JPM - Films vus - Notules -  Novembre 2009

Notules - Novembre 2009

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Pinot simple flic – Rose et noir – Jonas Brothers - Le concert – Away we go – Les noces rebelles – American beauty – Six feet underVisage – La rivière – Et là-bas quelle heure est-il ? – Vive l’amour – Autant en emporte le vent – Le ruban blancDas weiße Band - Eine deutsche Kindergeschichte – L’innocent – Le concert – Va, vis et deviens – The boat that rocked – Good morning England – Pirate radio – Pirate radio USA – Les trente-neuf marches – La danse - Le ballet de l’Opéra de ParisÀ l’origineIn the loopKinatay – Serbis – « L’enfer » d’Henri-Georges Clouzot – Lost in Mancha – Don Quichotte – L’enfer (1964) – La prisonnière – L’enfer (1994) – RaptThe box – Donnie Darko – Le troisième homme – Duel – L’homme qui rétrécit – Je suis une légende – Button, buttonLe jeu du boutonThe twilight zoneLa quatrième dimensionNouvelles (de Richard Matheson) – Booling for Columbine

Personnes citées : Gérard Jugnot – Yann Arthus-Bertrand – Sam Mendes – Michael Moore – Alan Ball – Ming-liang Tsai – François Truffaut – Fanny Ardant – Jeanne Moreau – Nathalie Baye – Jean-Pierre Léaud – Olivia de Havilland – Michael Haneke – Jean-Claude Carrière – Leonard Proxauf – Adolf Hitler – Alain Riou – Radu Mihaileanu – Alfred Hitchcock – Ralph Thomas – Dirk Bogarde – Don Sharp – John Mills – James Hawes – Robert Towne – Charles Bennett – Ian Hay – François Truffaut – John Buchan – François Cluzet – Gérard Depardieu – Emmanuelle Devos – Armando Iannucci – Serge Bromberg – Ruxandra Medrea – Terry Gilliam – Miguel de Cervantes – Henri-Georges Clouzot – Serge Reggiani – Jean-Louis Trintignant – Dany Carrel – Inès Clouzot – Claude Chabrol – Emmanuelle Béart – François Cluzet – Lucas Delvaux – Édouard-Jean Empain – Richard Kelly – Carol Reed – Orson Welles – Joseph Cotten – Jean-Paul Sartre – Luc Besson – Richard Matheson – Michel Ciment

Grosse promo, promesse de bide ?

Mardi 3 novembre

Gérard Jugnot a débuté comme réalisateur de cinéma en 1984, avec Pinot simple flic. À ce jour, il a réalisé dix films (je ne compte pas le court-métrage pour la lutte contre le sida). Son dernier film, Rose et noir, est sorti le 14 octobre, avec 377 copies, et n’a tenu que deux semaines : dès le 28 octobre, plus aucune salle ne le passait à Paris ! Restent 60 salles réparties sur toute la France, et les copies inutilisées seront bientôt détruites, ou vendues à bas prix aux distributeurs du tiers-monde francophone, comme d’habitude. Un triomphe...

La première semaine, 23 000 spectateurs l’ont vu à Paris, et 78 296 en province. Donc, en moyenne, chaque copie a été vue par 268 spectateurs pour la semaine entière, soit 38 par jour. Cela valait la peine d’envahir les salles. Mais la donnée la plus pittoresque est celle qu’on désigne comme le « coefficient-succès » : il s’agit du rapport entre le nombre de spectateurs de la première semaine, et le nombre total de spectateurs lorsque le film a terminé sa carrière. Or il est ici de... 1,29. Ce qui signifie que la deuxième et dernière semaine d’exploitation (à Paris) n’a rameuté que 29 % des spectateurs de la première, déjà peu nombreux : en clair, 29 300 pour tout le pays. Un flop total. Au passage, signalons que ce type de donnée n’a aucun sens quand le film a été programmé pour une seule semaine, tel le Home de Yann Arthus-Bertrand : dans ce cas, le nombre de spectateurs de la deuxième semaine tombe évidemment à zéro, et le coefficient reste à 1.

Lorsqu’on se souvient que Jugnot et son équipe se sont répandus dans tous les studios de radio et de télévision pour tenter de nous persuader que leur film était le plus important depuis que l’Homme a marché sur la Lune, on est tenté d’en conclure que, plus la promotion a été insistante, plus le film se ramasse lamentablement.

Consolation pour Jugnot, le plus gros bide de l’année, ce n’est pas lui qui le remporte, c’est le film Jonas Brothers - Le concert, qui n’est pas sorti à Paris et n’a tenu qu’une semaine en province, avec 11 294 spectateurs pour 169 copies !

