JPM - Films - Notules - Octobre 2007

Notules - Octobre 2007

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (entre parenthèses, autres que des films) : 7 h 58 ce samedi-làBefore the devil knows you’re deadTout est pardonnéUn secret – La question humaine – Retour en Normandie – Être et avoir – Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère... – This is EnglandL’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford – Brokeback Mountain – Lagerfeld confidentielLagerfeld confidentialJaneBecoming Jane – Orgueil et préjugés – InvasionThe Body Snatchers – Invasion of the Body Snatchers – The invasionMichael Clayton – 99 F – La vie des autres – Jerry Maguire – Rush hour 3Prison breakL’homme de la ManchaParanoid Park – Elephant – Le rêve de CassandreCassandra’s dream – Mélinda et Mélinda – Match point

Personnes citées : Sidney Lumet – Mia Hansen-Løve – Constance Rousseau – Paul Blain – Gérard Blain – Claude Miller – Serge Klarsfeld – Nicolas Philibert – René Allio – Claude Hébert – Shane Meadows – Margaret Thatcher – Claude Chabrol – Andrew Dominik – Robert Ford – Jesse James – Patrick Sébastien – Jack Lang – Nicolas Sarkozy – Jacques Dutronc – Marlon Brando – Rodolphe Marconi – Karl Lagerfeld – Lee Marvin – Julian Jarrold – Jane Austen – Oliver Hirschbiegel – Jake Finney – Richard Matheson – Nicole Kidman – Ingrid Bergman – Greta Garbo – Grace Kelly – Marlene Dietrich – Tony Gilroy – Tom Cruise – Paul Greengrass – Leonardo DiCaprio – Sean Penn – George Clooney – Michael Moore – Brett Ratner – Jean Marais – Jean-Paul Belmondo – Jackie Chan – Chris Tucker – Eddie Murphy – Jacques Brel – Gus Van Sant – Federico Fellini – David Lynch – Nicolas Sarkozy – Woody Allen

7 h 58 ce samedi-là

Lundi 1er octobre 2007

Réalisé par Sidney Lumet

Titre original : Before the devil knows you’re dead

Sorti en France (Festival de Deauville) le 6 septembre 2007

Sorti en France le 26 septembre 2007

Titre français banal pour « traduire » un titre original tarabiscoté, lui. Deux frères ont besoin d’argent, et décident de cambrioler la bijouterie... de leurs parents ; l’assurance paiera. Mais le cambriolage tourne mal, et leur mère, qui ne devait pas être présente dans la boutique, est tuée.

L’idée n’était pas mauvaise, hélas l’histoire, qui ne manque pas de force, est racontée dans le désordre, à seule fin de placer les explications au moment où cela convient au réalisateur, et greffée d’une multitude d’épisodes annexes dont l’utilité n’était pas criante. La même histoire, contée plus succinctement, à la manière d’un film noir des années cinquante, aurait davantage intéressé. Telle quelle, il est très exagéré d’y voir l’équivalent d’une tragédie antique, comme certains l’ont prétendu, d’autant plus que les personnages sont presque tous des minables. Ce n’est certes pas le cas dans une tragédie classique. Heureusement, la fin relève le niveau.

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Tout est pardonné

Mardi 2 octobre 2007

Réalisé par Mia Hansen-Løve

Sorti en France (Festival de Cannes) le 19 mai 2007

Sorti en France le 26 septembre 2007

Victor et Annette se sont aimés, ont eu un enfant, Paméla, puis se sont séparés parce que Victor, drogué, velléitaire, est incapable de gagner de l’argent : Annette l’a quitté en emmenant leur fille. Jamais ils ne se reverront.

Onze plus tard, un proche réunit le père, enfin guéri et stabilisé, et sa fille, charmante et intelligente. Tout se passe bien entre eux, mais, inexplicablement, Victor meurt, on ne nous dira pas comment.

