JPM - Films vus - Notules -  Septembre 2011

Notules - Septembre 2011

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Pain noirPa negreR.I.F. – La guerre est déclarée – Comment tuer son bossHorrible bossesL’ange du malVallanzasca - Gli angeli del maleLe monde de BarneyBarney’s versionBlackthornPrésumé coupable – A.I. – Le mur invisibleGentleman’s agreementAu revoirBé omi é didarEt maintenant on va où ?Ou halla la weyn ? – West side story – Caramel – Orange mécanique – Crazy, stupid, loveSexe entre amis – No strings attached – Sex friends – Le cochon de GazaWhen pigs have wingsLes cochons n’ont pas d’ailes – Deux de l’escadrille – Le départLa brindilleFright nightHabemus papamLa mouette – Sunset boulevard – We need to talk about Kevin

 

Personnes citées : Agustí Villaronga – Frank Mancuso – Yvan Attal – Pascal Elbé – Pierre Murat – Valérie Donzelli – Seth Gordon – Judd Apatow – Michele Placido – Silvio Berlusconi – Richard J. Lewis – Jake Hoffmann – Dustin Hoffmann – Mateo Gil – Vincent Garenq – Fabrice Burgaud – Steven Spielberg – Alain Marécaux – Myriam Badaoui – Philippe Torreton – Elia Kazan – Mohammad Rasoulof – Nadine Labaki – Kevin Abboud – Stanley Kubrick – John Requa – Glenn Ficarra – Will Gluck – Justin Timberlake – Sylvain Estibal – Pierre Salva – Maurice Labro – Jerzy Skolimowski – Jean-Pierre Léaud – Emmanuelle Millet – Johan Libéreau – Craig Gillespie – Colin Farrell – Alexandre le Grand – Lynne Ramsay – Lionel Shriver – Tilda Swinton

Pain noir

Jeudi 1er septembre 2011

Réalisé par Agustí Villaronga

Titre original : Pa negre

Sorti en Espagne (Festival de San Sebastián) le 21 septembre 2010

Sorti en France le 24 août 2011

Les conséquences de la guerre franquiste en Catalogne, juste après les hostilités. Andreu, un jeune garçon pauvre, découvre dans un bois le cadavre d’un homme, et son fils agonisant, qui ne prononce qu’un seul mot avant de mourir, or c’est le nom d’un homosexuel qui a été émasculé naguère par quelques habitants du village. Soit dit en passant, en deux jours, deux films espagnols qui parlent d’émasculation ! Serait-ce une activité nationale ?

Mais le père d’Andreu, dénoncé auprès de son fils pour sa participation à ce lynchage, et aussi, auprès de la justice, pour le double crime que pourtant il n’a pas commis, emprisonné, condamné à mort, accepte de ne pas révéler le nom des instigateurs, à condition qu’après son exécution, ils prennent Andreu à leur charge – il veut devenir médecin. D’abord rétif, Andreu finit par accepter, et abandonne sa mère, même après que celle-ci lui ait révélé le sacrifice de son père. Il devient donc aussi monstrueux que les adultes qui le dégoûtaient.

Le film, très noir, très fort, très violent – à l’image de ce chariot jeté dans un précipice, avec son cheval, le cadavre de son conducteur, et l’enfant qui s’y cachait –, laisse loin derrière lui les pitoyables obsessions sur papier glacé de ce pauvre Almodóvar, lequel, devenu un notable qui court après les honneurs, ne fournit plus aujourd’hui que ce qu’on lui demande : de pseudo-scandales pour bourgeois frileux et secrètement cochons.

*

Dans notre rubrique Rions avec « Le Canard », qui tend à devenir quotidienne, cette vision multiple du critique maison, qui a vu plusieurs chevaux précipités dans le vide. Ben non, il n’y en a qu’un !

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R.I.F.

Lundi 5 septembre 2011

Réalisé par Franck Mancuso

Sorti en France le 31 août 2011

Cette « recherche dans l’intérêt des familles » montre que, si la police française ne fait RIEN avant vingt-quatre heures pour tenter de retrouver les personnes disparues, en revanche, elle accepte un petit effort lorsqu’il s’agit de la femme d’un policier ! Quoique, ici, ce sont plutôt les gendarmes, éternels rivaux de la police, qui mènent l’enquête...

