JPM - Films - Notules - Janvier 2006

Notules - Janvier 2006

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées : Esprit de familleThe family StoneGood night, and good luckAppelez-moi KubrickColour me Kubrick – Angels in America – Orange mécanique – De Nuremberg à Nuremberg – Jugement à Nuremberg – Animal – GentilleMadame Henderson présenteReinasJarhead - La fin de l’innocenceJarhead – Full metal jacket – Apocalypse now – American beauty – OdeteLa mort de monsieur LazarescuMoartea domnului Lazarescu – L’odyssée de monsieur Lazarescu – La nuit de monsieur Lazarescu – Orgueil et préjugésPride and prejudiceUn ticket pour l’espaceLe secret de Brokeback MountainBrokeback Mountain – Tigre et dragon – Wedding banquet – Le garçon d’honneur – Vers le sud – Ressources humaines – L’emploi du temps – Les Sanguinaires – Les dames de CornouaillesLadies in lavender – Swimming pool – Les joyaux de la couronne – Chambre avec vue – Goodbye Lenin ! – The king – La mauvaise éducation – La véritable histoire du petit Chaperon rougeHoodwinkedMunich – Les dents de la mer – Les aventuriers de l’arche perdue – Indiana Jones et le temple maudit – Indiana Jones et la dernière croisade – Rencontres du troisième type – La couleur pourpre

Personnes citées : Thomas Bezucha – Diane Keaton – George Clooney – Edward Murrow – Joseph McCarthy – Richard Nixon – Edgar J. Hoover – Roy Cohn – Milo Radulovich – Charles Chaplin – Joseph Losey – Brian W. Cook – John Malkovich – Stanley Kubrick – Stanley Kramer – Frédéric Rossif – Philippe Meyer – James Watson – Francis Crick – Maurice Hugh – Frederick Wilkins – Sophie Fillières – George Bush – Stephen Frears – Manuel Gomez Pereira – Pedro Almodóvar – Sam Mendes – João Pedro Rodrigues – Cristi Puiu – Keira Knighthley – Éric Lartigau – Olivier Baroux – Kad Merad – André Dussollier – Frédérique Bel – Charles Dance – François Ozon – Judi Dench – Maggie Smith – Daniel Brühl – James Marsh – Gael García Bernal – Todd Edwards – Tony Leech – Cory Edwards – Maureen Dor – Michel Leeb – Glenn Close – Jim Belushi – Jean Yanne – Steven Spielberg

Esprit de famille

Mardi 3 janvier 2006

Réalisé par Thomas Bezucha

Titre original : The family Stone

Sorti au Royaume-Uni (Festival de Swindon) le 26 novembre 2005

Sorti en France le 28 décembre 2005

Les Stone le sont vraiment, du moins on le croirait. Témoin cette réplique de la mère, que joue Diane Keaton, lancée à son fils bohême qui débarque pour Noël : « Pas de pétard chez moi. Et les vêtements ne sont pas facultatifs ! ». Hélas, le fils aîné, lui, amène sa petite amie, qui espère et croit que l’invitation va déboucher sur une demande en mariage. Or elle est du genre coincé, cela se voit, tout le monde la hait d’avance, donc elle multiplie les gaffes, notamment à propos du troisième fils, homo, sourd, et qui veut adopter un enfant avec son amant, lequel est noir – subtilité scénaristique. Drame au réveillon ! Finalement elle se case avec le fils bohême, et le fils aîné trouve chaussure à son pied avec la sœur de son ex-fiancée.

Tout cela ne mange pas de pain, mais commence à ennuyer sérieusement dans la seconde partie : il fallait s’y attendre, l’attendrissement obligatoire et la tentation très peu inattendue de mettre un peu de drame dans tout cela sont fatals au récit. Quand donc fabriquera-t-on une comédie où l’on ne fait que rire, sans la touche d’émotion quasi-automatique ?

Finalement, le titre français dit tout.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Good night, and good luck

Vu le mercredi 7 décembre 2005 - Sorti le mercredi 4 janvier 2006

Réalisé par George Clooney

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 1er septembre 2005

Sorti en France le 4 janvier 2006

Très honorable film en noir et blanc de et avec George Clooney, qui a co-écrit le scénario. Entièrement filmé en intérieurs, dans les locaux reconstitués de la chaîne CBS telle que dans les années cinquante, il retrace l’affrontement entre un journaliste de télévision, Edward Murrow, producteur et présentateur d’un magazine hebdomadaire à succès, See it now – journaliste qui a réellement existé, honnête et qui voulait faire son métier, strictement informer, sans céder aux pressions ni influencer les téléspectateurs –, et le sénateur Joseph McCarthy, de sinistre mémoire : entre 1950 et 1954, la vie politique des États-Unis était empoisonnée par la « chasse aux sorcières » qu’avait lancée cet ami de Richard Nixon et d’Edgar J. Hoover (tout-puissant patron du FBI et « plus grand ripou d’Amérique », selon le titre d’un documentaire qui lui fut consacré après sa mort). McCarthy comptait aussi parmi ses amis l’avocat Roy Cohn, le personnage central d’Angels in America, dont il a été question dans ces pages. Bref, un petit groupe d’excités de l’ultra-droite, et ce n’est pas rien aux États-Unis !, faisait la pluie et le beau temps, reléguant le Président au rôle de potiche. Leur but : débusquer puis chasser de leur emploi les sympathisants communistes ou supposés tels, dans l’armée, dans l’administration, dans les milieux artistiques, partout où McCarthy le jugeait bon. La commission des activités anti-américaines (sic) avait non seulement le pouvoir de convoquer qui elle voulait, mais aussi d’exiger des dénonciations ; faute de quoi, la personnalité interrogée se voyait mise sur la liste noire, perdait son travail et tout espoir d’en retrouver un autre.

