Les rivières pourpres II, qui était d’une nullité rare. Auparavant, il avait massacré les souvenirs de notre enfance avec Le petit Poucet. Laissant de côté les habituels procédés que le cinéma emploie désormais pour nous en mettre plein la vue, il signe ici une biographie d’Édith Piaf dont le principal défaut a été l’indécente campagne de publicité qui a précédé sa sortie et qui bien failli nous dégoûter de le voir.

Principal défaut, mais pas le seul : bien des snobs apprécient qu’on ne raconte pas une histoire dans l’ordre chronologique, encore faut-il avoir une raison de « briser la linéarité », pour parler cuistre. Et dans le cas présent, on n’en voit guère la raison, si bien que le spectateur est pris de vertige face à ces incessants retour en arrière, qui tiennent des montagnes russes. À la réflexion, je vois une raison : éviter de nous flanquer en pleine déprime en filmant la lente et inexorable dégradation physique de la chanteuse. Les retours en arrière permettent de la montrer jeune et pétulante après l’avoir filmée aussi fraîche que la momie de Toutankhamon – vision que beaucoup n’ont pas appréciée, semble-t-il.

Cela mis à part, le film est tout à fait regardable, quoique générant très peu d’émotion, à l’exception des scènes avec Marcel Cerdan et de la séquence de sa mort, très remarquée pour cet onirique plan-séquence qui nous fait passer de l’appartement de Piaf à la scène où elle chante juste après l’annonce de l’accident mortel. En réalité, La môme tient un peu du défilé de célébrités, et apparaît comme calqué sur la totalité des biographies que nous offre à intervalles réguliers le cinéma d’Hollywood. On notera de grands absents : Charles Aznavour, nommé dans le générique de fin mais qu’on ne voit pas, Georges Moustaki, pourtant acteur important de la vie d’Édith Piaf, Yves Montand, et surtout Théo Sarapo, qui fut le dernier homme de sa vie, à la fois le plus jeune, le plus beau, le plus désintéressé quoique le plus calomnié (il n’a hérité que des dettes de sa femme, qu’il a tenu à rembourser intégralement, juste avant de la rejoindre dans sa tombe au Père-Lachaise).

Un détail que nul ne remarque, et qui prête à sourire : avant le dernier passage de la chanteuse à l’Olympia, parmi les télégrammes lui souhaitant bonne chance, celui d’Yves Montand comporte une faute d’orthographe ! À mon avis, Catherine Allégret, qui joue dans le film, y a glissé cette peau de banane pour se venger de son défunt beau-père.

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Nue propriété

Samedi 24 février 2007

Réalisé par Joachim Lafosse

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 1er septembre 2006

Sorti en France le 21 février 2007

Pascale a eu deux enfants avec son mari, deux faux jumeaux, Thierry et François. Puis les époux, qui se s’entendent plus, ont divorcé, et Pascale est restée très hostile envers son ex-mari. Les deux garçons, l’un étudiant, l’autre qui bricole et n’a aucun projet, reçoivent de l’argent de leur père, mais elle-même n’a que les revenus de son travail, et elle voudrait vendre la maison pour aller s’installer dans le midi de la France et y tenir un petit hôtel avec son nouvel ami... alors qu’elle est incapable de cuisiner ou de prendre une décision ! C’était compter sans la loi, qui ne lui accorde que la jouissance de la maison, pas la propriété – puisque leur père a donné la maison à ses enfants –, et sans l’hostilité de ses fils à ce projet. Il faut dire que Pascale est un être assez primitif, velléitaire, elle ne ferme pas la porte des toilettes, et prend sa douche derrière son fils qui se brosse les dents et peut la voir dans la glace de la salle de bains. Pour ses enfants, surtout Thierry, elle est donc un peu la cinquième roue du carrosse.

Sur ce canevas fort simple se greffent une multitude de scènes où la rancœur de Thierry envers sa mère ne cesse de se manifester. François est plus réservé, or un accident (très bien filmé) va lui faire payer le prix du conflit où s’affrontaient les autres. Conflit qui n’était pas si profond, il faut le noter, bien des familles en traînent de semblables. C’est encore la Fatalité...