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Away we go

Vu le jeudi 22 octobre 2005, sorti le mercredi 4 novembre 2009

Réalisé par Sam Mendes

Sorti aux États-Unis le 5 juin 2009

Sorti en France le 4 novembre 2009

Dans son film précédent, Les noces rebelles, Sam Mendes utilisait un couple de vedettes pour illustrer l’histoire d’un mariage qui se détruisait sous les coups de la routine ; ici, c’est le contraire, ses acteurs sont inconnus et interprètent l’histoire d’un couple qui semble, à la fin, se consolider pour longtemps, bien que l’hypothèse d’un mariage soit exclue. Le ciment de cette consolidation étant les autres en tant qu’exemples à ne pas suivre.

Le récit se partage entre plusieurs épisodes que structure un voyage dans diverses villes des États-Unis, ainsi qu’au Canada – occasion de vérifier, comme avec Michael Moore, qu’il suffit de passer la frontière pour y trouver enfin des gens à peu près normaux, les couples états-uniens étant unanimement farfelus, voire gravement tarés.

Toutes ces rencontres sont pittoresques, du fait que les deux personnages principaux sont eux-mêmes assez allumés, donc on s’amuse plus ou moins. Mais la dernière demi-heure, qui, à l’instar de la quasi-totalité des comédies, veut donner dans l’émotion nunuche, flanque tout par terre. Il faudrait partir avant...

En réalité, le film semble confirmer ce dont on commençait à se douter : réalisateur de cinq films en dix ans, Sam Mendes n’est pas du tout un grand metteur en scène. Sa réussite avec American beauty, son premier film, devait tout au talentueux Alan Ball, futur auteur de Six feet under !

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Visage

Mercredi 4 novembre 2009

Réalisé par Ming-liang Tsai

Sorti en France (Festival de Cannes) le 23 mai 2009

Sorti à Taiwan le 2 octobre 2009

Sorti en France le 4 novembre 2009

Tsai, cinéaste malais mais qui a fait ses études et ses premiers films à Taiwan, très apprécié en France, est devenu célèbre en 1997 avec La rivière, qui était son cinquième film de cinéma (il avait fait un téléfilm auparavant). Depuis, on a ressorti toute son œuvre, dont je n’ai vu que neuf films, en comptant ce Visage, hélas le plus décevant. Il s’agit d’une commande du Louvre, et le musée, auquel un seul plan du film se réfère, aurait pu mieux employer son argent – qui est aussi le nôtre, soit dit sans poujadisme aucun : quand on subventionne un projet avec des capitaux publics, il n’est pas abusif de se faire communiquer le scénario. Hitchcock lui-même reconnaissait être commercial par honnêteté envers ses commanditaires, pour éviter de leur faire perdre leur argent, et les responsables d’un musée national feraient bien de méditer sur ce point de vue.

L’anecdote qui a servi de prétexte mais n’est guère utilisée, c’est le tournage à Paris d’une comédie musicale sur Salomé (sic). Ce qui nous vaut, dans la première moitié, quelques images surprenantes mais sans aucun rapport avec le sujet, ces scènes en forêt, et surtout cette inondation d’un appartement, thème récurrent chez le cinéaste. En fait, le film est avant tout un hommage au réalisateur le plus éloigné de Tsai, mais qu’il admire par-dessus tout, François Truffaut, via les acteurs employés ici, Fanny Ardant, Jeanne Moreau, Nathalie Baye, et surtout Jean-Pierre Léaud, déjà utilisé dans Et là-bas quelle heure est-il ?, en 2001. Pourtant, rien n’évoque Truffaut et ses films romanesques et bavards, ici : caméra rigoureusement immobile, dialogues rarissimes, aucune musique, plans très longs, personnages incapables de communiquer, homosexualité discrète.

Hélas, trop long et totalement dépourvu de la moindre logique narrative, le film s’enlise dans la seconde partie, où une scène voulue surréaliste, un peu dans le style de Buñuel à ses débuts, tombe dans un ridicule extrême : Laetitia Casta danse pour Jean-Baptiste, allongé dans une baignoire et recouvert d’une bâche en plastique transparent, sur laquelle elle a préalablement déversé de la sauce tomate en conserve – probablement pour figurer le sang de sa décapitation à venir !...

Certains spectateurs, lors de la première, quittaient la salle : les belles images ne suffisent pas. Je prédis à ce film la glorieuse carrière suivante : dans deux ou trois semaines, une séance hebdomadaire dans une seule salle parisienne, sans doute le MK2 Beaubourg. Et ma préférence, chez Tsai, reste son troisième film, Vive l’amour, qui date de quinze ans tout de même.