Le film, dû à une débutante de vingt-six ans, Mia Hansen-Løve, est assez maladroit sur tous les plans (en onze ans, les protagonistes n’ont pas vieilli d’un poil, sauf évidemment l’enfant), et l’on ne sait pas très bien où veut aller la réalisatrice. Néanmoins le film n’est pas nul, car les deux interprètes de Victor et de sa fille, Constance Rousseau et Paul Blain – c’est bien le fils de Gérard Blain –, ont beaucoup de charme et de présence, et parce que le dialogue, banal mais écrit, sans être du Rohmer, est exempt de ces platitudes, du type « Bon ben faut qu’j’y aille » ou « C’est génial ! », qui polluent les trois-quarts des dialogues français. On regarde le duo, on les écoute parler, c’est un rare plaisir.

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Un secret

Mercredi 3 octobre 2007

Réalisé par Claude Miller

Sorti au Canada (Festival de Montréal) le 3 septembre 2007

Sorti en France le 3 octobre 2007

Comme pour La question humaine, on est presque gêné de faire des réserves sur ce film, parce qu’il traite de la Shoah. Mais, alors que le premier, embrouillé jusqu’au ridicule, frisait la malhonnêteté, celui-ci pêche par un excès de romanesque, jusqu’à la naïveté. L’un et l’autre, et ce n’est pas étonnant, montrent les répercussions actuelles sur la vie privée des protagonistes, cliché dont je persiste à penser, comme Claude Lanzmann, que c’est le mauvais choix. Et il n’est pas excessif de dire qu’utiliser l’extermination des Juifs pour dénouer un banal drame familial et qu’un esprit trivial qualifierait de « triangle amoureux » (pour être poli) manque de décence.

Le début est attachant, avec les hésitations d’un garçon de 7 ans, puis de 15 ans, face à un père qui refuse sa judaïté au point d’avoir fait baptiser l’enfant – garçon solitaire qui s’est inventé un frère imaginaire et parfait, avant de découvrir qu’il avait eu, effectivement, avant sa naissance, un demi-frère, mort à Auschwitz. Le problème est qu’il y a trop de tout, et que chaque scène, quoique bien réalisée, est trop longue. De sorte que tant de lourdeur finit par ennuyer. Un simple exemple : pour nous informer du sort de ce petit garçon et de sa mère, gazés par les nazis, le réalisateur Claude Miller se croit obligé d’introduire dans le récit l’avocat Serge Klarsfeld, célèbre chasseur de nazis, et de le faire jouer par un acteur ! Cela tourne au gadget, et c’est parfaitement saugrenu.

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Retour en Normandie

Lundi 8 octobre 2007

Réalisé par Nicolas Philibert

Sorti en France le 3 octobre 2007

Nicolas Philibert réalise des documentaires depuis 1978, et son précédent film, Être et avoir, en 2002, a obtenu un grand succès. Ce ne sera pas le cas de celui-ci !

Il y a trente-et-un ans, l’excellent cinéaste René Allio a réalisé, à grand peine, un docu-fiction sur un crime célèbre du dix-neuvième siècle, Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère..., et Nicolas Philibert était son assistant. Allio mort en 1995, Philibert est retourné sur les lieux du tournage, pour y retrouver les acteurs non professionnels du film, essentiellement des agriculteurs.

Le défaut de ce film-ci est qu’on n’y apprend pas grand-chose d’intéressant, et que les personnes interviewées n’ont rien à dire, hors l’évocation de quelques souvenirs de tournage guère palpitants. Alors on meuble, en filmant la naissance d’un porcelet, ou l’abattage d’un cochon adulte. Il faut aussi regretter l’introduction dans le récit d’un petit suspense bidon : d’abord, Philibert nous dit que l’acteur principal, Claude Hébert, qui avait 18 ans lors du premier tournage, a disparu ; puis, juste avant la fin, qu’on l’a retrouvé, devenu curé... en Haïti. Comme Philibert ne pouvait ignorer ce détail en commençant son montage, puisqu’il avait retrouvé Hébert, l’avait fait venir en France, ramené sur le lieu du tournage, et filmé, on doit en conclure que ce faux suspense n’est que du charlatanisme.