Si on n’échappe pas au cliché des jumeaux qui s’opposent en tout, abondamment utilisé au cinéma, en revanche, la mise en scène, très sobre, réussit à communiquer les sentiments qui circulent entre les cinq personnages : deux hommes mûrs qui tentent l’apaisement, deux jeunes hommes aux caractères très différents, l’un calme, l’autre agressif, et une femme qui veut changer de vie mais ne sait pas comment. Presque tout est filmé en plans-séquences, la caméra bougeant rarement. Bien entendu, sans de bons acteurs, ce drame ne tiendrait pas, mais les frères Renier (et non pas « Rénier », comme on l’écrit souvent), Jérémie surtout, sont à la hauteur. En prime, pour une fois, Isabelle Huppert joue dans un bon film.

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Oscars

Lundi 26 février 2007

Comme prévu et mentionné plus haut, Forest Whitaker a remporté l’Oscar du meilleur acteur. Chez les femmes, c’est Helen Mirren. Très bien. Le reste du palmarès est ridicule et ne vaut pas d’être mentionné.

Rions : Jaffar, le fils d’Idi Amin Dada, qui voudrait bien réhabiliter un peu son dictateur de père – cinq cent mille morts au compteur, pour neuf ans de règne –, n’a trouvé qu’un reproche à formuler à Forest Whitaker, sa façon de marcher ! « Mon père fait de grands pas et ses mains se balançaient à cause de ses épaules larges. Whitaker a les genoux cagneux, mon père avait les jambes arquées », rappelle-t-il. Dire qu’on a donné un Oscar à un type qui a les genoux cagneux ! C’est monstrueux.

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Juste une fois !

Lundi 26 février 2007

Réalisé par Bobcat Goldthwait

Titre original : Sleeping dogs lie ou Stay

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 21 janvier 2006

Sorti en France le 21 février 2007

Comédie dramatique, possédant deux titres originaux, et le distributeur français en a trouvé un troisième, c’est parfait. Mal distribuée, assez mal accueillie par la critique (mieux par le public), c’est le genre d’histoire qui, après une première minute peu engageante, va plutôt loin, sans avoir l’air d’y toucher. Amy a un fiancé adorable, John (c’est Bryce Johnson), beau, intelligent, qui l’idolâtre et veut se marier. Un jour, vient à John une idée désastreuse : qu’ils se confient l’un à l’autre un secret personnel et jalousement gardé, pour se prouver leur confiance mutuelle. Et il déballe le sien : avec quatre camarades, en colonie de vacances, ils avaient fait un concours, se masturber sur un biscuit, et le dernier qui éjaculait mangeait le biscuit. « J’ai perdu », avoue-t-il en se marrant... mais sans préciser s’il y avait un biscuit pour chacun ou un seul pour tous (ici, spectateur frustré). Certes, de son côté, Amy cache bien un horrible secret, mais elle refuse de le dévoiler. Or le spectateur le connaît déjà, par la voix off d’Amy, et dès la première minute du film, comme dit plus haut.

Pressée de questions, Amy finit par raconter son histoire, et c’est si inattendu et si répugnant que John, dégoûté, ne tient pas le coup et préfère bientôt la rupture. Pour comble, le frère drogué d’Amy a surpris la conversation et tout raconté à table, au cours d’un dîner de famille : voilà donc la pauvre Amy brouillée aussi avec sa mère, très puritaine en apparence. Pourtant, elle n’avait fait de mal à personne, et n’avait offensé que le bon sens et l’esthétique. Ainsi que, au passage, la morale bourgeoise. D’ailleurs, le film a été interdit aux moins de 18 ans au Royaume-Uni et en Irlande.

