JPM - Films vus - Notules -  Octobre 2010

Notules - Octobre 2010

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Un homme qui crie – Daratt – Moi, la finance et le développement durableDes hommes et des dieuxElectra Glide in blue – Le faucon maltais – AmoreIo sono l’AmoreKaboom – Nowhere – Tout va bien, the kids are all rightThe kids are all rightVous allez rencontrer un bel et sombre inconnuYou will meet a tall dark stranger – Vicky Cristina Barcelona – IllégalLes amours imaginaires – My own private Idaho – Elle s’appelait Sarah – La rafle – Monsieur Klein – The social network – Seven – Fight Club – L’étrange histoire de Benjamin Button – The game – Panic room – Jurassic Park – The pacific – Le village – Les Berkman se séparent – Jean-Michel Basquiat : the radiant childParanormal activity 2 – Paranormal activity – Jar city (2010) – Very bad copsThe other guysThe American

Personnes citées : Mahamat Saleh Haroun – Jocelyne Lemaire Darnaud – François Morel – Xavier Beauvois – André Malraux – Michel Debré – Véronique Cayla – James William Guercio – Robert Blake – Elisha Cook jr – Luca Guadagnino – Gregg Araki – Thomas Dekker – River Phoenix – Lisa Cholodenko – Woody Allen – Olivier Masset-Depasse – Xavier Dolan – Louis Garrel – Éric Rohmer – Gus Van Sant – Daniel Morin –– Gilles Paquet-Brenner – Joseph Losey – Alain Delon – David Fincher – Mark Zuckerberg – Eduardo Saverin – Joe Mazzello – Jesse Eisenberg – Tamra Davis – Jean-Michel Basquiat – Julian Schnabel – Andy Warhol – Tod Williams – Oren Peli – Adam McKay – Anton Corbijn – George Clooney

Un homme qui crie

Vendredi 1er octobre 2010

Réalisé par Mahamat Saleh Haroun

Sorti en France (Festival de Cannes) le 16 mai 2010

Sorti en France le 29 septembre 2010

De ce réalisateur, on avait aimé Daratt, en 2006, qui avait semblé plus sincère, et qui était certes plus profond que le présent mélo. Ici, on a clairement un film pour festivals, très bien fait, mais qui utilise des recettes. Nous sommes encore au Tchad, puisque le réalisateur est tchadien, un pays perpétuellement agité par une guerre civile qui n’aura sans doute jamais de fin. Adam, un ancien champion de natation âgé d’une soixantaine d’années (les gogos ont vu une « référence biblique » dans son prénom), est maître-nageur dans un grand hôtel, qui vient de recevoir une nouvelle directrice asiatique, laquelle fait le ménage dans le personnel. Elle dégrade Adam et le nomme garde-barrière à l’entrée du parking, le remplaçant par le fils d’Adam, garçon de vingt ans prénommé Abdel – pas Abel, comme c’est dommage, nos chers gogos en eussent été comblés ! Or les Tchadiens sont soumis par leur gouvernement à une contribution pas du tout volontaire à l’effort de guerre, et, faute de pouvoir payer, Adam voit son fils enrôlé de force dans l’armée. C’est le moment que choisit Djénéba, la chanteuse de 17 ans qu’Abdel a mise enceinte, pour se manifester. Triple tuile, qui devient quadruple quand Abdel est blessé, et pas qu’un peu : chargeant la barque plus que de raison, le réalisateur-scénariste lui attribue une blessure au crâne, une aux yeux, une au cou (il porte une minerve), une au bras, une à la poitrine et une au pied ! Subtil... Adam enlève son fils nuitamment pour le ramener à la maison dans son side-car, mais le garçon meurt en route. Le père, alors, confie le corps aux eaux du fleuve, ce qui semblera un beau symbole aux Occidentaux ignorants – ce pour quoi je parlais en commençant de « film pour festivals » –, mais fera hurler tous ceux qui, connaissant l’Afrique, savent que cet acte constitue un sacrilège pour les Africains : le cadavre sera inévitablement la proie des crocodiles, et l’on ne connaît pas un seul père de famille qui accomplirait un geste aussi absurde.

