JPM - Films - Notules - Mars 2006

Notules - Septembre 2006

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (entre parenthèses, autre que des films) : HellbentReefer madnessReefer madness: The movie musicalQueer as folkL’ivresse du pouvoir – La femme infidèle – Que la bête meure – Le boucher – Un printemps à ParisLe Nouveau MondeThe New World – Titanic – L’affaire Josey AimesNorth Country – Le cercle des poètes disparus – Truman CapoteCapote – De sang-froid – Les racines du cielLa vie devant soiSarah – Elephant – Le livre de Jérémie – Le cauchemar de Darwin – Toi et moiDu jour au lendemain – Entre ses mains – Orange mécanique – Essaye-moi – RRRrrr !!! – Alexandre le bienheureux – Destination finale 3Final destination 3 – Incontrôlable – Le passagerAurore – La marche de l’empereur – Romanzo criminale – Nos meilleures années – Sciuscia – Le parrain – Orange mécanique – DR9Drawing restraint 9 – Sweet movie – Le grand sommeil – 2001, Odyssée de l’espace – La doublure – Le placard

Personnes citées : Paul Etheredge-Ouzts – Dylan Fergus – Andy Fickman – Claude Chabrol – Isabelle Huppert – Eva Joly – Loïc Le Floch Prigent – François Berléand – Valéry Giscard d’Estaing – Christian Ranucci – Sarah Bernhardt – Guillaume Depardieu – Ella Fitzgerald – Julie Depardieu – Arthur Rimbaud – Jacques Bral – Eddy Mitchell – Sagamore Stévenin – Miles Davis – Christophe Colomb – Christian Bale – Terrence Malick – Niki Caro – Charlize Theron – Sandrine Kiberlain – Romane Bohringer – Bennett Miller – Truman Capote – Perry Edward Smith – Richard Eugene Hickock – Richard Brooks – Philip Seymour Hoffman – Jake Gyllenhaal – Truman Streckfus Persons – J.T. Leroy – Romain Gary – Émile Ajar – Gus van Sant – Asia Argento – Laura Albert – Geoffrey Knoop – Bruce Benderson – Julie Depardieu – Sergio Peris Mencheta – Julie Lopes-Curval – Philippe Le Guay – Henry de Montherlant – Bourvil – Benoît Poelvoorde – Robert Castel – Georges de Beauregard – Raoul Levy – Pierre-François Martin-Laval – Pierre Richard – James Wong – Glen Morgan – Jeffrey Reddick – Michael Youn – Marc-Olivier Fogiel – Guy Carlier – Éric Caravaca – Vincent Rottiers – François Berléand – David Hamilton – Anthony Munoz – Michele Placido – Francis Ford Coppola – Stanley Kubrick – Matthew Barney – Björk – Francis Veber – Pierre Richard – Jacques Villeret – Daniel Auteuil – Gad Elmaleh – Dany-Boon – Gérard Depardieu

Hellbent

Mercredi 1er mars 2006

Réalisé par Paul Etheredge-Ouzts

Sorti aux États-Unis le 26 juin 2004

Sorti en France le 22 février 2006

La veille d’Halloween, deux garçons, qui s’aimaient dans une voiture, sont décapités par un tueur inconnu et masqué. La nuit d’Halloween sera encore plus sanglante, mais le tueur se fait prendre.

Ambiance très hard rock. Tous les personnages sont homosexuels, et très beaux, notamment le héros du film, Eddie, joué par Dylan Fergus, dont c’est le premier film au cinéma. C’est lui qui abat l’assassin, dans une scène curieuse : il a été établi que son personnage, qui a perdu un œil (rassurez-vous, il a un œil de verre et n’est pas plus défiguré que sur la photo ci-dessous), est très maladroit au tir. Lorsque son nouvel ami, agressé par le tueur, lui demande de lui tirer dessus, il le fait : l’ami avait prévu que le tireur le raterait, donc toucherait son agresseur !

 

Dylan Fergus

 

Une petite série B jouée par des inconnus, qui ne tente pas de vous en mettre plein la vue, que vous soyez borgne ou pas, et qui évite le gore. C’est reposant.

En bref : à voir.Haut de la page

Reefer madness

Jeudi 2 mars 2006

Réalisé par Andy Fickman

Titre original : Reefer madness: The movie musical

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) en janvier 2005

Sorti en France le 1er mars 2006

Où il est démontré que les chaînes de télévision, aux États-Unis, sont bien plus audacieuses que les studios de cinéma. Ce film tourné pour la télévision est en effet produit par Showtime, la chaîne qui diffusait Queer as folk. Or, adapté d’une comédie musicale venue de Los Angeles (et non de New York comme habituellement), elle-même dérivée d’un film de 1936, il fait rien moins que la propagande en faveur de la marijuana ! Moyen : ridiculiser tous les adversaires de cette drogue. Le ton est donné par ces vers d’une chanson placée vers la fin : « Quand la marijuana sera éradiquée, on s’occupera de Darwin et de Freud ». On vous fait confiance, chers réacs électeurs de Bush !

C’est marrant et roboratif. Comme souvent, la musique est le point faible, car elle ne reste pas en mémoire. Mais le reste est impeccable.

