Kinopoivre, les films critiqués par Jean-Pierre Marquet

Année 2010

Deux films Ă  ce stade de l’annĂ©e : Shutter Island, de Martin Scorsese, dont je ne dis pas que du bien, et Inception, de Christopher Nolan, encore pire si c’est possible. Biens meilleurs, le film argentin Plan B, et le film espagnol mais parlant anglais, Buried. Le cinĂ©ma français reste aux abonnĂ©s absents.

Shutter Island

Réalisateur : Martin Scorsese

Scénario : Laeta Kalogridis, d’après le roman de Dennis Lehane

Interprètes : Leonardo DiCaprio (Andrew Laeddis, alias Teddy Daniels), Mark Ruffalo (docteur Sheehan, alias Chuck Aule), Ben Kingsley (docteur Cawley), Max von Sydow (docteur Naehring), Michelle Williams (Dolores Chanal), Emily Mortimer (pseudo-Rachel 1), Patricia Clarkson (pseudo-Rachel 2), Jackie Earle Haley (George Noyce), Ted Levine (le gardien John), Carroll Lynch (gardien-chef McPherson), Elias Koteas (pseudo-Laeddis), Robin Bartlett (Bridget Kearns), Christopher Denham (Peter Breene), Nellie Sciutto (infirmière Marino), Joseph Sikora (Glen Miga), Curtiss Cook (Trey Washington), Raymond Anthony Thomas (planton Ganton), Joseph McKenna (le dĂ©tenu Billings), Ruby Jerins (petite fille), Tom Kemp, Bates Wilder (gardiens C), Lars Gerhard (commandant allemand agonisant), Matthew Cowles (capitaine du ferry), Jill Larson (femme menottĂ©e), Ziad Akl (homme tatouĂ©), Dennis Lynch (homme « TĂŞte Rouge Â»), John Porell (homme pris de panique), Drew Beasley (jeune garçon), Joseph P. Reidy (standardiste), Bree Elrod (patiente), Thomas B. Duffy (garde), Ken Cheeseman, Steve Witting (docteurs), Michael E. Chapman (patient), Keith Fluker, Darryl Wooten (plantons), Michael Byron (chauffeur de McPherson), Gary Galone (garde au portail), Gabriel Hansen (jeune garde), Cassity Atkins (garde), Rob W. Gray (docteur), Alexander Hoffman (prisonnier du camp de concentration), Robert Masiello (docteur), Danny Carney (garde SS), Jeffrey Corazzini (garde de la salle de confĂ©rences), Guy A. Grundy (chef des gardes de sĂ©curitĂ©), Cody Harter (GI / tireur), Daniel Lowney (garde C), Dan Marshall (GI au camp de Dachau / officier SS tuĂ©), Americo Presciutti (garde de la sĂ©curitĂ©), Eric Rollins (planton), Skip Shea (patient), Billy Silvia (garde de la prison)

Musique : Jennifer L. Dunnington, Benjamin Pedersen et Robbie Robertson

Directeur de la photo : Robert Richardson

Montage : Thelma Schoonmaker

Durée : 2 heures et 18 minutes

Sortie à Paris : mercredi 24 février 2010

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Jamais Alfred Hitchcock, s’il vivait encore, ne retomberait dans un type de film reposant sur la psychanalyse, ce qui lui est arrivĂ© deux fois : dans Spellbound (en français, La maison du docteur Edwardes) et dans Marnie, oĂą la guĂ©rison du malade se faisait via une seule scène caricaturale, alors que les traitements des maladies mentales durent en rĂ©alitĂ© des mois, voire des annĂ©es. Ici, le processus est censĂ© entamĂ© depuis deux ans, et la guĂ©rison n’a pas lieu, puisque nous assistons Ă  une rechute. Si bien que le malade ne sera pas guéri, et que le corps médical, estimant qu’il fait une rechute, se décide, de guerre lasse, à le lobotomiser !