Le film n’est donc à voir que pour les scènes du début, parfaitement maîtrisées, dominées par un humanisme qui n’est sans doute pas feint, même si la suite dérape.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Moi, la finance et le développement durable

Samedi 2 octobre 2010

Réalisé par Jocelyne Lemaire Darnaud

Sorti en France (Festival de Gindou) le 27 août 2010

Sorti en France le 29 septembre 2010

La réalisatrice n’avait fait jusqu’ici qu’un court métrage. Pour son long-métrage, extrêmement fauché (tournage en vidéo, uniquement composé d’interviews en plans-séquences fixes), elle adopte le point de vue faussement naïf de « la ménagère de plus de cinquante ans » qui désire utiliser son « temps de cerveau disponible ». Thème : l’argent que nous confions aux banques, contraints et forcés puisque les salaires ne peuvent pas être perçus d’une autre façon, lesdites banques s’en servent pour financer des projets sur lesquels nous n’avons aucun contrôle ; et cette utilisation peut être parfaitement scandaleuse. Sans le savoir, vous et moi pouvons ainsi participer à la fabrication de mines antipersonnelles qui mutilent des enfants, par exemple. Plus drôle, le Vatican peut conseiller un investissement dans une entreprise qui fabrique des préservatifs ! On aura compris que ce film ne relève pas de l’art cinématographique, mais uniquement du militantisme.

Pour une fois, je vais me contenter de reproduire l’article du « Canard enchaîné » de cette semaine, sachant que le volatile m’a ôté les mots de la bouche, et d’insérer au-dessous la vidéo de François Morel sur France Inter, qui a eu la mauvaise idée d’en parler hier, et qui, du coup, a complètement engorgé le cinéma Arlequin, lequel, ne passant le film d’une seule fois par semaine, n’a jamais connu pareille affluence ! Forcément, il est situé dans le quartier le plus riche de Paris, à deux pas de Saint-Sulpice, et les résidents du coin n’ont jamais entendu parler des magouilles bancaires...

 

Canard Enchaîné

 

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Des hommes et des dieux

Lundi 4 octobre 2010

Réalisé par Xavier Beauvois

Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2010

Sorti en France le 8 septembre 2010

Inspiré de l’existence et de la fin tragique des moines de Tibéhirine, mais le lieu n’est jamais cité (le dialogue dit « monastère de l’Atlas »). Le film a d’ailleurs été tourné au Maroc, car les Algériens n’auraient pas admis que leur régime soit qualifié de « dictature corrompue » !

Ils étaient neuf, qui n’avaient aucun catholique à endoctriner dans ce pays que tous les chrétiens ont fui, et qui se consacraient à la population locale. L’enlèvement de sept d’entre eux, en 1996, se produisit alors qu’ils avaient un visiteur, Bruno, leur supérieur de Fès au Maroc. Ces sept-là ont tous été exécutés, et trois ont survécu. Leurs assassins ? On n’en sait rien. Le GIA, l’armée algérienne, mystère... En tout cas, un assassinat destiné à faire un coup de communication, puisque rien ne pouvait être reproché à ces hommes très aimés de la population, voire appréciés des autorités.

On a beaucoup écrit que le réalisateur Xavier Beauvois est incroyant et qu’il n’a pas voulu faire un film religieux. Néanmoins, on peut estimer qu’il y a un peu trop de prêches et de chants religieux, qui pourraient sans dommage être supprimés. Tel quel, le film est néanmoins à voir, surtout dans la peinture de la vie quotidienne des moines et de leurs voisins musulmans.

En tout cas, les acteurs sont tous remarquables.

En bref : à voir.Haut de la page

Avance sur recettes

Mardi 5 octobre 2010

Le Centre National du Cinéma abrite en son sein une commission dite « d’avance sur recettes ». Elle a été créée en juin 1959 par André Malraux, alors ministre de la Culture dans le gouvernement Debré. Le but de cette commission est de favoriser le renouvellement de la création, en encourageant la réalisation des premiers films, et de soutenir le cinéma indépendant, dit « cinéma d’auteur », qui aurait besoin, c’est la thèse officielle, d’une aide publique pour trouver son équilibre financier.

La commission est composée de trois collèges, composés de « personnalités reconnues de la profession ». Les deux premiers statuent sur l’avance avant réalisation, et le troisième, sur les films terminés. Le premier collège comprend le président, un vice-président et sept membres, et il examine les demandes d’avances avant réalisation présentées pour les premiers films ; le deuxième collège comprend le président, un vice-président et sept membres, et il examine les demandes d’avances avant réalisation présentées pour les œuvres de réalisateurs ayant déjà réalisé au moins un film de long métrage ; le troisième collège comprend le président, un vice-président et onze membres, et il examine les demandes d’avances après réalisation.