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L’ivresse du pouvoir

Vendredi 3 mars 2006

Réalisé par Claude Chabrol

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 16 février 2006

Sorti en France le 22 février 2006

Ce film vain illustre très bien, à l’image de ses personnages, l’expression « parler pour ne rien dire ». Claude Chabrol, conscient de cela, et roublard comme on le connaît, a du reste pris les devants en affirmant urbi et orbi que son film ne visait pas à apprendre quoi que ce soit à qui que ce soit. Il se débarrasse en outre de son histoire en expédiant la conclusion sur une pirouette d’Isabelle Huppert : « Qu’ils aillent tous se faire voir ». Le spectateur doté de mémoire se souviendra dès lors que Chabrol a raté toutes ses fins de films, depuis ses débuts. Le spectateur cinéphile, de son côté, notera que ce réalisateur, qu’on présente comme un critique aigu et constant de la société française, n’a réussi que trois films, La femme infidèle, Que la bête meure et Le boucher, datant de 1969-1970, et dans lesquels, précisément, il ne se livrait à aucune critique sociale !

Tout ce que le spectateur verra dans L’ivresse du pouvoir, c’est un clone du juge Eva Joly persécutant – plutôt par sadisme si l’on se rapporte aux dialogues – un clone de Loïc Le Floch Prigent, et quelques autres grossiums. Sans que jamais soit mentionné le secteur d’activité de tous ces affairistes : pétrole, vente d’armes, autre chose, on n’en saura rien ! C’est un peu violent...

Une seule scène m’a retenu : quand Berléand, qui joue Le Floch Prigent, complètement abattu, exprime son écœurement de la prison et parle des jeunes prisonniers qui, dès le soir de leur incarcération, se font violer (le vrai Le Floch Prigent l’a rapporté dans un livre). Or cette mention ne semble pas émouvoir plus que cela ce juge de cinéma, puisqu’elle ne sourcille pas. Ah bon, c’est moins important que le fait, pour un PDG, d’offrir des robes à sa maîtresse avec la carte de crédit de l’entreprise ? Et montrer un magistrat que la chose indiffère, ce n’est pas diffamatoire ? Justement, « Le Canard enchaîné » de cette semaine fait en page 8 un récapitulatif des inspections menées depuis 1993 dans les prisons françaises : Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature, Gisti, Comité européen de prévention de la torture, commissaire européen aux Droits de l’Homme, députés européens, députés français. Le constat est unanime et constant, les prisons françaises, outre qu’elles sont surpeuplées, se révèlent sordides et livrées à la loi du plus fort, comme si, à la privation de liberté, il fallait rajouter la dégradation, la maladie, la torture et le viol. Déjà, en 1974, Giscard, fraîchement élu à la présidence, avait personnellement visité une prison, ce qui avait beaucoup déplu à ses électeurs de droite, et déclaré que la prison devait consister en la privation de liberté, et rien d’autre. Ce qui ne l’avait pas empêché, soit dit en passant, d’envoyer un innocent à la guillotine, Christian Ranucci. Rien n’a changé depuis plus de trente ans, par conséquent.

La France est la honte de l’Europe.

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

Petites vacheries de bon goût

Mardi 7 mars 2006

Il y a quelques mois, j’avais provoqué l’ire d’un conformiste, intoxiqué du politiquement correct, avec une blague de mon cru. Découvre l’intrus de la liste suivante, lui avais-je demandé : Sarah Bernhardt, Guillaume Depardieu, Long John Silver, Ella Fitzgerald. Vous avez bien sûr deviné que l’intrus était une intruse, Ella Fitzgerald, puisque, à elle, on a coupé LES DEUX jambes ! Mais il paraît que j’avais ainsi offensé des morts... J’en demande donc pardon à Long John Silver, personnage fictif de L’île au trésor. Depuis, je me surveille, crainte de froisser, qui sait ? la susceptibilité du capitaine Crochet, voire celle du crocodile de Peter Pan.

Pourtant, « Illimité », le bulletin publicitaire des cinémas UGC, que je mentionne parfois ici pour sa richesse en bourdes de toutes sortes, publie dans son dernier numéro une interview de Julie Depardieu, qui montre que je ne suis qu’un amateur. Celle-ci annonce en effet que son frère Guillaume va jouer le rôle de Rimbaud, et précise gentiment : « Il n’y a que lui pour faire Rimbaud, même pas besoin d’effets spéciaux » ! Rappelons à ceux qui n’étaient pas là qu’Arthur Rimbaud, lui aussi, fut amputé d’une jambe...

Ah ! les sœurs...

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Un printemps à Paris

Mardi 7 mars 2006

Réalisé par Jacques Bral

Sorti en France le 1er mars 2006

Ce titre fait très Ray Ventura, mais rien à voir. Un tandem de voleurs de bijoux veut faire un gros coup : Eddy Mitchell, débonnaire comme seul il sait l’être, et Sagamore Stévenin, charmeur de femmes et tueur de sang-froid. Le coup réussit, la nana de service, qui a tout compris et qui est une vraie garce comme dans tous les films du même genre, part avec le tueur, et monsieur Eddy finit refroidi.

Le tout est parfaitement immoral, mais on s’en fiche, car le scénario est bien troussé. Seule, la musique détonne, en donnant dans le style Miles Davis, jazz paisible pour boîte de nuit sélect. On a vraiment l’impression qu’elle ralentit l’action.