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This is England

Vu le lundi 27 août 2007, sorti le mercredi 10 octobre 2007

Réalisé par Shane Meadows

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 12 septembre 2007

Sorti en France le 10 octobre 2007

En 1983, dans le nord de l’Angleterre, Shaun, 12 ans, vit avec sa mère Cynthia. Son père a été tué à la guerre des Malouines. Vous avez oublié ce que fut la guerre des Malouines ? Qu’à cela ne tienne, voici un petit rappel : en temps-là, le Premier ministre Margaret Thatcher, qui n’était pas encore baronne mais inspirait déjà autant de sympathie qu’une carie dentaire, déclara la guerre à l’Argentine, car le gouvernement de ce pays avait mis la main, et même les brodequins de ses soldats, sur ces îles de l’Amérique du sud, colonies de l’Angleterre – et qui le sont toujours, Dieu sauve la reine !

Bref, Shaun, assez solitaire et un peu chahuté à l’école, trouve des protecteurs, un petit groupe de skinheads pas vraiment méchants, et dont le chef Woody, en fait, est très bienveillant. Certes, la bande saccage un peu une maison abandonnée, mais ne s’en prend pas aux personnes. Shaun a donc enfin des amis, et sa mère n’y met aucune objection, sauf quand les nouveaux copains rasent la tête de son chérubin, histoire de le faire ressembler enfin à quelque chose. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, jusqu’à ce que sorte de prison un autre skinhead, Combo, un peu plus âgé, vaguement copain avec Woody et ses potes, et qui tente bientôt de les embrigader dans ce que lui considère comme une lutte patriotique : s’en prendre aux immigrés pakistanais, venus, comme l’on sait, manger le pain des vrais Britanniques – ou plutôt leur pudding. Il faut dire que Combo a bien des excuses pour être devenu raciste : en taule, un autre taulard noir n’arrêtait pas de lui voler son dessert. Je vous jure que je n’invente rien.

Woody, qui a la tête sur les épaules et renifle dans tout cela une forte odeur de National Front, que vos connaissances linguistiques vous auront permis d’identifier à notre Front National national, mais vu de l’autre côté de la Manche (ça va, vous suivez ?), Woody, disais-je au début de cette phrase dont vous avez déjà oublié le début, ne marche pas et quitte l’arêne, tout en restant fidèle à la reine. Shaun, lui, mord à l’hameçon. Le reste de la bande est partagé.

Dès lors, le film montre comment le jeune Shaun s’englue dans cette atmosphère de violence, jusqu’à s’en prendre rudement à un honnête épicier pakistanais, qui fait office de cible sans défense. Mais Combo va trop loin et, perdant les pédales, se met à tabasser ses propres partisans, au point d’en envoyer un, noir comme par hasard bien qu’il s’appelle Milk, à l’hôpital. Shaun ouvre enfin les yeux, rejoint Woody, et jette à la mer le drapeau des nationalistes.

Le réalisateur Shane Meadows, qui fut lui-même skinhead, semble donc avoir fait ses classes chez Claude Chabrol, puisqu’il loupe la fin de son film comme il n’est pas permis : si Combo est fou, et il l’est de toute évidence, cela réduit à zéro sa culpabilité de raciste, et l’histoire perd son caractère antiraciste. Jusqu’à cet épilogue, c’était très bien. Il faudrait disposer d’une gomme à effacer les fins foireuses.

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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Jeudi 11 octotre 2007

Réalisé par Andrew Dominik

Titre original : The assassination of Jesse James by the coward Robert Ford

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 2 septembre 2007

Sorti en France le 10 octobre 2007

Pas plus que Brokeback Mountain, ce film n’est un véritable western. S’il incite à réfléchir sur les mythes, il n’a aucun caractère épique.

Pourquoi Robert Ford, 20 ans, a-t-il flingué dans le dos son idole, l’horrible bandit Jesse James, qui se vantait de dix-sept meurtres et de vingt-cinq attaques de banque ou de trains ? Pour la récompense de dix mille dollars ; pour devenir célèbre ; pour l’impunité promise puisque James avait la charmante habitude, lorsqu’il ne leur faisait plus confiance, d’abattre les membres de sa bande – Ford en faisait partie ; parce qu’il avait pris conscience que l’homme qu’il admirait tant, jusqu’à se trouver avec lui des tas de points communs, n’était qu’une brute épaisse, après un épisode d’une odieuse brutalité sur un jeune garçon de sa famille ; et pour se venger d’avoir été raillé lors de son recrutement dans la bande, puis congédié.