Le film, enrichi de nombreuses images d’archives révélatrices, noue son intrigue autour du cas d’un lieutenant de l’armée de l’air, qui est d’ailleurs conseiller technique de la production, Milo Radulovich : en 1953, on prétendit le congédier de l’armée sous le prétexte qu’il présentait un risque pour la sécurité du pays, cela, parce que son père lisait un journal en langue serbe ! Convoqué par la commission de McCarthy, il fut déclaré coupable sans le moindre procès ; et l’on exigea de lui des dénonciations de membres de sa famille, ce qu’il refusa de faire. À la suite de la campagne que mena Murrow avec son équipe, Radulovich fut réintégré dans l’armée. Ce fut l’une des plus modestes victimes de cette psychose collective, qui en fit d’autres plus célèbres, notamment dans les milieux du cinéma, Charles Chaplin et Joseph Losey restant les plus souvent cités, puisqu’ils durent quitter le pays. McCarthy obtint en quatre ans plus de 11 500 révocations et 12 000 démissions, avant de devoir renoncer à son action et de recevoir un blâme de la part du Sénat.

Naturellement, et le film de Clooney le montre bien, l’engagement de Murrow ne plut pas à tout le monde, et son patron, à la CBS, confronté à des retraits de budget de la part des annonceurs publicitaires de la chaîne, dut le mettre au placard... bien que Murrow ait pris à sa charge les pertes en publicité causées par son émission ! Heureuse époque où la pub ne coûtait pas si cher...

L’intérêt du film est de montrer le bon côté de la télévision, si peu souvent mis en avant – au cinéma. En opposition à la télé-poubelle qui n’a pas fini de faire ses ravages, et pas seulement chez nous, il y aura toujours des hommes qui lui feront honneur. Murrow, modestement, ne voulait pas « changer la vie », mais informer le public, à sa façon : non pas en vendant de l’information, mais en incitant le public à réfléchir. Oui, bien sûr, ce point de vue est dépassé...

Formellement, le film, dépourvu de musique d’accompagnement, est classique, peut-être un peu trop. Ainsi, comme souvent, il commence par la fin, avec un hommage de la profession rendu à Murrow, du type « soirée des Oscars », avec discours très moraux. Mais enfin, quelques vérités y sont énoncées, ce qui n’est pas inutile.

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Appelez-moi Kubrick

Jeudi 5 janvier 2006

Réalisé par Sam Mendes

Titre original : Colour me Kubrick

Sorti en France (Festival de Dinard) le 6 octobre 2005

Sorti en France le 4 janvier 2006

Le seul bon côté de ce navet réside dans la musique, que le spectateur a plaisir à réentendre : on a utilisé un grand nombre de morceaux pris dans les films du vrai Kubrick, et c’est parfois pertinent, par exemple dans la toute première scène, qui fait allusion à une séquence typique d’Orange mécanique. Cela mis à part, le film est sans aucun style et, plutôt répétitif, n’avance pas. Même l’effroyable cabotinage de John Malkovich en folle tordue (mais comment ses dupes ont-elles pu croire qu’elles avaient affaire au vrai Kubrick ? Son visage était pourtant assez connu, tout le monde le savait marié, père de plusieurs filles) et le truc usé de l’autodérision affichée (« John Malkovich ne serait pas assez bon pour jouer dans 2001, l’odyssée de l’espace ») ne parviennent pas à dissiper l’ennui du récit.

Un détail sans importance, mais qui m’a intrigué : l’escroc et imposteur Alan Conway, qui ne connaît rien à Kubrick pas plus qu’au cinéma (il croit que Kirk Douglas est une femme !), baratine un éventuel pigeon dans un bar ; malheureusement pour lui, le type est un cinéphile, et lui tend un piège en lui faisant le coup du « J’adore tous vos films », citant une liste incluant De Nuremberg à Nuremberg. Le faux Kubrick tombe dans le panneau : « Oui-oui, ça a été dur, mais on a réussi à faire un bon film ». Sur quoi, le pas-si-pigeon-que-ça lui lance que, lorsqu’on veut usurper l’identité de quelqu’un, mieux vaudrait se renseigner avant, et que le film en question est de Stanley Kramer, pas de Stanley Kubrick. Or c’est inexact, il est l’œuvre d’un troisième réalisateur : De Nuremberg à Nuremberg est un film de Frédéric Rossif, sorti en 1994, sur un texte de Philippe Meyer. Ce que Stanley Kramer a réalisé, c’est Jugement à Nuremberg. La bourde est-elle due au dialoguiste, ou bien, une fois de plus et c’est probable, à l’auteur des sous-titres, qui ne connaît pas plus le cinéma que Conway lui-même ? Un ignorant réécrivant les dialogues d’un ignorant en les enrichissant de sa propre ignorance, c’est piquant.

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Découverte du gène de l’ignorance ?