Les membres des collèges reçoivent environ 650 demandes par an. Les films présentés doivent avoir une version originale majoritairement en langue française, nécessaire pour l’obtention de la qualification d’« expression originale française », délivrée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

L’avance sur recettes est décidée par la présidente du CNC, actuellement Véronique Cayla, après avis de la commission. Les avances peuvent être demandées, soit directement par les auteurs du scénario ou par les réalisateurs des films en projets (à condition qu’ils aient la nationalité française ou celle d’un État membre de l’Union Europénenne, ou qu’ils soient résidents étrangers) ; soit par les sociétés de production de films de long métrage.

La commission d’avances sur recette, symbole de l’exception culturelle française, distribue chaque année deux  millions d’euros, répartis sur une soixantaine de films. Selon le CNC, un peu plus de deux mille œuvres ont pu être réalisées grâce à cette subvention.

Inutile de dire que, selon ce système, le piston marche à mort ! J’ai déjà cité ici le cas d’un apprenti réalisateur, dont le premier film a fait un bide effroyable, et dont la mère travaillait au CNC, et le père, à Canal Plus...

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Electra Glide in blue

Mardi 5 octobre 2010

Réalisé par James William Guercio

Sorti aux États-Unis le 19 août 1973

Sorti en France le 4 octobre 1973

Ressorti en France le 29 septembre 2010

Tout le début est excellent : Robert Blake joue John Wintergreen, un motard de la brigade routière du Nevada, très service-service, mais que ce travail ennuie. Il rêve d’intégrer la brigade criminelle, mais on le fait lanterner. Le suicide suspect d’un vieillard lui fournit enfin l’occasion d’enquêter, sous la direction d’un chef violent qui accumule les erreurs et tue des hippies innocents. En fait, le vieillard avait été tué par son compagnon (joué par le mythique Elisha Cook junior, qui était déjà présent dans Le faucon maltais, en 1941), jaloux de le voir fréquenter ces jeunes pour tromper son ennui.

C’est le genre de film foutraque, de ceux qu’on voudrait aimer. Malheureusement, il part dans toutes les directions et n’est pas très bien maîtrisé. Signalons qu’Electra Glide est un modèle de moto de la marque Harley-Davidson, qui équipe les policiers du film.

En bref : reprise. À voir à la rigueur.Haut de la page

Amore

Jeudi 7 octobre 2010

Réalisé par Luca Guadagnino

Titre original : Io sono l’Amore

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 5 septembre 2009

Sorti en France le 22 septembre 2010

Chez les Recchi, riche famille milanaise de fabricants de tissus, l’aïeul passe le pouvoir à son fils Tancredi et à son petit-fils Eduardo. L’épouse de Tancredi, Emma, jadis venue de Russie avec sa mère, tombe amoureuse d’un ami d’Eduardo, un cuisinier de génie prénommé Antonio. Mais lorsque Eduardo comprend tout, la dispute avec sa mère tourne mal, il trébuche et se fracasse le crâne. Après ses obsèques, Emma avoue tout à son mari, qui lui dit son mépris : « Tu n’existes pas ! ». Elle quitte la famille pour rejoindre son jeune amant.

Cette histoire aurait sans doute intéressé Visconti : grande famille riche mais déliquescente, demeure familiale somptueuse, serviteurs fidèles et familiers, transmission du pouvoir, fin d’un empire industriel, amours illicites (la sœur d’Eduardo est lesbienne et seule sa mère le sait), goût des arts et de la cuisine, sentiments forts provoquant des drames, et ainsi de suite. Mais Visconti aurait fait une mise en scène plus raffinée, évité l’interminable scène d’amour physique en plein air qui mêle images de nus et gros plans sur des fleurs et des insectes, et n’aurait probablement pas filmé ainsi la scène du départ d’Emma, sur une musique tonitruante et médiocre.

À dénoncer une fois de plus cette nouvelle mode exécrable consistant à insérer le dénouement après le générique de fin ; beaucoup de spectateurs partent lorsque les cartons apparaissent, et donc la loupent. Les producteurs sont idiots à ce point ?

