JPM - Films vus - Notules -  Février 2013

Notules - Février 2013

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Les bêtes du sud sauvageBeasts of the southern wildRendez-vous à KirunaGambit, arnaque à l’anglaiseGambit – Un hold-up extraordinaire – My fair lady – L’éducation de Rita – Gambit (1966) – Renoir – Hitchcock – La mort aux trousses – Psycho  – Psychose – L’ombre d’un doute – Terminal – Mariage à Mendoza – Plan B – Une Estonienne à ParisLes Misérables (2012) – Lincoln – Oliver ! – Les misérables (1958) – Oliver Twist – Scialla !Arrêtez-moi – La journée de la jupe – Garde à vue – Paradis : amourParadies : Liebes – Paradis : foi – Paradis : espoir – Cloud Atlas – Amour – La demora – La zona – L’ivresse de l’argent – Do-nui Mat – The housemaid (2010) – Die Hard : belle journée pour mourirA good day to die Hard – The Blues brothers – The dark knight – Chroniques de Tchernobyl – Skyfall – Camille redouble – Peggy Sue s’est mariée – Entre ses mains – Le boucher – Lincoln – L’odyssée de Pi – Argo – Amour – Le ruban blanc – El estudiante – Elefante blanco – Pièces détachéesPartes usadas – Passion – Crime d’amour – Millennium – WadjdaSublimes créaturesBeautiful creatures – Twilight – Abattoir 5To kill a mockingbirdL’attrape-cœur

Personnes citées : Benh Zeitlin – Anna Novion – Michael Hoffman – Claude Monet – Elmir de Hory – Ronald Neame – Colin Firth – Michael Caine – Sacha Gervasi – Steven Spielberg – Alfred Hitchcock – Alma Reville – Helen Mirren – Édith Piaf – Robert Bloch – Janet Leigh – Anthony Perkins – Anne Dore – Patricia Hitchcock – Bernard Herrmann – Anthony Hopkins – James D’Arcy – Guy Béart – Ed Gein – Jerry Lewis – Édouard Deluc – Marco Berger – Ilmar Raag – Jeanne Moreau – Tom Hooper – Claude-Michel Schönberg – Alain Boublil – Victor Hugo – Herbert Kretzmer – Jean-Marc Natel – Hugh Jackman – Jean Gabin – Lino Ventura – Gérard Depardieu – Russell Crowe – Eugène-François Vidocq – Sacha Baron Cohen – Ron Moody – Jean-Paul Le Chanois – Roman Polanski – Francesco Bruni – Filippo Scicchitano – Jean-Paul Lilienfeld – Isabelle Adjani – Claude Miller – Lino Ventura – Michel Serrault – Jean Teulé – Ulrich Seidl – Tom Hanks – Halle Berry – Ben Whishaw – James D’Arcy – Susan Sarandon – Hugh Grant – Orson Welles – Rodrigo Plá – Sang-soo Im – Mark Hamill – John Moore – Bruce Willis – Noémie Lvovsky – Francis Coppola – Anne Fontaine – Claude Chabrol – Kent Turner – Chris Knipp – Nicolas Gilli – Steven Spielberg – Ang Lee – Michael Haneke – Jean Dujardin – Emmanuelle Riva – Santiago Mitre – Aáron Fernandez – Brian De Palma – Alain Corneau – Noomi Rapace – Haifaa Al Mansour – Richard LaGravenese – Charles Bukovski – Emma Thompson

Les bêtes du Sud sauvage

Vendredi 1er février 2013

Réalisé par Benh Zeitlin

Titre original : Beasts of the southern wild

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 20 janvier 2012

Sorti en France le 12 décembre 2012

On n’est pas surpris que ce film, tout empreint d’un humanisme gluant, soit sorti d’abord au festival de Sundance, car il s’agit d’identifier le spectateur à... une petite fille de six ans dont le père est malade, on ne sait trop de quoi. Comme tous les personnages de l’histoire vivent dans la misère, en Louisiane du sud, et qu’ils sont, de surcroît, victime d’une affreuse tempête qui a détruit leurs gîtes, il y a en effet de quoi pleurer.

L’ennui est que le réalisateur cultive le mystère et le saugrenu. Par exemple pour montrer la sensibilité de son jeune personnage à Dame Nature, il insère des plans montrant des pans de glaces de la banquise s’effondrant dans la mer, au-delà du cercle polaire ! Il n’y a pas plus bête et plus malhonnête, car on nous fait le coup dans la moitié des journaux télévisés. On voit aussi de terrifiants aurochs (libérés par la fonte des glaces ? Mais comment sont-ils arrivés en Louisiane ?) saccageant tout, mais s’inclinant devant la gosse et rebroussant chemin. Ben voyons.

À l’actif du film : sa photographie, qui montre un réel sens de la nature, bien que les lieux montrés aient été créés de toutes pièces. Au passif, mais l’auteur n’en est pas responsable, les torrents de compliments de la part de la critique, saluant la performance de la petite fille. On l’a même proposée pour l’Oscar du meilleur premier rôle féminin (elle ne l’a pas eu, mais a remporté d’autres prix). En réalité, elle ne fait que ce que le réalisateur lui a dit de faire, et qui n’est pas grand-chose. Une interprétation d’actrice, rien à voir avec ça.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Rendez-vous à Kiruna

Lundi 4 février 2013

Réalisé par Anna Novion

Sorti en France (Festival d’Arras) le 13 novembre 2012

Sorti en France le 30 janvier 2013

L’envie vous démange de réaliser un road movie ? C’est très simple, suivez ces conseils.

Pour commencer, choisissez deux personnages aussi différents que possible. Par exemple, le patron très friqué d’un gros cabinet d’architectes, et un étudiant désargenté ayant abandonné ses études, l’un quinquagénaire (au minimum), l’autre ayant une génération de moins. S’ils sont de nationalités différentes, ce sera l’idéal, mais attention, l’un devra parler la langue de l’autre, sinon ce sera l’impasse. Bien entendu, ils ne devront pas aimer les mêmes musiques : le « vieux » écoutera du classique, et le jeune, du rap ou de la pop. Arrangez-vous pour les faire se rencontrer sur une route, le plus jeune faisant du stop quand l’autre aura un rendez-vous urgent à des centaines de kilomètres de chez lui – et si c’est à l’étranger, tant mieux, on verra du pays. Le voyage devra durer plusieurs jours, et ils seront obligés, au moins une fois, de partager la même chambre (les hôtels sont toujours complets, comme on sait). Pour faire durer, s’ils doivent se séparer, débrouillez-vous pour inventer des occasions de les faire se rencontrer de nouveau un peu après leur première séparation : il faut tenir une heure et demie !

Impératif, l’un des deux doit avoir un secret, mais attendez la dernière demi-heure pour le révéler. Pas de gaspillage. Et faites en sorte que ce secret ait un rapport, même un peu lâche, avec la relation épisodique de vos deux personnages ; par exemple, l’aîné a perdu un fils, et il retrouve en l’autre une sorte de fils de substitution, d’autant mieux si ce dernier n’a plus de famille, ou une famille qui ne peut plus le voir.

N’oubliez pas les incidents : prévoyez-en plusieurs qui doivent affecter l’un ou l’autre des personnages, voire les deux. Il est important qu’une menace quelconque pèse sur eux, mais tout aussi important que les choses s’arrangent, pas trop avant la fin du film. Par exemple, l’un ou l’autre a commis une mauvaise action, et quelqu’un les recherche. N’oubliez pas le truc de Victor Hugo avec son Javert passant vingt-trois ans de sa vie, de 1809 à 1832, à courir après Jean Valjean, qui, tous comptes faits, n’avait au départ que volé une miche de pain (il n’était nullement accusé d’avoir dérobé deux chandeliers précieux à un évêque) !

