JPM - Films vus - Notules - Août 2008

Notules - Août 2008

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées : Falafel – Magnolia – La princesse du Nebraska – Life is cheap... but toilet paper is expensive – Le voleur de bicyclette – Un millier d’années de bonnes prières – Les trois p’tits cochonsBraquage à l’anglaise – The bank job – The Italian job – L’or se barre – X-Files : RégénérationThe X-Files : I want to believeThe dark knight – Batman begins – L’empreinte – La vie est un long fleuve tranquille – Solitaire – Rogue – Jaws – Les dents de la mer – Peter Pan – VersaillesBack soon – Full metal jacket – Ultranova – Eldorado – GomorraJoshua – Rosemary’s baby – L’autre – Star Trek – La fille de Monaco – Le boucher – Un mari de tropThe accidental husband – El caballero de la noche

Personnes citées : Wayne Wang – Roger Donaldson – Princesse Margaret – Lord Mountbatten – Christopher Nolan – Christian Bale – Tim Burton – Heath Ledger – Aaron Eckhart – Greg McLean – Michael Vartan – Pierre Schöller – Guillaume Depardieu – Didda Jónsdóttir – Sólveig Anspach – Jean-Luc Gaget – Julien Cottereau – Bouli Lanners – Matteo Garrone – Salvatore Abruzzese – Francis Ford Coppola – George Ratliff – Roman Polanski – Robert Mulligan – David Gilbert – Jacob Kogan – Anne Fontaine – Fabrice Luchini – Stéphane Audran – Roschdy Zem – Louise Bourgoin – Claude Chabrol – Griffin Dunne – Jérôme Garcin

Falafel

Vendredi 1er août 2008

Réalisé par Michel Kammoun

Sorti au Liban (Festival de Beyrouth) le 16 septembre 2006

Sorti en France le 30 juillet 2008

Titre un peu fâcheux, parce que déjà pris par un film israélien en 2005. Toufik est un étudiant libanais qu’on ne voit jamais étudier, qui passe seulement son temps à rouler à scooter, allant d’un point à un autre (fast-food local, d’où le falafel, garages, fêtes données par des copains, et un peu chez sa mère). Au début, il n’arrive strictement rien, mais une altercation avec un automobiliste friqué qui le rosse et lui fait une égratignure au visage l’incitent à vouloir flinguer l’homme, donc il se balade désormais avec un pistolet, mais la fin du film survient avant qu’il ait eu le temps de s’en servir.

Tout se passe la nuit, aucun personnage ne fait quoi que ce soit d’intéressant ni ne possède le moindre attrait, seule cette idée de vengeance inaboutie soutient un peu le film, ainsi que cette scène, d’ailleurs complètement ratée, où il se met à pleuvoir des falafels comme les grenouilles pleuvaient dans Magnolia. C’est bien mince.

 

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

La princesse du Nebraska

Lundi 4 août 2008

Réalisé par Wayne Wang

Sorti aux États-Unis (Festival de Telluride) le 2 septembre 2007

Sorti en France le 30 juillet 2008

Dans ce film de Wayne Wang, cinéaste hong-kongais qui travaille aux États-Unis et qui s’était signalé en 1989 par un film au titre distingué (Life is cheap... but toilet paper is expensive, sic !), Sasha est une Chinoise immigrée à Omaha (Nebraska), et qui est enceinte de quatre mois. Le père, Yang, est un chanteur de l’Opéra de Pékin, resté en Chine, et qui est aussi un prostitué homosexuel. Sasha désire avorter, car elle n’a pas les moyens d’élever un enfant, et se rend pour cela à San Francisco. Tiens, on peut avorter à quatre mois, aux États-Unis ?

Le film se borne à cela, mais même un scénario étique peut donner lieu à un film riche, voyez Le voleur de bicyclette. Tout dépend de la réalisation. Or, ici, on a un produit relevant de ce détestable cinéma qui veut « faire moderne » : abondance de gros plans, caméra portée atteinte de danse de Saint-Guy, et plans vides. Par exemple, les conversations, qui abondent puisque le peu d’action avance uniquement par les dialogues, sont filmées de la manière la plus plate qui soit, la caméra pivotant pour montrer tour à tour chacun des deux interlocuteurs en scène. À se croire dans un débat télévisé d’une campagne présidentielle. Il faudra qu’on nous explique un jour pourquoi filmer le visage de celui qui parle est plus important que filmer le visage de celui qui écoute.