En bref : à voir.Haut de la page

Kaboom

Vendredi 8 octobre 2010

Réalisé par Gregg Araki

Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 2009

Sorti en France le 6 octobre 2010

Il faut bien dire que le réalisateur se fout complètement de son intrigue bidon à base de secte satanique qui veut dominer la Terre et finit par la faire exploser (le dénouement le plus radical qu’on ait jamais vu, même Kubrick n’avait pas osé ! Cela rappelle la fin de Nowhere, pirouette qui ne concluait rien). Tout n’est que prétexte à montrer les aventures sexuelles de son personnage principal, joué par Thomas Dekker (un adorateur de River Phoenix), qui est d’ailleurs beaucoup plus beau que le surfeur idiot qu’il convoite un instant et dont parlent les divers articles publiés à propos du film. Mais enfin, ce délire mis à part, il ne reste rien après la vision du film, qui se trouve ainsi réduit à un simple produit de consommation, agréable mais superficiel. Satire des mœurs universitaires et des lubies états-uniennes ? Vu le style du film, très déconnant, on n’est pas obligé de croire à un but aussi élevé.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Tout va bien, the kids are all right

Lundi 11 octobre 2010

Réalisé par Lisa Cholodenko

Titre original : The kids are allright

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 25 janvier 2010

Sorti en France le 6 octobre 2010

Ce film est si ridicule dans le genre politiquement correct qu’on se serait étonné de ne pas le voir présenté en priorité au festival de Sundance. Résumons : deux lesbiennes vivaient en paix, un coq survint.

Les deux femmes, sans doute pour souligner leur état, se prénomment Nic et Jules. L’une est une intello (corps médical), l’autre, une prolo (jardinière, mais qui se dit « architecte-paysagiste »). Bref, deux bobos. Leurs deux enfants, conçus par insémination artificielle, n’ont pas été épargnés, puisque la fille s’appelle Joni et le garçon, Laser. Il ne manque plus qu’Harley-Davidson, mais ce n’était pas possible, car les deux mères ont interdit l’usage de la moto à leur progéniture.

Là-dessus, les deux jeunots, qui désirent retrouver le donneur de sperme, téléphonent à la banque du sperme, qui leur donne illico le renseignement, comme cela, au téléphone, dès le premier appel, et sans rien vérifier, pas même l’identité de l’appelant. C’est fou ce que les choses sont faciles, aux États-Unis...

Bref, la rencontre a lieu, tout le monde sympathise, jusqu’à ce que l’une des deux mères couche avec le type, qui, lui, a un prénom d’être humain normal, Paul. Mais rassurez-vous, après un début de drame familial, la coupable demande pardon à tout le monde, et tout rentre dans l’ordre.

Le dialogue est le plus basique jamais entendu, et, au bout de cinq cents « OK » et presque autant de « Great ! », on n’a qu’une envie : rentrer chez soi et revisionner l’intégrale des films d’Éric Rohmer.

Note : la réalisatrice, lesbienne elle-même, ne s’est sans doute pas avisée que son film constitue la propagande idéale pour le mariage hétéro.

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu

Mardi 12 octobre 2010

Réalisé par Woody Allen

Titre original : You will meet a tall dark stranger

Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 2010

Sorti en France le 6 octobre 2010

D’abord, pourquoi « sombre » ? Dans ce contexte, le mot dark ne désignerait-il pas tout simplement un homme brun ? Une voyante, comme c’est le cas ici, qui prédirait à une cliente la rencontre avec un homme « sombre », la ferait plutôt fuir, et ce n’est pas le but escompté. Il est vrai qu’en l’occurrence, la cliente est particulièrement obstinée dans sa nunucherie, et qu’à tout ce que peut objecter son entourage, elle oppose l’argument ultime : « Cristal (la voyante) a dit que... », tout comme d’autres radotent sans cesse : « Il paraît que... ».

Difficile de résumer ce film un peu brouillon, et qui jamais ne fait rire, bien que l’ambiance soit à la comédie. Quelques couples vacillants semblent devoir se reformer avec d’autres partenaires, mais rien ne s’arrange vraiment. Aucune de ces histoires ne trouve de réelle conclusion, et le spectateur, que rien non plus ne vient réconforter du côté du dialogue pas vraiment pétillant, est un peu frustré.

Certes, on ne va pas reprocher à Woody Allen de ne pas se renouveler, car c’est justement ce qu’on aime chez lui, qu’il soit toujours le même et qu’il ne cesse que rarement d’explorer cet univers très noir qui est le sien, tout en le repeignant aux couleurs de sa fantaisie (et puis, lorsqu’il se renouvelle comme dans Vicky Cristina Barcelona, cela tourne au désastre). Au fait, j’ai remarqué un détail curieux : quand un cinéaste fait toujours le même film, certains critiques disent volontiers qu’il « creuse son sillon », ou qu’il « approfondit sa thématique », et autres expressions prétentieuses. Mais quand il s’agit de Woody Allen, on se contente de dire qu’il radote ! Étonnant, non ?