Certes, Ă©crire une critique de ce film force Ă  en dire plus long que le souhaiteraient les maniaques du « Il ne faut surtout pas raconter la fin Â», souhait qui, s’il Ă©tait respectĂ©, rendrait impossible d’en dire quoi que ce soit. Il faut donc noter que le récit publié dans la presse et qui voudrait appâter les spectateurs potentiels (« En 1954, le marshal Teddy Daniels et son coéquipier Chuck Aule sont envoyés enquêter sur l’île de Shutter Island, dans un hôpital psychiatrique où sont internés de dangereux criminels. L’une des patientes, Rachel Solando, a inexplicablement disparu ») est un pur argument publicitaire, donc une imposture, puisque ces personnages n’existent pas, et que tout ce qu’on voit de cette histoire, ou presque, se passe dans la tête du personnage principal, qui est un malade mental. Si bien que, très fâcheusement, le film replonge dans ce travers des annĂ©es quarante-cinquante, oĂą le fantastique de certaines productions s’expliquait banalement, Ă  l’épilogue, par cette conclusion devenue un clichĂ© : tout cela n’était qu’un rĂŞve ! L’indigence Ă  l’état pur...

Par consĂ©quent, pour donner son avis, restent deux angles d’attaque : soit on parle de la forme, et on retient l’interprĂ©tation – surtout celle, nuancĂ©e, de Ben Kingsley –, ou les dĂ©cors et les scènes de tempĂŞte, essentiellement numĂ©riques (l’équipe de ce seul dĂ©partement comprend... cinquante-sept membres recensĂ©s officiellement !) ; soit on parle de la rĂ©alisation et surtout du scĂ©nario. Or ce dernier point est criticable.

En effet, une fois de plus, le Scorsese scénariste ne s’est pas foulé : si le film est sans reproches sur le plan technique (le contraire serait malheureux, après... cinquante-et-un ans d’expérience !), le rĂ©alisateur a filmé, presque à la virgule près, un roman à succès, ne faisant que quelques petites coupures en vue d’alléger le récit – qui reste nĂ©anmoins trop long – et conservant le dialogue d’origine. Bref, il se confirme que Scorsese, qui n’était pas sans imagination lorsqu’il était jeune et tournait Taxi driver ou Raging bull, est aujourd’hui un fruit sec. Qu’on se souvienne de l’effroyable navet qu’était le remake de Cape fear (en français, Les nerfs Ă  vif, en 1991). En vĂ©ritĂ©, dès New York New York, le dĂ©clin est sensible, il se confirme avec La dernière tentation du Christ, et il devient Ă©vident avec New York stories.

Mais revenons plutĂ´t au moteur du scĂ©nario, le rĂ©cit des fantasmes ressassĂ©s par un fou criminel, un homme qui tente de refouler une vĂ©ritĂ© insupportable – n’avoir pas su empĂŞcher sa femme, malade mentale, de tuer leurs trois enfants en les noyant dans un lac, et qui a ensuite tuĂ© la meurtrière. Nous suivons donc, sur les neuf-dixièmes du film, des pĂ©ripĂ©ties n’ayant eu lieu que dans son imagination, mais que le rĂ©cit nous invite Ă  croire authentiques. ProcĂ©dĂ© qui nous ramène Ă  cette vieille question des flashbacks mensongers, utilisĂ©s Ă  tort par Hitchcock dans Stage fright (il se l’est reprochĂ© toute sa vie) et par John MacTiernan dans Basic : montrer des Ă©vènements n’ayant jamais eu lieu, mais que le spectateur croit vrais, puisqu’il les voit ! Bien entendu, il s’agit lĂ  d’une objection d’ordre moral, mais Scorsese, qui a une grande culture du cinĂ©ma, ne pouvait pas ignorer ce point de vue. Comment donc est-il tombĂ© dans ce travers ? Via le souhait de filmer un livre Ă  succès, donc de s’en approprier une partie ? Il existait d’autres bons livres que celui-lĂ ... Ayant pris la prĂ©caution de lire l’excellent roman de Dennis Lehane avant de voir le film, j’ai eu l’impression d’assister Ă  une simple illustration de ce que j’avais lu, et le rĂ©sultat n’apparaĂ®t guère crĂ©atif. Mais je suis conscient que les spectateurs n’ayant pas lu le livre peuvent croire, Ă  tort, le travail de Scorsese bien ficelĂ©.