Jeudi 5 janvier 2006

Et puisqu’on parle d’ignorance, « Illimité », le canard gratuit des salles de cinéma UGC, et qui devrait s’intituler « In-imité » si ce mot existait, est toujours un filon, surtout pour les collectionneurs de perles. Ainsi, à la page 6 du numéro actuellement distribué, à propos du film Animal qui sortira le 11 janvier, on peut lire que, dans Orange mécanique, film de Stanley Kubrick sorti en 1971, le réalisateur « s’interrogeait sur l’opportunité de transformer un abominable psychopathe en un citoyen modèle ». Et le rédacteur heureusement anonyme ajoute : « Mais à l’époque, on n’avait pas encore découvert l’ADN ! ». Tout à fait, cher ami !

La bourde est triple.

Tout d’abord, le traitement appliqué au personnage d’Alex dans Orange mécanique n’était qu’un conditionnement pavlovien, associant certains actes répréhensibles à un dégoût physique provoqué par une drogue – donc nullement une manipulation de l’ADN ; ensuite, même aujourd’hui, on ne sait pas modifier un caractère en intervenant sur l’ADN ; enfin, la phrase « on n’avait pas encore découvert l’ADN » (en 1971) montre l’étendue de la culture scientifique de son auteur, puisque la structure de l’ADN a été décrite par Watson et Crick... en 1953 ! Ce pour quoi ils ont d’ailleurs eu le prix Nobel, avec Wilkins, en 1962. Donc, à l’époque de la sortie du film de Kubrick, l’ADN avait bel et bien été découvert.

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Gentille

Lundi 9 janvier 2006

Réalisé par Sophie Fillières

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 14 septembre 2005

Sorti en France le 14 décembre 2005

L’absence d’histoire n’est pas compensée par des dialogues de sourds dont on a visiblement surchargé le caractère absurde. Le pire du cinéma français, qui continue de n’avoir rien à dire. C’est vrai, ça, il n’y a aucun problème sur quoi bâtir un film, en France.

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George Clooney optimiste ?

Mardi 10 janvier 2006

Dans les interviews qu’il a données pour la publicité de son film Good night and good luck, George Clooney a déclaré que les citoyens de son pays avaient au moins cette qualité : ils savent réparer très vite leurs erreurs.

Certes, cher George !

Néanmoins, le reste du monde, admiratif, constate qu’après avoir vu leur armée, la plus puissante du monde, chassée du Vietnam par un peuple de paysans armés de bâtons, les États-Unis se sont à nouveau embourbés dans deux guerres, au Koweit puis en Irak, lesquelles ne font que reproduire une situation similaire – surtout la seconde. Façon originale, donc, de « réparer ses erreurs ».

Ce n’est pas tout. Après avoir supprimé la peine de mort, que plus aucun pays civilisé au monde ne pratique, quelques États, outre-Atlantique, l’ont rétablie. Là encore, cette méthode inédite de réparation des erreurs a de quoi éblouir les ploucs qui n’ont pas le privilège d’être nés aux États-Unis.

Enfin, alors que nul ne conteste que la première élection du locataire actuel de la Maison-Blanche n’a été acquise que par un trucage électoral (en Floride, où le gouverneur, par le plus grand des hasards, était le frère du candidat George Bush, et se trouve toujours à ce poste), les citoyens des États-Unis se sont empressés de réparer leur erreur en réélisant le tricheur quatre ans plus tard, cette fois sans aucune manipulation des urnes.

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Madame Henderson présente

Mercredi 11 janvier 2006

Réalisé par Stephen Frears

Titre original : Mrs Henderson presents

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 9 septembre 2005

Sorti en France le 11 janvier 2006

Riche, presque septuagénaire, veuve depuis peu, et ne se sentant guère attirée par la broderie ou les œuvres charitables (aujourd’hui, on dit « caritatives », allez donc savddoir pourquoi), Mrs Henderson achète le Windmill, un théâtre désaffecté du centre de Londres. Puis, ne sachant quoi en faire, elle engage un directeur artistique, qui par chance a du talent. Tout en se chamaillant sans cesse, les deux vont monter la première revue nue de Grande-Bretagne, avec cette obligation qui, de France, nous semble saugrenue : les filles ne devront jamais bouger !

Succès, bien entendu, que même la Deuxième Guerre Mondiale n’interrompra pas, puisque le théâtre Windmill fut le seul à ne jamais fermer, ou pour très peu de temps, malgré l’hostilité des autorités, qui estimaient « dangereux » les attroupements de spectateurs.

Assez peu vif dans son rythme comme dans les numéros présentés, le film est gentillet, sans plus. Stephen Frears a fait beaucoup mieux à ses débuts. Mais les deux personnages centraux ne manquent pas de pittoresque, surtout la vieille dame indigne (ça n’existe qu’en Angleterre), avec quelques bonnes répliques, comme celle-ci, nostalgique : « En Inde, nous avions toujours quelqu’un que nous pouvions toiser ». Délicieux... Sans doute les effets positifs de la colonisation ?

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Reinas

Vendredi 13 janvier 2006

Réalisé par Manuel Gomez Pereira

Sorti en Espagne le 8 avril 2005

Sorti en France le 11 janvier 2006

Trois couples de garçons envisagent de convoler. Pas besoin d’aller à Bègles et au devant des ennuis, nous sommes en Espagne. Il y a trente ans, ce pays passait pour arriéré ; à présent, il peut nous donner des leçons de modernité, tout comme l’Angleterre, naguère ultra-rétrograde sur le plan des mœurs. Prédiction : dans les cinq ans à venir, la France devra se mettre au diapason, sous peine de se retrouver dans la même position ridicule, vis-à-vis de nos voisins, qu’avant l’abolition de la peine de mort.