Disons que ce film est à ranger au rayon de ceux qu’on ne regrette pas d’avoir vus, mais qu’on n’a guère envie de revoir. Enfin, pas tout de suite...

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Illégal

Jeudi 14 octobre 2010

Réalisé par Olivier Masset-Depasse

Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2010

Sorti en France le 13 octobre 2010

On est d’abord très agacé par la technique du film : tout en gros plans, pris en caméra portée par un cadreur atteint de la maladie de Parkinson. Il faut donc s’accrocher pour s’intéresser à l’histoire.

Tania a fui la Biélorussie avec son fils de quatre ans, Yvan. Elle a d’abord tenté de passer en Pologne, et on se demande pourquoi, sachant que les Polonais, c’est elle-même qui le dit, « détestent les Russes » (et les Biélorusses, qui n’ont pourtant rien à voir avec les premiers). Puis elle est arrivée en Belgique, où elle vit maintenant depuis dix ans, clandestinement. Malgré ses précautions pour ne pas être identifiée (brûler ses empreintes digitales au fer à repasser, se procurer de faux papiers, interdire à son fils de parler russe), elle est arrêtée dans la rue et envoyée dans un centre pour clandestins. Elle refuse d’abord de donner son nom, puis finit par le fournir, et la voilà en instance d’être renvoyée... en Pologne, puisque l’enquête révèle qu’elle en vient.

Hypocrisie policière : comme elle refuse son expulsion, on lui sert, par la voix d’une psychologue, le baratin d’usage : vous pouvez refuser, mais seulement quand vous serez dans l’avion. Grosse ficelle. Elle refuse... au pied de l’avion, est ramenée au centre, mais un autre arrêté d’expulsion est pris, et cette fois, on la ligote pour la placer dans l’appareil, et deux policiers doivent l’accompagner jusqu’à Varsovie. Là, elle fait du chambard, les passagers se scandalisent, et le commandant de bord intervient... pour expulser les policiers, qui la ramènent une fois de plus au centre, non sans la tabasser dans le panier à salade. Mais des passagers de l’avion ont filmé l’incident qu’ils ont provoqué, le reportage passe à la télé, Tania est enfin libérée.

On a compris qu’il s’agit d’un film militant, d’un reportage en forme de fiction, et que tout cela est très sérieux. Tous les interprètes sont parfaits. Un plan très court passe inaperçu, celui de la gardienne du centre qui, bouleversée après le suicide d’une détenue, se dépouille des accessoires de son uniforme. C’est hélas la seule idée de mise en scène, tout le reste étant très plat, quoique d’inspiration louable. Au lieu de se faire projeter Des hommes et des dieux, qui, somme toute, ne prend position sur rien, c’est ce film-là que Sarkozy aurait dû visionner, et faire visionner à ses ministres expulseurs.

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Les amours imaginaires

Vendredi 15 octobre 2010

Réalisé par Xavier Dolan

Sorti en France (Festival de Cannes) le 16 mai 2010

Sorti en France le 29 septembre 2010

Pourquoi « imaginaires » ? Parce que c’est la base du scénario : à Montréal, dans un milieu où nul ne semble travailler sans que cela entraîne le moindre problème d’argent, Marie et Francis rencontrent un beau garçon, Nicolas, et en tombent amoureux. Comme Nicolas est du genre très amical, voire affectueux, ils s’imaginent, chacun de son côté, qu’il les aime. Mais ils « se sont fait des idées », comme dira Marie, et lorsque Nicolas les détrompe, c’est la crise. Mais les deux derniers plans du film laissent entendre que tout va recommencer avec un autre garçon (incarné par le navrant Louis Garrel, qui sera la vedette du prochain film de Xavier Dolan). Cette histoire simpliste, filmée par Éric Rohmer, aurait donné lieu à un bon film. Ici, presque tout est désolant d’ennui et de banalité, à l’exception de la scène où Francis avoue son amour à Nicolas, un simple « Je t’aime » gêné, noyé dans un flot de paroles futiles. Une seule bonne idée pour un film entier, d’ailleurs inspirée par My own private Idaho, le compte n’y est pas.