Le film, qui montre quelques images surprenantes et bénéficie d’un dialogue bien écrit, explique tout cela, en rajoute au point de suggérer que Jesse James a plus ou moins accepté voire provoqué sa propre mort (pure invention destinée à conférer au récit un peu de romanesque), et raconte la suite : comment Ford, naïf au point d’envoyer un télégramme aux autorités pour les informer qu’il vient d’abattre le très recherché Jesse James, devient effectivement célèbre et rejoue son meurtre au théâtre plusieurs centaines de fois, avant que le public, se ravisant, commence à le traiter de « lâche ». Il finira, tué lui-même par un fou, qu’une pétition signée par sept mille personnes contribuera quelque temps après à faire gracier. Curieux pays...

Certes, on n’explique pas pourquoi un assassin quasi-débile peut ainsi devenir l’idole des foules, ni pourquoi les États-Unis vivent toujours à l’époque de Barnum. Cependant, voyons un peu chez nous, toutes proportions gardées : si nous n’avons pas fait, de Mesrine ou de Pierrot le Fou, des vedettes dont on vend les photos et dont la tombe est un but de pèlerinage, n’a-t-on pas vu pourtant une ancienne patronne de bordel, à peine sortie de prison, être l’invitée d’honneur d’une émission de Patrick Sébastien, avec, en invité associé, Jack Lang, alors ministre de l’Éducation nationale en exercice ? Voyez aussi les célébrités qui ont entouré Sarkozy pendant la campagne électorale, et donc pas une ne justifiait sa notoriété par un quelconque mérite ! Les voyous excitent la foule davantage que les prix Nobel de médecine, c’est certain.

Le film, intéressant, n’est pas sans défauts, le principal étant sa lenteur, qu’il ne faut pas confondre avec sa longueur, et qui semble due à l’élocution ralentie que l’on a imposée aux interprètes, sans doute pour faire plus dramatique. D’une volubilité hésitant entre celle de Jacques Dutronc et celle de Marlon Brando, ils commencent une phrase à Pâques pour la terminer à la Pentecôte, et j’ai vu des spectateurs, lassés, quitter la salle. C’est le style du film, mais c’est aussi un artifice, et il ne l’avantage pas.

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Lagerfeld confidentiel

Vendredi 12 octobre 2007

Réalisé par Rodolphe Marconi

Titre original : Lagerfeld confidential

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 10 février 2007

Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2007

Sorti en France le 10 octobre 2007

Si vous voulez voir Karl Lagerfeld sans ses lunettes noires, courez-y, car vous n’aurez pas d’autre occasion. Ô surprise ! il ressemble à Lee Marvin. Sans ces accessoires, il pourrait sortir dans la rue sans jamais être reconnu.

Cela mis à part, le personnage, qui à aucun moment ne tente de caresser le spectateur dans le sens du poil, est beaucoup plus intéressant que l’image qu’il en donne dans ses apparitions à la télévision. Que ce soit sur le travail, la notoriété, l’homosexualité, la pédophilie, ses parents, sa solitude, la création, la possession des biens matériels, la photographie, la lecture, et bien d’autres sujets, il ne profère jamais de sottise, et apparaît comme un véritable homme libre, espèce rarissime. Avantage supplémentaire, le film est court, 1 heure et 29 minutes. C’est devenu tout aussi rare.

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Jane

Mercredi 17 octobre 2007

Réalisé par Julian Jarrold

Titre original : Becoming Jane

Sorti en Australie (Wonthaggi International Film Festival) le 2 mars 2007

Sorti en France le 17 octobre 2007

L’écrivain britannique Jane Austen est l’auteur de six romans, qui ont inspiré le cinéma, dont l’excellent Orgueil et préjugés, sorti deux ans auparavant. Ici, c’est sa propre vie qui donne naissance à un film, et le style est le même. Ce qui cloche, c’est que l’existence de l’écrivain fut beaucoup moins palpitante que celle de ses personnages. Et sa seule histoire d’amour, qui ne déboucha sur rien, est en tout prévisible.