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Qu’est-ce qu’Hollywood ?

Vendredi 6 novembre 2009

Les esprits naïfs et les idéalistes (c’est souvent la même chose) croient couramment qu’Hollywood est une usine à rêves, un endroit où se fabriquent les plus beaux films du monde. En fait, pas du tout.

Hollywood est une capitale de la spéculation financiaro-industrielle. C’est là que siègent les patrons du plus gros business jamais inventé, dont le rôle est tout simple : engager des talents, dans toutes les spécialités, afin de leur faire fabriquer des produits pour le moins d’argent possible – disons, au forfait. Ces produits devront ensuite être déclinés sous des formes aussi variées que possible, et de préférence ad vitam aeternam. Ces hommes d’affaires escompent que le produit fini continuera de se vendre bien après que tous ceux qui ont participé à sa création seront morts et enterrés.

Prenez par exemple Autant en emporte le vent. Ce film, sorti en 1939 (il y a donc soixante-dix ans !), et dont tous les participants, acteurs, techniciens, réalisateurs (au pluriel), sont morts – à l’exception d’une actrice, Olivia de Havilland, qui vit toujours –, ce produit, donc, continue d’être vu par des spectateurs dont les parents n’étaient même pas nés lors de sa fabrication, et qui le visionnent sur des supports dont on était incapable d’imaginer, à l’époque, qu’ils existeraient un jour. Pensez à la cassette VHS, pensez au laserdisc, pensez au DVD, puis au Bluray.

La réussite est à la fois exemplaire et totale : tous les créateurs ont disparus, mais le produit continue de rapporter de l’argent. Le rêve !

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Le ruban blanc

Mardi 10 novembre 2009

Réalisé par Michael Haneke

Titre original : Das weiße Band - Eine deutsche Kindergeschichte

Sorti en France (Festival de Cannes) le 21 mai 2009. Palme d’Or

Sorti en France le 21 octobre 2009

La seconde partie du titre allemand signifie « Une histoire allemande pour enfants », et ce trait d’humour, sans doute noir, surprend un peu chez Haneke, qui n’est pas précisément un joyeux drille. Cela dit, Jean-Claude Carrière a mis la main à la pâte, il est donc peut-être responsable de ce détail...

Réduite à son argument, l’histoire est la suivante : entre le printemps 1913 et l’été 1914, dans un village allemand nommé Eichwald où la vie est encore très féodale et où les paysans sont toujours soumis à l’autorité des notables (le baron, son régisseur, le pasteur, le médecin), les enfants reçoivent une éducation protestante et très rigoriste. Or quelques évènements sinistres se produisent : un accident provoqué envoie le docteur à l’hôpital pour plusieurs semaines, on tente de faire mourir de froid le bébé du régisseur (de la même manière que dans L’innocent de Visconti), des bâtiments brûlent, le fils adultérin et trisomique de la sage-femme qui assiste le médecin est torturé et perdra probablement la vue, le fils du baron est battu, puis plus tard jeté à l’eau – seule violence visible à l’écran, et seule scène ratée du film, parce que mal dirigée. L’instituteur fait son enquête et découvre que toutes ces violences sont le fait des autres enfants, qui veulent ainsi faire payer aux adultes les mauvais traitements, allant jusqu’à l’inceste, dont ils sont l’objet (ainsi, le ruban blanc du titre est celui qu’un jeune garçon, Martin, fils du pasteur, celui qui figure sur l’affiche et qui est joué par Leonard Proxauf, est obligé de porter pour se rappeler sans cesse l’obligation de la chasteté... outre le fait que son père le force à dormir avec les mains attachées !). Le maître d’école, alors, va faire part de ses soupçons au pasteur, qui s’indigne et menace de le dénoncer aux autorités pour calomnie envers les familles respectables du village, dont la sienne évidemment. Mais là-dessus, un archiduc est assassiné à Sarajevo, la guerre éclate, et on ne parlera plus de tout cela.

Quelques critiques imaginatifs se sont mis en tête que Haneke avait voulu « expliquer », via cette parabole, la genèse du nazisme. Traduction : les enfants ayant subi des violences sont ensuite devenus nazis pour compenser les violences subies. Autrement dit, la psychanalyse expliquerait Hitler ! Désolé, mais je ne crois pas à ces élucubrations, le nazisme a de tout autres causes, qui sont uniquement politiques, le film ne contient pas la moindre allusion au nazisme ni même à la politique, et je partage entièrement l’opinion de ce critique, Alain Riou je crois, qui affirme que, tout simplement, Haneke déteste le genre humain dans son entier, ce que les films de lui que j’ai vus semblent confirmer.