Mauvaise mise en scène, parce qu’envahie par d’inutiles coquetteries : ralentis sur des personnages qui marchent, vus de face (comme chez Gus Van Sant) ou de dos ; images coloriées ; abondance de rengaines sonorisant ces plans vides de sens ; et surtout, caméra gigotante. Un exemple : Francis, filmé en gros plan, veut téléphoner ; la caméra descend sur sa main qui compose le numéro, et remonte à son visage ; on ne répond pas, la caméra redescend pour filmer sa main qui raccroche le combiné, puis remonte à son visage ; mais le personnage se ravise, décide de refaire le numéro, et la caméra, suivant sa main, redescend vers le téléphone. Etc. Cinq fois dans le même plan, on nous inflige ce zigzag vertical ! À quoi cela rime-t-il ?

Détendons-nous un peu avec les sous-titres. Le film est entrelardé d’interviews, sans le moindre intérêt, de Québécois parlant avec un fort accent local, si bien qu’on a cru bon de placer des sous-titres français sur ces trop nombreuses scènes. Échantillon : une fille dit « appartement », et le sous-titre traduit par « appart » ; on entend le verbe « dénoncer », le sous-titre affiche « moucharder » ; le dialogue dit « aimer le retard de l’autre », et l’on peut lire « kiffer le retard de l’autre ». Là encore, à quoi rime cette argotisation perpétuelle du moindre dialogue ?

Seule occasion de sourire, lors du générique de fin : l’un des producteurs s’appelle Daniel Morin !

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Elle s’appelait Sarah

Lundi 18 octobre 2010

Réalisé par Gilles Paquet-Brenner

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 13 septembre 2010

Sorti en France et en Belgique le 13 octobre 2010

Contrairement à ce qu’affirme « Le Canard enchaîné » de cette semaine, ce film ne souffre pas de la comparaison avec La rafle, autre réalisation française sur la rafle du Vel’ d’Hiv’, car il ne joue pas sur le registre tire-larmes et n’emploie aucun truc déshonorant, tel ce plan sur l’ours en peluche du gosse déporté, qui a fait pousser les hauts cris d’une critique indignée – à juste titre pour une fois. Ici, narrée sur deux époques, on assiste à une enquête menée de nos jours par une journaliste, new-yorkaise d’origine mais qui vit en France, et dont le mari français est issu d’une famille qui a occupé, dès août 1942, l’appartement d’une famille juive raflée puis envoyée dans les camps de la mort. Il s’avère que, de cette famille, une petite fille a réchappé en s’enfuyant du camp de Beaune-la-Rolande où les enfants, séparés de leurs familles, avaient été gardés un temps avant d’être convoyés, eux aussi, à Auschwitz. On va donc reconstituer cet épisode, et la suite de l’existence de cette petite fille, recueillie par des paysans, puis devenue adulte, émigrée aux États-Unis, mariée là-bas, et qui a fini par se suicider.

Le film ne fait pas dans la reconstitution appliquée, et la courte séquence du Vel’ d’Hiv’, qui évoque plus qu’elle ne décrit, est bien plus convaincante que les décors numériques de La rafle. Et la séquence d’hystérie, au camp où les enfants sont séparés de leurs parents, bien conçue et remarquablement filmée, est très supérieure à ce qu’on a pu voir auparavant.

Noté la réponse faite à un personnage, un jeune d’aujourd’hui, qui se demandait pourquoi on n’avait aucune image de la rafle ; pourtant observe-t-il, les nazis filmaient tout. C’est que, lui répond-on, ce n’étaient pas les nazis qui raflaient les Juifs, c’étaient les Français ! Cela rappelle une petite histoire, datant du tournage, par Joseph Losey, de son film Monsieur Klein, avec Alain Delon dans le rôle-titre, et qui racontait aussi la rafle du Vel’ d’Hiv’. Parmi les figurants se trouvait, dit-on, un rescapé de la rafle, qui, estimant que l’organisation du tournage par ce réalisateur était particulièrement bordélique, s’était écrié : « Du temps des Allemands, c’était beaucoup mieux organisé ! »... Mais je ne garantis pas l’authenticité de cette anecdote.