À la fin, ne sachant pas comment terminer son film, le réalisateur case une interminable chanson, de trois ou quatre minutes, sur deux plans fixes de la fille, immobile devant un mur de béton verdâtre et nu.

Un deuxième film de Wayne Wang sort en même temps à Paris, Un millier d’années de bonnes prières. Je n’irai pas le voir, je ne souffre pas d’insomnies.

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Les trois p’tits cochons

Jeudi 7 août 2008

Réalisé par Patrick Huard

Sorti au Canada le 10 août 2007

Sorti en France le 6 août 2008

Plutôt en dessous du niveau habituel des films québécois, celui-ci fait dans l’humour très grossier à tendance sexuel. Au chevet de leur mère dans le coma, trois frères évoquent tour à tour leurs aventures (ou leurs désirs d’aventures) extra-conjugales. Du moins, les deux plus jeunes, mais on devine immédiatement que le troisième, qui fait apparemment dans le sérieux, a aussi quelque chose à cacher. Or ce quelque chose est sans surprise : il est bisexuel. Pas de quoi grimper aux rideaux.

De temps en temps, la mise en scène fait un effort d’inventivité... avec quelques bavures, comme la mère, enfin morte, que l’on voit respirer profondément !

À voir uniquement parce qu’en comparaison avec les films français politiquement corrects, celui-ci met un peu les pieds dans le plat, et sans complexes. Or, non seulement c’est maigre, mais le film est trop long : deux heures et quatre minutes, c’est une demi-heure de trop, pour une comédie.

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Braquage à l’anglaise

Lundi 11 août 2008

Réalisé par Roger Donaldson

Titre original : The bank job

Sorti au Royaume-Uni (Festival de Glasgow) le 19 février 2008

Sorti en France le 6 août 2008

Très bon film d’action britannique, sans aucun temps mort et dépourvu de tout tape-à l’œil, qui se passe dans les années soixante-dix, à Londres. Son titre original The bank job se réfère sans doute à The Italian job, en français L’or se barre, autre excellent film britannique de 1969, et qui montrait aussi un casse audacieux et réussi – dénouement mis à part –, film qui a connu un remake en 2003.

Un agitateur noir, qui se fait appeler Michael X en référence à Malcolm X, sous couvert de militer pour les droits des Noirs, se livre en fait au trafic de drogue. Mais la police ne peut le coincer, car il fait chanter les autorités grâce à des photos qu’il détient dans un coffre de banque, et montrant la princesse Margaret en train de s’envoyer en l’air avec un amant occasionnel, sous les Tropiques. Scénario gonflé, donc ! Pour beaucoup moins que ça, en France, on fait renvoyer un directeur de journal...

Les services secrets décident de faire cambrioler la banque – une petite agence de Baker Street – sans se mouiller eux-mêmes, et font recruter un groupe de voleurs par une fille connue de l’agent chargé de la mission. Le casse réussit, mais les voleurs, qui ne connaissaient pas le but final de l’opération, ont emporté tout ce qu’ils ont trouvé dans la salle des coffres privés (cent propriétaires de ces coffres ne portèrent pas plainte, pour ne pas avoir à fournir à la police la description de ce qu’on leur avait volé !), argent et documents : une liste de policiers ripoux payés par un roi du porno, et d’autres photos montrant les exploits de certains ministres dans un bordel tenu par une certaine Sonia Bern (!), très protégée.

Le film raconte, non seulement le casse de la banque, mais les épisodes annexes qui s’ensuivirent, et comment les voleurs (sauf un, assassiné par les sbires du roi du porno, et un autre abattu par les services secrets) s’en tirèrent, des passeports et un sauf-conduit leur étant remis par lord Mountbatten, cousin du père d’Elisabeth II, en personne ! C’est paraît-il une histoire vraie.

En tout cas, la monarchie, le gouvernement et la police, qui étouffèrent l’affaire, en prennent tous pour leur (haut) grade. Pourquoi ne fait-on pas de tels films en France, il ne s’y passe rien ? On n’a jamais vu un chef d’État mettre les moyens du gouvernement au service de sa fille adultérine, par exemple ? Ou son prédécesseur faire jeter en prison un innocent sous un prétexte bidon, parce qu’il l’avait ridiculisé dans un livre ?