Le film, lui, est une comédie sans grande importance, très peu militant, surchargé en péripéties loufoques. Ainsi, cette mère légèrement homophobe, mais adjointe au maire de Madrid, et qui, forcée de remplacer le premier magistrat victime d’un accident, devra célébrer le même jour, non seulement le mariage gay de son propre fils, mais celui de dix-neuf autres couples homos ! On ne lésine ni sur les invraisemblances de comportement, ni sur les blagues dignes des Guignols de Canal Plus ; par exemple cet invité à un dîner, qui demande à la maîtresse de maison si cela dérange qu’il se roule un joint. « Pas du tout, répond celle-ci qui est actrice, j’ai travaillé avec Almodóvar ».

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Jarhead - La fin de l’innocence

Lundi 16 janvier 2006

Réalisé par Sam Mendes

Titre original : Jarhead

Sorti aux États-Unis le 4 novembre 2005

Sorti en France le 11 janvier 2006

Pas vraiment un film de guerre, plutôt de non-guerre. La guerre, sachez-le mes bons amis, ne déplaît pas à tout le monde. Pour un petit gars du Middle West sans culture et sans avenir, elle peut être l’occasion d’avoir quelque chose à raconter à ses copains... quand on en revient. En attendant, la formation des Marines n’a guère changé depuis Full metal jacket et le Vietnam, semble-t-il. Elle culmine avec ce sommet de contre-propagande ratée, quand on projette aux soldats la séquence des hélicoptères d’Apocalypse now, sur fond sonore wagnérien : enthousiasme dans les rangs, et de bon aloi, on va pouvoir casser de l’Arabe comme autrefois nos aînés cassaient du Jaune. Ils ont tout compris... Au fait, quelqu’un a-t-il jamais écrit que cette coppolienne séquence conçue pour vous prendre aux tripes était la plus stupide de l’histoire du cinéma ? Non, vraiment ? Eh bien voilà, c’est fait.

Bref, Andrew part pour la première guerre du Golfe, avec comme mission officielle de défendre « le pauvre Koweit » (sic). C’est-à-dire une famille régnante accapareuse, qui se souciait de liberté, de démocratie et des droits de l’homme autant que de ses premières babouches ; sans oublier les intérêts pétroliers de la famille Bush, ce qui se révèlera globalement positif, comme on l’a su ensuite. Exaltant. Lui et ses camarades s’ennuient, se font des blagues idiotes ou ignobles (un marquage au fer rouge, simulé au début, réel peu avant l’épilogue), se vantent, se masturbent beaucoup, se tapent des corvées dégradantes, gémissent quand leur femme, lasse d’attendre, va chercher ailleurs... et ne croisent aucun agresseur irakien, voire aucun Arabe, sauf, une fois, huit caravaniers perdus qui se sont fait voler leurs dromadaires. Quelques cadavres calcinés, tout de même, vers la fin. Et cette obsession de ne pas rentrer au pays sans avoir descendu au moins un « ennemi » ! Quand l’un de nos tireurs d’élite, qui a enfin repéré une cible, a la possibilité de la flinguer, il se le voit interdire par un supérieur... et se met à pleurer en se roulant par terre !

Le film, un peu longuet, plutôt répétitif, est loin d’être un chef-d’œuvre, bien que dû au très coté Sam Mendes, qui avait réalisé American beauty. Et pourquoi le fana du tir à la cible mentionné ci-dessus meurt-il une fois rendu à la vie civile, sans qu’on sache ni pourquoi ni comment ? Il fallait l’indispensable touche d’émotion ?

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Odete

Mardi 17 janvier 2006

Réalisé par João Pedro Rodrigues

Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2005

Sorti en France le 11 janvier 2006

Lorsqu’un scénario a embarqué les personnages dans une situation inextricable et sans issue apparente, le scénariste a trois manières de terminer son histoire. Soit il trouve une fin plus ou moins logique, souvent arbitraire mais ne contredisant pas l’esprit du film ni le caractère des personnages ; ainsi, souvent, il fait mourir d’accident le personnage principal. Souvenez-vous de Cavale, dans la trilogie de Lucas Belvaux : son personnage de terroriste traqué par la police tombe dans une crevasse alpine et meurt instantanément. Le public est un peu déçu, mais ne regimbe pas, car il n’y a là rien d’impossible et il ne se sent pas trop floué. Soit le scénariste renonce à imaginer la fin et arrête là son récit, laissant au public le soin de compléter l’histoire par tout ce qui lui plaira. Souvenez-vous du premier long métrage de Truffaut Les quatre cents coups, lorsque Antoine Doinel, en fuite, arrive sur une plage normande, et que l’image se fige après un zoom sur son visage. Le public, en général, dit que « Ça se termine en queue de poisson », mais les critiques professionnels adorent, et parlent de « fin ouverte ». Soit, enfin, le scénariste joue le tout pour le tout, brûle ses vaisseaux et rédige une fin qui ne correspond à rien, ni dans l’esprit de l’histoire, ni dans le caractère des personnages. Le public a tendance à mettre le scénariste sur liste noire et à casser les fauteuils, sauf les critiques TRÈS intelligents qui ont tout compris et qui estiment que cette fin est « bouleversante » et qu’il ne faut surtout pas la raconter, bien entendu...