Le ruban blanc est à voir pour deux raisons : les images en noir et blanc sont splendides, et jamais, en deux heures et vingt-quatre minutes, l’intérêt ne faiblit une seule seconde. En un temps, le nôtre, où tous les films sont trop longs et nous plongent si fréquemment dans la torpeur, c’est une rareté.

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Le concert

Jeudi 12 novembre 2009

Réalisé par Radu Mihaileanu

Sorti en Italie (Festival de Rome) le 18 octobre 2009

Sorti en France le 4 novembre 2009

Le réalisateur d’origine roumaine Radu Mihaileanu, réfugié en France depuis 1980, déjà auteur de Va, vis et deviens, est un homme modeste : « Je ne suis peut-être pas un grand réalisateur », dit-il. Et sans doute est-il conscient, non seulement de sa faiblesse comme metteur en scène, mais aussi que l’histoire qu’il nous raconte est d’une invraisemblance à hurler : un orchestre russe, composé de cinquante-cinq musiciens recrutés en hâte, va se substituer à l’orchestre officiel du Théâtre Bolchoï pour venir jouer au Théâtre du Châtelet, à Paris, le Concerto pour violon en ré majeur, opus 35, de Tchaïkovsky, et y triompher... sans la moindre répétition préalable !

Le titre, tout aussi modeste, ne laisse pas présager la comédie délirante qu’on va voir, bourrée de gags visant tous la Russie, aussi bien l’ancienne, la communiste, celle de Brejnev, antijuive et liberticide, que la nouvelle, cynique et mafieuse, celle des joyeux duettistes Medvedev et Poutine. Au passage, mentionnons la sottise d’un critique de France Inter, qui objecte que c’est un peu tard pour faire un film anticommuniste : cet ahuri n’a sans doute pas entendu parler de Cuba ni de la Corée du Nord...

L’amour pour la musique, passion de la majorité des personnages, est au premier plan, ainsi que d’autres thèmes, comme celui de la famille et le sort des Juifs. En revanche, le film est un peu trop long pour une comédie, et aurait gagné à être allégé de trois scènes : la fusillade des tueurs de la mafia, qui ne s’intègre nullement au récit, la séquence du faux « Trou Normand », le restaurant tenu par Ramzy, et la longue scène du restaurant de luxe où les confidences du chef d’orchestre Andrei Filipov poussent la violoniste Anne-Marie à renoncer au concert – scène d’autant plus inutile que le spectateur se doute bien qu’ensuite, il faudra une autre scène pour la faire changer d’avis, sinon le film n’aurait pas de dénouement !

Comme tel, ce récit, qui se paie le luxe d’une fausse piste (on croit jusqu’au bout que la violoniste est la fille du chef d’orchestre et de la femme qui gère sa carrière à elle, or il n’en est rien), est néanmoins très agréable à suivre, et les mélomanes seront satisfaits : le premier mouvement du Concerto, qui constitue le clou de l’histoire, est filmé quasiment dans son intégralité. Or il dure dix-neuf minutes dans la réalité !

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Rebaptiser un film

Jeudi 12 novembre 2009

On n’a pas oublié cet excellent film, sorti récemment en DVD, The boat that rocked, sur les radios pirates britanniques des années soixante, et que le distributeur français a rebaptisé Good morning England pour l’exploitation chez nous, craignant sans doute que le public français ne comprenne pas le jeu de mots du titre (rappel : « Le bateau qui passait du rock » et « Le bateau qui tanguait »).

Eh bien, il doit y avoir une malédiction qui pèse sur ce film, évidemment due à une conjonction astrale défavorable : Universal vient de rebaptiser le film, qui s’intitule désormais Pirate radio. C’est d’autant plus judicieux qu’il existait déjà un film (de 2006), un documentaire, qui s’appelait Pirate radio USA. La situation est donc de plus en plus claire.

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Adaptation-sic

Jeudi 12 novembre 2009

Ce soir, la chaîne de télé Arte va diffuser Les trente-neuf marches, l’excellent film d’Alfred Hitchcock – probablement en le massacrant comme à son habitude : les sous-titres français seront introuvables, et les téléspectateurs devront choisir entre la version doublée en allemand et celle doublée en français. Cette diffusion ne doit sans doute rien au hasard, elle coïncide avec une adaptation théâtrale, qui se joue actuellement au théâtre La Bruyère, à Paris : toutes les chaînes, y compris celles qui se disent culturelles, établissent leurs programmes en fonction des sorties qui sont dans l’actualité...