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X-Files : Régénération

Mardi 12 août 2008

Réalisé par Chris Carter

Titre original :The X-Files : I want to believe

Sorti en Australie, Allemagne, Grèce, Hongrie, Russie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Espagne, Ukraine, au Chili, à Hong-Kong et à Singapour le 24 juillet 2008

Sorti en France le 30 juillet 2008

Le vrai titre, qui signifie « Je veux croire », est bien dans l’esprit de la défunte série télévisée.

Ayant quitté le FBI et s’étant séparés, les deux ex-agents Dana Scully, médecin et sceptique, et Fox Mulder, antisceptique – qui s’appellent par leurs noms de famille bien qu’anciens amants, comme le faisait Simone de Beauvoir avec Sartre (!) –, sont appelés à la rescousse, et on se demande en quoi ils étaient indispensables, par leur ex-employeur, parce qu’un agent du Bureau Fédéral (une femme, c’est important) a disparu depuis trois jours. Et comme nous sommes aux États-Unis, le Bureau a également fait appel à un voyant, qui, subtilité hollywoodienne aidant, est aussi un ex-prêtre catholique, DONC pédophile : il a jadis violé trente-sept enfants de chœur !

Histoire de charger la barque un peu plus, l’enquête nous apprendra que les enlèvements sont dus à un de ces enfants de chœur violés, devenu adulte, homosexuel, marié à un homme et qui a un cancer incurable ! Son compagnon veut le sauver en faisant greffer sa tête – ce doit être cela, la « régénération » du titre français – sur... un corps de femme, ce qui est pour le moins original de la part d’un homo. Et par un médecin fou, du type Frankenstein, qui s’est entraîné en greffant à des chiens une seconde tête.

Le film mérite donc la palme de la bêtise, de la surcharge scénaristique et du racolage.

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The dark knight

Vu le mercredi 30 juillet, sorti le 13 août 2008

Réalisé par Christopher Nolan

Sorti en Argentine et aux États-Unis le 14 juillet 2008

Sorti en France le 13 août 2008

Sixième long métrage sur les aventures de Batman, moins flamboyant que le précédent opus, Batman begins, du même réalisateur Christopher Nolan et avec le même acteur Christian Bale. L’époque a changé, c’est très sombre, et, au contraire des deux films de Tim Burton, l’histoire n’est plus contemporaine de la bande dessinée originelle, tout se passe aujourd’hui. Le personnage central n’est pas non plus l’homme chauve-souris : le Joker (Heath Ledger, aujourd’hui décédé) ainsi que le procureur Harvey Dent (Aaron Eckhart) se partagent la vedette et le mauvais rôle.

À la fin, Batman est rendu responsable, par sa propre volonté, de tout ce qui est arrivé de néfaste à Gotham-City, et, se sacrifiant, devient la cible de la police, qui lance ses chiens sur lui. Métaphore christienne ? Fin ouverte, en tout cas, et qui laisse plus qu’entrevoir l’épisode suivant, déjà prévu.

Le film est distrayant quoique très noir, je l’ai dit ; le scénario est ambitieux, intelligent et compliqué, les péripéties nombreuses, la mise en scène impeccable, mais, hormis l’explosion d’un hôpital, il ne recèle aucune séquence grandiose. Quant à l’acteur-vedette, aucune scène de ce film ne lui offre l’occasion de montrer son talent : c’est Heath Ledger qui ramasse tout.

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L’empreinte

Mercredi 13 août 2008

Réalisé par Safy Nebbou

Sorti en France (Festival de Cabourg) le 13 juin 2008

Sorti en France le 13 août 2008

Titre dépourvu de sens. Dans ce navet, Elsa croit reconnaître en Lola, petite fille de sept ans, l’enfant qu’elle a perdu à sa naissance lors de l’incendie de la maternité. Réincarnation, substitution d’enfant, folie ? Elle se met à harceler la famille de Lola pour en savoir plus sur l’enfant. Puis on apprend à la fin (les cons aujourd’hui disent « au final ») qu’elle n’était pas folle, et que Claire, la mère présumée de Lola, a bel et bien enlevé le bébé, parce que le sien était mort dans l’incendie et qu’elle a cru la mère également morte.