Ici, on a ce troisième cas de figure. Odete (il n’y a pas de faute d’orthographe, c’est le prénom en portugais) qui travaille dans un hypermarché Édouard-Leclerc à Lisbonne (si si ! Ça existe, la civilisation française rayonne partout), annonce à son amant Alberto qu’elle est enceinte. Comme il ne veut pas d’enfant, il râle, et elle le vire instantanément de chez elle, dans l’état où il se trouve à ce moment précis, c’est-à-dire à poil. Mais Odete a menti, elle n’est pas enceinte, elle est seulement zinzin à un point rare. Elle jette aussitôt son dévolu sur un garçon homosexuel de vingt-et-un ans qui vient de mourir d’un accident de voiture, Pedro, et raconte à la famille du défunt qu’elle attend un enfant de lui. Histoire de fignoler, elle se précipite dans la tombe, sur le cercueil, un peu comme Simone de Beauvoir a failli le faire aux obsèques de Sartre. Mais ça ne prend pas, et Rui, l’amant du mort, la jette hors du cimetière. Elle y revient inlassablement, se met à entretenir la tombe, et convainc en fin de compte la mère de Pedro que celle-ci va avoir un petit-fils, ce qui emporte le morceau : la voilà admise dans la propre chambre du jeune mort. Mieux, Rui est à son tour convaincu qu’Odete dit la vérité. Ce Rui, barman dans un établissement gay, est un garçon un peu bourru mais sincère, qui ne supporte pas la disparition de son ami, puisqu’il a tenté deux fois de se suicider. Comme Odete s’est fait couper les cheveux aussi court qu’un garçon et a revêtu les vêtements de Pedro, Rui accepte qu’elle le remplace, et le film se termine par un simulacre de sodomisation de Rui par Odete – et non l’inverse, ne me demandez pas comment.

D’où la fin dont je parlais plus haut !

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La mort de monsieur Lazarescu

Mercredi 18 janvier 2006

Réalisé par Cristi Puiu

Titre original : Moartea domnului Lazarescu

Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2005

Sorti en France le 11 janvier 2006

L’affiche dit « La mort de Dante Lazarescu », mais le titre donné ci-dessus est celui qui apparaît à l’écran et qui est la traduction du roumain. De plus, seul les trois titres indiqués ici affirment que le personnage meurt, puisque l’événement fatal, s’il est probable, ne survient pas : le récit se termine sur la préparation du malade en vue de son opération. En Grèce, c’est L’odyssée – forcément – de monsieur Lazarescu, et en Argentine, La nuit de monsieur Lazarescu !

En dépit de l’intérêt du film, qui dure deux heures et demie et qui décrit les urgences des hôpitaux de la capitale roumaine, il faut dire que la première demi-heure est décourageante : le spectateur assiste aux premiers malaises d’un homme de soixante-deux ans, ivrogne et atteint d’un ulcère à l’estomac, on entend l’intégralité des trois conversations téléphoniques de Dante avec les urgences et avec sa sœur, et l’on suit d’un bout à l’autre sa visite chez ses voisins de palier. C’est long, peu informatif, et franchement ennuyeux. On n’entre dans le vif du sujet qu’avec l’apparition de l’infirmière envoyée avec une ambulance, quinquagénaire compatissante qui va le trimballer une bonne partie de la nuit, d’hôpital en hôpital, avant de trouver enfin un établissement où l’on consent à opérer son « client ». S’ensuit une galerie de portraits souvent intéressants, comme celui de ce jeune médecin qui plaisante sans arrêt, ne s’exprimant qu’en métaphores, sans perdre un atome de sa compétence.

Le clou du récit est dans cette séquence où l’infirmière en question a osé donner, à l’interne du deuxième hôpital, le diagnostic qui a déjà été établi dans le premier : ladite interne, une jeune pimbêche très jalouse de ses prérogatives, la remet à sa place de subalterne (c’est à elle seule que revient d’établir un diagnostic), bientôt approuvée par un chirurgien tout aussi arrogant, et qui refuse d’opérer si le malade, qui a perdu tout sens de la réalité, ne lui signe pas une décharge le dégageant de ses responsabilités.

Certains ont écrit que ces tribulations incitaient, non seulement à la prise de conscience – c’est bien le moins –, mais aussi au rire. Je n’ai pas ressenti cette envie de rire. Quant à la comparaison du système roumain avec le système français, elle est vite faite, puisque cet état de décrépitude des hôpitaux, nous y sommes déjà. Il m’est arrivé d’attendre plus de deux heures, non pas la nuit mais en pleine matinée, pour être examiné aux urgences de l’Hôtel-Dieu, seul hôpital du centre de Paris, alors qu’il n’y avait avant moi, dans la file d’attente... qu’un seul patient !

Techniquement, on regrette le feuilleton Urgences, dont les dialogues français sont revus par un véritable médecin. Ici, le responsable des sous-titres n’y connaît rien, et, par exemple, traduit helicobacter (ce microbe en forme d’hélice, qui provoque les ulcères à l’estomac) par « héliobactéries », ce qui n’a rien à voir.

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Orgueil et préjugés

Jeudi 19 janvier 2006

Réalisé par Joe Wright

Titre original : Pride and prejudice

Sorti en Allemagne le 25 juillet 2005

Sorti en France le 18 janvier 2006

Darcy, gentilhomme riche et froid, dissuade son ami Bingley d’épouser Jane Bennet, car il soupçonne la famille Bennet (cinq filles à marier, pas de fortune) d’être intéressée – ce qui, de la part de la mère, n’est pas entièrement faux. Darcy est aussitôt haï de toute la famille. Beaucoup plus tard, voyant qu’il s’est trompé, il se rachète, raccommode le mariage rompu et déclare sa flamme à Lizzie, la jeune sœur de la fiancée.