Au passage, signalons que cette joyeuse histoire d’espionnage et de poursuite a été portée à l’écran quatre fois, et qu’elle va l’être une cinquième fois en 2011 ! La version d’Hitchcock date de 1935, puis il y a eu un remake en 1959, dû à Ralph Thomas, dont le principal titre de gloire est d’avoir dirigé neuf fois Dirk Bogarde au cinéma. Ensuite, on relève la version de 1978, réalisée par Don Sharp, où jouait John Mills, excellent acteur. Enfin, une version pour la télévision, en 2008, due à James Hawes, qui n’a travaillé que pour la télévision. Le film prévu pour 2011 sera réalisé par Robert Towne, un acteur et scénariste de 75 ans, et qui n’a réalisé que quatre films.

Il faut aussi faire remarquer ceci : lorsque les journaux affirment que l’adaptation écrite pour Hitchcock (par Charles Bennett, dialogues de Ian Hay) est excellente, il serait indiqué de mentionner qu’il s’agissait en fait d’une réécriture complète du roman de John Buchan ! Personne, apparemment, chez les journalistes contemporains (il est loin, Truffaut, qui se documentait à fond), ne s’est donné la peine de lire ce roman ; si quelqu’un l’avait fait, il aurait constaté que l’histoire filmée par Hitchcock n’a pas le moindre rapport avec le livre, dont il n’a gardé que le titre. Dans le livre, les fameuses trente-neuf marches du titre étaient bel et bien celles d’un escalier, taillées dans une falaise du Kent ; dans le film, aucun escalier, il s’agissait du nom d’un groupe d’espions, que le livre, lui, baptisait « The black stone » !

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La danse - Le ballet de l’Opéra de Paris

Vendredi 13 novembre2009

Réalisé par Frederick Wiseman

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 11 septembre 2009

Sorti en France le 7 octobre 2009

Lorsqu’on va voir un documentaire sur la danse, l’avantage est qu’on est certain d’une chose : les danseurs seront beaux, jeunes (l’âge de la retraite, réglementairement, est fixé à quarante ans), souvent talentueux, et ils ne diront pas un mot – ce qui fait toute leur supériorité sur les acteurs français.

Le film est long (deux heures et trente-neuf minutes), traite des deux salles de l’Opéra de Paris, Bastille et Garnier, montre de nombreuses répétitions, ce qui est le meilleur du spectacle, mais n’oublie pas les problèmes d’organisation, résolus par une maîtresse femme, Brigitte Lefèvre, directrice de la danse. Avec, de temps en temps, un détour dans les autres services, les cuisines, la maintenance, la fabrication des costumes, etc. Sans oublier une réunion syndicaliste !

La plupart des numéros dansés sont beaux, sauf ceux relevant de la danse contemporaine, parfois navrants de bêtise et joués sur des musiques dont la laideur n’est plus à démontrer. N’était cela, on ne s’ennuierait pas une seconde.

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À l’origine

Lundi 16 novembre 2009

Réalisé par Xavier Giannoli

Sorti en France (Festival de Cannes) le 21 mai 2009

Sorti aux États-Unis (American film market) le 5 novembre 2009

Sorti en France et en Belgique le 11 novembre 2009

Paul est un escroc, spécialisé dans le vol de matériel commercial et industriel, et qui « travaille » beaucoup par téléphone. Cela entraîne un quiproquo, de sorte que, dans une localité du Nord, il est pris pour l’émissaire d’une grosse entreprise de travaux publics, la CGI, qui, quelque temps auparavant, a commencé puis abandonné la construction d’une autoroute, laquelle aurait fourni beaucoup de travail aux gens du coin (prétexte de l’arrêt des travaux : les écolos de la région faisaient un foin du diable pour la préservation des scarabées !). Il est aussitôt considéré comme un bienfaiteur : ne vient-il pas pour relancer le chantier abandonné ?

Paul, devenu Philippe Miller, que joue François Cluzet, se prend au jeu, engage des ouvriers, loue du matériel, et les travaux reprennent. Faute d’avoir un compte bancaire au nom de la filiale imaginaire de CGI, la GMTR, censée avoir repris le chantier, il finit par tout payer en liquide, avec l’argent que les fournisseurs du coin lui ont discrètement versé au début, à titre de bakchich pour leur avoir commandé les équipements nécessaires ! Le film devient ainsi l’histoire d’un homme malhonnête qui, tout en restant malhonnête (il continue d’escroquer les fournisseurs), se réhabilite par ailleurs, pour ne pas décevoir des braves gens. Thème périlleux, rarement abordé au cinéma, surtout en France.

Évidemment, tout cela ne peut pas durer, la supercherie sera découverte, mais les travailleurs qu’il a engagés ne porteront pas plainte.