Le récit n’est pas sans intérêt, il est nourri de suffisamment de péripéties pour garder en éveil un spectateur déjà gavé de séries policières (françaises ou étrangères) à la télévision, et, même si la conclusion s’avère décevante (la disparue est morte d’un accident causé par deux routiers, et ils se sont débarrassés du corps en le jetant dans un lac), on ne s’ennuie pas, en dépit de quelques obscurités.

Mais l’énorme cliché du policier, bourru, grossier, jamais rasé, qui a des ennuis avec sa femme, ne passe pas mieux avec Yvan Attal qu’avec les centaines d’autres acteurs qui ont incarné le même personnage depuis des décennies, tant chez nous qu’aux États-Unis. En comparaison, Pascal Elbé en gendarme a l’air d’un homme normal.

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Oui, payez-moi ! 

Lundi 5 septembre 2011

France Inter, j’insiste, payez-moi ! Si vous avez lu ma notule du 23 août, vous avez constaté que je réclamais mon dû pour tenir ici, et systématiquement, des propos qu’on retrouve quelques jours plus tard dans Le masque et la plume. Cette fois, c’est Pierre Murat qui, seul contre tous et parlant de La guerre est déclarée, dit ceci au cours de l’émission d’hier : « Dès qu’il y a une émotion [...] à transmettre, [Valérie Donzelli] sait pas comment faire, donc elle fout une chanson ou une musique, ce qui est absolument un signe d’incapacité totale de mise en scène ». Il me semble que, en développant un peu et dans un style différent, c’est bien ce que j’en disais.

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Comment tuer son boss

Mercredi 7 septembre 2011

Réalisé par Seth Gordon

Titre original : Horrible bosses

Sorti au Canada, aux États-Unis, en Islande, en Lithuanie et en Estonie le 8 juillet 2011

Sorti en France le 17 août 2011

Nick, Kurt et Dale ont des patrons haïssables et qui bloquent tout espoir d’avancement. Solution ? Les faire assassiner. Or, non seulement ils ne savent pas à qui s’adresser pour cette tâche de salut public, mais les conseils qu’ils reçoivent de la part d’un ex-taulard (qui n’a tiré dix ans de taule que pour avoir piraté un film) n’aboutissent qu’à cette péripétie surprenante : l’un des deux patrons visés en assassine un autre !

Le scénario est fignolé, pourvu de dialogues dont un critique ayant pignon sur rue dirait sans doute qu’ils font mouche, et on a réussi à caser une scène sans doute jamais filmée : une conversation pornographique au téléphone entre Jennifer Aniston, nue dans sa baignoire, et l’un des trois assassins putatifs, pendant... une poursuite en voiture. Agréable renouvellement du genre.

Les rôles principaux sont tenus par des acteurs de second rang, tandis que les rôles secondaires sont joués par des vedettes. La seule surprise est que Judd Apatow, ni de près ni de loin, ne s’est occupé de la production dans une équipe absolument pléthorique.

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L’ange du mal

Jeudi 8 septembre 2011

Réalisé par Michele Placido

Titre original : Vallanzasca - Gli angeli del male

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 6 septembre 2010

Sorti en France le 7 septembre 2011

« L’ange », ouais, faut le dire vite... Un gangster et un assassin, en fait, et la popularité dont il a bénéficié auprès d’un peuple capable, plus tard, d’élire trois fois de suite Berlusconi ne plaide pas en faveur des Italiens ni ne change rien à l’affaire. Le cinéma italien nous refait le coup de Mesrine, avec davantage de fascination pour le personnage, ce que les deux films français avaient su éviter.

Le film doit beaucoup à son interprète principal. Techniquement, il abuse du gros plan et de la caméra portée, mais cela, on le subit de plus en plus.

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Le monde de Barney

Vendredi 9 septembre 2011

Réalisé par Richard J. Lewis

Titre original : Barney’s version

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 10 septembre 2010

Sorti en France le 7 septembre 2011

– Ils sont mariés et heureux.

– Ils sont mariés. N’extrapole pas.