Conçu d’après un roman de Jane Austen, ce film britannique, un peu long, est soigné. Tout est réussi, tout fait vrai, classique et sans académisme, dialogues, costumes, décors et interprètes, notamment Keira Knightley, interprète de Lizzie, jolie, vive et talentueuse. On ne fera qu’une réserve : la coiffure du jeune Bingley, plutôt ridicule.

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Un ticket pour l’espace

Vendredi 20 janvier 2006

Réalisé par Éric Lartigau

Sorti en France (Festival de l’Alpe d’Huez) le 17 janvier 2006

Sorti en France et en Belgique le 18 janvier 2006

Encore un film français qui n’a rien à dire. Encore un film français conçu pour faire valoir deux rigolos de la télé, cette fois Olivier Baroux et Kad Merad, dits Kad et Olivier. Ce n’est pas complètement nul, la réalisation est techniquement soignée, on rit parfois nerveusement, on sourit de temps à autre, et deux ou trois vannes passent la rampe. Parfois lourd, aussi, comme l’interminable scène du dindon géant. Dussollier apporte sa caution morale de comédien connu, cela lui arrive de plus en plus souvent. Comme survient de plus en plus souvent l’apparition de Frédérique Bel, la célèbre « blonde » de Canal Plus. À reprendre inlassablement le rôle de godiche qui l’a popularisée, elle va finir par scier sa carrière avant même de la commencer.

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Le secret de Brokeback Mountain

Mardi 24 janvier 2006

Réalisé par Ang Lee

Titre original : Brokeback Mountain

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 2 septembre 2005

Sorti en France le 18 janvier 2006

Noyé sous les éloges et les prix décernés dans les festivals, ce prétendu « western gay » n’en est pas un ! Le western ne se définit pas par ses paysages, mais par un violent affrontement entre deux camps irréductiblement opposés : les colons contre les Indiens, les fermiers contre les pillards, la loi contre les hors-la-loi. Rien de tout cela ici, les deux garçons restent des victimes et ne luttent pas.

Passé ce préambule, il faut reconnaître que le film, tout en étant « à voir », laisse une impression mitigée. Il est parfois maîtrisé, parfois il s’égare, surtout dans les séquences où les deux garçons devenus hommes, Ennis et Jack, vivent leur existence personnelle, chacun de son côté, avec les familles qu’ils ont fondées pour se conformer à ce qu’on attendait d’eux, comportement parfaitement vraisemblable, puisque l’histoire commence en 1963 – une tout autre époque. En témoigne la révélation que Jack est le fils d’un abominable salaud, qui a montré à son fils de neuf ans le cadavre d’un homosexuel émasculé, pour lui insuffler sa propre homophobie. Mais le père rate son coup, les deux garçons « ne sont pas homos », mais vont s’aimer avec passion tout le reste de leur vie, vingt trop courtes années. S’aimer, cependant, de manière très différente : très sensible, pudique, renfermé, Ennis ne se permet aucun écart et ne supporte pas que, durant leurs périodes de séparation, son ami Jack déverse son trop-plein de sève, si j’ose dire, avec des prostitués mexicains. C’est lui qui, n’ayant rien à se reprocher, bousille vraiment sa vie et se voit contraint au divorce.

Ang Lee, réalisateur taïwanais que je ne place pas très haut (voir le ridicule Tigre et dragon, film pour festival que je m’étais permis d’assaisonner lors de sa sortie), a déjà traité de l’homosexualité dans une comédie assez réussie, The wedding banquet (en français, Le garçon d’honneur), qui néanmoins ne jouait guère sur le registre des sentiments. Or, ici, nous avons le sujet d’un mélodrame, genre pour lequel ce réalisateur ne semble pas fait. C’est pourquoi l’émotion est rare. Elle parvient cependant à passer, à certains moments, par exemple lorsque Ennis, qui vient de se séparer de Jack une première fois, se met, de désespoir, à boxer un mur. Il y a aussi ce court moment de non-dit, pour parler cuistre, où la montée du désir chez Jack (ils n’ont encore rien fait ensemble) est remarquablement filmée : en arrière-plan, vu très flou, Ennis, tout nu, fait sa toilette ; au premier plan, le visage impassible de Jack, en train de fumer. On sent qu’il meurt d’envie de se retourner pour regarder, mais il se retient et rien ne se passe. Le plan est très réussi.

Cela posé, le scénario n’a pas été écrit pour Ang Lee, et le récit a une certaine tendance à disperser notre attention, par exemple sur les filles d’Ennis et le beau-père de Jack. Concentré sur le véritable thème, il retiendrait davantage.

Précisons que, contrairement à ce qui a été dit parfois, les deux interprètes sont parfaitement dans leurs rôles, deux garçons pauvres, incultes, peu bavards, inaptes à exprimer leurs sentiments autrement que par monosyllabes ou par quelques coups de poing. Si le film peut laisser insatisfait, ce n’est pas par eux.