Le spectateur se sent mal à l’aise tant qu’il croit Elsa folle, car il lui est impossible de s’identifier à elle, donc de partager son obsession. Ensuite, on a un retournement de situation qui n’est qu’un vieux truc de scénariste pas tout à fait inattendu, celui du personnage dont tout donne à croire qu’il a tort, et qui finalement avait raison ; cela resservira, faites-moi confiance ! Et la fin est naze : Lola est rendue à sa mère, comme dans La vie est un long fleuve tranquille, mais on pressent que ce sera moins hilarant.

On peut en outre se demander comment Elsa a pu « reconnaître » un bébé de cinq jours dans une enfant de sept ans. Et le dialogue est incroyablement mauvais. En 2008, peut-on encore faire dire à un personnage « J’ai l’impression de vivre un cauchemar » ?

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Solitaire

Jeudi 14 août 2008

Réalisé par Greg McLean

Titre original : Rogue

Sorti en Espagne (Festival de Sitges) le 6 octobre 2007

Sorti en Australie le 8 novembre 2007

Sorti en France le 13 août 2008

Pour une fois, la traduction française du titre est fidèle. Ce film australien, qui montre très bien les paysages de l’Australie dans sa partie la plus sauvage, utilise les grandes lignes de Jaws (en français, Les dents de la mer), et a l’intelligence d’en suivre le précepte, en n’introduisant l’énorme crocodile meurtrier que très lentement, puis en le montrant avec parcimonie.

La première moitié est superbe de maîtrise. Dommage que l’alibi humaniste pointe son nez, en montrant les touristes sous un jour peu flatteur, comme de bien entendu. On a un peu de mal à gober la fin, quand le héros, joué par Michael Vartan, parvient à tuer le monstre avec un simple épieu : une bête de cette taille doit être plus coriace.

Ne pas rater la chanson du générique de fin, qui reprend la musique de la ritournelle du crocodile de Peter Pan, mais avec des paroles ironiques.

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Versailles

Lundi 18 août 2008

Réalisé par Pierre Schoeller

Sorti en France (Festival de Cannes) le 19 mai 2008

Sorti en France le 13 août 2008

Une bonne idée, gâchée par un scénario stupide. Explications.

La bonne idée, c’est d’imaginer qu’un sans-abri « hérite » d’un petit garçon, Enzo, abandonné par sa mère, s’y attache, et finit par le reconnaître légalement. Dans ce rôle, Guillaume Depardieu est très bien.

Ce qui cloche, c’est que le réalisateur et scénariste Pierre Schöller a voulu faire le malin, et la bonne idée se mue en festival de mauvaises idées. La principale étant d’avoir voulu situer cette histoire dans le parc du château de Versailles ! Peut-on croire un seul instant qu’à Versailles, ville de droite, dans un haut-lieu du tourisme international, les services de sécurité laissent un groupe de clochards s’installer dans le parc, y construire des cabanes, y allumer de grands feux, jouer de la musique la nuit, et y ripailler ? C’est au point que, lorsque Damien, le sans-abri qui a recueilli l’enfant, est pris d’un malaise, le gosse s’en va chercher de l’aide au château, pas moins !

Et puis, le comportement des personnages adultes est incohérent : la mère qui a abandonné le petit aimait son enfant, mais elle le plante là dans la nuit et le laisse à un clochard qu’elle a rencontré la veille. Bien plus tard, celui-ci, qui s’est pris d’affection pour le gosse au point de lui donner son nom, de le loger chez ses propres parents et de jurer qu’il ne le quittera jamais, l’abandonne à son tour (c’était pour la symétrie ?) et disparaît définitivement. Enfin la mère indigne reparaît pour renouer avec son fils sept ans plus tard, sans qu’on sache comment elle l’a retrouvé.

On a un peu l’impression que l’auteur nous fait du chantage au sentiment : si vous n’aimez pas mon film, c’est que vous n’avez pas de cœur ! Mais ce serait bien d’être un peu plus sérieux, quand on monte une histoire. Le dialogue non plus n’est pas très bon. Exemple, quand Damien annonce à Enzo qu’il va désormais aller à l’école : « L’école, c’est très bien, il y a les copains, la République, tu verras ». Pour allécher un gosse de cinq ans, voilà un argument incitatif. On croit rêver.