Cet extrait du dialogue donne le ton : le mariage est la cible de cette histoire. C’est qu’en effet, Barney Panofsky, patron d’une société de télévision canadienne qui fabrique à la chaîne des feuilletons aussi ringards qu’interminables, va se marier trois fois. La troisième sera la bonne, évidemment, mais il aura la bêtise, ayant eu une passagère aventure d’un soir, de l’avouer à sa femme, qui ne lui pardonne pas, le quitte et se marie avec un autre. Puis, passée la soixantaine, Barney est atteint de l’Alzheimer, et il meurt, à soixante-six ans. Auparavant, il se sera bien marré devant le corps de son père, mort subitement dans une maison qui... que... dans une « maison », quoi !

En dépit de sa relative longueur, deux heures et quatorze minutes, le film n’est jamais pesant et passe vite. Le dialogue y est pour beaucoup, mais la vision de l’auteur (le film est l’adaptation d’un roman) et les interprètes sont excellents eux aussi. À ce sujet, Jake Hoffmann joue le rôle du petit-fils de Dustin Hoffmann, qui, dans la vie réelle, est... son père !

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Blackthorn

Lundi 12 septembre 2011

Réalisé par Mateo Gil

Sorti en Espagne (Festival de Las Palmas) le 1er avril 2011

Sorti en France le 31 août 2011

Film tourné en Bolivie par un Espagnol, mais qui s’attaque à une légende des États-Unis – celle de Butch Cassidy et du Kid de Sundance –, qui a déjà fait l’objet de deux films hollywoodiens. Les deux bandits ont passé pour morts en 1908, mais le scénario prétend que les corps retrouvés n’étaient pas les leurs, et qu’en fait ils se sont réfugiés en Bolivie. Il ne s’attache qu’à Butch Cassidy devenu vieux, et ne montre son complice qu’en flashback, une génération plus tôt.

Bref, Cassidy, qui a pris le nom de James Blackthorn et qui élevait des chevaux depuis ce temps-là, décide de rentrer au pays. Mais cela n’ira pas tout seul, car il rencontre un autre voyou, qui va l’entraîner dans de nouvelles aventures, lesquelles se termineront assez mal.

Le film, plutôt lent, est empreint d’une tonalité assez triste, mais l’histoire tient la route, et elle est bien réalisée.

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Présumé coupable

Mardi 13 septembre 2011

Réalisé par Vincent Garenq

Sorti en France (Paris Cinéma) le 12 juillet 2011

Sorti en France le 7 septembre 2011

– Profession de votre mère ?

– Elle vient de mourir, monsieur le juge, répond le prévenu en pleurant.

– Je sais. Je voulais dire : avant.

Cette réplique du juge Burgaud définit parfaitement le magistrat instructeur : l’enfant-robot de Spielberg dans A.I. avait davantage de cœur. Mais rassurez-vous, Burgaud va bien. La commission devant laquelle on a fait mine de le traduire lui a seulement fait les gros yeux, le 24 avril 2009, et, aux dernières nouvelles, il vient d’être promu à la Cour de Cassation. Nous avons la meilleure justice du monde.

Le film raconte l’histoire authentique d’un des accusés du procès d’Outreau, l’huissier Alain Marécaux. Arrêté avec sa femme sans autre forme de procès, il a perdu successivement : sa mère, morte de chagrin ; sa femme, qui l’a quitté ; son étude, qu’il a dû vendre ; sa maison, qu’il a dû vendre. Sans compter son fils aîné, qui a mal tourné et a fait plusieurs tentatives de suicide (il va mieux, ce garçon ; âgé de dix-neuf ans aujourd’hui, on l’a vu la semaine dernière sur Canal Plus en compagnie de son père).

Le premier procès a été une mascarade. Bien que la principale accusatrice, Myriam Badaoui, folle et mythomane, ait innocenté les quatorze accusés présents, le tribunal... les a néanmoins condamnés à de lourdes peines de prison. Marécaux, lui, a écopé de dix-huit mois avec sursis pour abus sexuels sur son propre fils, accusation complètement délirante et ne reposant que sur ce fait : priée de dénoncer l’huissier dont elle avait parlé mais qu’elle n’avait jamais vu, elle en désigna un, au hasard, parmi une série de photos des huissiers de la région, et c’est tombé sur lui !

Il a fallu un autre procès, en 2005. Tous les accusés ont été relaxés... sauf celui qui était mort en prison.

Le film est quasi-documentaire, et Philippe Torreton est admirable.