En bref : à voir Ă  la rigueur.Haut de la page

Inception

Réalisateur : Christopher Nolan

Scénario : Christopher Nolan

Interprètes : Leonardo DiCaprio (Cobb), Joseph Gordon-Levitt (Arthur), Ellen Page (Ariadne), Tom Hardy (Eames), Ken Watanabe (Saito), Dileep Rao (Yusuf), Cillian Murphy (Robert Fischer), Tom Berenger (Browning), Marion Cotillard (Mal), Pete Postlethwaite (Maurice Fischer), Michael Caine (Miles), Lukas Haas (Nash), Tai-Li Lee (Tadashi), Claire Geare (Phillipa Ă  3 ans), Magnus Nolan (James Ă  20 mois), Taylor Geare (Phillipa Ă  5 ans), Johnathan Geare (James Ă  3 ans), Tohoru Masamune (garde japonais), Yuji Okumoto (gardien de Saito), Earl Cameron (homme chauve âgĂ©), Ryan Hayward (avocat), Miranda Nolan (hĂ´tesse de l’air), Russ Fega (chauffeur de taxi), Tim Kelleher (homme mince), Talulah Riley (la blonde), Peter Basham (pilote de l’avion de Fischer), Michael Gaston (officier de l’immigration), Felix Scott et Andrew Pleavin (hommes d’affaires), Lisa Reynolds (infirmière), Jason Tendell (chauffeur de Fischer), Jack Gilroy (Cobb âgĂ©), Shannon Welles (Mal âgĂ©e), Mobin Khan (caissier du casino)

Musique : Hans Zimmer

Directeur de la photo : Wally Pfister

Montage : Lee Smith

Durée : 2 heures et 28 minutes

Sortie à Paris : mercredi 21 juillet 2010

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Inception, dĂ©ception. Je n’aurais jamais cru Ă©crire un jour qu’un film de Christopher Nolan Ă©tait mauvais, mais c’est arrivĂ©. En rĂ©alitĂ©, Nolan, brillant rĂ©alisateur qui a co-Ă©crit tous les scĂ©narios de ses films (sauf celui de Insomnia), s’était fait aider par son frère Jonathan ou par David S. Goyer pour ses trois dernières productions ; ici, il a Ă©crit seul, et il semble que ce ne soit pas une si bonne idĂ©e : un coĂ©quipier aurait pu lui souffler qu’il en faisait trop, sortait de son sujet et le dĂ©naturait par le traitement qu’il lui appliquait ! Pour simplifier, disons qu’il a repris un thème voisin de celui de Memento, oĂą le hĂ©ros amnĂ©sique tentait de recouvrer des bribes de sa mĂ©moire – laquelle s’effaçait sans cesse au bout de quelques minutes. Il a pu aussi s’inspirer de l’épisode 3, intitulĂ© A, B ou C, de la sĂ©rie britannique Le prisonnier, datant de 1967, oĂą cette idĂ©e existait dĂ©jĂ . Ici, Cobb, le personnage central qu’on ne qualifiera pas de « hĂ©ros Â» (et dont le nom figure aussi dans le premier Ă©pisode de la mĂŞme sĂ©rie britannique), est capable de s’introduire dans les rĂŞves de n’importe qui, et il exploite ce talent pour voler les secrets d’hommes importants, pratiquant ainsi une forme nouvelle d’espionnage industriel. Or, dĂ©fi nouveau pour lui, un grossium japonais, Saito, lui demande de faire l’inverse ; introduire, toujours au cours d’un rĂŞve, une idĂ©e dans l’inconscient de sa cible, Robert Fischer, hĂ©ritier d’un empire industriel dont le père va bientĂ´t mourir, cette idĂ©e Ă©tant de dĂ©manteler l’empire en question, puique Saito projette bien sĂ»r de rĂ©cupĂ©rer la partie qui l’intĂ©resse. Sur ce thème central se greffent les ennuis de Cobb, dont la femme s’est suicidĂ©e en laissant, la garce, une lettre l’accusant de lui avoir insufflĂ© cette idĂ©e par les mĂŞmes moyens ! Bref, après Shutter Island traitĂ© plus haut, encore un film qui se passe dans les esprits des personnages. Ce doit ĂŞtre une mode, pardon... une « tendance Â»... En tout cas, elle est fumeuse, et le postulat que le spectateur doit accepter est terriblement tirĂ© par les cheveux. Mais on Ă©vite audit spectateur toute occasion de rĂ©flĂ©chir en l’écrasant littĂ©ralement sous les scènes d’action Ă  base de trucages spectaculaire (dont une illustration d’un cĂ©lèbre dessin d’Escher, trop peu vue), et trucages dont, hĂ©las, on a inclus la quasi-totalitĂ© dans la bande-annonce, de sorte qu’il ne reste plus grand-chose Ă  dĂ©couvrir ! Bravo aux chargĂ©s de la publicitĂ©...