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Le Nouveau Monde

Jeudi 9 mars 2006

Réalisé par Terrence Malick

Titre original : The New World

Sorti aux États-Unis le 25 décembre 2005

Sorti en France le 15 février 2006

Rien à voir avec le faux découvreur de l’Amérique et vrai profiteur que fut Christophe Colomb, puisque cela commence en 1607 : une expédition britannique débarque en Virginie pour y fonder une colonie. En dépit (ou à cause) d’une histoire d’amour entre le capitaine Smith, membre un peu turbulent de l’expédition, et Pocahontas, fille d’un roitelet local, cela tournera plutôt mal. Rappelé en Angleterre, Smith est faussement donné pour mort, et la fille, qui ressemble à un travesti brésilien, se lie avec un autre Anglais, joué par Christian Bale, ici sous-employé alors que c’est l’un des meilleurs acteurs britanniques, donc mondiaux.

Terrence Malick fait comme d’habitude, il filme la nature, l’eau, les arbres, soigne la prise de vue et la prise de son, et oublie que le spectateur attend une histoire, donc s’ennuie comme une croûte de pain derrière une malle.

À noter ceci : on nous fait régulièrement, dans la presse évidemment désintéressée, le coup du réalisateur pointilleux, qui a exigé une reconstitution minutieuse, ne passant sur aucun détail, style bouton de guêtre, quel qu’en soit le prix et quelle que soit la durée de tournage. La dernière fois, c’était pour Titanic, or on voyait mal en quoi cette obsession de l’authenticité de la vaisselle, des lames de parquet et des poignées de porte, invisibles à l’écran, a pu soutenir le propos du film, qui visait surtout à démontrer qu’en cas de catastrophe, les riches s’en sortent mieux que les pauvres ! C’est pareil pour Le Nouveau Monde. Il n’y a donc pas lieu de mettre à l’actif du réalisateur ce qui n’est qu’une obsession de maniaque.

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L’affaire Josey Aimes

Réalisé par Niki Caro

Titre original : North Country

Sorti au Canada (Festival de Toronto) 12 septembre 2005

Sorti en France le 8 mars 2006

Vendredi 10 mars 2006

La question, complètement saugrenue, s’est pourtant posée : l’actrice Charlize Theron n’est-elle pas un peu trop sexy pour tenir le rôle de cette femme, bafouée, maltraitée par son époux, reniée par son père et son fils, et victime de harcèlement sexuel sur son lieu de travail – ce pour quoi elle finit par intenter un procès à son employeur, procès qu’elle gagne évidemment ? Il est vrai qu’en France, on aurait eu droit à Sandrine Kiberlain ou à Romane Bohringer, car chez nous, morbleu, on veut faire sérieux, donc on engage des actrices moches.

Tout ce qui concerne le traitement imbécile exercé par des machos (ils le sont tous, dans cette histoire, ce n’est pas un peu excessif ?) à des femmes dont le seul tort est de vouloir travailler dans une entreprise en principe réservée aux hommes, en l’occurrence une mine, est excellemment montré.

Hélas, le film se flingue lui-même en plein vol dans la séquence finale, celle du procès, car on mise à fond sur les sentiments du spectateur – l’opposé de la méthode Kubrick, en somme –, et cela induit deux fausses notes qui nuisent au propos. Expliquons.

La première boulette du scénario consiste en ce que la fille passe universellement pour une femme légère, une pute, disons-le carrément, sous le prétexte qu’elle a eu deux enfants avant le mariage et qu’elle ne connaît pas le père de son fils aîné. Cette réputation vient en fait de ce qu’elle a refusé, par honte, de révéler qu’elle avait été violée à seize ans par un professeur de son collège. Or ce viol a eu un témoin, un camarade de classe, un petit salaud, qui a répandu la version de « la fille qui couche avec tout le monde ». Lors du procès qu’elle a intenté à la mine pour harcèlement sexuel, ce témoin est harcelé, lui, par l’avocat de la fille, mais nie tout au début. Il finit néanmoins par craquer, avouant qu’il a tout inventé... alors que rien ne justifie ce revirement, qui va pourtant lui coûter cher quant à sa propre réputation ! On ne comprend pas ce truc de scénariste, on n’y croit pas, et la démonstration est donc ratée.

Seconde boulette : pour intenter un procès en harcèlement alors qu’il n’existe aucune preuve, la loi locale, nous dit-on, exige qu’il y ait au minimum trois plaignantes, puisque tout est fondé sur des témoignages. Or l’une des plaignantes meurt au cours du procès (et en pleine audience, comble de subtilité !). Dès lors, le procès va-t-il s’interrompre ? Non, car, l’une après l’autre, toutes les personnes présentes dans le public se lèvent pour se déclarer plaignantes à leur tour ! Je regrette, mais cette grossière ficelle de dramatisation a été déjà été utilisée, par exemple dans Le cercle des poètes disparus, ainsi que dans un film dont j’ai oublié le nom, et où tous les garçons d’un lycée se levaient, les uns après les autres, pour déclarer « Je suis homosexuel » afin de soutenir l’un de leurs camarades, héros du film.

Après cela, happy end, bien entendu. La fille gagne le procès, récupère l’amour de son père et de son fils, et la loi contre le harcèlement sexuel en entreprise est renforcée. Bien-pensant, mais cela ne marche qu’à Hollywood...