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The social network

Mardi 19 octobre 2010

Réalisé par David Fincher

Sorti aux États-Unis (Festival de New York) le 24 septembre 2010

Sorti en France et en Suisse le 13 octobre 2010

David Fincher présente une carrière en dents de scie – ou à trous, ce qui est pire. De lui, je n’ai apprécié que Seven et Fight Club, et j’avais fait quelques réserves sur la boursouflure scénaristique de L’étrange histoire de Benjamin Button. En revanche, The game et Panic room étaient carrément à jeter. Mais il bénéficie toujours d’une cote très élevée.

The social network est une sorte de biographie filmée (je ne vois toujours pas pourquoi j’écrirais « une biopic », terme qui sera ridicule et démodé dans cinq ans), celle de Mark Zuckerberg, le co-créateur de Facebook, qui élimina son principal associé et seul ami, Eduardo Saverin, via une magouille particulièrement nauséeuse : il a fait courir le bruit que celui-ci avait nourri un poulet... avec de la viande de poulet, le faisant ainsi accuser d’« incitation au cannibalisme animal », accusation grotesque ne pouvant tenir que dans ce pays de cinglés, les États-Unis !

Le film, très bavard (bon dialogue, néanmoins) et ultra-rapide, n’ennuie pas, bien qu’il dure deux heures. Mais il n’explique pas grand-chose non plus. Notamment la fortune du plus jeune milliardaire du monde, puisque la question qu’on peut se poser, d’où vient l’argent gagné ? reste sans réponse. Certes, il est souvent question d’annonceurs, publicitaires par conséquent, puisque Eduardo était chargé de les prospecter, mais les pages de Facebook n’affichent aucune publicité...

Les acteurs, tous jeunes, sont très peu connus, à l’exception de Joe Mazzello, l’ex-petit garçon de Jurassic Park et vedette de l’excellente série The pacific, le rôle principal étant tenu par Jesse Eisenberg, que j’avais vu dans Le village, en 2004, et Les Berkman se séparent, en 2005, sans que cela m’ait vraiment frappé. Ici, il joue parfaitement l’as en informatique doublé d’un inadapté social.

Inutile de dire que le vrai Zuckerberg n’a pas apprécié le film, qui le montre tel qu’il est : un type sans aucune morale, qui fourgue du vent et ne sait ni profiter de sa chance, ni tirer de sa fortune quelque chose d’utile.

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Jean-Michel Basquiat : the radiant child

Jeudi 21 octobre 2010

Réalisé par Tamra Davis

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 25 janvier 2010

Sorti en France le 13 octobre 2010

Tamra Davis, qui produit surtout des séries télévisées, reprend ici, en la complétant, une interview filmée qu’elle avait faite de Basquiat en 2006. Le film relève très peu du cinéma, en ceci qu’il n’analyse pas grand-chose et, aucunement critique, se borne à faire, via de multiples interviews de ceux qui l’ont connu, l’éloge inconditionnel du jeune peintre, mort à 27 ans parce qu’il se droguait.

Contrairement à un film de Julian Schnabel (qui fut un de ces amis), film sorti en 1996 et qui, pour des questions de droits, ne montrait aucun tableau de Basquiat, celui de Tamra Davis en montre des centaines, mais à une telle vitesse qu’on n’a pas le temps de les regarder, encore moins de les apprécier. Le public en sort ainsi assez frustré.

On a donc droit à l’anecdote, comme celle de son amitié avec Andy Warhol, qui, en fait, était amoureux de lui, ou celle de la froideur que lui témoignait son père, peu avant l’issue fatale.

Le film est court et montre en Jean-Michel Basquiat (qui, né et mort à New York, portait un nom français parce que son père était haïtien) un beau jeune homme intelligent, au visage expressif, conscient de son art et ambitieux, souffrant du racisme et ne sachant pas vivre avec sa soudaine célébrité. Ne pas en attendre une étude de son art, elle est quasi-inexistante.

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Paranormal activity 2

Lundi 25 octobre 2010

Réalisé par Tod Williams

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 25 janvier 2010

Sorti en France le 20 octobre 2010

Exactement ce à quoi on s’attendait après le succès phénoménal de ce petit film fauché qu’était Paranormal activity. Le réalisateur, Oren Peli, devenu riche, est devenu le producteur de cette suite, confiée à un quasi-débutant, Tod Willams, qui a également réalisé le remake de Jar city.