Certes, on va beaucoup parler de « profondeur Â» Ă  propos de ce festival de masturbation intellectuelle, mais il Ă©voque la profondeur comme le ferait un tire-bouchon. Et, de Memento Ă  Inception, on est passĂ© d’une histoire mystĂ©rieuse et sophistiquĂ©e, peuplĂ©e de personnages intĂ©ressants, Ă  un film d’action fondĂ© sur la castagne, les explosions, les coups de feu, les incendies, les Ă©boulements, Ă©croulements, effondrements de toutes sortes, digne des exploits de James Bond les plus primaires... mais sans le moindre humour ni la moindre Ă©motion. Tout cela, naturellement, filmĂ© aux quatre coins du monde, car il y a de l’argent Ă  dĂ©penser, et il faut que le public le voit ; on vole donc de Paris Ă  Los Angeles, de Tokyo Ă  Mombasa – le Maroc, en fait –, sans oublier l’Himalaya (tournage au Canada, toutefois), sans aucune nĂ©cessitĂ©. Mais ce qui Ă©tait admissible pour un personnage comme Batman ne l’est plus pour un espion industriel, et on en est Ă  se demander pourquoi il est allĂ© Ă  Paris recruter une Ă©tudiante en architecture (!) pour l’intĂ©grer Ă  son gang. Concevoir les dĂ©cors des rĂŞves Ă  venir ? Mais comment donc, c’est tout naturel !

*

On est surpris, alors que la musique est du mĂŞme compositeur, de constater combien elle est infĂ©rieure Ă  celle, très inventive, de The dark knight. LĂ  encore, voilĂ  un artiste qui rĂ©gresse. Le rĂ©sultat est une soupe effroyable, ne gĂ©nĂ©rant aucune Ă©motion, digne des pires productions hollywoodiennes, et qui ne suit que cette ligne : la musique ne doit JAMAIS s’arrĂŞter, et le vacarme doit ĂŞtre maximal. On a donc, sur 2 heures et 28 minutes de film, environ deux heures vingt de tapage sans imagination et sans âme. Ce trait aboutit Ă  rendre le film assez pĂ©nible, comme si, avec des personnages aussi vides et une histoire aussi absconse, il avait besoin de cela.