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Truman Capote

Lundi 13 mars 2006

Réalisé par Bennett Miller

Titre original : Capote

Sorti aux États-Unis (Festival de Telluride) 2 septembre 2005

Sorti en France le 8 mars 2006

Film austère et qui tourne uniquement autour de la personnalité d’un écrivain homosexuel, mondain et talentueux, qui un jour s’éprend... d’un crime, dont il décide aussitôt d’écrire le récit ; meurtre horrible, le massacre d’une famille entière par deux petits voleurs minables. Dans le film, l’un des deux, Perry, parvient à émouvoir ; l’autre, Dick, est curieusement laissé de côté par le récit, sans doute parce que, physiquement, il plaît moins à l’écrivain.

Ce qui n’est pas laissé de côté, en revanche, c’est le comportement pas très net de Capote, qui laisse tomber les deux condamnés au moment où ils doivent passer devant la Cour Suprême. Leur recours est rejeté, et ils sont pendus. Entre-temps, l’écrivain s’est ressaisi et repenti, et il assiste à leur exécution... certain que, pour le coup, la fin de son livre est assurée !

De cette enquête passionnelle, Capote tirera son livre le plus connu, De sang-froid, que Richard Brooks portera à l’écran.

Philip Seymour Hoffman est un acteur efficace, mais on le savait depuis longtemps. Il imite parfaitement la voix et les manières précieuses du vrai Capote. Pour la première fois, il tient la vedette, et le voilà lancé. Mais attention : le mois dernier, c’était Jake Gyllenhaal qui était lancé...

Note : Truman Capote s’appelait en réalité Truman Streckfus Persons. Pourquoi ce pseudo bizarre de « Capote », l’histoire ne le dit pas.

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J.T. Leroy n’existait pas !

Lundi 13 mars 2006

On s’est fait avoir ! En 1956, l’honorable écrivain Romain Gary avait obtenu le Prix Goncourt pour son roman Les racines du ciel. Doté d’un certain goût pour la mystification et la provocation, il s’était mis en tête de décrocher ce prix une seconde fois – ce que le règlement n’autorisait pas. Sous le pseudonyme d’Émile Ajar, Gary publia quatre autres livres, de style très différent, et remporta le Goncourt en 1975 avec son deuxième roman sous ce pseudo, La vie devant soi.

Gary-Ajar a fait au moins un émule, mais pas pour le prestige du Prix Goncourt, puisque cela s’est passé aux États-Unis. En 1997, un certain J.T. Leroy publia un roman, Sarah, dont le personnage principal était un enfant né d’une mère prostituée. Fou d’amour et d’admiration pour sa génétrice, l’enfant n’attendait pas d’être adulte pour adopter le métier de sa mère, et le livre décrivait ses aventures picaresques (mais pas pornographiques, pas non plus du genre pédophile). La qualité du roman était telle que le livre eut un immense succès, et fut encensé un peu partout. L’auteur, présenté comme âgé d’à peine vingt ans lors de la parution de son livre, était d’ailleurs venu à Paris afin de dédicacer son livre à la librairie homosexuelle Les Mots à la Bouche. Devenu l’ami de nombreux artistes, J.T. Leroy fut ensuite co-scénariste et co-producteur exécutif du film de Gus van Sant, Elephant, qui remporta la Palme d’Or au festival de Cannes, en 2003. Un second livre, paru en français sous le titre Le livre de Jérémie, fut porté à l’écran par Asia Argento (voir la notule de janvier 2005).

Leroy était assez mystérieux : il se montrait en public le moins possible, se travestissait, portait une perruque blonde et des lunettes noires... et affirmait sa volonté de changer de sexe ! Il prétendait avoir été sauvé de la misère et de la prostitution par un couple de San Francisco, Laura Albert et Geoffrey Knoop.

Hélas ! Le « New York Times » a fini par publier un autre son de cloche : Leroy n’existait pas, son personnage aurait été tenu en public par la demi-sœur de Geoffrey Knoop, et l’auteur de ses livres serait Laura Albert elle-même. Les intéressés ont gardé le silence, jusqu’ici.

L’auteur fictif possédait un mentor en littérature, Bruce Benderson, qui vient de réagir un envoyant une lettre au magazine français « Têtu », lettre que je recopie pieusement, et déclarant ceci : « Je voudrais exprimer mon innocence à propos de cette fraude. Comme beaucoup d’écrivains et d’artistes, fameux et inconnus, j’étais une victime de cette fraude. Pendant plus de dix ans, j’ai parlé régulièrement au  téléphone avec “J.T. Leroy”. J’ai trouvé ses éditeurs américains, j’ai corrigé ses textes, et je l’ai introduit en France avec un texte que j’ai écrit pour “Têtu”. Notre amitié était presque complètement téléphonique, sauf à quatre occasions quand je l’ai vu en public, et qu’on a échangé seulement quelques mots amicaux. Pour moi cette trahison de ma confiance et ma compassion pour une femme qui s’est fait passer pour un garçon malade et doué est un acte satanique et malsain. Je m’excuse pour avoir introduit cet imposteur au public français, mais maintenant c’est moi qui souffre plus que beaucoup d’autres ». On admire au passage le côté grandiloquent de cette lamentation, et la référence au satanisme. Gary a suscité des réactions plus rigolotes !

À part cela, presque personne n’a réagi, et peu de personnalités se sont exprimées publiquement. Dur, de s’être fait rouler dans la farine... Mais après tout, cette farce n’a pas fait grand-mal, et certains jugent que la qualité des livres est tout ce qui importe.