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Le mur invisible

Mardi 13 septembre 2011

Réalisé par Elia Kazan

Titre original : Gentleman’s agreement

Sorti aux États-Unis le 11 novembre 1947

Sorti en France le 24 septembre 1948

Un journal de New York engage un journaliste venu de Californie, Philip Green, pour une enquête sur l’antisémitisme aux États-Unis. Green décide de se faire passer pour Juif, afin d’expérimenter l’immersion (comme on dit à Télé-Poubelle), et va découvrir que tout le monde, ou quasiment, y compris les Juifs et les antiracistes affirmés, cède plus ou moins à ce type de préjugé.

Le film, trop long et verbeux, n’aborde le véritable sujet qu’aux deux-tiers du récit, lorsque éclate un conflit entre Green et la femme qu’il s’apprêtait à épouser. Là, deux thèses s’affrontent. Green pense qu’un non-Juif, injurié parce qu’on le prend à tort pour un Juif, ne doit pas révéler sa non-appartenance au monde juif, parce que ce serait reconnaître l’infériorité présumée des Juifs et admettre que c’est « mieux » de ne pas l’être ; sa fiancée, plus pratique, estime que ce n’est pas sa faute si elle n’est pas juive, et qu’elle n’a pas à se sentir coupable de quoi que ce soit.

Néanmoins, plus tard, au cours d’une discussion avec Dave, le copain juif de Green, elle admet qu’elle a fait preuve de lâcheté en ne réagissant pas, en société, aux plaisanteries sur les « youpins » qu’elle entendait constamment.

La fin, artificielle, monte une réconciliation des deux tourtereaux, qui avaient rompu sur ce différend idéologique.

On est un peu étonné que le film montre un antisémitisme aussi répandu, alors que la ville de New York compte davantage de Juifs que tout l’État d’Israël ! Cela ressemble fort à un coup de pouce en faveur d’une démonstration qui apparaît, du coup, assez insistante. Le réalisateur en était conscient, et fit savoir plus tard qu’il n’avait jamais aimé son propre film.

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Au revoir

Mercredi 14 septembre 2011

Réalisé par Mohammad Rasoulof

Titre original : Bé omi é didar

Sorti en France (Festival de Cannes) le 14 mai 2011

Sorti en France le 7 septembre 2011

On serait tenté d’avoir un peu d’indulgence pour ce film, parce que les prises de vue sont calmes : plans fixes, avec toutefois un excès de gros plans, pas de musique, pas de caméra portée. Et la situation des femmes dans l’Iran d’aujourd’hui est épinglée comme il se doit. Cette pauvre avocate, mariée à un journaliste en prison, et à qui on a retiré pour cela toutes les affaires qu’elles voulait plaider, ne cesse de se heurter au même obstacle : quelles que soient les démarches qu’elle veut entreprendre, on lui demande de venir avec son mari ! Or, lassée de cette existence, elle veut quitter le pays. Pour ne rien arranger, elle est enceinte, et un examen a révélé que son bébé était trisomique, mais il est trop tard pour avorter.

Je suis donc au regret d’écrire que ces qualités sont annulées par des scènes sans intérêt (le très long errement d’une petite tortue d’eau sur un plateau en plastique, la visite de la mère) et un dénouement absurde, car incompréhensible : la dernière séquence la montre, dans une chambre d’hôtel juste avant son départ pour l’étranger, avec, allongé près d’elle, un... enfant trisomique ! D’où sort-il ? Il est né et a grandi de cinq années en l’espace de deux jours ? Ce ne peut être une hallucination de l’héroïne, car cela ne correspondrait pas au style du film. Puis des hommes surgissent, fouillent ses affaires et l’embarquent, comme si elle avait fait quelque chose d’illégal, mais dont on ne saura rien.

Asghar Farhadi peut dormir sur ses deux oreilles. Ce n’est pas Mohammad Rasoulof, pour qui toute la critique s’est enflammée parce qu’il a été emprisonné cette année (on l’a relâché), qui dans leur pays pourra lui faire concurrence...

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Et maintenant on va où ?

Vendredi 16 septembre 2011

Réalisé par Nadine Labaki

Titre original : Ou halla la weyn ?