La chose est aggravĂ©e dans les salles oĂą le film passe dans le procĂ©dĂ© Imax. Il faut savoir que les deux films de Nolan sur Batman, ainsi que celui-ci, utilisent ce procĂ©dĂ© pour Ă©cran large – ce qui n’a rien d’original –, censĂ© possĂ©der une dĂ©finition d’image supĂ©rieure et rĂ©clamer une sonorisation spĂ©ciale. Savoir aussi que les salles Ă©quipĂ©es en Imax sont rarissimes en France, puisque, dans la rĂ©gion parisienne, il n’en existe que deux, une Ă  Ivry-sur-Seine, qui a ouvert ce 30 juin, et une Ă  Eurodisney (aucune Ă  Paris). Deux autres ouvriront lorsque le prĂ©sent film sortira le 21 juillet, dans les banlieues de Lyon et de Rouen, et une dernière en novembre 2010, avec l’inauguration de celle de Toulouse. J’ai donc vu Inception en avant-première le 16 juillet dans la salle d’Ivry, et je puis tĂ©moigner que ce procĂ©dĂ©... n’a aucun intĂ©rĂŞt. L’image n’est pas meilleure que dans une salle ordinaire Ă©quipĂ©e pour la projection numĂ©rique, comme l’excellent Max-Linder, et le son n’est jamais qu’une remise au goĂ»t du jour d’un gadget inaugurĂ© en 1975, le Sensurround, qu’on avait tentĂ© d’imposer avec des films comme Tremblement de terre ou La tour infernale : cela consistait Ă  renforcer les frĂ©quences basses de la bande sonore, et Ă  les envoyer vers de puissants caissons de basses disposĂ©s un peu partout autour des spectateurs. Le rĂ©sultat, très dĂ©sagrĂ©able, faisait vibrer les murs, le sol et les fauteuils, et ne pouvait ĂŞtre utilisĂ© que durant certaines scènes (tournĂ©es Ă  cette fin), donc essentiellement dans des films-catastrophes. Mais le public avait boudĂ© le truc de foire, et les exploitants avaient renoncĂ© au bout de quelques semaines. L’Imax reprend donc ce système, un peu amĂ©liorĂ©, moins outrĂ©, mais qui, lĂ  encore, ne convient qu’à de rares scènes, ce qui incite les rĂ©alisateurs Ă  en inclure dans leurs productions, sans trop de nĂ©cessitĂ©. Et c’est le cas pour Inception.

*

Pour finir, quelques traits concernant les acteurs.

Marion Cotillard, oscarisĂ©e pour La mĂ´me (c’est sans doute pour souligner finement ce dĂ©tail que le film utilise une demi-douzaine de fois la chanson d’Édith Piaf Non, je ne regrette rien), joue la femme de Cobb, et passe le plus clair de son temps, avec les flashbacks, Ă  se suicider en se jetant du haut d’un immeuble. Comme elle n’est pas très bonne actrice et que son rĂ´le exige qu’elle pleure, on lui a appliquĂ© sur les joues des larmes Ă  la glycĂ©rine. HĂ©las, le maquilleur devait ĂŞtre un dĂ©butant, les « larmes Â» sont visiblement trop visqueuses et ne coulent pas. Et Marion semble s’être badigeonnĂ©e le visage Ă  l’aide d’une bougie.

Cillian Murphy, qui interprétait l’Épouvantail (le Scarecrow) dans les deux films sur Batman, a une fois de plus – la troisième – la tête dans un sac. Ce doit être un gag pour initiés entre lui et Christophe Nolan. On attend avec impatience leur quatrième collaboration et le quatrième sac.

Leonardo DiCaprio est mauvais. Il crispe les mâchoires, offre un regard vide, ne se rase plus, et donc figure le mauvais garçon tel que Scorsese lui a enseignĂ© Ă  le faire sur les quatre films qu’ils ont tournĂ©s ensemble. On en annonce un cinquième, pour tout arranger. En outre, il a terriblement vieilli : en 2002, dans Attrape-moi si tu peux, il avait une scène oĂą il semblait avoir seize ans, alors qu’il en avait vingt-six ; aujourd’hui, soit huit ans plus tard, il paraĂ®t en avoir quarante-cinq ! Leo a Ă©tĂ© un bon acteur, voire un grand acteur, lorsqu’il Ă©tait très jeune, autour de ses dix-neuf ans. Aujourd’hui, il n’est plus un acteur du tout. La carrière qu’il a en vue, c’est celle de Gabin ? Il la fera, et ce sera bien fait pour lui.