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Le cauchemar de Darwin (suite)

Lundi 13 mars 2006

Non, il ne s’agit pas de la suite de ce film sorti en France il y a un an exactement, mais, puisqu’on vient de parler de mystification à propos de J.T. Leroy, d’une autre mystification : Le cauchemar de Darwin, on le sait aujourd’hui, était bidonné ! Le réalisateur avait à peu près tout inventé. Par exemple, que les perches « trop coûteuses » pour la population locale, ne sont, en fait, pas appréciées par les gens du coin, qui n’en aiment pas le goût ; donc leur exportation vers l’Europe n’a rien de scandaleux en soi ; ou que les abats farcis d’asticots dont on prétendait que les indigènes devaient se nourrir faute de mieux étaient en réalité réservés à la consommation animale ; et tout à l’avenant. Le clou étant le prétendu trafic d’armes reposant sur l’utilisation des avions « vides » à l’aller ! Mais sur ce point précis, vous me rendrez cette justice, j’avais reniflé le coup dès le début : reportez-vous plutôt à ce que j’avais écrit là-dessus.

Mes amis, je hurle de rire. La prochaine révélation, elle portera sur quoi ? Super size me, que j’avais aussi trouvé assez suspect ? Tout fout le camp, allez !

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Toi et moi

Mardi 14 mars 2006

Réalisé par Julie Lopes-Curval

Sorti en France le 8 mars 2006

Les errances sentimentales d’une demi-douzaine de trentenaires, vues mille fois. La seule originalité : le récit est ponctué de scènes (en vue fixe) censées extraites d’un roman-photo. C’est donc la caricature venant en renfort de la caricature.

Julie Depardieu se montre douée pour le comique. Et Sergio Peris Mencheta est toujours aussi séduisant.

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Du jour au lendemain

Vendredi 17 mars 2006

Réalisé par Philippe Le Guay

Sorti en France (Festival d’Angers) le 25 janvier 2006

Sorti en Belgique le 8 mars 2006

Sorti en France le 15 mars 2006

Montherlant, ce pisse-froid solennel et hypocrite, vitupérait les acteurs qui font dans le comique sous prétexte qu’ils ont « une tête d’idiot ». Est-ce parce qu’il ressemble un peu à Bourvil que Benoît Poelvoorde a entamé une carrière d’acteur comique ? Or il est bien meilleur dans les rôles sérieux, comme l’a montré Entre ses mains, un bien mauvais film, où lui était pourtant excellent.

Du jour au lendemain part d’une idée originale : le bonheur est aussi insupportable que le malheur. Idée originale, mais peu étayée par le scénario. En fait, on ne comprend pas du tout pourquoi François s’adapte si mal à cette série d’événements heureux, qui le font passer de sa condition médiocre à celle d’homme qui voit tout lui réussir. De fait, il perd la boule et se retrouve en maison de santé... jusqu’à ce que les ennuis reviennent d’eux-mêmes, à son grand soulagement ! Le spectateur se souvient alors de la conclusion d’Orange mécanique : « Décidément, j’étais guéri ! »

De même, on voit mal pourquoi cet état névrotique atteint également l’un de ses clients, joué par Robert Castel, et catastrophé d’avoir fait un gros héritage : il n’a de cesse de se retrouver ruiné. C’est un peu dur à gober.

Benoît Poelvoorde n’a pas craint de déclarer, sur Canal Plus, qu’il désaprouvait une certaine séquence du film, en effet saugrenue, la scène de comédie musicale –, que le réalisateur lui a imposée. C’est assez rare pour être mentionné. Il tranche sur la masse des acteurs, ce Poelvoorde.

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Essaye-moi

Mardi 21 mars 2006

Réalisé par Pierre-François Martin-Laval

Sorti en France (Festival de l’Alpe d’Huez) le 20 janvier 2006

Sorti en France le 15 mars 2006

Le cinéma français n’est florissant que d’un point de vue quantitatif : on tourne beaucoup de films chez nous, bien davantage que chez nos voisins. Mais la qualité n’y est pas. Peut-être parce que nous n’avons plus de producteurs dignes de ce nom, comme autrefois Georges de Beauregard ou Raoul Levy. Aujourd’hui, ce sont les banques qui assurent le financement des projets, rien de très nouveau, mais surtout, la loi les y incitant fortement, les chaînes de télévision, qui, on le voit bien, nivellent tout pour parvenir au produit parfait qu’on diffusera aux heures les plus rentables, publicitairement parlant, c’est-à-dire à 9 heures du soir. L’heure des familles, donc adieu l’audace ! Il faut plaire au plus grand nombre... Mais c’est cela ou ne plus avoir de cinéma national.

Autre conséquence, puisqu’il est indispensable de recruter des acteurs connus capables de remplir les salles et donc de garantir – théoriquement – le sacro-saint « retour sur investissement », la télé, qui assure à ceux qui s’y montrent une tout autre notoriété que n’importe quelle activité, est une pépinière de vedettes bankables, comme on dit élégamment aujourd’hui. Ce qui explique que, depuis quelques années, tous les rigolos des émissions de télévision se soient essayés au cinéma, soit pour jouer, soit pour écrire ou mettre en scène. Presque à coup sûr, ils se plantent, mais peu importe, le film sera remboursé par la pub et les produits dérivés. On sait qu’aux États-Unis, déjà, certains films ne sortent que pour servir de publicité au DVD, toujours plus copieux avec les fameux bonus !