Ne vous inquiétez pas si certaines de vos scènes sont téléphonées, c’est-à-dire archiprévisibles. Par exemple, si un personnage entre dans un bar la nuit et qu’une fille l’aborde, peu importe si les spectateurs devinent que le petit ami en titre de la fille va venir s’en mêler puis tabasser votre héros : ils ont vu ça cent fois, les spectateurs, mais la scène plaît toujours. De même, si un jeune sans autre famille que son grand-père, pas vu depuis des années, vient le voir et lui demande s’il peut rester, faites en sorte que le grand-père refuse, car le jeune homme DOIT reprendre la route pour continuer le road movie ! S’il « se pose », comme disent les gens bien-pensants, le film s’arrête, et il faut éviter.

Bien, je pense que ces conseils vous seront utiles. Et, en cas de panne d’inspiration, comme c’est évidemment le cas de la réalisatrice du film dont je fais ici l’éloge et qui n’en est qu’à son deuxième long métrage, pas de panique : elle a tout simplement repris les deux acteurs et le même cadre que dans son premier film. Après tout, c’est dans les vieilles marmites qu’on fait la meilleure soupe. Surtout si on suit la recette qui figure ci-dessus !

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Gambit, arnaque à l’anglaise

Mercredi 6 février 2013

Réalisé par Michael Hoffman

Titre original : Gambit

Sorti au Royaume-Uni le 7 novembre 2012

Sorti en France le 6 février 2013

Merci au distributeur français de préciser aux non-joueurs d’échecs que le gambit est le sacrifice d’un pion pendant l’ouverture d’une partie – donc une ruse où l’on perd un peu pour gagner à la fin. En fait, ce film ne parle pas du tout d’échecs, mais de tableaux. Plus précisément de trois œuvres peintes par Claude Monet, et une quatrième exécutée par un faussaire.

Bref, Harry Deane, vrai gentleman britannique, travaille comme expert en tableaux pour Lionel Shabandar, richissime homme d’affaires évidemment sans scrupules, et collectionneur de tableaux, qu’il conserve dans sa luxueuse propriété à la campagne, et fait garder par un système de sécurité infaillible, puisqu’il s’agit... d’un lion. Bien entendu, Harry veut voler son patron, très porté sur l’humiliation de ses inférieurs. L’arnaque va porter sur la vente d’un des deux tableaux peints par Monet et représentant des meules de foin : il en avait peint deux versions, Shabandar possède la première, il ne résistera pas à tenter d’acheter la seconde si on sait lui présenter le tableau, qui sera évidemment un faux, peint par un génie de la spécialité – une sorte d’Elmir de Hory, si vous voulez, ici surnommé « le Major ».

Le scénario du coup est assez compliqué, mais pas du tout comme annoncé au départ, et aboutit, non à la vente du faux, mais à sa substitution au seul vrai détenu par le grossium, au profit d’un de ses rivaux en collection, richissime Japonais. Tout cela est le remake d’un film du même titre, de Ronald Neame, en 1966 (en français, Un hold-up extraordinaire).

Finalement, le film est plutôt réussi, et offre quelques scènes où les enchaînements de péripéties conduisent à des situations absurdes, comme celle où Colin Firth se retrouve sur la corniche de l’hôtel Savoy, le plus grand palace londonien, sans pantalon et encombré d’un vase Ming qu’il tente de voler. Le tout ne vous donnera aucun mal de tête et dure moins d’une heure et demie, ce qui, aujourd’hui où la plupart des films ont une heure de plus, est une qualité appréciée.

Notons, ce qu’aucun critique appointé ne remarquera sans doute, que les films où un homme bien élevé est confronté à une fille de la classe sociale la moins en vue (comme ici, un gentleman de la City et une Texane championne de rodéos) sont peu fréquents, mais qu’on en trouve un de temps à autre. Il y a eu My fair lady, évidemment, mais aussi L’éducation de Rita, film un peu oublié dont la vedette était Michael Caine... lequel jouait dans la première version de Gambit.

En bref : à voir.Haut de la page

Hitchcock

Vu le samedi 26 janvier 2013 - Sorti le mercredi 6 février 2013

Réalisé par Sacha Gervasi

Sorti aux États-Unis le 1er novembre 2012

Sorti en France le 6 février 2013

Après Renoir, qui ne retenait qu’une courte période de la vie du peintre, voici Hitchcock, qui fait de même, en se concentrant sur 1959-1960, lorsque Hitchcock conçut le projet de faire un film d’horreur qui soit enfin dû à un bon réalisateur ! Et le mena jusqu’à son terme, en dépit des studios, qui traînèrent les pieds, chicanant sur le moindre détail. Spielberg a suivi la même voie avec son Lincoln. À noter que, pour cette histoire, Hitchcock a pris le contre-pied de ce qui se fait habituellement : il y a de moins en moins d’horreur au fil du récit !

L’ennui, avec cette pseudo-biographie aussi plate et dépourvue d’invention qu’un téléfilm, c’est que les spectateurs qui la verront risquent de prendre pour argent comptant les erreurs et sottises dont elle est truffée, la pire étant peut-être d’avoir choisi Helen Mirren, qui est une grande et belle actrice, pour jouer le rôle de madame Hitchcock, sa collaboratrice Alma Reville, une petite femme pas très gâtée par la nature et généralement mal fagotée, plus proche physiquement d’Édith Piaf que de Mrs Mirren – mais Hitch, obèse et complètement vierge, avait épousé la première fille qui avait voulu de lui. Voyez-les plutôt ensemble sur cette photo, avec leur fille unique Patricia, avant 1950, et comparez avec Alma dans le film lui-même :

 

Famille Hitchcock  Helen Mirren

 

« Hallucinant de ressemblance », comme disent les critiques, n’est-ce pas ?

Non contents de cela, le scénariste et l’auteur du livre à partir duquel il a écrit cette histoire inventent qu’Alma, tyran domestique, lasse d’être toujours au second plan, veut échapper à son génial mais encombrant mari, s’en va collaborer avec un auteur de scénarios dont ledit mari dénigre la production, et que le maître, croyant à un adultère, est au bord de faire un drame – non filmé celui-là. Et puis, raconter qu’après La mort aux trousses, qui fut un triomphe, Hitchcock est quasiment considéré comme un has been bien trop vieux (soixante ans), c’est envoyer le bouchon un peu loin !

Les détails inexacts abondent. Ainsi, il est faux que le réalisateur ait lu le roman policier de Robert Bloch Psycho, et se soit emballé pour ce livre assez médiocre – et mensonger, pensait Truffaut, puisque le livre prête un dialogue à « la mère », Mrs Bates, et la traite comme si elle vivait réellement, alors que seul son corps empaillé reste dans la maison. En réalité, Hitchcock lisait très peu de romans, il laissait lire par des collaborateurs ceux qu’on lui proposait, et faisait construire un scénario par divers professionnels à partir du synopsis qu’on en avait tiré. Il est également ridicule, à propos de la scène du meurtre sous la douche, de prétendre qu’Hitchcock, perdant la tête à ce moment, se soit mis à donner des coups de couteau dans le vide pour arracher des cris à son actrice ! Tout aussi faux qu’Alma était à ce point présente dans les studios (où elle ne mettait jamais les pieds), et qu’elle a... remplacé son mari lorsqu’il fut malade, pour la scène où le détective Arbogast se fait poignarder dans l’escalier : en fait, ce jour-là, Hitchcock a laissé son premier assistant tourner la scène où le détective privé monte l’escalier, mais n’a pas gardé le résultat, qui ne convenait pas. Il y a aussi cette scène de colère, complètement inventée, puisque Hitchcock était connu pour ne jamais s’énerver : quand quelqu’un l’agaçait, il exprimait son dédain des conflits en tournant le dos au casse-pieds ou en quittant le plateau !

Et puis, ces oublis un peu voyants : Patricia Hitchcock n’apparaît à aucun moment, alors qu’elle est un personnage du début de Psychose. Et Bernard Herrmann, le génial musicien dont les compositions ont joué un rôle primordial dans les sept films d’Hitchcock auxquels il a collaboré, n’a aucune scène et reste invisible, bien que le générique de fin cite le nom de son interprète et qu’on mentionne son intervention pour musiquer la scène de la douche, que le réalisateur aurait voulu muette (il avait tort, c’est la musique qui crée l’impact à ce moment précis).