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Back soon

Vu le lundi 30 juin, sorti le mercredi 20 août 2008

Réalisé par Sólveig nspach

Titre original : Skrapp út

Sorti en Islande le 8 août 2008

Sorti en France le 20 août 2008

« Back soon » en anglais, « Skrapp út » en islandais, autrement dit, « Je reviens tout de suite », c’est l’écriteau qu’Anna Halgrimsdóttir, poétesse porno islandaise, éboueuse de son véritable métier, quadragénaire et mère de famille célibataire, affiche sur sa porte quand elle va livrer à un client la marijuana qu’elle vend par téléphone – car elle appréciait jusqu’ici de travailler plus pour gagner plus. Or, tout arrive, elle veut larguer ce travail annexe afin de partir au soleil avec ses deux enfants (joués par les véritables fils de l’excellente et atypique interprète Didda Jónsdóttir), et cherche donc un repreneur. Aux candidats qui se présentent, cette poétesse tient la dragée haute, et n’entend pas lâcher le filon pour moins d’un million et demi de couronnes islandaises (environ 16 500 euros) – à quoi l’on voit que c’est bien une poétesse. L’affaire doit se conclure ainsi : ce qui fera office de pas de porte, c’est son téléphone portable, sur lequel ses clients l’appellent. Hélas, au cours des multiples pérégrinations que comporte le film, le gadget sonore, dont la longévité de la batterie est digne d’éloges, est avalé par une oie mâle (un jars, ce qui donne l’occasion au sous-titreur, qui ne devait pas connaître le mot, de faire une faute d’orthographe en écrivant « jar » – il a dû croire que le mot trouvé dans le dictionnaire était un pluriel !).

Le film est bourré de détails saugrenus et délicieux, et de personnages qui ne le sont pas moins, comme le frère de la poétesse, très monté contre le tabac mais pas contre l’alcool, cette étudiante « folle de Dieu » (sic), ce suicidaire maladroit, ou cet étudiant français qui fait une thèse sur les poétesses nordiques, et emporte en cadeau la radiographie de l’estomac du jars, dédicacée, mais pas par le jars, je vous rassure... On savourera aussi les interviews en rafale, dans le style Full metal jacket, des amis d’Anna, qui viennent expliquer pourquoi ils ne peuvent pas se résigner à éventrer l’oie gloutonne en vue de récupérer le téléphone provisoirement inaccessible ; le prétexte le plus plausible étant donné par cette fille qui croit en la réincarnation et craint, si le jars a récupéré l’âme de son propre père, de « le tuer une seconde fois »...

La réalisatrice, Sólveig Anspach, née d’un père états-unien et d’une mère islandaise, a été élevée à Paris, où elle a appris le cinéma, et sa filmographie, depuis vingt ans, est abondante et non moins respectable. On ne savait pas que notre Femis pouvait mettre sur orbite des gens doués, à voir le niveau du cinéma français actuel. Cocorico pourtant, son co-scénariste, Jean-Luc Gaget, est français.

Pour en revenir à nos amis les sous-titreurs, signalons que l’expression employée par l’étudiant cité plus haut, joué par Julien Cottereau (seul acteur français, parlant délicieusement l’anglais sans accent – sans accent anglais) pour décrire la femme qu’il interviewe, « Anna is a major figure », est traduite par « Anna est incontournable ». De l’intrusion du charabia technocratique français dans le paysage islandais. C’est beau comme l’antique.

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Ultranova

Mercredi 20 août 2008

Réalisé par Bouli Lanners

Sorti en Belgique le 27 mai 2005

Sorti en France le 11 mai 2005

Troisième film de Bouli Lanners, ce réalisateur belge à qui l’on dut ensuite Eldorado. L’histoire commence par la fin : la voiture de Dimitri se trouve sur le dos, dans un champ, après un dérapage. On n’apprendra qu’à l’épilogue que l’airbag s’est déclenché tout seul et que le conducteur a perdu le contrôle de sa voiture.