Sorti en France (Festival de Cannes) le 16 mai 2011

Sorti en France le 14 septembre 2011

La structure de ce film évoque celle du sandwich : une couche de drame entre deux couches de comédie. Nous sommes dans un village libanais, où les deux communautés, chrétienne et musulmane, se partagent à peu près également la population, et vivent en paix. Mais, tout autour, la guerre fait quotidiennement des victimes, et Nassim, un jeune chrétien du village (l’acteur débutant porte le nom curieux de Kevin Abboud), reçoit une balle perdue, qui le tue. Consciente que, puisque « toute mort doit être vengée », le village va s’embraser, sa mère cache le corps, puis enferme, ligote et bâillonne son aîné qui voulait immédiatement aller abattre un musulman, et confère avec les autres femmes, chrétiennes et musulmanes – que la guerre et les rivalités religieuses ne concernent pas. Et LA solution, différente de celle de Lysistrata, est trouvée : l’imam et le curé, qui se sont concertés (dans le confessionnal !) convoquent tous les hommes au café de madame Amal, où leur est servi un monceau de gâteaux, préparés par les femmes et qu’elles ont bourrés de haschich. Assommés par les effets de la drogue, les hommes voient s’envoler tous leurs instincts belliqueux. À quoi s’ajoute un second stratagème, puisque, dès le réveil, tous constatent que leur femme a changé de religion. Ainsi, le maire chrétien découvre Yvonne, sa femme, en train de prier Allah avec force prosternations (« Tu t’es mise au yoga ? »), tandis qu’un garçon musulman est réveillé par sa mère qui lui agite sous le nez un encensoir et une statuette de Marie. Dialogue : « Mais qu’est-ce que tu fais ? – Ferme ta gueule, lève-toi et habille-toi, on va à la messe ! »

Ne reste plus qu’à régler le cas du frère ligoté et baillonné, qui n’a pas été drogué, et que sa mère « calme » en lui logeant une balle de fusil dans la jambe ! Dès lors, on peut ressortir le corps de Nassim et aller l’enterrer. La phrase du titre est la dernière réplique interrogative du film : le cercueil de Nassim, où le met-on ? Dans la partie musulmane du cimetière, ou dans la partie chrétienne ? On pense à la fin de West side story.

Si l’on excepte l’inutile intermède avec les danseuses russes, le film est bon, généreux, vigoureusement mené, meilleur que le premier de la réalisatrice, Caramel, en même temps que plus ambitieux. Et si on appliquait la méthode à tous les chefs d’États belliqueux de la planète ? La femme est l’avenir de l’homme, savez-vous ? Enfin, c’est ce qu’on dit.

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Kubrick, lâche cette caméra !

Samedi 17 septembre 2011

La plupart des cinéphiles savent que Stanley Kubrick filmait souvent lui-même, plutôt que d’employer un cameraman (on dit « un cadreur », si on veut laisser entendre qu’on appartient à la profession). La chose est attestée par un tas de photos ; par exemple, dans Orange mécanique, la scène du meurtre de la Femme aux chats a été filmée par lui. Il se servait d’ailleurs de caméras et d’objectifs qui lui appartenaient,  et qu’il avait parfois fait modifier. Cette collection de caméras, j’ai pu la voir lors de l’exposition à la cinémathèque, et la salle où on les entreposait est l’un des lieux qui m’a le plus intéressé.

Malgré cela, jamais vous ne verrez, au générique de fin de ses films, la mention « Caméra A : Stanley Kubrick ». C’est que la législation... le lui interdisait ! Pour des raisons syndicales, il n’avait littéralement pas le droit de se prévaloir, au générique, de cet emploi...

Un Kubrick ligoté par des règlementations syndicales, qu’est-ce que vous dites de ça ?

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Crazy, stupid, love

Lundi 19 septembre 2011

Réalisé par John Requa et Glenn Ficarra

Sorti en Argentine le 28 juillet 2011

Sorti en France le 14 septembre 2011

Cela commence par l’annonce qu’une épouse jusque là fidèle vient de tromper son mari et veut divorcer. Mais on devine immédiatement qu’ils vont se réconcilier à la fin : aux États-Unis, on divorce beaucoup dans la vie réelle, mais pas tellement sur les écrans.

La comédie serait assez drôle, surtout par ses dialogues, sa mise en scène classique et la présence de Ryan Gosling, si nous était épargné le dénouement pas très inattendu, avec son discours moralisant. Soyons tranquille, le cinéma hollywoodien veille sur nos âmes.