Sur le plan positif, retenons l’interprétation d’Anthony Hopkins, qui, à défaut de ressembler à son personnage, en a imité correctement la voix, et celle de James D’Arcy, incarnant un Anthony Perkins tout à fait convenable et conforme à ce qu’était cet acteur, romantique au point d’habiter un studio sur la butte Montmartre et d’enregistrer en français une chanson de Guy Béart !

La chute est prévisible : après le triomphe de Psychose, le maître, face à la caméra, s’adresse à nous, et souhaite que quelque chose survienne pour lui fournir l’inspiration de son prochain film ; à ce moment, j’étais certain qu’un oiseau entrerait dans le champ. Effectivement, un merle vient alors se poser sur son épaule. C’était bien inutile, les allusions aux oiseaux abondent dans Psychose !

Une curiosité : les studios Paramount sont seuls cités, mais, hormis quelques extérieurs, le film a été réalisé dans les studios 18 et 28 d’Universal, et la maison des Bates se trouve toujours sur le terrain de cette firme, incluse dans le parcours réservé aux touristes, et qui a été conservée (on y a tourné trois suites du film, et une série avec Freddie Highmore dans le rôle du jeune Norman Bates).

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Hitchcock et Hitchcock

Vendredi 8 février 2013

En visionnant Hitchcock le mois dernier, j’ai bien remarqué un certain détail, mais j’ai oublié, vu l’abondance des griefs qui s’imposaient à moi, de le noter dans mon texte. Ce détail, « Le Canard enchaîné » de cette semaine m’en fait ressouvenir : le film prétend que le maître était hanté par le souvenir du tueur en série Ed Gein, lequel aurait inspiré le personnage de Norman Bates dans Psychose. Pure invention, absurdité qui montre que, soit le scénariste ne connaissait rien à son sujet, soit il a inclus ces scènes grotesques (l’une d’elles ouvre le film) par malhonnêteté.

Le véritable Hitchcock n’était pas « hanté » par les tueurs en série. D’ailleurs, il n’y en a aucun dans ses films, sauf peut-être Charlie, le « tueur de veuves », dans L’ombre d’un doute, mais lui tuait pour de l’argent. Il n’était hanté que par le cinéma, et le souci de raconter clairement des histoires qui lui plaisaient – ce qui est tout à fait évident, car il n’y a jamais eu de meilleur conteur. En fait, alors qu’il ne connaissait à cette époque que des succès, contrairement à ce que le film insinue, il eut à ce moment l’envie de faire, circonstance unique dans sa carrière, un film conceptuel, comme nos petits réalisateurs français débutants. Il l’a révélé à Truffaut, son désir était de fabriquer à peu de frais, seulement huit cent mille dollars, une histoire où il ferait de la « direction de spectateurs ». Traduisez : de la simple manipulation, de la dissimulation répétée, du mensonge à l’état brut.

Et, en effet, Hitchcock s’est amusé à tromper le public en faisant prendre à son récit plusieurs virages complètement inattendus. Soit dit en passant, il l’a aussi trompé en demandant qu’on interdise aux retardataires l’entrée dans les salles de cinéma qui projetaient son film, sous le fallacieux prétexte de préserver les coups de théâtre (or il n’y en a aucun avant une bonne demi-heure).

Au début, Marion vole quarante mille dollars à Phoenix, et part en voiture rejoindre son amant à Fairvale, en Californie (la ville n’existe pas dans la réalité), assez lointaine pour que le voyage nécessite deux nuits d’arrêt. En chemin, un policier, intrigué par son comportement peu naturel, la suit, et le spectateur pense ainsi qu’il va l’arrêter pour la cuisiner. Mais non, première fausse piste, il la laisse repartir, et Marion s’arrête dans un motel pour y passer sa seconde nuit. Là, elle a une longue conversation avec le jeune gérant de l’hôtel, Norman, et prend conscience qu’elle a commis une énorme erreur. Elle change alors d’avis et décide rebrousser chemin pour aller rendre l’argent volé. Deuxième fausse piste, car elle est tuée par un mystérieux agresseur dans sa salle de bains. On croit alors que Marion a été assassinée par la mère de Norman, et nous voyons cette mère avec son fils qui l’emporte pour aller la cacher à la cave et qui nettoie les traces du crime.

Inquiète, la sœur de Marion, restée à Phoenix, part à sa recherche, et aboutit au motel en compagnie de Sam – le petit ami de Marion –, ne trouve rien, puis, après quelques péripéties, apprend que la mère de Norman... est morte depuis dix ans ; or un détective a vu la silhouette de cette mère à la fenêtre de la maison. Mais alors, QUI a été enterré dans le cercueil de la mère ? Troisième et dernière fausse piste. On saura dans la scène de fin que le crime a été commis par Norman, qui, atteint de schizophrénie, se prenait à l’occasion pour sa mère, dont il conservait le corps empaillé par lui.

Psychose fonctionne très bien et n’est toujours pas démodé après plus de cinquante ans, quoique la scène d’explication de la fin paraisse aujourd’hui un tantinet ridicule. Mais le film a terrifié pas mal de spectateurs, qui en ont voulu à son réalisateur. C’était le cas de Jerry Lewis.

*

On notera que le réalisateur du film Hitchcock est un débutant, Sacha Gervasi, ancien batteur dans un groupe de rock. Il n’avait réalisé auparavant qu’un documentaire sur le groupe de heavy metal Anvil, et aussi écrit le scénario du film de Spielberg Terminal, maladroit, inabouti et bourré de pittoresque artificiel, que seule la mise en scène de tonton Steven parvenait à sauver.

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Mariage à Mendoza

Vendredi 8 février 2013

Réalisé par Édouard Deluc

Sorti en France (Festival d’Angoulême) le 24 août 2012

Sorti en France le 23 janvier 2013

Encore un premier long métrage, d’un inconnu qui, pour dupliquer le scénario d’un court métrage qu’il avait fait en 2009, semble avoir appris par cœur ce que j’écrivais sur le road movie dans ma notule de Rendez-vous à Kiruna : on y trouve les deux personnages aussi différents que possible, ici deux demi-frères qui se connaissent à peine (le plus âgé sort d’un hôpital psychiatrique, mais l’autre ne le sait pas), le voyage dure effectivement plusieurs jours puisque, débarquant à Buenos Aires, ils doivent se rendre à Mendoza (à 1200 kilomètres, au pied de la Cordillère des Andes), ils sont eux aussi obligés de partager la même chambre pour cause d’hôtel complet, l’un a bel et bien un secret (son état mental), les incidents ne manquent pas, dont le vol de leur voiture par des jeunots qui voulaient s’amuser un peu (l’aîné des deux frères part à leur poursuite en robe de chambre et sans jamais lâcher sa brosse à dents), ils ont quelques ennuis en route parce qu’ils ont volé du vin, une fille les a accompagnés sans trop de raison, etc.

Ajoutez à ce fatras quelques étrangetés. Par exemple, le concierge de leur hôtel à Buenos Aires les accompagne dans leur voyage alors qu’il ne les connaît que de la veille – donc il abandonne son travail, c’est très courant dans l’hôtellerie...

J’ai noté que le dialogue qualifie Buenos Aires de ville « suave ». Quand on sait que c’est l’une des capitales les plus laides de la planète (voir Plan B, un bon film argentin de Marco Berger), on rit sous cape.