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Invasion

Jeudi 18 octobre 2007

Réalisé par Oliver Hirschbiegel

Titre original : The invasion

Sorti aux États-Unis le 17 août 2007

Sorti en France le 17 octobre 2007

Troisième adaptation du roman de Jake Finney The Body Snatchers, mais cette fois, on a raccourci le titre, et Invasion of the Body Snatchers est devenu The invasion, merci pour l’auteur. Ce n’est d’ailleurs qu’une petite histoire, bien loin des œuvres fantastiques de Richard Matheson, par exemple.

Mais posons-nous d’abord une question : naguère, des vedettes de la taille (commerciale) de Nicole Kidman – qui joue ici –, disons Ingrid Bergman, Greta Garbo, Grace Kelly ou Marlene Dietrich, auraient-elles consenti à paraître dans un film où elles n’auraient rien eu d’autre à faire que de lutter contre des envahisseurs venus de l’espace, et qui contaminent toute la population, façon La nuit des morts-vivants ?

Le début respecte la loi du genre, et l’on révèle la vérité peu à peu, à travers de petits détails presque anodins. On se prend à rêver de ce chef-d’œuvre qu’était Le village des damnés, auquel un plan très fugace de quatre enfants assis autour d’une table fait d’ailleurs référence – peut-être inconsciente. Mais très vite, on tombe dans la banalité : tout l’entourage de l’héroïne passe à l’ennemi, à l’exception de son fils, qui semble immunisé (on a encore vu cela le mois dernier, dans 28 semaines plus tard), alors qu’elle-même tiendra le coup tant qu’elle ne s’endormira pas ! Mais, lorsque arrive le traditionnel morceau de bravoure, encore une poursuite de voiture, encombrant épisode qu’on traîne depuis Bullitt (1968), le spectateur, déçu, abandonne tout espoir de renouvellement. À son tour de s’endormir.

La pseudo-philosophie par laquelle on veut donner un peu de lustre à cette production banale ne vous flanquera aucun mal de tête : le monde restera digne du genre humain tant que les journaux publieront des nouvelles de violence et de guerre. C’est donc la faute des journalistes ! Amen.

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Michael Clayton

Vendredi 19 octobre 2007

Réalisé par Tony Gilroy

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 31 août 2007

Sorti en France (Festival de Deauville) le 2 septembre 2007

Sorti en France le 17 octobre 2007

Chouette, un Titre À La Con ! De ceux qui utilisent le nom du personnage principal, admirez l’imagination. Depuis que le cinéma est né, on a bien dû avoir dix mille films ainsi titrés...

Ce n’est pas la première fois qu’on nous fait le coup du personnage qui exerce un sale boulot, puis qui se repent tardivement et rejoint le Camp du Bien. Rien que le mois dernier, c’était 99 F. En mai, il y avait eu La vie des autres, l’histoire d’un capitaine de la politique secrète est-allemande converti sur le tard aux vertus de l’humanité. Et, en 1996, Jerry Maguire, avec Tom Cruise dans le rôle d’un agent de publicité spécialisé dans le sport et qui subitement avait honte de son métier. Ces films appartiennent au genre pseudo-humaniste, et, tous construits sur le même modèle, nous invitent à la rédemption par héros interposé, sous peine de nous sentir dans la peau d’un pourri. Gros sabots. Chaque fois, le héros de ces contes de fées, sciant la branche sur laquelle il est assis, se révolte contre l’emploi qui lui permet de gagner sa vie – prise de conscience et décision radicale dont la vraisemblance vous tire les larmes des yeux.

Mais il faut croire que les scénaristes ont de bonnes lectures et se sont lointainement inspirés de cette nouvelle de Marcel Aymé, L’huissier, dans laquelle un sale type exerçant cette profession finissait par gagner son paradis, parce qu’une fois, une seule, la dernière, reniant toute une vie de cruauté froide, il avait crié « À bas la Justice ! ».