En bref : inutile de se dĂ©ranger.Haut de la page

Plan B

Réalisateur : Marco Berger

Scénario : Marco Berger

Interprètes : Manuel Vignau (Bruno), Lucas Ferraro (Pablo), Mercedes Quinteros (Laura), Ana Lucia Antony (Ana), Carolina Stegmayer (VerĂłnica), Antonia De Michelis (Madre Victor), Ariel Nuñez Di Croce (Javier)

Musique : Pedro Irusta

Directeur de la photo : Tomas Perez Silva

Montage : Marco Berger

Durée : 1 heure et 43 minutes

Sortie à Paris : mercredi 28 juillet 2010

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Marco Berger, 30 ans, mère argentine, père norvĂ©gien, diplĂ´mĂ© en Norvège, travaille en Argentine, et a rĂ©alisĂ© en 2008 deux courts-mĂ©trages avant ce long-mĂ©trage, son premier. Dans El reloj, qui durait 15 minutes, Juan Pablo, Ă  la sortie d’un cinĂ©ma, offrait Ă  Javier de l’inviter chez lui en taxi, et lĂ , l’invitait Ă  rester. Après avoir regardĂ© la tĂ©lĂ©vision en compagnie de son cousin, il lui proposait de dormir sur place. Dans Una Ăşltima voluntad, qui ne durait que 10 minutes, un condamnĂ© Ă  mort devait ĂŞtre fusillĂ© ; avant de mourir, il demandait Ă  ĂŞtre embrassĂ©, or il n’y avait que des hommes prĂ©sents.

Ces deux thèmes se retrouvent dans Plan B., qui s’offre comme une bouffĂ©e d’air pur dans une atmosphère empuantie de cinĂ©ma bidon : ici, aucun escroc s’introduisant dans vos rêves pour y voler vos secrets qu’il va vendre ensuite ; aucune poursuite de voiture, aucune explosion d’un gratte-ciel ou d’un hélicopère en vol ; aucun journaliste aux dents longues prĂŞt Ă  faire tomber la CIA et qui a cent espions Ă  ses trousses ; personne n’y tue personne ; pas de scènes de nus ; on n’y entend pas de rap ; aucune trace de gore ; pas un seul gros mot ; et, quand deux personnages s’embrassent, on n’a pas droit à un gros plan sur leur langue ou sur leurs amygdales. À la place, un marivaudage moderne, où, à l’instar de chez Rohmer, cinĂ©aste auquel on pense souvent, seuls les sentiments, qui évoluent comme dans la vie, font avancer l’action, au rebours de ces films où l’auteur invente des évènements pour pallier le vide de son scénario.

On doit dire que Berger a rĂ©insĂ©rĂ© dans son long mĂ©trage beaucoup d’élĂ©ments de ses deux courts-mĂ©trages : de El reloj, il a rĂ©utilisĂ© le fait que les deux garçons partagent le mĂŞme lit, mais sans rien y faire que parler et dormir ; et de Una Ăşltima voluntad, le dĂ©sir d’un homme d’être embrassĂ© par un autre, mais uniquement « pour voir Â». Or il faut insister sur le fait que, tout comme le rĂ©alisateur lui-mĂŞme, aucun des personnages ne se revendique, du moins au dĂ©but, comme homosexuel ; et qu’aucun acte homosexuel n’est accompli sur toute la durĂ©e du film, bien que l’épilogue laisse prĂ©voir que cela ne va pas tarder ! Du reste, cette aventure dĂ©marre comme une revanche hĂ©tĂ©rosexuelle : Laura vient de quitter Bruno pour aller vivre avec Pablo, et Bruno, qui aimerait bien rĂ©cupĂ©rer son ex-petite amie, voudrait casser le nouveau couple... en sĂ©duisant le garçon, mĂ©thode originale. Il s’arrange donc pour rencontrer Pablo, s’en faire un ami, et, malheureusement pour son beau projet, il en tombe amoureux. De son cĂ´tĂ©, Pablo n’est pas emballĂ© par Laura, qu’il trouve commune, et il songe Ă  la quitter. Bruno arrive donc Ă  point nommĂ©, et, de copain, il vire amoureux. Marivaux n’y avait pas pensĂ©.