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Une Estonienne à Paris

Lundi 11 février 2013

Réalisé par Ilmar Raag

Sorti en Suisse (Festival de Locarno) le 4 août 2012

Sorti en France le 26 décembre 2012

Anne, une Estonienne quinquagénaire, divorcée, qui s’est longtemps occupée de sa mère malade, reçoit une offre pour aller travailler à Paris, dont elle a toujours rêvé. Il s’agit de veiller sur une vieille dame riche, Frida, estonienne aussi, mais qui vit en France depuis si longtemps qu’elle a oublié sa langue maternelle. Or il s’avère que cette Frida a un fichu caractère (si elle avait été aimable, on n’aurait pas engagé Jeanne Moreau). D’emblée, elle flanque Anne à la porte, sans aucune raison, mais Stéphane, son ancien jeune amant qui a recruté Anne, arrange les choses, et les deux femmes, après une rupture qui s’arrange aussi très vite, deviennent amies.

En somme, on s’attend à des éclats, et on assiste à la naissance d’une amitié entre deux femmes qui n’ont rien de commun, hormis leur origine.

La publicité nous dit que le réalisateur, qui en est à son troisième film, a mis en scène l’histoire de sa propre mère, laquelle fut également dame de compagnie chez une femme riche à Paris. Peu importe, ce qui compte, c’est que la réalisation, très sage, est surtout l’occasion de montrer deux actrices efficaces, l’histoire étant finalement secondaire et pas très passionnante. Le film n’a guère eu de succès, ni critique, ni public.

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Erreurs dans Psychose

Mercredi 13 février 2013

La sortie du navet Hitchcock aidant, on passe en ce moment à la télévision une foule de films du maître : quatre hier soir ! Et la chaîne TCM a rediffusé Psychose, que j’ai revu. Or j’ai noté une bizarrerie et une erreur de scénario.

La bizarrerie, c’est qu’au début du film, Marion s’enfuit de Phoenix pour aller rejoindre son amant Sam, qui réside dans la petite ville de Fairvale, en Californie : c’est attesté par le papier à lettres du motel Bates, qui indique clairement « Fairvale - California ». Cette ville n’existe pas, mais elle est censée se trouver sur la route de San-Francisco, après Gorman (on voit le panneau sur l’autoroute). Attendu que Gorman est à six cents kilomètres de Phoenix, fallait-il vraiment un voyage aussi long pour y parvenir ? Passons, c’est mineur.

L’erreur est ici : lorsque le détective Arbogast monte vers la maison pour interroger Mrs Bates, juste avant on a vu Norman, portant une paire de draps, se diriger vers une des chambres du motel les plus éloignées du bureau. Comment par conséquent, peut-il, quelques secondes plus tard, sortir de la chambre de la mère, à l’étage, pour poignarder Arbogast ? A-t-il eu le temps de revenir à la maison pendant que le détective inspectait le bureau ? C’est douteux, car, par trois fois, celui-ci regarde vers la chambre où Norman s’est dirigé, laissant entendre qu’il l’a vu s’y rendre et que le jeune homme y est donc toujours (on ne change pas les draps d’un lit en vingt secondes). Par conséquent, Norman n’a pas pu faire le trajet, monter à la chambre de sa mère et s’habiller en femme pendant ce laps de temps, et, de toute façon, Arbogast l’aurait croisé au rez de chaussée !

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Les Misérables

Vu le dimanche 20 janvier 2013 - Sorti le mercredi 13 février 2013

Réalisé par Tom Hooper

Sorti au Royaume-Uni le 5 décembre 2012

Sorti en France le 13 février 2013

Cette grosse production britannique a coûté 61 millions de dollars, avait déjà couvert ses frais au bout de trois semaines d’exploitation, et a reçu une foule de récompense, dont, rions, celle du « meilleur film de l’année 2013 » aux AFI Awards ! Les jurés sont extra-lucides, ils connaissent déjà tous les films de 2013...

On sait que cet opéra a été écrit par deux Français, Claude-Michel Schönberg et Alain Boublil, d’après le roman de Victor Hugo, et a d’abord été joué à New York. En France, il a été monté au Théâtre Mogador, à Paris, dans une mise en scène brillante. Pour le présent film, les paroles des chansons ont été réécrites par Herbert Kretzmer, d’après les originaux d’Alain Boublil et Jean-Marc Natel.

La distribution compte... 259 acteurs, écrasant, et de loin, le record détenu jusqu’ici par le Lincoln de Spielberg. Mais j’ai le regret de dire que Hugh Jackman en Jean Valjean ne fait pas le poids après Jean Gabin, Lino Ventura, et Gérard Depardieu pour la télévision. En revanche, Russell Crowe en Javert, policier inspiré de Vidocq, est plus convaincant, même s’il chante assez mal.

Le film comporte quelques réminiscences d’une autre comédie musicale anglaise, Oliver !, avec la profession de foi truandesque d’un Thénardier joué par Sacha Baron Cohen, qui rappelle celle du Fagin, indépassable, de Ron Moody, ou le chant qui introduit Cosette, et qui est de la même veine que celui d’Oliver Twist employé par un couple de croque-morts. Autre réminiscence fâcheuse : une fois encore, le dialogue mentionne le Père Noël, comme dans la version de Jean-Paul Le Chanois, en 1958 – la meilleure à ce jour. Or, à cette époque, 1923, ce personnage mythique et encombrant n’avait pas encore été inventé. On regrette aussi l’abondance des décors fabriqués en numérique, et surtout la séquence d’ouverture, toute en images de synthèse, destinée à présenter le bagne, et qui s’avère parfaitement inutile.

Le film peut être vu, par curiosité. Mais il apparaît aussi peu indispensable que le Oliver Twist de Polanski. Il semble qu’il est sorti en France dans une version écourtée de sept minutes. Le screener (DVD destiné aux jurés des Oscars) que j’ai visionné dure bel et bien 2 heures, 37 minutes et 57 secondes. En salles, c’est deux heures et demie.

*

Il fallait qu’une ânerie salue la sortie du film. Elle est dans « Le Canard enchaîné » de ce jour, où Jean-François Julliard nous ressert la sempiternelle expression dédaigneuse de « carton-pâte » pour parler des décors. L’art de parler de ce qu’on ne connaît pas et d’utiliser sans arrêt les mêmes clichés.

On ne se sert pratiquement pas de carton-pâte pour les décors de cinéma. C’est difficile à travailler, ça prend des heures pour sécher, et ça coûte la peau des fesses (oui, je vous épargne un autre cliché, le récurrent « Ça coûte un bras », qu’on a suffisamment lu et entendu). Les décors de cinéma sont habituellement faits en toile peinte et en contre-plaqué pour les cloisons et décors qui servent peu, et en plâtre pour les gros décors qui doivent rester longtemps en place et comportent des moulures compliquées. Mais aujourd’hui, on fait surtout les décors en numérique, après le tournage devant des écrans verts, ce qui permet de les modifier sans difficultés.

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Scialla !

Mercredi 13 février 3013

Réalisé par Francesco Bruni

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 2 septembre 2011

Sorti en France le 13 février 2013

Comme pour la totalité des films qui traitent des jeunes récalcitrants finissant par devenir des chérubins à la dernière bobine, on a tout deviné dès le début. Mais, au contraire de cette kyrielle de navets où le thème est traité avec un sérieux imperturbable mais comique au second degré, ici, le scénario et la réalisation prennent le sujet à la blague, et l’on rit souvent... ce qui sauve partiellement le film.

Un quinquagénaire ancien professeur a laissé tomber lycées et collèges pour vivre de leçons particulières et d’un travail de nègre : il écrit les biographies de gens en vue, y compris celle d’une ancienne vedette du porno. Mais voilà que la mère d’un de ses élèves particuliers lui confie que le garçon, Luca, 16 ans et cancre rigolard, est le fils qu’elle a eu de lui et dont elle ne lui a jamais parlé. En outre, on lui offre un travail au Mali, elle ne peut emmener le garçon, et veut le confier à son père, avec cette condition supplémentaire : il ne devra en aucun cas révéler ce secret au garçon. Naturellement, il ne va pas tenir la gageure.