Le film est plutôt prenant, parfois poétique, et tous les personnages sont intéressants. Mais comme la critique a poussé des hurlements d’admiration, je ne crois pas superflu de mettre un bémol : le film, déjà raccourci d’un quart d’heure depuis sa présentation au festival de Cannes, est encore trop long, et l’on pourrait sans dommage couper le personnage totalement inutile joué par Gérard Depardieu, un copain voyou de Paul et qui vient lui faire un peu de chantage. De même, l’idylle avec le maire, joué par Emmanuelle Devos, ne s’imposait pas, et semble une concession à la pire tendance du cinéma français, qui est de mettre partout des histoires d’amour et des scènes de lit. Mais les critiques font semblant de croire que c’est cette idylle qui motive et soutient la conversion du personnage !

Hormis cela, les acteurs sont bons et la mise en scène efficace.

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In the loop

Vu le jeudi 6 août 2009 - Sorti le mercredi 18 novembre 2009

Réalisé par Armando Iannucci

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 22 janvier 2009

Sorti au Royaume-Uni le 17 avril 2009

Sortira en France le 18 novembre 2009

Confirme que les Britanniques possèdent le vocabulaire ordurier le plus riche de la planète : tout le dialogue n’est fait que de vannes injurieuses, dont plus des deux tiers sont d’inspiration sexuelle. Le comble étant que tout cela s’échange entre politiciens de Londres et de Washington, c’est-à-dire cette fraction de notre espèce qui constitue l’élite du genre humain. Bref, les gouvernements britannique et yankee multiplient les réunions de comités Théodule pour décider où, quand et comment on ira vaincre le terrorisme en Irak – entreprise qui depuis a réussi, comme on sait, au-delà de toutes les espérances. Sujet sous-jacent, la gaffe que le Secrétaire d’État britannique au développement international, Simon Foster, a commise en ne sachant pas tenir sa langue au cours d’une interview à la BBC, alors même que l’ONU s’apprête à débattre du sujet. Le but du gouvernement, dès lors, est de virer l’imprudent, mais en y mettant les formes. On y parviendra en saisissant un prétexte, l’effondrement... d’un mur de jardin qui jouxtait sa permanence électorale !

C’est très anglais, très sarcastique, et l’on rit beaucoup. Cependant, il n’y a aucune action, puisque tout est dans le dialogue, et le film est peut-être un peu trop long pour le genre.

Le réalisateur Armando Iannucci, Italien de 36 ans né en Écosse, vient de la télévision, et c’est son premier film de cinéma.

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Kinatay

Mercredi 18 novembre 2009

Réalisé par Brillante Mendoza

Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2009

Sorti aux Philippines le 23 septembre 2009

Sorti en France le 18 novembre 2009

Serbis, du même réalisateur, se déroulait entièrement dans un vieux cinéma philippin délabré, voué aux films érotiques de bas étage, labyrinthique édifice qui était le principal personnage de l’histoire. C’était davantage une tranche de vie qu’une histoire construite, mais le film était réussi, en dépit de quelques astuces vaseuses, comme le gag de la pellicule qui prenait feu à la fin, pirouette évitant de trouver une conclusion au récit.

Ici, au début du récit, Peping, 20 ans, épouse sa compagne Cecille, 19 ans, dont il a déjà un enfant. Euphorie : la famille est présente, tout le monde est heureux, bien que nous soyons chez les pauvres de Manille. Puis on apprend que Peping suit les cours de l’école de police, car il a la vocation. Mais, le soir de son mariage, recruté par un copain de son cours, il s’intègre à un gang, lequel va kidnapper une prostituée, Gina, dite Madonna, droguée, arnaqueuse, et qui doit apparemment de l’argent au chef du commando. On embarque la fille dans une camionnette, on la bâillonne, on la ligote, et nous voilà partis pour une interminable traversée nocturne de Manille, l’un des villes les plus laides du monde asiatique (cela dure bien vingt minutes), la nuit, parmi les embouteillages. Gina est emmenée en banlieue, dans une cave, et là, elle est violée par le chef, puis on la tue, on la démembre à la machette, les morceaux de son corps sont enveloppés dans des sacs-poubelle que l’on va jeter un peu partout – nouvelle traversée nocturne de Manille, la première n’ayant sans doute pas suffi à notre bonheur. Au petit matin, l’équipe va se réconforter en prenant un petit déjeuner dans un bar, et le chef, gentil, donne un peu d’argent à Peping pour qu’il achète du lait à son bébé.