Les Robin des Bois sont un de ces groupes de gens pas drôles, qui se sont pourtant fabriqué un public, sur Canal Plus comme souvent. Ils n’y sévissent plus, et tous, sans exception, sont passés au cinéma, notamment avec ce chef-d’œuvre inoubliable qu’était RRRrrr !!! Voici le dernier de la bande à n’avoir pas fait sa mise en scène, Pierre-François Martin-Laval – restons simple. En tout cas, inutile d’espérer que ce mot, « dernier », soit compris autrement que comme « dernier en date ».

Cela dit, le produit, puisque c’en est un de plus, est lisse et plat, pauvre en gags, eux-mêmes peu inattendus. Restent Julie Depardieu, qui confirme ses dons pour le comique, et Pierre Richard, hélas sous-employé. À l’occasion, on a le culot de nous refiler une resucée de son crapahutage dans Alexandre le bienheureux. Notez aussi la pauvreté de la musique : quand on veut déverser sur le récit une louche d’émotion, le spectateur a droit, soit à une cantatrice chantant sans grande raison un Ave Maria, soit au vieux procédé de la chanteuse tiers-mondiste psalmodiant des onomatopées suggérant la fraternité universelle et autres concepts qui ne font de mal à personne ; cela avait commencé il y a une dizaine d’années pour vendre du café à la télévision, puis continué pour imposer le slogan de Gaz de France (« Ici, là-bas, pour vous, pour demain », une imposture insane). Aujourd’hui, c’est partout et tout le temps. On ne dira jamais assez combien est odieux ce faux humanisme utilisé comme argument publicitaire. Heureux les sourds !

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Destination finale 3

Mercredi 22 mars 2006

Réalisé par James Wong

Titre original : Final destination 3

Sorti en Thaïlande le 9 février 2006

Sorti en France le 22 mars 2006

Les deux premiers films reposaient sur un principe ingénieux : un groupe de jeunes échappe à un accident mortel et collectif, l’écrasement d’un avion dans le premier opus, un formidable accident sur autoroute dans le deuxième ; mais la Mort, insatisfaite, rattrape les survivants l’un après l’autre. Ils meurent donc, mais pas de la manière « prévue » par leur Destin initial (thème littéraire inépuisable), pas non plus de la manière qu’attend le public, envoyé systématiquement sur de fausses pistes par de multiples astuces de scénario. Ainsi, tout est ramené à un jeu : comment vont-ils vraiment mourir ? La réponse était toujours inattendue, c’était très amusant, et j’avais beaucoup aimé le numéro 2.

Ce troisième épisode, où un groupe d’étudiants échappe, très provisoirement, à la mort sur les montagnes russes d’un parc de jeux, satisfait moins, peut-être parce que l’enchaînement des circonstances conduisant aux dénouements fatals est cette fois excessivement compliqué, voire tiré par les cheveux, et longuet ; par exemple la mort des deux filles dans la cabine de bronzage. Il y a un peu plus de gore, quoique discret, et beaucoup moins d’humour. On se demande pourquoi, puisque l’équipe d’auteurs est assez homogène ; James Wong a réalisé le 1 et le 3, Glen Morgan a écrit les scénarios des mêmes épisodes, Jeffrey Reddick a imaginé les personnages du 1 et du 2. L’inspiration s’est peut-être tarie.

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Validité de la critique

Jeudi 23 mars 2006

Lorsque Michael Youn a sorti son film Incontrôlable, qui s’est immédiatement ramassé pour cause de nullité, il a incriminé les critiques pour leur attribuer son insuccès. Dans un journal attribuant jusqu’à cinq étoiles aux films, il a relevé que quinze critiques s’étant prononcés, son film n’avait recueilli, en tout et pour tout, qu’une seule étoile, sur un maximum possible de soixante-quinze ! Furieux, Youn avait publié sur son blog une lettre ouverte où la notion de « merde » revenait à toutes les lignes. Et il concluait en saluant les anus (sic) de ses contempteurs. Cette spirituelle lettre ouverte a rapidement été effacée, mais on a pu la retrouver, en citation, sur certains forums, dont celui de l’émission de France 3 On ne peut pas plaire à tout le monde, de Marc-Olivier Fogiel et Guy Carlier. Comme de coutume, sur ces forums, les internautes donnent des avis très divers, et Youn y a trouvé quelques partisans. Refrain entonné par eux : on n’a « pas le droit » de démolir l’œuvre de quelqu’un d’autre si on n’est soi-même « pas capable » de création.

Je conteste ce point de vue, au nom du double argument de la défense du consommateur et du côté facultatif de la vie publique. Expliquons.

Aller au cinéma, cela coûte cher, très cher, de plus en plus cher : l’évolution du prix du ticket n’a rien de comparable avec celle du coût de la vie évalué par l’INSEE. Or, quand vous allez voir un film, vous n’avez aucune garantie d’en avoir pour votre argent. Dès lors, les auteurs de films ont-il moralement le droit de vous vendre chat en poche une marchandise, tout en vous ôtant le droit de vous plaindre si vous n’êtes pas satisfait ? Évidemment non. Mais, si les objets achetés dans la vie courante sont susceptibles d’être rapportés au magasin lorsque l’acheteur est très mécontent (faute de quoi, le commerçant s’expose à ruiner sa réputation), impossible de faire cela pour un film ! L’argent dépensé en vain est irrémédiablement perdu, aucun remboursement n’est envisageable pour motif de qualité insuffisante. Dans ces conditions, ne reste au spectateur qu’un seul garde-fou, la critique. Et si le critique de cinéma est payé pour voir des films et en rendre compte, c’est un argument poujadiste que d’avancer, comme Michael Youn, qu’il ne devrait pas médire de ce qu’il a vu, sous prétexte qu’il l’a vu gratuitement.