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Sexe entre amis

Mercredi 21 septembre 2011

Réalisé par Will Gluck

Titre original : Friends with benefits

Sorti au Canada et aux États-Unis le 22 juillet 2011

Sorti en France le 7 septembre 2011

Le titre original a déjà servi en 2009 au cinéma, et c’est aussi celui d’une série télévisée diffusée depuis le 5 août aux États-Unis, à raison de deux épisodes tous les vendredis ; enfin, un sujet analogue a été utilisé dans No strings attached (en « français » de cinéma, Sex friends), sorti chez nous le 15 février. C’est dire si le thème, très conventionnel, est en vogue.

Bref, Dylan vient de Los Angeles, où il a été recruté par une chasseuse de tête pour prendre la direction de la rédaction au magazine « GQ », à New York. Décidément, le thème de l’homme qui vient de Californie pour travailler à New York est récurrent à Hollywood (voir plus haut avec Le mur invisible). Ils se plaisent, mais conviennent qu’entre eux, il n’y aura jamais de sentiments : uniquement du sexe. Naturellement, ce sera le contraire, mais à la fin seulement.

Si le scénario ne ménage aucune surprise, le dialogue est au contraire pétillant (quoique farci d’énormes grossièretés), et l’interprétation est bonne. Justin Timberlake, surtout, est excellent. Et puis, les scènes d’amour ne sont jamais ridicules, comme elles le sont dans la quasi-totalité des films. C’est que, cette fois, elles ne servent pas à exciter le spectateur, mais plutôt à le faire rire.

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Le cochon de Gaza

Jeudi 22 septembre 2011

Réalisé par Sylvain Estibal

Sorti en France le 7 septembre 2011

Il était une fois, puisqu’il s’agit d’une fable, un pauvre pêcheur palestinien de l’enclave de Gaza, qui, un beau jour, trouva dans son filet un cochon noir, sans doute originaire du Vietnam. Ne pouvant ni le manger ni le vendre puisque la Palestine est peuplée de musulmans et de juifs (il y a bien des chrétiens, mais nul n’y a pensé), il le propose à une femme israélienne qui ne s’intéresse qu’au sperme de l’animal, pour l’insémination artificielle des femelles qu’elle élève. Occasion de quelques gags très gras. Mais la fin est pire avec sa leçon d’espoir, lourdingue comme il ne devrait pas être permis.

Le film est réalisé, plutôt bien, par un débutant, qui n’avait jusqu’ici à son actif que le scénario d’un film n’ayant rencontré aucun succès. Notons que son premier titre était When pigs have wings, ce qui n’a aucun rapport avec le sujet, mais se réfère au titre d’un roman français (et grivois) totalement inconnu, signé de Pierre Salva, Les cochons n’ont pas d’ailes, paru en 1951, et qui a donné lieu à un film de Maurice Labro, en 1953, Deux de l’escadrille.

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Le départ

Vendredi 23 septembre 2011

Réalisé par Jerzy Skolimowski

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) en juin 1967

Sorti en France le 6 décembre 1967

Skolimowski s’essaie au type de comédie dans le style de la Nouvelle Vague, et choisit Jean-Pierre Léaud, un acteur complètement allumé. Seule différence, il tourne à Bruxelles. Marc, garçon-coiffeur de 19 ans, veut participer à un rallye au volant d’une Porsche. Problème, il n’a ni Porsche ni aucune autre voiture. Puis, le problème résolu (par le vol), il... rate le départ, car il ne s’est pas réveillé à temps !

Une heure et demie de remplissage insipide.

En bref : reprise. Inutile de se déranger.Haut de la page

La brindille

Mardi 27 septembre 2011

Réalisé par Emmanuelle Millet

Sorti en France (Festival d’Angoulême) le 24 août 2011

Sorti en France le 21 septembre 2011

La brindille du titre, ce doit être une métaphore pour l’épaisseur du scénario : une fille de 19 ans se retrouve enceinte de six mois sans s’être aperçue de rien ! Refusant l’idée d’être mère, elle décide d’accoucher sous le régime de l’adoption ultérieure du bébé, façon polie de désigner l’abandon pur et simple. L’accouchement a lieu, elle voit sa fille une seule fois, puis disparaît. C’est tout.