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Vers le sud

Mercredi 27 janvier 2006

Réalisé par Laurent Cantet

Sorti en Italie (Festival de Venise) en septembre 2005

Sorti en France le 25 janvier 2006

Deux des premiers longs-métrages de Laurent Cantet, Ressources humaines et L’emploi du temps (il y en a eu un autre avant, Les Sanguinaires, très peu connu et complètement différent de ceux qui ont suivi), s’intéressaient à un double sujet de portée universelle : le monde du travail (et surtout du chômage) et les relations entre père et fils. Vers le sud vise moins haut, puisqu’il s’agit du tourisme sexuel, et plus précisément celui des femmes aisées, seules et atteignant la cinquantaine, à la recherche, dans le tiers-monde, d’un compagnon plus jeune et vénal. Ce récit est pimenté – je ne dis pas « pigmenté », mais vous pouvez faire le jeu de mots si ça vous chante – par la situation géographique, puisque l’histoire se déroule en Haïti en 1970, à l’époque du dictateur François Duvalier, dit « Papa Doc », auquel devait succéder son fils Jean-Claude l’année suivante. Les Duvalier, le père surtout, faisaient régner la terreur grâce à une milice privée, les Tontons Macoutes, et cette dictature dura jusqu’en 1986, année où « Bébé Doc » fut renversé (et se réfugia en France, mais cela va sans dire).

Ellen, venue des États-Unis, est présentée comme la cynique de l’histoire : elle entend payer pour les services qu’elle attend et ne se fait aucune illusion sur l’attachement que lui porte Legba, le jeune Haïtien qu’elle a élu et qu’elle revoit chaque année ; la Canadienne Brenda est la naïve : elle aussi a des vues sur Legba, elle espère même le faire sortir du pays et le ramener au Canada. Très conscient de son état d’objet de plaisir, le jeune homme s’en contente et ne souscrit pas à ce beau projet. Hélas, la milice l’abat et jette son corps sur la plage de l’hôtel où séjournent les deux femmes. On ne saura pas pourquoi, mais Ellen a une hypothèse, c’est Brenda et son projet intempestif d’émigration qui ont tout provoqué, « dans ce pays où l’on n’aime pas qu’une tête dépasse ». Brisée, elle rentre chez elle et ne reviendra jamais, alors que Brenda, vite consolée, va continuer d’écumer les Caraïbes. La cynique et la naïve n’étaient pas celles que l’on croyait.

Le film est d’une facture classique, ne fait pas la part trop belle à l’exotisme, et les deux actrices principales sont parfaites. Surtout, il ne nous fait pas la morale, écueil qu’on aurait pu craindre de la part d’un réalisateur moins intelligent. Mais enfin, cela reste un film mineur, malgré un étonnant prologue dans un aéroport.

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Les dames de Cornouailles

Jeudi 26 janvier 2006

Réalisé par Charles Dance

Titre original : Ladies in lavender

Sorti en Italie (Festival de Taormina) le 14 juin 2004

Sorti en France le 25 janvier 2006

En ce moment, nous avons une sortie par semaine d’un film britannique, et cela permet de vérifier que le cinéma de Grande-Bretagne dépasse en intérêt tout ce qui se produit ailleurs, quelques films asiatiques mis à part.

Le scénario et la réalisation de celui-ci sont dus à Charles Dance, honorable comédien, qui a fait beaucoup de télévision et quelques films (on l’a notamment vu dans Swimming pool, de François Ozon). Il est peu connu chez nous, et c’est injuste, car il était prodigieux dans Les joyaux de la couronne, téléfilm de 1984 en treize épisodes, sur la décolonisation en Inde, qu’aucune chaîne française ne songe à reprendre, mais l’on sait le génie des directeurs des programmes en France. À 58 ans, il a réalisé ce premier film, dont le titre original est Ladies in lavender, et dont on espère qu’il ne sera pas le dernier ! Il a recruté pour cela les excellentes Judi Dench, vue dans Madame Henderson présente et dans Orgueil et préjugés (voir dans cette page), l’impériale Maggie Smith, qui parvenait à ne pas se laisser éclipser par le reste de la distribution dans Chambre avec vue, et le jeune et beau Daniel Brühl, qui jouait le fils dans Goodbye Lenin !

Les deux premières interprètent deux sœurs, vivant seules, avec leur domestique, dans une petite maison en Cornouailles, à deux pas de la mer. Elles découvrent sur la plage un jeune homme inanimé, apparemment victime d’un naufrage – on n’en saura pas plus –, qui s’avère être un excellent quoique débutant violoniste polonais. Elles s’y attachent, surtout Ursula, qui en tombe amoureuse, sans espoir puisque une cinquantaine d’années les séparent. D’ailleurs, une jeune femme l’entend jouer par hasard et vient le tirer de là : elle est la sœur d’un célèbre virtuose, qui va faire la carrière d’Andrea. Il quitte la Cornouailles, et l’on devine qu’il n’y reviendra pas.

Le film est un chef-d’œuvre de simplicité, de retenue et de cocasserie. Pas l’ombre d’une bassesse, d’une grossièreté, d’une mesquinerie. On en redemande.

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The king

Vendredi 27 janvier 2006

Réalisé par James Marsh

Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 2005

Sorti en France le 25 janvier 2006

On croyait bêtement que c’était Johnny qui « allumait le feu », mais non, c’est Elvis ! Au fait, et comme il n’y a aucun roi dans cette histoire, c’est à cause de ce prénom que le film s’intitule « The king » ? Mais il semble qu’à ce stade, une petite explication s’impose.

David Sandow est pasteur aux États-Unis, donc il est moins fauché que s’il l’avait été en Angleterre ou en Norvège. Très porté sur la morale qu’il serait pléonasmique de dire « puritaine », il a eu néanmoins une jeunesse dissipée, avec en prime un enfant dont il ignorait l’existence, Elvis donc, né d’une de ses liaisons. Devenu adulte et orphelin, Elvis vient de terminer son service dans la marine, et il prend contact avec son père naturel, qui le prie d’être discret, car il est marié, père de deux enfants, Paul, 18 ans, et Malenie, 16 ans (si si ! Pas Melanie : Malenie, restons simples). C’est Paul qui a le mieux absorbé les fadaises bondieusardes propagées par son paternel, puisqu’il veut devenir pasteur, et réclame pour son lycée le remplacement des cours sur Darwin par un enseignement créationniste. Ce pour quoi il se fait envoyer au bain par les autorités académiques, pas toutes fanatisées par la lecture de la Bible.