Le présent film, réalisé par le scénariste de la trilogie sur Jason Bourne, n’utilise pas la méthode Greengrass dans sa façon de filmer, et tant mieux pour vos yeux. En revanche, il est ennuyeux, et les images, toutes grisâtres, sont laides et sans aucun détail qui retienne l’attention. Il résulte, de sa vision, une léthargie que vous apprécierez peut-être si vous avez récemment souffert d’insomnie. L’histoire est celle d’un avocat, membre d’un cabinet spécialisé dans la défense d’industriels pollueurs ; lorsqu’il prend conscience que son travail est immoral, il veut changer de camp, et l’on tente de l’assassiner. Devant tant de nouveauté, je me permets une suggestion que je fais (gratuitement) aux studios d’Hollywood, pour leur prochain succès mondial avec Leonardo DiCaprio, Sean Penn ou George Clooney : prendre pour héros un médecin qui en a marre de travailler pour les compagnies d’assurance spécialisées dans les dépenses de santé ; les responsables du ministère de la Santé voudront le faire descendre par la mafia russe. Merci à Michael Moore pour m’avoir inspiré cette idée. Oscar en vue, c’est sûr.

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

Rush hour 3

Lundi 22 octobre 2007

Réalisé par Brett Ratner

Sorti aux États-Unis le 30 juillet 2007

Sorti en France le 17 octobre 2007

Mieux vaut voir ce film d’action plutôt que le petit dernier sur le personnage de Jason Bourne, qui a le grand tort de se prendre au sérieux. Le film est réalisé, comme les deux épisodes précédents, par Brett Ratner, qui est co-producteur exécutif de la (très mauvaise) série télévisée à succès Prison break. Ici, le caractère déconnant est parfaitement assumé. Par exemple, dans cette scène du début : à Los Angeles, les deux compères policiers interrogent un truand chinois qui ne profère que des grossièretés et ne parle que le français, or l’on n’a trouvé en guise d’interprète qu’une... religieuse. La malheureuse se voit ainsi forcée de trouver des équivalences convenables à des douceurs telles que « Ta sœur gagne le double quand elle ôte son râtelier » !

Avant la séquence de fin, peu de cascades, mais réussies et drôles. À ce sujet, notons que, naguère et chez nous, Jean Marais puis Jean-Paul Belmondo étaient connus pour faire leurs cascades eux-mêmes, caractéristique peu répandue chez les acteurs, mais que chez eux, cela se bornait à des exploits beaucoup plus simples que ceux de Jackie Chan, qui a pourtant dépassé les cinquante ans ; chez lui, qui conçoit puis exécute ses acrobaties, c’est inventif, drôle et spectaculaire. En revanche, son partenaire Chris Tucker n’est qu’un clone pas très marrant d’Eddie Murphy, lui-même pas marrant du tout.

La séquence finale est « éblouissante de virtuosité », comme écrivent les critiques de profession, qui ont le souci de l’originalité dans l’expression. On n’a jamais mieux montré ni mieux utilisé la Tour Eiffel. En revanche, quelle idée saugrenue que d’installer une revue nue au Théâtre des Champs-Élysées, honorable établissement qui n’est jamais tombé si bas (on y a joué L’homme de la Mancha, le dernier spectacle de Jacques Brel, c’est dire). Et pourquoi diable les personnages prennent-ils un taxi pour aller de ce théâtre à l’hôtel Plaza-Athénée, alors que ces deux lieux célèbres de l’avenue Montaigne, situés respectivement au 15 et au 25, sont distants de cinquante mètres ? C’est fou ce que les auteurs d’Hollywood connaissent bien Paris.

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Paranoid Park

Mercredi 24 octobre 2007

Réalisé par Gus Van Sant

Sorti en France (Festival de Cannes) le 21 mai 2007

Sorti en Nouvelle-Zélande (Festival d’Auckland) le 26 juillet 2007

Sorti en France le 24 octobre 2007

Production française pour ce film venu de Portland, comme la plupart des films de Gus Van Sant. Un lycéen de seize ans, Alex, qui ne quitte jamais l’écran, et qui est interprété par un de ces jeunots inexpressifs que ce cinéaste très surfait semble recruter de préférence pour ses films, a provoqué la mort d’un garde des chemins de fer, que l’on a retrouvé sur une voie ferrée, coupé en deux par un train. Certes, il s’agit d’un accident...