Dimitri, garçon taciturne et réservé, travaille pour une entreprise qui vend des maisons sur plan. Il passe sa vie à sillonner les routes avec deux collègues, un grincheux sentencieux et un admirateur des femmes enceintes (!). Et justement, ils prennent en autostop un automobiliste dont l’airbag, dit-il, s’est déployé seul et a provoqué l’accident qui l’a forcé à faire du stop.

Plus tard, le collègue grincheux se suicide, mais le troisième prétend que ce qui l’a tué, c’est sa « vie de merde ». Ce collègue trouve qu’il n’y a rien de plus beau qu’une femme enceinte, et demande à une serveuse « C’est pour quand ? », mais elle lui rétorque qu’elle n’est pas enceinte. Déception muette.

Dimitri rencontre aussi une fille qui s’intéresse à lui, il est près d’en tomber amoureux, mais elle lui confie qu’il n’est pas comme les autres et qu’elle voit en lui un frère. Autre déception muette.

Le film s’étire placidement sur une heure et vingt-trois minutes, dans la région de Liège. Sur les déceptions de la vie et l’incommunicabilité, d’autres feraient un film de trois heures. Puis le générique de fin donne la liste de TOUS les figurants, une petite centaine. Sacré Bouli Lanners ! On n’a pas chez nous d’auteur comme lui, et cela fait défaut.

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Gomorra

Jeudi 21 août 2008

Réalisé par Matteo Garrone

Sorti en Italie le 16 mai 2008

Sorti en France le 13 août 2008

Depuis le Festival de Cannes, tout le monde a poussé des cris d’admiration sur ce film. Désolé, je ne l’aime guère. Tout, les personnages, les lieux, les actions, y est aussi laid que l’affiche, mis à part le personnage de Totò, un garçon de quatorze ans, joué par le joli mais un peu acnéique Salvatore Abruzzese. Certes, c’est voulu, on ne va pas faire de la belle image avec ça, mais ces récits des exploits sanglants de la Camorra (la mafia de Naples, « Gomorra » = Gomorre plus Camorra) ne nous apprennent rien qu’on ne savait déjà depuis des dizaines d’années, et que le cinéma, discourant à satiété sur la mafia sicilienne, a rabâché jusqu’à saturation. Seule nouveauté, les mafieux ne sont pas idéalisés balourdement comme chez Coppola.

En fait, les trois cartons explicatifs précédant le générique de fin en disent plus que le film entier. Ce n’est pas nul, mais c’est très long, deux heures un quart, et on s’ennuie, surtout au début.

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Joshua

Vendredi 22 août 2008

Réalisé par George Ratliff

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) en janvier 2007

Sorti en France le 30 avril 2008

Premier film de George Ratliff, vu avec retard parce que très mal distribué, il rappelle le célèbre Rosemary’s baby de Roman Polanski pour l’atmosphère, et aussi, parce qu’il ne contient pas un atome de surnaturel, L’autre, de Robert Mulligan, pour le thème de l’enfant maléfique.

L’intrigue est au sein d’une famille newyorkaise aisée, pourvu d’une fils de neuf ans, Joshua, un surdoué, musicien, et où vient de naître une petite fille, Lily. Joshua est-il jaloux de l’attention que ses parents portent à Lily, que pourtant il prétend adorer ? Toujours est-il que des évènements inexpliqués vont se produire tout au long de l’histoire, culminant avec la mort mystérieuse de la grand-mère Hazel, une obsédée de la religion.

Responsable ou pas, machiavélique ou pas, Joshua élimine ses deux parents mais pas sa petite sœur, et reste seul avec elle et son oncle bien-aimé, Ned, un compositeur, avec lequel il composera une chanson ironique sur ses parents mis à l’écart.

La mise en scène est tout en suggestion, et ne contient aucun plan horrible, donc aucune facilité. Le scénario est du réalisateur et de David Gilbert, dont c’est aussi le premier travail. La musique, très réussie, est insidieuse, et fait beaucoup, avec le reste de la bande sonore, pour l’atmosphère du film. Joshua est joué par Jacob Kogan, qui est assez bon et sera l’an prochain le jeune Spock dans une nouvelle version de Star Trek.