On comprend assez vite qu’Elvis, qui a mal supporté d’être ce qu’on appelait autrefois « un bâtard », veut se venger. Il commence par séduire sa demi-sœur, laquelle ignore tout. Surpris par Paul, il le poignarde et jette son corps dans un étang. La famille et la police croient à une fugue, car Paul s’était querellé avec son père. Lequel père, pris de remords, recontacte Elvis et lui ouvre sa maison, en dépit des réticences de sa femme, qui s’y fait néanmoins car Elvis jardine bien (!). Mais lorsque Malenie, enceinte, avoue tout à sa mère, il ne reste plus à Elvis qu’à tuer les deux femmes et à mettre le feu à la maison. Après quoi, il va trouver son père et lui dit qu’il désire se « rapprocher de Dieu ». Fin.

On voit comme tout cela est crédible, cohérent sur le plan du comportement, coulant de source, pour ainsi dire. Pour son premier film hollywoodien d’importance, Gael García Bernal, acteur mexicain, a eu du flair, le film est encore pire que La mauvaise éducation. Moins malhonnête, mais beaucoup plus idiot.

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

La véritable histoire du petit Chaperon rouge

Lundi 30 janvier 2006

Réalisé par Todd Edwards, Tony Leech et Cory Edwards

Titre original : Hoodwinked

Sorti en France (Festival de Cannes) le 16 mai 2004

Sorti en France le 25 janvier 2006

Un film en images de synthèse, à la technique moins sophistiquée que celle des productions de Pixar, mais bénéficiant d’un scénario assez soigné. Il raconte ce que résume le titre français (le titre originel est Hoodwinked, qui signifie « berné », donc sans rapport avec celui-ci), mais à la manière d’une histoire policière, dans laquelle les personnages ne sont pas du tout tels que nous les connaissons. Par exemple, la grand-mère adepte des sports « de l’extrême », comme disent les amateurs du genre. C’est sympathique sans être inoubliable.

À noter cette bavure : même dans la version originale, le générique de fin étale en très gros les noms des acteurs du doublage français, dont Maureen Dor et Michel Leeb, d’immenses vedettes par conséquent, et qui méritaient cet honneur. Les noms de Glenn Close et de Jim Belushi, dont on a entendu les voix, défilent à la fin, dans la liste que nul ne lit jamais.

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Munich

Mardi 31 janvier 2006

Réalisé par Steven Spielberg

Sorti au Canada et aux États-Unis le 23 décembre 2005

Sorti en France le 25 janvier 2006

On se souvient du slogan inventé par Jean Yanne dans son premier film : « Encor’nette, le désodorisant de la religieuse, qui se souvient qu’elle est AUSSI une femme ! ». Eh bien, avec Spielberg, c’est pareil, l’ex-amuseur ne se pardonne pas d’avoir diverti la Terre entière avec de bons films d’action, Les dents de la mer, les trois Indiana Jones ou Rencontres du troisième type : depuis 1985 et La couleur pourpre, il rame comme un perdu pour nous montrer qu’il peut AUSSI penser.

Sur deux heures et quarante-quatre minutes, nous avons donc environ deux heures et demie d’action, et c’est fort bien fait, comme d’habitude ou presque. Puis, à la fin, le héros se met à se poser des questions : tuer des ennemis, c’est parfait (je simplifie, bien sûr), mais, attendu qu’exécuter un terroriste en fait naître aussitôt une demi-douzaine qui désirent le venger, est-ce que par hasard ce ne serait pas un peu contre-productif ? D’autant plus que les responsables n’ont pas tous été exécutés : dimanche après-midi, a pu voir sur Canal Plus le principal organisateur de l’attentat de Munich, Abou Daoud, bien vivant, interviewé par... Karl Zéro !

Bref, Munich expose au passage le dilemme très peu inattendu entre se faire respecter, doctrine traditionnelle d’Israël, ou tâcher de ramener la paix en laissant son amour-propre de côté. Mais comme cette question risque de rester pendante encore quelques siècles, et que le cinéma n’est pas apte à faire progresser le débat, on aurait pu éviter de la poser... car elle passe pour un alibi au spectacle, qui du coup a l’air de s’excuser.

Cela dit, le film est honnête et parfois pittoresque, avec, par exemple, cette belle famille de crapules bien française, jouée par Michel Lonsdale et Mathieu Amalric. Le charlot du commando, engagé comme artificier alors qu’il fabriquait seulement des jouets, qui s’éloigne du groupe, puis se fait sauter avec sa propre bombe, est aussi interprété par un Français, Mathieu Kassovitz. On nous adore, à l’étranger, c’est attendrissant. Reste une énigme qui angoisse : que fait ce marché sur un pont de Paris, celui de Bir-Hakeim, entre les très bourgeois quinzième et seizième arrondissements ? Spielberg aurait pu trouver un autre endroit, par exemple près de chez moi. Quoique sans Tour Eiffel en arrière-plan, le marché de la rue Montorgueil est réputé, on y a même vu la reine Elizabeth il y a deux ans.

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Dernière mise à jour de cette page le mardi 8 septembre 2020.