Le film est laid, sordide, et on n’en voit pas l’intérêt. Son alibi : filmer la montée de l’horreur sur le visage d’un innocent, malgré lui embringué dans une entreprise criminelle, et qui n’a aucun moyen de se mettre sur la touche sans risquer lui aussi sa vie. Mais cet alibi ne prend pas, car il n’est, de toute évidence, que le prétexte humaniste qui veut faire passer le reste. Néanmoins, on reste perplexe, car, d’une part, cette histoire n’est pas filmée de manière racoleuse (pas de gore, les détails macabres sont peu nombreux et vus fugitivement, de loin) ; mais, d’autre part, on comprend mal où le réalisateur veut en venir. De sorte, qu’à mon (très humble) avis, la carrière de Kinatay sera vite terminée : je lui prédis une semaine en exclusivité avant la relégation dans un quelconque placard à balais.

Histoire de rire un peu, rappelons néanmoins qu’en mai, ce film a obtenu au Festival de Cannes le Prix de la mise en scène. Le jury a dû faire une erreur de date : les poissons d’avril, c’est en avril, pas en mai. Le seul trait de mise en scène a consisté à filmer de jour avec de la pellicule, et la nuit, faute d’éclairage, avec une caméra numérique. Pour décrocher un prix, c’est bien mince.

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

« L’enfer » d’Henri-Georges Clouzot

Vendredi 20 novembre 2009

Réalisé par Serge Bromberg et Ruxandra Medrea

Sorti en France (Festival de Cannes) le 19 mai 2009

Sorti au Royaune-Uni le 6 novembre 2009

Sorti en France le 11 novembre 2009

Après Lost in Mancha, qui racontait le tournage catastrophique d’un film de Terry Gilliam sur le Don Quichotte de Cervantes, voici un autre documentaire sur un film qui n’avait jamais vu le jour, L’enfer, que Clouzot a tenté de réaliser en 1964, mais qu’il s’est avéré incapable de terminer. La différence est que, si Terry Gilliam fut victime de la malchance, Clouzot doit son échec à sa mégalomanie, et le documentaire ne cache pas cet aspect de l’histoire.

Le mal vient peut-être du fait que Clouzot, financé par Hollywood, avait décroché un budget illimité, et qu’il était le producteur du film. Dès lors, il n’était plus contrôlé par qui que ce soir, et s’est mis à lancer de multiples expériences visuelles, destinées à figurer les fantasmes d’un homme rongé par la jalousie. Cela dura des mois, et on totalisa, avec les scènes tournées ultérieurement, plus de cent quatre-vingts bobines de pellicule ! C’est ce qui reste du film, alors que les enregistrements sonores brillent par leur absence, hormis quelques minutes de la voix de Serge Reggiani, interprète du mari jaloux, et sur lesquelles Clouzot tenta aussi quelques manipulations.

Mais ce ne fut pas tout. Clouzot avait choisi comme vedette masculine un Reggiani qui le détestait, et qu’il s’acharna à brimer en le faisant courir pendant des heures, jusqu’à ce que Reggiani déclare forfait et quitte le tournage en prétendant être malade (on le remplaça par Trintignant, auquel on ne fit pas jouer la moindre scène !). À cela s’ajoutèrent le fait que le lac qui servait de cadre à l’histoire... devait être vidé par l’EDF, qui avait construit un barrage en amont – donc le temps imparti au tournage était limité –, et cet autre fait que Clouzot avait engagé... trois équipes de tournage, n’en dirigeait qu’une seule, et laissait les deux autres inoccupées ; là aussi, il y eut une ou deux démissions. Le cauchemar prit fin quand le réalisateur fut victime d’une crise cardiaque, ce qui mit un point final à l’aventure.

Clouzot devait reprendre le résultat de ses expériences visuelles dans le film qu’il réalisa quatre ans plus tard, La prisonnière, et qui fut un fameux navet. Il avait gardé comme actrice Dany Carrel, qui jouait déjà dans L’enfer, mais qui, jolie fille plutôt douée pour interpréter les bonnes copines, devait tenir le rôle d’un mannequin tombé dans les filets d’un photographe pour revues pornos. On n’y croyait pas une demi-seconde, et ce fut la fin de la carrière de Clouzot.

Longtemps après sa mort, en 1994, sa veuve Inès vendit le scénario de L’enfer à Claude Chabrol, qui, délaissant les recherches visuelles de l’auteur, fit un film traditionnel, avec Emmanuelle Béart et François Cluzet... film que tout le monde a oublié !