Le film a cet avantage de ne pas jouer du violon (d’ailleurs, il n’y a aucune musique, sauf pour le générique de fin), et de ne pas pousser le spectateur à s’identifier à l’héroïne, si je puis dire – impossibilité, de toute façon, dans le cas d’un spectateur mâle –, laquelle n’est ni sympathique ni intéressante.

Peu d’hommes, sauf Johan Libéreau, qu’on ne voit pas assez, et qui apporte un peu de chaleur humaine à cette histoire tirant sur le documentaire. Quant aux médecins de Marseille, ils sont décidément fortiches, puisque capables d’accoucher une femme en deux minutes, montre en main.

Reste un mystère : pourquoi, dans les scènes d’accouchement au cinéma, l’infirmière crie-t-elle plus fort (« Poussez ! Poussez ! ») que la parturiente ? Vérifiez, ça ne rate jamais !

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Fright night

Mercredi 28 septembre 2011

Réalisé par Craig Gillespie

Sorti au Royaume-Uni le 14 août 2011

Sorti en France le 14 septembre 2011

Les deux premières semaines, le film ne passait à Paris qu’en 3D. J’ai donc attendu qu’un cinéma le diffuse en version normale, et ma patience a été récompensée, puisque j’étais le seul spectateur dans la salle ! L’idéal...

Cela dit, il s’agit du troisième long-métrage d’un réalisateur ayant surtout fait de la télévision et de la publicité. Colin Farrell, qui a tout de même interprété Alexandre le Grand, joue ici un banal vampire dans une série B réservée aux drive inns du samedi soir, ce qui est un mauvais présage. Mais on apprend que les vampires ne peuvent pénétrer chez vous sans y avoir été invités, ce qui peut toujours servir.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Habemus papam

Jeudi 29 septembre 2011

Réalisé par Nanni Moretti

Sorti en Italie le 15 avril 2011

Sorti en France le 7 septembre 2011

Mais qu’a donc voulu faire Moretti avec cette fable, fabriquée à grands frais, mais qui n’a rien à dire ? Car c’est bien une fable, l’argument étant absurde, quoique dépourvu de la morale accompagnant obligatoirement les fables.

Donc, au Vatican, le conclave élit un pape qui n’était pas candidat et n’a même recueilli aucune voix au premier tour du scrutin. Chose évidemment impossible, sachant que toute élection est précédée d’une campagne électorale acharnée de la part des papabile, dans laquelle abondent les tractations, compromis, coups fourrés et promesses qu’on tiendra une fois sur dix ! Au passage, une scène ridicule où l’on montre chaque cardinal priant Dieu de ne pas être choisi, ben voyons...

Puis l’élu, qui a accepté son élection, refuse de se montrer et donc de rendre la chose officielle : on ne peut même pas dire quel est son nom. Est alors convoqué un psy, qui doit sonder l’esprit de son « client »... en présence de tous les cardinaux, autre impossibilité ; consultation qui est suivie de la séquestration dudit psy, pour éviter les fuites (quelles fuites ? Il ignore l’identité de son patient d’une heure). Après cela, en emmène le pape chez une autre psychanalyste, l’épouse séparée du premier, en ville ; mais il s’échappe. Peu après, il prend une chambre dans un hôtel et se mêle à une troupe d’acteurs qui répétait La mouette... dans le couloir de l’hôtel. Mais le chef de la troupe est emmené dans une ambulance (évocation de Sunset boulevard, pour se concilier les cinéphiles), et le pape dissident assiste à la répétition suivante dans un théâtre (comment a-t-il été admis ?). Pendant ce temps, au Vatican, le psy s’efforce de distraire les cardinaux, qui n’ont pas le droit de quitter les lieux – puisque le conclave n’est théoriquement pas terminé avant la proclamation du résultat –, en organisant un tournoi de volley-ball dans la cour située sous la fenêtre des appartements du pape, où le défaillant a été remplacé par un figurant chargé de secouer les rideaux pour faire croire à sa présence ! Puis, le pape assistant à la représentation de la pièce (les répétitions sont déjà terminées, au bout de deux jours ?), tous les cardinaux envahissent le théâtre et l’applaudissent, imités alors par le public, qui pourtant ne l’a jamais vu.

L’épilogue est édifiant : on a convaincu le pape de venir se montrer au balcon de la basilique Saint-Pierre, il le fait mais annonce sa démission et disparaît.