Le film est réalisé avec beaucoup de soin et revêt une forme très classique, même si l’on peut regretter que la photographie ne soit pas meilleure. La succession des scènes est ponctuée par des vues sur les toits de Buenos Ayres, mais la ville elle-même est très peu montrée. On doit surtout déplorer que les interprètes des deux garçons, surtout celui de Bruno, ne soient pas un peu plus attrayants. Mais c’est très mineur, car leur comportement est plein de retenue, et c’est une qualité qui se fait rare.

En bref : Ă  voir absolument.Haut de la page

Buried

Réalisateur : Rodrigo CortĂ©s

Scénario : Chris Sparling

Interprètes : Ryan Reynolds (Paul Conroy), Ivana Miño (Pamela Lutti, sur la vidĂ©o), et les voix de JosĂ© Luis GarcĂ­a PĂ©rez (Jabir), Robert Paterson (Dan Brenner), Stephen Tobolowsky (Alan Davenport), Samantha Mathis (Linda Conroy), Warner Loughlin (Maryanne Conroy / Donna Mitchell / Rebecca Browning), Erik Palladino (agent spĂ©cial Harris), Kali Rocha (opĂ©ratrice du 911), Chris William Martin (reprĂ©sentant du ministère des Affaires Étrangères), Cade Dundish (Shane Conroy), Mary Songbird (opĂ©ratrice du 411), Kirk Baily (opĂ©rateur du 411), Anne Lockhart (opĂ©ratrice de la CRT), Robert Clotworthy (interlocuteur de la CRT), Michalla Petersen (infirmière du foyer), Juan Hidalgo, Abdelilah Ben Massou (ravisseurs), Joe Guarneri, Heath Centazzo (voix additionnelles), Tess Harper (autre voix de Maryanne)

Musique : VĂ­ctor Reyes

Directeur de la photo : Eduard Grau

Montage :Rodrigo CortĂ©s

Durée : 1 heure et 35 minutes

Budget : environ 3 millions de dollars

Sortie à Paris : mercredi 3 novembre 2010

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Film espagnol (tourné à Barcelone), mais parlant anglais.

Des huis-clos, des histoires se déroulant entièrement dans un lieu unique, au cinéma, on en a vu beaucoup. Chez Alfred Hitchcock (dans un appartement, avec La corde, Fenêtre sur cour et Le crime était presque parfait ; dans un canot de sauvetage, avec Lifeboat) ; chez Joel Schumacher (avec Phone booth, autour d’une cabine téléphonique de New York) ; chez Mankiewicz (avec Le limier) ; avec je ne sais plus qui (dans un ascenseur). Mais l’extrême est atteint ici, puisque nous ne sortons jamais... d’une caisse faisant office de cercueil, enterrée quelque part en Irak par des preneurs d’otages qui veulent recevoir une rançon – de cinq millions de dollars au dĂ©but, puis, après marchandage tĂ©lĂ©phonique, d’un million seulement.