Voilà pour la défense du consommateur.

Mais ce n’est pas tout. Un auteur de films, de livres, de pièces de théâtre, de chansons, d’émissions de télévision, exerce un métier public. Nul ne l’a forcé à produire quoi que ce soit susceptible d’être soumis à l’appréciation d’autrui. Dès lors que vous choisissez de montrer à tout un chacun ce que vous avez fait, et surtout, que vous exigez qu’on vous paye pour cela, vous ne pouvez réclamer qu’on vous épargne au cas où vous avez déplu. Si vraiment la critique vous défrise, réservez vos activités à votre famille et à vos amis, et restez bénévole. Dans sa lettre ouverte, Michael Youn se targue de gagner beaucoup d’argent avec ses films et ses émissions de télévision, il ne peut revendiquer, en supplément, une totale immunité médiatique.

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Le passager

Vendredi 24 mars 2006

Réalisé par Éric Caravaca

Sorti en France (Festival Entrevues de Belfort) le 1er décembre 2005

Sorti en France le 22 mars 2006

L’adaptation adroite d’un roman publié aux États-Unis. Après le suicide de son frère, qu’il évite depuis des années – on saura pourquoi à la fin du film, et c’est un décevant cliché –, Thomas retourne dans la ville de leur enfance. Il retrouve leur maison, assez délabrée, qu’il met aussitôt en vente, et quelques témoins de la vie de son frère. Le souvenir d’un drame plane sur ces évocations.

Tout ce qui concerne le présent est bien venu, surtout le personnage du jeune garçon interprété par Vincent Rottiers, sourd, passionné de boxe, et qui enregistre sur cassette les événements qu’il a mal perçus, afin de les réécouter. Tout ce qui concerne le passé, encore une histoire de viol, est assez mal évoqué, imprécis, et joué par des interprètes qui ne conviennent guère. La musique lugubre n’arrange rien. Et comment se fait-il que les Saintes-Maries-de-la-Mer soient si tristounettes qu’on se croirait sur le littoral de la Mer du Nord ?

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Aurore

Lundi 27 mars 2006

Réalisé par Nils Tavernier

Sorti en France le 22 mars 2006

Ce titre imaginatif, déjà utilisé l’année dernière et en 1989, désigne une princesse férue de danse classique, mais dont le royal père, joué par l’omniprésent François Berléand, a interdit la danse sur tout son royaume, pour couper court aux regrets de sa femme, ancienne danseuse elle-même.

Dès le premier mot, une bêtise : le roi interpelle la reine en l’appelant « Majesté ». Rappelons que la majesté, cette qualité attachée à la fonction royale (mais pas à la personne des souverains), n’est nullement un titre et ne peut donc s’employer pour s’adresser à eux. Un roi est bien placé pour le savoir ! Or cette bévue est répétée sept fois dans le dialogue, y compris quand un personnage subalterne s’adresse à la princesse, qui ne règne pas et n’a aucune perspective de ce genre. Le spectateur se dit alors qu’on gagnerait à supprimer le dialogue, comme ce fut fait aux États-Unis avec La marche de l’empereur. Mais l’image seule ne vaut pas mieux : les scènes de danse, d’ailleurs trop peu nombreuses (et donc l’amateur de danse classique sera frustré), sont montées comme on ne devrait pas le faire, en les hachant et en filmant des plans rapprochés, alors qu’il est évident que, dans cette discipline, seuls comptent les corps filmés en continuité ; quant à la photo en général, on semble avoir parfois posé un bas nylon indémaillable sur l’objectif de la caméra, ce qui donne un effet de flou « artistique » oublié, croyait-on, depuis David Hamilton et ses jeunes filles en fleur.

En résumé, on aimerait aimer, car l’entreprise est sympathique et à l’opposé de la démagogie, malheureusement c’est impossible, le film est trop tarte.

Un détail rigolo : le petit frère de la princesse, un garçon d’environ 13 à 15 ans, est, selon le générique, interprété par Anthony Munoz ; or la notice du film sur Internet Movie Database renvoie vers une notice biographique affirmant qu’il s’agit d’un ancien joueur de football professionnel, très brun, moustachu, mesurant 1,98 mètre et né en... 1958 ! Il aurait débuté au cinéma en 1980. De toute évidence, quelqu’un s’est emmêlé les pinceaux, plaçant deux homonymes dans la même notice... Et votre très humble serviteur a pris en défaut ce site mythique.

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

Romanzo criminale

Mercredi 29 mars 2006

Réalisé par Michele Placido

Sorti en Italie le 30 septembre 2005

Sorti en France le 22 mars 2006

On a poussé des cris d’admiration devant ce film au titre paradoxal, certains le plaçant au niveau de Nos meilleures années. Je ne partage pas cet avis. Romanzo criminale n’est pas une fresque brassant trente années de la nation italienne, c’est tout au plus l’histoire d’un groupe de gamins des rues qui ont mal tourné – pourtant, on est très loin de Sciuscia. Le contexte politique existe, mais l’analyse qui en est faite n’est guère approfondie, et ne va pas plus loin que la mention d’une manipulation policière. Et surtout, les personnages centraux n’ont pas le moindre intérêt : ils tuent comme ils respirent, uniquement pour l’argent, et cela peut sembler un peu court !