On n’est pas davantage surpris que le garçon, qui n’est pas pénible mais allergique aux études et ignorant comme un candidat à un jeu télévisé, s’emberlificote dans une sale affaire : il a dérobé un paquet de drogue et une grosse somme d’argent à un caïd de la délinquance. Et la suite réserve la seule surprise du film : ledit caïd se point pour mater le garçon et son père, et... reconnaît son ancien professeur de littérature, « le seul qui [lui] a donné une bonne note de toute [sa] vie ». C’est tout juste s’il ne lui tombe pas dans les bras, et Luca est illico amnistié. Il en profite pour devenir un élève studieux, et, en fin d’année, demande à ses professeurs de... le faire redoubler, pour ne pas être injuste avec ses camarades, puisqu’on l’a favorisé en ne tenant pas compte de ses deux notes les plus mauvaises. C’est un épisode quotidien, dans les lycées, on est prié d’y croire.

Un mot sur la pub qui accompagne les promotions des films. Le réalisateur raconte le bobard habituel sur son jeune interprète Filippo Scicchitano, qui avait dix-huit ans au moment du tournage, à savoir qu’il avait accompagné un ami le jour de l’audition, mais que c’est lui qu’on a remarqué et recruté. J’ai bien lu deux cents fois de pareilles anecdotes, et l’épisode figure même dans un film très connu, Fame ! De même, l’actrice vedette a trouvé « le scénario de Scialla ! par hasard chez [elle] parce que [son] mari est l’assistant réalisateur du film et l’avait avec lui ». Tous ces gens qui ne pensaient pas jouer dans des films mais finissent par le faire, c’est le miracle perpétuel du cinéma.

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Arrêtez-moi

Jeudi 14 février 2013

Réalisé par Jean-Paul Lilienfeld

Sorti en France le 6 février 2013

Jean-Paul Lilienfeld avait passablement raté La journée de la jupe, qui, après un début plausible – un professeur de lycée, incarné par Isabelle Adjani, perdait les pédales et menaçait ses élèves avec un pistolet –, partait dans le décor. On peut toujours aller de l’avant, puisque, ici, il rate complètement son Arrêtez-moi. On sent bien qu’il a voulu refaire Garde à vue, le film très réussi de Claude Miller (le commissaire Lino Ventura mettait une nuit à faire avouer le criminel Michel Serrault), mais avec deux femmes, et en négatif : la meurtrière veut être arrêtée, et la policière fait tout pour l’en dissuader

L’ennui est que, plus on avance dans le récit, plus les péripéties deviennent invraisemblables, et le dialogue, franchement ridicule. Tout cela est probablement hérité du roman de Jean Teulé, un auteur surestimé qui cultive le bizarre et le paradoxal. Par exemple, pour éviter de prendre la déposition de la femme, dont on ne saura jamais le nom, la policière (on l’appelle « lieutenant », mais l’accessoriste a mal fait son travail, et l’écran de son ordinateur affiche « Inspecteur Pontoise »), de guerre lasse, casse... son propre ordinateur ! Auparavant, elle lui aura offert des fleurs qu’elle a volées sur une plate-bande, lui aura appris à réciter le « Je vous salue, Marie », et aura cassé aussi le plafonnier de son bureau parce que deux cafards y copulaient. Choses courantes dans les commissariats...

À ces sottises du scénario et du dialogue s’ajoute le parti-pris de la mise en scène : toutes les scènes en flashback montrant la violence du mari sur sa femme qui va le tuer sont filmées en vision subjective, par une caméra fixée sur un casque de moto (poids total, huit kilos) que l’actrice devait porter. Mais alors, pourquoi en faire autant par deux fois avec les deux enfants du film, qui ne sont victimes d’aucune violence ? La fausse bonne idée par excellence, qui génère des plans cahotant et pénibles à voir.

Et puis, où a-t-on vu, en France, que les personnes gardées à vue passent la nuit en cellule, menottées dans le dos ? On les oblige aussi à dire « Votre Honneur » au président du tribunal, quand on les juge ?

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Paradis : amour

Vendredi 15 février 2013

Réalisé par Ulrich Seidl

Titre original : Paradies : Liebes

Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2012

Sorti en France le 9 janvier 2013

Les critiques incapables de voir plus loin que le bout de leurs préjugés ont trouvé ce film, du grand cinéaste politique Ulrich Seidl, « cru, voyeuriste, [...] poisseux, [...] qui ne dit rien de neuf », ce qui est un contresens, selon moi.

Il est encadré par deux scènes n’ayant apparemment rien à voir avec le sujet du tourisme sexuel traité ici, celui des femmes mûres allant acheter de l’amour dans les prétendus paradis tropicaux (en l’occurrence, le Kenya). La première scène montre des trisomiques s’amusant sur des autos tamponneuses, et celle de fin, surprenante, montre le personnage féminin principal marchant seule, tristement, sur une plage, pendant que trois jeunes gens noirs, venant en sens inverse, font des cabrioles sur le sable. Les personnages se croisent sans se regarder. Métaphore.

Jamais on n’a vu, au cinéma, combien les touristes de ces faux paradis étaient protégés de la population : sur cette plage, allongés sur leurs chaises-longues, ils bronzent tranquillement, pendant que les jeunes Noirs qui attendent d’être « choisis » sont parqués à dix mètres, debout, immobiles, presque au garde-à-vous, derrière une corde qu’ils ne doivent pas franchir ! Et la police patrouille jour et nuit. Une image qui montre la situation sociale, économique et politique, sans un mot, sans un mouvement, sans un jugement.

La conclusion qu’on tire de la vision de ce film n’a rien d’inattendu : l’amour ne s’achète pas avec de l’argent, et les femmes mûres qui s’offrent cette récréation le savent plus ou moins dès leur arrivée, ne serait-ce que parce que d’autres, arrivées plus tôt, les mettent immédiatement au courant. Or l’originalité est que ce film montre que même les plus naïves finissent très vite par tomber dans le cynisme, et, à cet égard, la scène du strip-tease masculin en chambre, que beaucoup ont estimée répulsive et interminable, en dit long : ces femmes, qui fêtent l’anniversaire de l’une d’elles en buvant du champagne –  mais sans en offrir au garçon qu’elles ont amené – n’attendent du jeune Noir qu’un bonne érection, se moquent de lui parce qu’il n’y arrive pas, et le congédient lorsque décidément il ne peut les contenter.

Le film ne condamne personne. Ces femmes ne sont pas blâmables de vouloir combler leurs désirs sexuels que leur âge et leur physique leur interdisent de satisfaire dans leur pays, et ces jeunes hommes ne peuvent être condamnés pour s’être prostitués afin de faire vivre leur famille. D’ailleurs, les « acteurs » masculins n’en sont pas, ils se prostituent bel et bien dans leur pays !

Il s’agit ici de la première partie d’une trilogie. Les deux autres films, déjà tournés, sont Paradis : foi, présenté à Venise en octobre dernier, et Paradis : espoir, qu’on verra ultérieurement.

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Marre des films longs !

Lundi 18 février 2013

Je pourrais, après-demain, assister à la projection en avant-première d’un film en six histoires dont on va beaucoup parler, je crois, Cloud Atlas. Surtout parce que sa distribution est brillante : Tom Hanks, qui joue six rôles, Halle Berry, également, Ben Whishaw, qui n’en joue que cinq, James D’Arcy, qui tient quatre rôles (et qui était Anthony Perkins dans Hitchcock, ce navet), Susan Sarandon, également, Hugh Grant, six rôles, et j’en laisse de côté.

Oui, mais voilà, le film, sorti le 8 septembre dernier au Festival de Toronto et aux États-Unis, et partout ailleurs sauf chez nous, au Japon, au Danemark et en Belgique, dure 2 heures et 52 minutes dans son pays d’origine, et 2 heures 44 minutes en France.

Vraiment, il y a de quoi en avoir par dessus la tête de ces films obèses. Je connais une foultitude d’excellents films qui vous prennent moins de la moitié de ce temps, et sont meilleurs que la plupart de ces monstruosités.