Bref, en octobre 2006, Paul Conroy, simple camionneur au service depuis janvier d’une entreprise privée travaillant là-bas pour le ravitaillement, mais indĂ©pendamment de l’armée, est pris en otage et enterré vivant. On lui a laissé de l’éclairage et un téléphone mobile, dont la batterie va tenir un peu plus de deux heures (le film est plus court, car il y a des ellipses marquĂ©es par un noir Ă  l’écran), et son oxygène est rare, bien que la caisse ne soit pas vraiment Ă©tanche, puisque du sable s’y infiltre et qu’un serpent a pu s’y introduire. Le représentant de ses ravisseurs l’appelle pour exiger une rançon en billets de banque avant 21 heures, sinon, on le laissera dans sa caisse, et il mourra. Évidemment, Paul cherche par tous les moyens à obtenir du secours de la part de ses compatriotes qu’il peut appeler, non sans difficultĂ©s et malentendus, mais, peu à peu, le sable envahit son cercueil. Ses ravisseurs ont par ailleurs exigĂ© qu’il enregistre, sur son tĂ©lĂ©phone mobile, une vidĂ©o expliquant la situation, et, pour le convaincre, lui en font parvenir une autre, sur laquelle ils montrent l’exĂ©cution d’une serveuse travaillant pour la mĂŞme entreprise que lui. Plus tard, ils exigent qu’il se coupe un doigt s’il ne veut pas que sa famille soit l’objet de reprĂ©sailles. Pendant ce temps, ses compatriotes le cherchent, mais les ravisseurs les ont aiguillĂ©s sur une fausse piste – l’endroit oĂą gĂ®t un prĂ©cĂ©dent otage, qui a connu le mĂŞme sort et en est mort. Et la dernière voix qu’il entendra de son interlocuteur qui, aux États-Unis, tente de le retrouver, lui soufflera « Je regrette, Paul, je regrette énormément ». Fin du film.

C’est un exploit, évidemment, mais mieux vaut ne pas voir le film si l’on est claustrophobe, car les premières minutes, dans l’obscurité complète (on se croirait chez Marguerite Duras, qui, elle, avec Son nom de Venise dans Calcutta désert, avait tenu vingt minutes dans le noir), sont éprouvantes. Ensuite, le scénariste Chris Sparling a su trouver suffisamment de rebondissements pour faire avancer l’histoire, avec cette ultime trouvaille : l’entreprise pour laquelle travaille Paul utilise une argutie juridique pour le dĂ©clarer licenciĂ© avant l’heure de sa capture, et ainsi, se dĂ©sintĂ©resser de son sort afin de ne pas indemniser sa famille après sa mort ! Vivent les États-Unis et l’ultralibĂ©ralisme.

 

Buried

 

On raconte que le scĂ©nariste a écrit cette histoire car ses précédentes tentatives, avec d’autres histoires, avaient été refusées, parce que trop chères à réaliser. Ici, ce n’est certes pas le cas : un seul acteur (on voit aussi un personnage féminin, sur une photo puis sur une vidéo diffusées sur le téléphone), pas de décor, pas de tournage en extérieur, pas de figurants, pas de cascades, c’est presque reposant. Et cela démontre que point n’est besoin de faire les pieds au mur avec sa caméra pour faire du vrai et bon cinĂ©ma.

L’acteur est bon, et ce film va lui valoir un statut de vedette. Aucun autre interprète n’apparaĂ®t Ă  l’écran, sauf, comme mentionĂ© plus haut et très fugitivement, une femme, vue en vidĂ©o sur l’écran du tĂ©lĂ©phone portable, et qui est immĂ©ditement exĂ©cutĂ©e par les ravisseurs. Ă€ part cela, une ou deux photos fixes, et rien d’autre. C’est le cĂ´tĂ© acrobatique de la mise en scène, plus savante qu’il y paraĂ®t. On Ă©vite aussi le happy end, qui serait de rigueur dans un film hollywoodien. Bref, un film en mĂŞme temps austère et palpitant, qu’il serait stupide de rater parce que des journaux comme « Le Canard enchaĂ®nĂ© Â» ont fait une mauvaise critique.

Ce film est raconté ICI
En bref : Ă  voir absolument.Haut de la page

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Sites associés :    Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés

Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.