On se souvient que, dans le premier épisode, Katie, créature infernale, finissait par tuer Micah, son compagnon. Ces deux personnages réapparaissent ici, car l’histoire commence avant la leur et se termine après. Nous sommes chez la sœur de Katie, prénommée Kristi, mariée à Dan, qui viennent d’avoir un bébé, Hunter, alors que Kristi était déjà mère d’une jeune fille, Ali. Après un cambriolage et la mise à sac de leur très belle maison, ils truffent les lieux de caméras, qui vont nous faire assister à une suite d’évènements mystérieux aboutissant à la mort des deux époux, tués par Katie, et à l’enlèvement de leur bébé par cette créature décidément diabolique. Explication : une ancêtre des deux sœurs a conçu un pacte avec le diable, et le premier héritier mâle de sa descendance doit être le prix de la transaction.

Le film est aussi honnêtement conçu que le premier et ne comprend aucune erreur grotesque pouvant contredire son principe de base. Mais il est plus luxueux (dix personnages, une maison plus grande avec piscine, une bonne demi-douzaine de caméras au lieu d’un simple camescope), et implique la présence d’un bébé, d’un aspirateur de piscine et d’un chien, qui jouent tous très bien.

Néanmoins, on souhaite que la série s’arrête là, car tout a été dit, et les sottises à propos du diable n’amusent que le public des États-Unis.

Ce film est raconté ici
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Very bad cops

Jeudi 28 octobre 2010

Réalisé par Adam McKay

Titre original : The other guys

Sorti aux États-Unis le 5 août 2010

Sorti en France le 27 octobre 2010

Un festival de titres fantaisistes : « Policiers supplémentaires » en Argentine et au Pérou ; « Agents de réserve » au Portugal ; « Les policiers un peu différents » en Allemagne ; « Les deux autres » en Espagne ; « Les autres visages » au Brésil ; « Police lourdaude » en Hongrie ; « Nez de rechange » en Norvège ; « Police de rechange » en Turquie... En fait, le film s’intitule « Les autres gars », après avoir failli s’appeler « L’équipe B » aux États-Unis.

Bref, deux policiers de New York se sont tués bêtement en sautant d’un vingtième étage, et on les remplace par deux bureaucrates idiots et incapables. L’enquête sur des magouilles financières est incompréhensible, autant pour eux que pour les spectateurs, tout cela n’étant qu’un prétexte à des scènes de poursuites de voitures dans les rues de New York, ville décidément peu sûre, farcies de cascades parfois bien venues et de trucages numériques envahissants. Le film n’est à voir que pour les dialogues absurdes (les personnages passent leur temps à s’insulter), et s’achève sur un générique feignant hypocritement de dénoncer les banques, les traders, les bonus, les retraites-chapeau et autres joyeusetés. Il faut être bien naïf pour voir dans tout cela une critique de la société des États-Unis.

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The American

Vendredi 29 octobre 2010

Réalisé par Anton Corbijn

Sorti aux États-Unis, au Canada et au Kazakhstan le 1er septembre 2010

Sorti en France le 27 octobre 2010

On est surpris que ce titre follement original n’ait pas été remplacé par un de ces « The American very bad cop’s trip » dont les distributeurs français ont le secret.

Jack est un tueur professionnel, mais ses employeurs ont décidé de se débarrasser de lui parce qu’il a fait trop de dégâts dans sa dernière mission en Suède. On l’envoie dans un village italien pour y attendre sa prochaine mission, qui va consister à fabriquer le fusil dont se servira sa remplaçante, une Belge nommée Mathilde (elle est revenue). Mais Jack n’est pas moins finaud que le spectateur, qui a tout compris dès le début, et, dans sa chambre où se trouve déjà une enclume, un tour et un étau (on a oublié la forge), et au moyen de pièces qu’il a reçues par la Poste ou qu’il a chipées, il fabrique, non seulement les balles de l’attentat, mais surtout un fusil truqué qui tire à l’envers ! Si bien que, lorsque la tueuse veut le flinguer (au cours d’une procession, nous sommes en Italie), elle se prend une balle dans l’œil. Mais surgit le commanditaire qui veut terminer le travail si mal commencé, les deux hommes se mitraillent mutuellement, le commanditaire meurt le premier, et Jack un peu plus tard.

George Clooney est un bon acteur et il a été un réalisateur avisé. Comment n’a-t-il pas vu qu’il s’embarquait dans un scénario alambiqué complètement stupide ?

Bonne réalisation, au service d’une histoire qui ne tient pas debout. Mais le village italien est très joli.

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Dernière mise à jour de cette page le mardi 8 septembre 2020.