On objectera peut-être la trilogie de Coppola, Le parrain, mais cette œuvre, un brin surestimée à mon avis, avait une tout autre ampleur ; ou encore, souvent cité ici, Orange mécanique, dont le personnage central, lui non plus, n’est pas intéressant, ce n’est qu’un pâle petit voyou qui vole, viole et finit par tuer, sans jamais chercher plus loin que son intérêt personnel. Certes, mais le film de Kubrick était une fable philosophique, et il ne s’arrêtait pas au récit des méfaits d’Alex. Il posait une question primordiale, toujours d’actualité : doit-on, pour empêcher la délinquance, priver un être humain de la liberté du choix ?

Ici, rien de tel.

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DR9

Jeudi 30 mars 2006

Réalisé par Matthew Barney

Titre original : Drawing restraint 9

Sorti au Japon le 1er juillet 2005

Sorti en France le 22 mars 2006

Comparés à ce film, Sweet movie, Le grand sommeil et 2001, Odyssée de l’espace sont des chefs-d’œuvre de limpidité !

Pourtant, cela commence bien : vu en gros plan, un objet mystérieux ressemble à un œil, puis le recul de la caméra révèle que c’est un coquillage, qu’un homme enveloppe dans un paquet-cadeau très raffiné, à la manière japonaise consistant à injecter de la beauté dans toutes les activités futiles – et je vous conseille à cet égard la cérémonie du thé que vous verrez beaucoup plus tard, un monument de lenteur et de simagrées. Ensuite, nous allons sur un chantier de construction navale, où l’on fabrique les éléments d’un vaste conteneur qui va prendre place sur un bateau japonais, le « Nisshin Maru », lequel se révèle un chasseur de baleines. Dans les coursives se balade la chanteuse Björk, vêtue d’une houppelande rouge comme le Père Noël, et un homme européen barbu dont on ne sait rien (c’est le réalisateur du film), mais qui va se faire raser par le coiffeur du bord – ce en quoi il ne fait que précéder le spectateur, qui se rasera ensuite et tout autant.

Au bout d’une bonne heure, le capitaine du bateau les invite à prendre le thé, et ce sont les premiers mots que l’on entend. Le thé absorbé, le capitaine entame le récit d’une collision entre son navire et un autre bateau, accident dont il a gardé un très mauvais souvenir, mais il ne termine pas son récit et s’en va. Puis une inondation a lieu, qui engloutit le couple dans sa cabine jusqu’à mi-corps. Les deux tourtereaux entreprennent alors de... se dépecer, comme s’ils étaient eux-mêmes devenus des baleines, mais sans qu’il en résulte le moindre mal. Après cela, un énorme tas de graisse, sur le pont, dans le conteneur dont j’ai parlé plus haut, se met à fondre, avec en fond sonore une chanson vociférée par une voix masculine japonaise particulièrement discordante. Mais Björk n’est pas en reste et glapit une autre chanson, jusqu’à ce que le bateau arrive enfin au port... et que le quai s’effondre.

Voilà, j’espère vous avoir donné envie de voir ce film, qui, lui-même, vous donnera envie d’aller visionner le dernier navet de Sharon Stone, histoire de vous remettre. Au fait, le « DR » du titre signifie « drawing restraint », ce qui signifie « esquisse pleine de retenue », en toute modestie. Pour l’esquisse, cela doit concerner le scénario ; pour la retenue, ne vous retenez pas de vous marrer, c’est l’occasion ou jamais.

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La doublure

Vendredi 31 mars 2006

Réalisé par Francis Veber

Sorti en France et en Belgique le 29 mars 2006

Beaucoup de critiques sont tombés sur ce pauvre Francis Veber, pour avoir affadi le personnage de François Pignon qu’il avait créé naguère, et qu’incarnait si bien Pierre Richard, en gaffeur lunaire, avant Jacques Villeret. Mais enfin, un auteur a bien le droit de changer son fusil d’épaule. D’ailleurs, dans Le placard, Daniel Auteuil avait déjà mis à mal le personnage originel. Et tant pis si l’acteur ne convient pas – ici, Gad Elmaleh, auquel on ne donne rien à faire. En réalité, c’est Dany-Boon qui fait le clown, et pas si mal.

L’histoire est donc moins drôle, et pas crédible pour un kopek : un brave type est obligé de cohabiter avec un mannequin célèbre, en vue de fournir un alibi à un grossium adultère qui ne peut pas divorcer parce que c’est sa femme qui a les sous. Ça n’a strictement aucun intérêt, ni dramatique ni satirique, mais les acteurs font des « compositions », comme on dit dans le métier, en forçant naturellement le trait, car c’est le seul recours à la pâleur du scénario. On ne s’ennuie ni ne s’amuse beaucoup. Mais au moins, on échappe à la famille Depardieu, étrangement absente. Pourvu que ça dure !

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Sites associés :    Yves-André Samère a son bloc-notes 122 films racontés

Dernière mise à jour de cette page le mardi 8 septembre 2020.