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Rapt

Jeudi 26 novembre 2009

Réalisé par Lucas Delvaux

Sorti en France le 18 novembre 2009

Ce film honorable de l’encore plus honorable Lucas Delvaux souffre d’un déséquilibre manifeste. Ce qui a intéressé l’auteur, ce n’est ni l’enlèvement du pédégé Stéphane Graff, ni sa détention clandestine par des malfrats qui veulent lui faire payer à leur manière sa dette de jeu, encore moins l’enquête policière. Ce qui l’intéresse, c’est ce qui se passe après la libération du captif : que sa femme divorce parce que la presse-poubelle a révélé les infidélités de son mari, que la justice le soupçonne d’avoir lui-même organisé son enlèvement pour faire indirectement payer ses dettes de jeu par le groupe industriel qu’il préside, qu’enfin il soit débarqué par son conseil d’administration parce qu’il a donné de lui une mauvaise image et que cela nuit aux affaires.

Malheureusement, cette partie, la plus intéressante, la plus significative, sobrement annoncée peu après le début, est beaucoup trop courte, peut-être le cinquième du film. Tout ce qui précède relève de l’histoire policière basée sur un fait divers vieux de plus de trente ans, l’enlèvement du baron belge Empain, histoire que, transposée à notre époque, on a un peu romancée. Il semble que ce soit la mode, ces retours en arrière (voir l’affaire Gabrielle Russier, remise au goût du jour et que la télévision a diffusée la semaine dernière).

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The box

Vendredi 27 novembre 2009

Réalisé par Richard Kelly

Sorti en Australie le 29 octobre 2009

Sortira en France et en Belgique le 4 novembre 2009

D’abord, on se dit que le scénariste et réalisateur Richard Kelly (il avait fait Donnie Darko en 2001) a revu récemment Le troisième homme, illustre film de Carol Reed, et plus précisément cette scène : juché en haut de la Grande Roue, à Vienne, Orson Welles désigne à Joseph Cotten les passants, très loin au-dessous d’eux, et lui dit : « Éprouverais-tu de la pitié si un de ces points cessait de bouger ? Si je t’offrais 20 000 livres pour chaque point immobilisé, refuserais-tu mon argent, ou compterais-tu le nombre de points à supprimer en fonction de tes besoins ? [...] Nul ne se soucie plus des individus. Les gouvernements non plus. Ils parlent du prolétariat. Moi, des gogos ». En effet, au début de son film, on dépose devant la porte des Lewis, jeune couple bien sous tous rapports mais qui souhaiterait avoir un peu plus d’argent, une boîte ne contenant qu’un bouton unique. L’élégant livreur du cadeau affirme que si l’un des deux appuie sur le bouton, quelque part, un anonyme mourra... et qu’ils recevront en échange un million de dollars ! Discussion entre les époux. Lui, qui est contre : « Et si c’est un bébé qui doit mourir ? ». Elle, qui est pour : « Et si c’était un condamné à mort ? ». Tout est dit, vu la mentalité états-unienne.

Résultat, elle appuie, et les ennuis commencent. Après bien des péripéties mystérieuses, ils aboutissent à ce que leur fils Walter devient sourd et aveugle, et qu’il recouvrera son intégrité physique uniquement si le mari tue sa femme d’une balle de revolver. Ce qu’il fait, et l’on comprend alors un épisode qu’on a vu bien plus tôt dans le film, où un évènement identique s’était produit ; on comprend aussi que tout va recommencer avec un autre couple.

La sophistication de cette histoire et les références à Jean-Paul Sartre mettent la puce à l’oreille : elle ne sort pas de la cervelle d’un Luc Besson hollywoodien. En effet, c’est une adaptation d’une nouvelle de Richard Matheson, un génie de la littérature fantastique, très apprécié au cinéma (il est l’auteur de Duel, de L’homme qui rétrécit et de Je suis une légende). Ce texte, assez court, Button, button, et qui ne va pas plus loin que la question morale dont je parlais plus haut (aucune péripétie fantastique, c’est seulement le mari lui-même qui tombe sous une rame de métro), existe en français sous le titre Le jeu du bouton, a été publié dans « Playboy » (!) en 1970, et a déjà été adapté pour la fameuse série télévisée The twilight zone (en français, La quatrième dimension). Bien entendu, on le trouve en librairie, en poche, aux éditions J’ai Lu, avec 43 autres nouvelles, dans le tome 3 des Nouvelles de Richard Matheson.

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Michael Moore

Dimanche 29 novembre 2009

Tiens, bonne nouvelle, voilà qu’un critique se réveille ! Ce soir, dans Le masque et la plume, Michel Ciment vient de dire ce que je répète depuis des années, contredisant tout ce qu’écrivent ou disent les journalistes : que Michael Moore ne fait pas de documentaires, mais des pamphlets. J’ai dû écrire cela quand est sorti Fahrenheit 9/11, en 2004. Cela ne fait guère que sept ans et demi, mais tout vient à point...

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Dernière mise à jour de cette page le mardi 8 septembre 2020.