J’ai lu quelque part une interview d’Orson Welles, qui déclarait sélectionner les films qu’il voyait en fonction de leur durée, et qui rejetait tous ceux dont la longueur lui semblait exagérée. Je crois que je vais faire pareil. Avec une référence de cette taille, vous pensez...

Bref, je ne verrai pas Cloud Atlas en salle. Et je suis certain de ne rien perdre, car le « Time » l’a désigné pire film de l’année 2012 ! Ce journal a placé Amour en tête des meilleurs films, mais Cloud Atlas est jugée comme « une fantaisie étouffée par les effets spéciaux et le maquillage », et ne suscitant aucune émotion.

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La demora

Mercredi 20 février 2013

Réalisé par Rodrigo Plá

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 10 février 2012

Sorti en France le 20 février 2013

On ne fera pas de jeu de mots débiles sur le nom du réalisateur, qui a au mois le mérite d’avoir fait La zona, en 2007, film honorable et imaginatif, même si la fin était bancale. Mais ici, quel ennui ! Il se passe si peu de choses, dans cette histoire, que vous pouvez dormir entre deux séquences, vous ne perdez rien.

María n’a pas de mari, mais trois enfants, et surtout un vieux père qui n’a plus toute sa tête. Afin de veiller sur lui, elle est forcée de travailler chez elle, à faire des travaux de couture mal payés. Pour faire mieux vivre ses gosses, elle veut prendre un travail plus lucratif, donc se séparer de son père, et lui trouve un foyer, où, par suite de circonstances inventées par le réalisateur, il ne va pas. En fin de compte, il passe la nuit – glaciale – sur un banc. On avertit María, elle vient le récupérer et rentre à la maison avec lui.

Tout est laid, dans ce film, sauf les trois enfants, et tout est sinistre. Aucune musique, sauf au générique de fin, aucune trouvaille de mise en scène, rien à quoi s’accrocher. Quant à la réflexion que pourrait inspirer ce festival misérabiliste, mieux vaut ne pas y compter, elle est du style « Les pauvres sont bien à plaindre ». Pas besoin d’un film pour cela, et on a fait beaucoup mieux.

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L’ivresse de l’argent

Jeudi 21 février 2013

Réalisé par Sang-soo Im

Titre original : Do-nui Mat

Sorti en Corée du Sud le 12 mai 2012

Sorti en France le 23 janvier 2013

À l’instar de The housemaid, remake d’un film ancien de 1960 et sorti en 2010, celui-ci montre un univers glacé dans lequel se perpètrent des horreurs, mais cette fois liées à l’argent et non plus tellement au sexe. Nous sommes dans une richissime famille coréenne, dont l’ancêtre, le « vieux président » Baek , a repassé ses affaires et sa fortune à sa fille, pour la remercier de l’avoir approvisionné en jeunes filles dociles. Madame Baek a épousé un homme peu doué pour les affaires, et qui la trompe avec Eva, une jeune femme déjà mère de deux enfants. Les époux Baek ont eux-mêmes deux enfants, un garçon, Chul, une canaille beau garçon qui accumule les magouilles et les séjours en prison, d’où son père le tire en arrrosant les juges ; et une fille, Na-Mi, qui méprise ce milieu et n’a d’yeux que pour Young-jak Joo, le secrétaire, chauffeur et homme à tout faire de madame Baek, qui est un beau jeune homme, intelligent et droit. On comprend très vite que tout va tourner autour de ce garçon, également convoité par la mère, laquelle va quasiment le violer mais refuse ensuite sa démission.

Puis Eva meurt noyée dans la piscine, et l’on peut penser que madame Baek l’a fait assassiner après que son mari eut décidé de partir. Mais le mari s’ouvre les veines, Chul révèle à sa sœur que leur mère a couché avec Young-jak, lui-même perd la directgion générale de la firme après une nouvelle arrestation, et Na-Mi devient la présidente en titre. Young-jak refuse la direction générale et prend l’avion pour les Philippines, suivi par Na-Mi, emmenant le cercueil où repose le corps d’Eva, qu’il va rendre aux deux enfants de la morte.

Le film est passionnant pour l’atmosphère glacée qui y règne (décors d’un design à faire hurler de jalousie Philippe Starck, mais beaux, pour faire contraste avec la laideur morale des personnages), et pour le conflit intérieur du jeune Young-jak, lequel va tout de même succomber un peu à la tentation en volant quelques liasses de billets prélevées dans la chambre forte des Baek, à laquelle il a bizarrement accès. Le film n’est pas sans viser un peu le véritable président – très riche – de la Corée du Sud, qui favorise ses amis fortunés tout en laissant le pays s’enfoncer dans le chômage et les conditions de travail presque dignes de celles de la Chine communiste.

Au chapitre des restrictions, le cinéaste fait profession de priviligier l’extrême sobriété, mais il insère une longue scène de copulation digne de celles qu’on trouve chez nous, en France, et que je me permets d’estimer aussi racoleuse qu’inutile.

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Avantages de la pauvreté

Vendredi 22 février 2013

Mark Hamill, qui fut naguère Luke Skywalker et se paie le luxe d’avoir à son actif... 242 films et téléfilms, a déclaré en 2010, à propos de celui qu’il pourrait réaliser, qu’il préfèrerait qu’on ne lui donne pas un budget trop important !

« Il y a, dit-il, des gens qui sont prêts à nous donner 30 millions [de dollars] pour faire le film. Mais si on acceptait ce deal, je ne réaliserais pas ce film. Si vous allez au-delà de 8 millions, vous devez commencer à effectuer des ventes à l’étranger avant de commencer à tourner. Si vous restez dans une marge entre 5 à 7 millions, pas besoin de préventes, vous pouvez maintenir davantage de contrôle créatif sur l’œuvre ».

Ce point de vue se vérifie aisément. Actuellement sortent beaucoup de films obèses, aussi bien par l’argent qu’ils ont coûté, que par leur durée. Or la plupart se ramassent lamentablement, parce qu’on a visé un seul but : plaire à tous les publics. Autrement dit, ils sont dépourvus de personnalité, de point de vue. De corps, en somme.

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Die Hard : belle journée pour mourir

Vendredi 22 février 2013

Réalisé par John Moore

Titre original : A good day to die Hard

Sorti à Hong Kong et Singapour le 7 février 2013

Sorti en France le 20 février 2013

La réalisation n’a pas flemmardé, on s’est donné beaucoup de mal pour construire des décors et pour accumuler les scènes de poursuite et de castagne, avec accessoires militaires fournis par les Russes, puisque l’action est censée se passer essentiellement à Moscou – qui prend des allures de Shangaï –, alors que le tournage a eu lieu à Budapest et Belgrade. Le but semble avoir été de casser le plus de voitures possibles, comme dans The Blues brothers, quoique en moins drôle.

L’originalité réside en ce que Bruce Willis, alias John McClane, prête main-forte à un espion de la CIA qui n’est autre que son fils Jack, lequel le considère plutôt comme un trouble-fête venu perturber son travail de sauveur du monde libre. Mais là, les deux scénaristes-dialoguistes ne se sont pas foulés : lorsque j’ai remarqué que le fiston appelait son père par son prénom, John, j’ai parié avec moi-même (ce sont des paris que je remporte toujours) que peu avant la fin, il l’appellerait « Papa ». Gagné ! Jusqu’à la réplique prévisible du père : « Tu m’as appelé “Papa” ? », à quoi le fiston rétorque que l’intéressé a dû mal entendre. Ce type de gag est récurrent dans le cinéma d’Hollywood, où l’on croit toujours qu’il est émouvant et original.

À noter que la musique, comme toujours, vous gave de percussions pour bien vous faire comprendre que c’est un film d’action. Dans les moments plus calmes, elle plagie carrément celle de The dark knight...

Signalons que la séquence de fin n’a tout de même pas été tournée à Tchernobyl ! Précédemment, un autre film, Chroniques de Tchernobyl, lui aussi tourné à Belgrade et Budapest, recourait à cette astuce identique de la cité abandonnée qui ressert pour un film. On a la même chose dans le récent Skyfall.