Voilà donc le navet que les critiques ont couvert de louanges. Notons que c’est le réalisateur en personne qui joue le psy, et que la très longue séquence du tournoi de volley-ball, sans aucune utilité dans le récit, n’est là que pour satisfaire son narcissisme bien connu : Moretti, mauvais acteur, tient beaucoup à jouer dans tous ses films !

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

We need to talk about Kevin

Vendredi 30 septembre 2011

Réalisé par Lynne Ramsay

Sorti en France (Festival de Cannes) le 12 mai 2011

Sorti en France le 28 septembre 2011

Ce film n’est, pour l’instant, sorti aux États-Unis que dans deux festivals, et n’y sera distribué de façon restreinte que le 9 décembre. À Cannes, malgré cinq nominations, l’accueil n’a pas été chaleureux, et il n’y a eu aucune récompense. Cela se comprend, le film doit être disqualifié pour bêtise : pas à cause de son sujet, tiré d’un roman très fouillé (au point qu’on pourrait dire que l’auteur, une romancière nommée Lionel Shriver, a une tendance prononcée à fendre les cheveux en quatre) ; plutôt de la façon dont il est traité.

Dès sa petite enfance, un garçon manifestement pervers et déséquilibré (à cinq ans, il porte encore des couches et ne sait pas pisser dans la cuvette), aime son père, ou plutôt feint d’aimer cet homme qu’au fond il méprise, et déteste sa mère. On ne saura jamais pourquoi. Il multiplie les provocations, comme celle-ci : lorsque sa mère le surprend en train de se masturber dans la salle de bains, il lui lance un regard de défi et continue comme si de rien n’était. Mais, plus grave, il provoque des accidents graves, et termine en assassinant son père et sa petite sœur, avant d’aller s’enfermer dans son lycée pour y massacrer ses camarades à coups... de flèches (épisode qu’on voit venir une heure à l’avance, comme dans Elephant, quand son père lui offre un arc dernier cri), lieu d’où la police le déloge. Il a alors seize ans moins trois jours, et le tribunal pour enfants imposé par cet âge tendre le condamne à seulement quatre ans de prison – c’était sept ans dans le roman. Sa mère va le voir au parloir quand il a dix-huit ans et l’interroge : « Pourquoi tout cela ? – Je le savais, mais j’ai oublié ».

Le tout se présente comme un film d’horreur, mais soft. Comme un puzzle, aussi, avec beaucoup de retours en arrière, pas mal de pièces manquantes, qui n’apparaissent pas toujours ultérieurement, une fin ratée (le massacre dont on ne voit quasiment rien), et une énorme contradiction, au milieu du récit, lorsque l’enfant se blottit tendrement dans les bras de sa mère qui lui lit l’histoire de Robin des Bois, et congédie son père : certains ont avancé qu’il faisait cela par « diplomatie », mais rien ne le suggère.

Bref, le tout se réduit à une suite d’anecdotes qui se succèdent dans un total désordre, et ne prêche pour aucune thèse, ne donne aucun point de vue sur la vie de famille ni sur la société contemporaine : c’est ainsi, un point, c’est tout, semble-t-il dire. La pauvre Tilda Swinton, qui passe son temps à nettoyer, en est réduite à ne jamais changer d’expression, gardant constamment un visage catastrophé.

Le résultat, on peut le prendre comme on veut. La réalisatrice écossaise, qui n’est pas une incapable mais n’a gardé que les évènements racontés par le livre et renoncé à l’analyse des caractères et à la sévère critique du mode de vie et de pensée en cours aux États-Unis, ne semble avoir aucune opinion sur le drame familial qu’elle filme, se préoccupe beaucoup de l’aspect visuel de son film où domine la couleur rouge (elle a été photographe), rajoute des plans saugrenus (un travelling optique avant sur le reflet d’une cible dans l’œil du garçon), et l’interprétation fait en sorte que le spectateur ne s’identifie ni au fils ni à la mère. Il devrait ressentir un malaise, mais non, rien : il est seulement partagé entre l’ennui face à tous ces actes gratuits et la curiosité de voir ce que le diabolique Kevin va bien pouvoir inventer pour enfoncer un peu plus sa famille. L’émotion, elle, est absente.

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

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Dernière mise à jour de cette page le mardi 8 septembre 2020.