Lorsque Amy rencontre un nouvel amour en la personne de son collègue Ed, qui est au courant de la rupture mais pas de sa cause profonde, elle a retenu la leçon, et, encore une fois pressée de questions, le laisse croire qu’il s’agissait d’un avortement. Mieux : au décès de sa mère, et quand son père lui déclare sur un ton détaché « Tu savais que ta mère avait eu un amant avant moi ? », elle comprend qu’il prêche le faux pour savoir le vrai, et s’exclame « Maman ? Mais c’était la Sainte Vierge incarnée ! », alors qu’elle sait bel et bien que sa mère a eu une aventure avant son mariage.

Moralité, après avoir menti à son père et à son nouveau fiancé : « Il faut mentir. Et être à la hauteur de ses mensonges ». Philosophie à laquelle on adhère sans réserve, « soulager sa conscience » ne peut que faire du mal aux autres. Le film n’est pas parfait, il n’y a rien à dire sur la mise en scène, mais il bénéficie d’un scénario bien ficelé, ce pour quoi je me suis permis de ne parler que de cela. Si vous êtes frustré de ne pas lire ici le secret d’Amy, allez lire le récit à cet endroit.

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Lettres d’Iwo-Jima

Mardi 27 février 2007

Réalisé par Clint Eastwood

Titre original : Letters from Iwo Jima

Sorti au Japon le 15 novembre 2006

Sorti en France le 21 février 2007

Le second volet de Clint Eastwood sur la guerre entre les États-Unis et le Japon. Moins bon que le premier, qui, déjà, se focalisait sur un événement mineur, mais pouvait du moins donner lieu à une discussion sur la fin et les moyens ; ici, rien de tel. Si l’on excepte les scènes de combat, bien réalisées – mais après Il faut sauver le soldat Ryan, toutes les scènes de combat paraissent bien pâles –, on doit convenir que le film est assez ennuyeux, et l’on ne comprend pas très bien à quoi il sert. Quasiment aucune émotion, pour ne rien arranger.

Comme dans la totalité des films mettant en scène des militaires japonais, ceux du film ne s’expriment qu’en vociférant. Et ne manquent pas de proférer des absurdités, comme celle-ci, d’un chef haranguant ses soldats : « Personne ne doit mourir avant d’avoir tué au moins dix ennemis ! ». Certes, certes... Mais si un insolent se permet de mourir avant, qu’est-ce qu’on lui fait ? On lui sucre sa prochaine perm ? Les slogans militaires sont aussi cons que les slogans publicitaires.

Si vous voulez détester de méchants Japonais, allez plutôt revoir Le pont de la rivière Kwaï.

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Chronique d’un scandale

Mercredi 28 février 2007

Réalisé par Richard Eyre

Titre original : Notes on a scandal

Sorti aux États-Unis le 25 décembre 2006

Sorti en France le 28 février 2007

Tout, ou presque, est dans le titre. Cette chronique est le journal intime d’une femme solitaire, Barbara, professeur de lycée, au bord de la retraite, et qui jette son dévolu sur de jeunes femmes, s’arrange pour leur devenir indispensable, et se révèle par la suite d’une possessivité pathologique. Avec la précédente, cela s’est très mal passé, puisque sa proie a échoué en asile psychiatrique. Avec Sheba, ce sera pire : la prison.

Il faut dire que Sheba y a mis du sien. Professeur de dessin débutante alors qu’elle a déjà la quarantaine, elle a choisi ce travail pour oublier ses frustrations d’épouse dont le mari est sans passion et le fils trisomique, pour ne rien dire de sa fille, qui a pris pour petit ami un homme trop âgé. Compensation ? Sheba tombe amoureuse d’un de ses élèves, un garçon de quinze ans. Barbara, devenue sa confidente, promet de se taire, mais la dénonce dès que Sheba manifeste malgré elle sa première marque d’indifférence envers sa nouvelle amie.

Il faut avouer que cette histoire banale et sans surprise est mal racontée, avec dramatisation excessive et musique grandiloquente. On n’en retient guère que le talent des interprètes, Judi Dench et Cate Blanchett.

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Sites associés :    Yves-André Samère a son bloc-notes 122 films racontés

Dernière mise à jour de cette page le mardi 8 septembre 2020.