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Camille redouble... et se plante aux Césars !

Samedi 23 février 2013

Lorsque, le 15 octobre dernier, j’ai rédigé une notule favorable sur Camille redouble, j’ignorais que le scénario de ce film n’avait rien d’original : sa réalisatrice Noémie Lvovsky et ses trois co-scénaristes ont copié l’histoire d’un film de Coppola, Peggy Sue s’est mariée, sorti en 1986. J’ai revisionné le générique de fin : Noémie Lvovsky y remercie dix-huit personnes, mais Coppola n’est cité nulle part...

À ma décharge, je dois dire, d’une part, que je n’ai jamais vu ce film de Coppola, hors circuit depuis longtemps, et d’autre part, que les innombrables critiques professionnels qui, le 25 mai 2012, ont assisté à la projection de Camille redouble au festival de Cannes, n’ont pas été nombreux à le déceler eux non plus. Ou du moins, à l’écrire. Quoi d’étonnant ? Auparavant, aucun n’avait remarqué que le film d’Anne Fontaine, Entre ses mains, sorti en 2005, était la copie intégrale du film de Chabrol Le boucher ! Oui, mais Anne Fontaine « a la carte ».

J’ai consulté les critiques de l’époque, en français, en anglais et en allemand. Ont remarqué l’analogie : Kent Turner, au festival de New York, Chris Knipp également ; ainsi que Nicolas Gilli, en France, qui estime que c’est « une comédie ratée », ajoutant que « Camille redouble est bien un remake de Peggy Sue s’est mariée et non une création originale ». La revue « Franglaisreview » a repéré la copie, le Blog du Cinéma n’a rien vu, mais Fiches du Cinéma.com, si, de même que le site mulderville.net. Le site suisse allemand outnow.ch n’a pas vu, le Slant Magazine non plus, ni kino-zeit.de. Mais le site allemand critic.de l’a vu, et le français 24images.com également. Bref, un bilan très moyen quant à la clairvoyance de la critique.

Camille redouble avait été désigné pour TREIZE prix aux Césars, sans doute à un moment où le plagiat n’avait pas encore été dénoncé – notamment par les Guignols de Canal Plus, qui ne respectent rien, ces sagouins. Mais entre-temps, tout le monde l’a su, et le film est reparti sans le moindre prix !

Même pas le Prix Shadoks récompensant le meilleur pompage ?

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Les Oscars

Lundi 25 février 2013

Pour une fois, je ne vais pas trop râler contre les Oscars.

Que Spielberg n’ait rien eu pour Lincoln, c’est normal : il a commis un film ennuyeux, patriotique mais uniquement réservé à l’usage de ses compatriotes, et le résultat ne méritait rien. Je suis en revanche un peu sceptique sur le prix du meilleur réalisateur donné à Ang Lee pour L’odyssée de Pi. Son film est bien fait, amusant, distrayant, mais ce qui est réussi, ce n’est pas la mise en scène, puisque tout repose sur les images de synthèse dont le réalisateur ne s’est pas chargé ! La plupart des scènes ont été tournées dans une piscine où l’acteur était seul, et les animaux – très réalistes – qui l’entourent ont été fabriqués sur ordinateur, après le tournage. En revanche, l’Oscar du meilleur film pour Argo me paraît justifié, car ce bon film d’action, quoique un peu sommaire sur le plan politique, mais doté d’un suspense solide, a mérité son succès.

Reste le cas du film glaçant de Michael Haneke, Amour, déjà palmedorisé à Cannes en mai dernier, qui a remporté cinq Césars à Paris la semaine dernière. Avec un Oscar en supplément, Haneke gagne le tiercé, comme on dit dans les journaux bien écrits. Et même si je préfère de lui Le ruban blanc qui est son chef-d’œuvre, je m’en réjouis, tout en regrettant qu’on ait fait venir Jean Dujardin à Hollywood en espérant qu’il remette un Oscar à Emmanuelle Riva, grande actrice modeste qui n’a jamais été distinguée nulle part malgré ses 86 ans. Elle n’a pas eu son Oscar, qui est allé à une petite actrice débutante ayant joué la cinglée dans un film assez mauvais. Fausse note.

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El estudiante

Lundi 25 février 2013

Réalisé par Santiago Mitre

Sorti en Argentine en avril 2011

Sorti en France le 23 janvier 2013

Premier long métrage très fauché d’un scénariste, auteur d’un film qui justement est sorti cette semaine, Elefante blanco. Les défauts des débutants s’étalent ici : scénario mal écrit, réalisation défaillante, filmage en caméra portée qui gigote incessamment – non parce qu’existent des raisons de faire bouger la caméra, mais probablement parce que le cadreur n’a pas la force de la porter ni l’entraînement permettant de rester immobile dans les plans fixes !

Avec cela, cette faute de novice : nommer sans cesse dans le dialogue des personnages qu’on n’a pas vus, qu’on ne verra jamais, donc rendre le récit obscur. Et sur les trois premiers quarts, on n’a que des scènes de meetings politiques et syndicaux, des palabres d’étudiants ne connaissant rien au sujet qui les occupe, et, naturellement, quelques coucheries.

Le scénario ne se réveille que dans la dernière demi-heure, où le personnage central, un étudiant peu motivé par les études, lâche la faculté pour se mettre au service d’un homme politique préparant une élection, et qui lui a fait les promesses qu’on imagine, sans aucune intention de les tenir. Lorsque, deux mois plus tard, un épisode similaire se prépare et que le même requin fait d’autres promesses au jeune idiot, cette fois, il refuse. Ce qu’on appelle une prise de conscience. De toute évidence, c’est ce détail qui a incité certains critiques à donner au film une note favorable. Navré, mais je n’ai pas marché.

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Pièces détachées

Mardi 26 février 2013

Réalisé par Aáron Fernandez

Titre original : Partes usadas

Sorti au Mexique (Festival de Guadalajara) le 23 mars 2007

Sorti en France le 19 novembre 2008

Iván, âgé de quatorze ans (l’interprète en a visiblement davantage), vit avec son oncle Jaime, un vendeur de pièces détachées de voitures... qu’Iván se charge de chaparder. But : économiser assez pour payer leur passage clandestin vers Chicago. Iván se fait souvent aider par son jeune copain, Efraín. Or Jaime, préférant partir avec sa petite amie qui a ses propres économies, annonce à Iván qu’ils partiront sans lui parce que l’argent manque. Ulcéré, le garçon le frappe et va proposer ses services à un vrai truand, un Fagin moderne qui arme les jeunes voleurs à son service. Ce n’est plus du chapardage, c’est du braquage à main armée. Hélas, Efraín a un accident et meurt à l’hôpital. N’ayant plus d’attaches au Mexique, Iván enferme son oncle, vole tout son argent et part à sa place.

Là encore, c’est un premier film, tourné en décors naturels en moins de quatre semaines à Mexico, et – contrairement à El estudiante vu hier – réalisé par un bon cinéaste, excellent directeur d’acteurs en outre. Les deux garçons s’avèrent très attachants, malgré leurs activités litigieuses, et ce film montre que, contrairement au cinéma français qui s’enlise dans les insignifiances et les comédies racoleuses, le cinéma hispanique a de beaux jours devant lui.

*

L’interprète d’Efraín se nommait Alan Chávez, il a paru dans La zona et dans onze autres films. J’en parle au passé, car il est mort, un peu comme son personnage de Pièces détachées : le 12 septembre 2009, lui et quelques amis, au cours d’une dispute, ont échangé des coups de feu, la police est arrivée, ils se sont sauvés, d’autres coups de feu ont été tirés, et Alan, atteint, n’a pas survécu. Il aurait eu dix-neuf ans le 23 décembre suivant.