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La fille de Monaco

Lundi 25 août 2008

Réalisé par Anne Fontaine

Sorti en Suisse (Festival de Locarno) le 10 août 2008

Sorti en France le 20 août 2008

Fabrice Luchini est un avocat parisien célèbre, venu à Monaco défendre une femme âgée, madame Lassalle (Stéphane Audran), qui a tué son amant. Le fils de la meurtrière, qui l’a engagé, lui adjoint un garde du corps, Christophe (Roschdy Zem), parce que la victime était russe, or qui dit russe dit mafia, c’est bien connu, surtout à Monaco ! Mais notre avocat se fait draguer par une fille, Audrey (Louise Bourgoin) qui présente la météo à Télé Monte-Carlo : elle couche avec tout le monde, mais veut surtout séduire un homme riche. Comme elle devient collante et perturbe le travail et la vie de l’avocat, qui n’ose pas la larguer, le garde du corps... tue la fille, pas moins ! Mais l’avocat se dénonce et va en prison à sa place.

Sur ce scénario absurde et cousu de fil blanc puisque tous les personnages masculins sont des homosexuels refoulés, Anne Fontaine, qui s’était déjà signalée en plagiant honteusement Le boucher de Claude Chabrol pour son film précédent Entre ses mains (détail qu’aucun critique n’a vu), signe une réalisation paresseuse et sans invention.

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Un mari de trop

Jeudi 28 août 2008

Réalisé par Griffin Dunne

Titre original : The accidental husband

Sorti au Royaume-Uni le 13 février 2008

Sorti en France le 27 août 2008

Un point de départ invraisemblable : pour donner une leçon à une conseillère conjugale radiophonique, laquelle a brisé l’imminent mariage d’un copain, un jeune pirate sur Internet la marie avec ledit copain ! On demande à voir... Mais celle-ci s’apprêtait justement à épouser son éditeur. Elle doit donc faire annuler ce mariage inopportun, et par conséquent rencontrer son « mari ». Or celui-ci, un pompier de New York, est beaucoup plus rigolo que son fiancé. Ils tombent amoureux, bien entendu.

La comédie ne comporte pas beaucoup de gags, sauf celui-ci : alors que tout semble arrangé et que la conseillère s’apprête à épouser le fiancé prévu au départ, tous deux conviennent que leur mariage ne marchera pas, mais comment le dire aux invités qui attendent dans le temple ? En déclenchant l’alarme anti-incendie ! Les invités sont arrosés par le système automatique et s’enfuient en courant, tandis que les pompiers arrivent, avec l’homme que préfère la fille.

Le tout est peut-être agréable à suivre, mais surtout insignifiant.

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Traduire les titres de films

Vendredi 29 août 2008

Il n’y a pas grande nécessité à traduire les titres des films étrangers. Mais quand on le fait, autant le faire bien. Or c’est peu souvent le cas. En effet, les distributeurs sont des commerçants, rarement des intellectuels, et le souci d’une bonne traduction leur est étranger. Pour eux, il faut, soit rendre accessible à ce crétin de public ce que sans eux il ne comprendrait pas, soit rendre pittoresque un titre qui n’en a pas besoin. Accessoirement, les erreurs de traduction sont monnaie courante.

Ne prenons qu’un exemple, le dernier Batman, The dark knight. En France, dans les journaux, on a entériné le sous-titre qui apparaît au générique de fin, et cela donne « Le chevalier noir ». Nul n’a remis en doute cette traduction, hormis Jérôme Garcin, qui a exprimé des doutes dans son émission Le masque et le plume sur France Inter, sans doute parce que j’avais attiré son attention sur ce détail avant l’enregistrement.

L’adjectif noir, en anglais, se dit black. En revanche, l’adjectif dark, qui signifie sombre, peut être pris comme substantif pour désigner, de façon emphatique ou poétique, la nuit. Ainsi, « the dark knight », autrement dit « the knight of the dark », signifie « Le chevalier de la nuit ». D’ailleurs, les Espagnols y ont vu plus clair, si j’ose dire, qui ont titré le film El caballero de la noche. Ce point de vue est corroboré a contrario par l’éloge funèbre que prononce dans le film le commissaire Gordon, lorsqu’il qualifie Harvey Dent de « chevalier de la lumière » (en V.O., « knight of the light »), et non de « chevalier blanc ».

Je soupçonne cet emploi de dark d’être un moyen d’éviter le bizarre et guère euphonique « the knight of the night ».

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