 

En bref : reprise. À voir.Haut de la page

Passion

Mercredi 27 février 2013

Réalisé par Brian De Palma

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 7 septembre 2012

Sorti en France le 13 février 2013

Cette fois, je n’aurai pas besoin de résumer l’histoire, puisque c’est un remake, celui du dernier film d’Alain Corneau, Crime d’amour... qui était bien meilleur ! Mais au moins, Brian De Palma a eu l’honnêteté d’annoncer cet emprunt dans son générique de début, celui que les spectateurs ne peuvent pas manquer. Cette honnêteté a fait défaut à nos cinéastes Anne Fontaine et Noémie Lvovsky.

À part cela, et si le thème est le même, les modifications qu’on lui apporte ici sont malencontreuses. D’abord, le réalisateur ne peut pas s’empêcher d’inclure deux lesbiennes dans son film, qui aurait tenu la route sans cela. Ensuite, le maître-chanteur de l’épilogue est devenu une femme, lesbienne donc, et que la criminelle étrangle. Et la fin est ridicule. Jugez-en : cette fille est une employée de la meurtrière, elle a tout filmé de son crime et des moyens de le camoufler avec son smartphone, en a fait un fichier en vidéo, et l’a mis sur un petit téléphone portable, à dessein de l’envoyer ainsi à la police – chose impossible avec ce type d’appareil. Et puis, alors que la meurtrière est en train de l’étrangler et qu’elle se débat, son gros orteil appuie par hasard sur le bouton d’envoi, provoquant ainsi la dénonciation prévue ! Ajoutez à cela que, pendant ce temps, le policier qui a accusé faussement (croit-il) l’auteur du crime se pointe chez elle, en pleine nuit, avec un gros bouquet de fleurs, afin de s’excuser. Comportement courant dans la police.

Le film dure six minutes de plus que son modèle, qui n’avait rien de trop.

*

Pourquoi, chaque fois qu’on cite le nom de ce réalisateur, se croit-on obligé d’ajouter qu’il est le continuateur d’Hitchcock ? C’est absurde, il n’a rien de commun avec lui. D’autant moins qu’il a osé dire qu’Alain Corneau avait bousillé son intrigue en révélant « trop tôt l’identité de l’assassin » et en ajoutant « Je me suis dit que je pouvais faire mieux ». Passons, le film de Corneau est parfait, le sien est, au mieux, un peu bancal et surchargé de détails inutiles. Par exemple, utiliser le split-screen, procédé consistant à couper l’écran en deux pour montrer deux scènes en même temps, celle rêvée par la meurtrière, et celle montrant un ballet sur une musique de Debussy : c’est saugrenu, inefficace, et terriblement long.

Les actrices sont bonnes, surtout Noomi Rapace, que je n’avais pas aimée dans le trilogie Millennium, mais qui est bien meilleure ici.

Et puis, cette publicité incessante pour Apple ! Le premier plan du film montre, cadré de très près, le dos d’un Macbook, avec le logo énorme de la pomme. La même image se retrouve plus tard dans l’histoire. Il y a un iMac sur le bureau de la patronne. Et lors d’une réunion des cadres, tous sauf un ont un Macbook. On ne pouvait pas faire plus discret ?

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Wadjda

Jeudi 28 février 2013

Réalisé par Haifaa Al Mansour

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 31 août 2012

Sorti en France le 6 février 2013

Ce film a la double particularité de venir d’Arabie Saoudite, pays qui ne compte (officiellement) aucune salle de cinéma, et d’être l’œuvre d’une femme. C’est donc le tout premier film saoudien, et il n’a pas été facile à faire. Le personnage central est une jeune fille de douze ans, plutôt rebelle et par conséquent mal vue dans son école, où l’étude du Coran semble être la matière principale. Son rêve est d’acheter un vélo, afin de pouvoir concurrencer son meilleur ami, un garçon de son âge assez taquin, mais qui espère l’épouser plus tard. Pour réunir l’argent nécessaire à cet achat dans ce pays où « les filles ne font pas de vélo », elle se force à étudier ce prétendu livre saint, et gagne un concours d’érudition. Mais, lorsque la directrice lui demande ce qu’elle compte faire de son prix en argent et qu’elle dit sa véritable intention, la sentence tombe : ce n’est pas convenable, nous ferons en ton nom une donation à nos frères palestiniens. Pas d’argent, pas de vélo !

Happy end, néanmoins : la fameuse bicyclette sera offerte à Wadjda par sa mère.

Bien entendu, le film vise à défendre la cause des femmes dans ce pays au régime abominable. Quelques détails : dans une boutique de mode, à côté de la cabine d’essayage, une affiche représente un mannequin féminin, mais on a collé sur son décolleté et sur ses jambes des bandes de papier noir pour cacher ces parties taboues. Les femmes, même chez elles, ne doivent pas chanter trop fort, car « des hommes pourraient les entendre ». Une écolière de douze ans peut être mariée, et continuer à venir en classe. À l’école, les filles doivent aller se cacher si des hommes ont vue sur la cour de récréation. Dans la rue, toute fille pubère doit porter l’abaya, pièce d’étoffe noire qui lui recouvre tout le visage, yeux compris (elles voient à travers, heureusement, mais on ne les voit pas). Si une fille a ses règles, ele ne doit pas toucher le Coran, sinon avec un kleenex protecteur. Et lorsque la mère de Wajda va postuler pour un emploi à l’hôpital, elle renonce quand elle constate que son amie infirmière ne porte aucun voile à l’intérieur, si bien que « les hommes la voient ».

Le film n’insiste pas et ne conteste rien, il montre et laisse le spectateur constater toutes ces imbécillités. Par ailleurs, il est très bien fait, mais toute l’équipe de tournage est allemande. Les acteurs ne sont pas des professionnels, seul le rôle de madame Hessa, la directrice, est tenu par une vraie actrice, certes d’origine saoudienne, mais qui vit à New York et a fait toute sa carrière aux États-Unis.

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Sublimes créatures

Mercredi 6 mars 2013

Réalisé par Richard LaGravenese

Titre priginal : Beautiful creatures

Sorti en Irland, Pologne, Suèded et au Royaume-Uni le 13 février 2013

Sorti en France le 27 février 2013

De toute évidence, on a voulu prendre ici le contrepied de la série Twilight, mais c’est une fille venue du monde des « Enchanteurs » qui s’éprend d’un lycéen ordinaire. Et cela commence plutôt bien, avec le commentaire de son aventure par le garçon, Ethan, qui entre en terminale et ne rêve que de quitter son bled, Gatlin, qui a « dix-huit églises et une seule bibliothèque », et où sont mal vus les écrivains et les livres qu’il aime et qu’on dévore à son âge : Bukovski, Abattoir 5, To kill a mockingbird (le scénariste a oublié L’attrape-cœur !), le réalisateur étant davantage scénariste que réalisateur d’ailleurs.

Hélas, on a trop fait, le film est affreusement long, pour en arriver à la conclusion très peu inattendue (l’amour triomphe de tout), et le récit accumule les conversations interminables que le spectateur a du mal à suivre parce que, justement, il n’appartient pas à ce monde fictif et que, très vite, il n’a plus du tout envie de comprendre, tant c’est alambiqué ! Fâcheux.. .

Le film est adapté d’une saga écrite par un tandem et qui donne dans le fantastique, on l’aura compris. Ce n’est pas aussi primaire que Twilight et les personnages sont un peu plus intéressants, surtout celui qu’interprète Emma Thompson dans un rôle à transformations. On remarque surtout les décors, très travaillés. Mais enfin, une fois de plus, c’est le scénario qu’il faudrait travailler avant tout, en visant la clarté. L’humour manque, aussi, et on ne sourit que deux fois et à propos des titres de films que le cinéma local ne sait pas afficher sans y commettre une erreur, « Interception » [sic], avec Leonardo DiCaprio, et « Final destination 6 » [re-sic], qui n’existe pas. Mais les images sont à ce point fugitives que je doute qu’elles soient vues par le public ! Le réalisateur doit aimer les private jokes...

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

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Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.