Le but du film semble être de montrer que rien ne change chez le garçon, entre les deux étapes du récit (avant la révélation en flashback, puis après) et de son histoire (avant l’accident, puis après). Bref, il est aussi hébété à toutes les étapes du film... Pour le reste, je vous renvoie à Elephant, palmedorisé à Cannes en 2003 : mêmes errements dans les couloirs d’un lycée, même scènes de classe dépourvus d’intérêt, même effacement des familles évidemment décomposées, mêmes existences sans but, c’est bien peu, archi-vu et revu, et le film déçoit. Et puis, jusqu’à quand meublera-t-on le vide des films en insérant des chansons sur des images ne montrant qu’un individu marchant au ralenti dans un couloir ?

Ne retiennent l’attention que les exploits acrobatiques des amateurs de skateboard, qui n’ont rien à voir avec l’histoire, et qu’on a filmés en équipant les jeunes de caméscopes ultra-légers. Un court métrage documentaire sur ce sport aurait suffi largement.

Détail curieux : la musique provient des œuvres de Fellini, et ne convient pas du tout à l’atmosphère du film.

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Enfermons David Lynch !

Vendredi 26 octobre 2007

Il y a longtemps que je ne dérange plus pour voir les films de David Lynch, qui a sombré dans la dinguerie depuis plusieurs décennies. La dernière de ce génie a eu lieu le 1er octobre, et ça s’est passé... à l’Élysée – le lieu de toutes les folies.

Ce jour-là, le président que le monde entier nous envie recevait le réalisateur pour lui remettre la Légion d’honneur – sans trop savoir qui il était, probablement, vu le niveau de sa culture. Lynch en a profité pour lui faire une suggestion dont le réalisme ne peut échapper qu’aux malveillants, et qui lui tient à cœur, à ce qu’on raconte : construire à Paris une « tour de l’invincibilité » (il a dû trouver l’idée dans les aventures d’Harry Potter). Sarkozy a ainsi reçu un dossier où ce magnifique projet est décrit en détail.

Le principe est simple : pour vivre harmonieusement, les hommes ont besoin que circulent autour d’eux des champs magnétiques bénéfiques, créés par des « énergies positives » (ne me demandez pas ce que c’est). Lynch a calculé que si mille adeptes de ce principe, qui semble issu du cerveau de Groucho Marx, s’installaient au centre de la France, les problèmes de chômage et de criminalité se résoudraient d’eux-mêmes. Pourquoi mille ? Parce que ce nombre est « la racine carrée de 1 % de la population française ». Tout à fait, David !

(La France compte donc cent millions d’habitants ? Sachant que la population de la France métropolitaine était de 62 millions au début de cette année, le calcul devrait donner 787 plutôt que 1000, mais peu importe, les génies sont toujours un peu dans la Lune, on le sait)

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Le rêve de Cassandre

Mercredi 31 octobre 2007

Réalisé par Woody Allen

Titre original : Cassandra’s dream

Sorti en Espagne (à Aviles) le 18 juin 2007

Sorti en France le 31 octobre 2007

Traduire le titre Cassandra’s dream, c’est une bévue : on ne traduit pas les noms de bateaux ! Vous avez déjà entendu parler du « Titanesque » ou du « Reine Élisabeth II » ? Passons...

Le meilleur moyen de ne pas dire du mal d’un film de Woody Allen consiste à parler de ses autres films, puis à conclure que celui qui vient de sortir procède du même esprit – peut-être un peu moins bien. Broder sur la noirceur de l’univers mental du cinéaste est aussi un grand classique de la critique. On peut ajouter que lui-même a tenté d’illustrer la dualité de cet univers dans son Mélinda et Mélinda, qui racontait en comédie puis en tragédie une histoire identique. Hélas, le film était inabouti.

À Londres, deux frères, Terry, qui travaille dans un garage, et Ian, qui dirige le restaurant miteux de leurs parents, rêvent d’une autre vie, mais c’est peu dire qu’ils n’en ont pas les moyens financiers. Terry, en particulier, est dans une dèche noire : joueur, il s’est endetté pour 90 000 livres. L’oncle Howard, milliardaire et généreux, pourrait certes les tirer d’affaires, mais lui-même voit s’annoncer des ennuis majeurs, car il a commis des malversations dans ses nombreuses affaires, et un gêneur s’apprête, par son témoignage, à l’expédier en prison. Donnant donnant, le tonton qui n’ose pas flinguer de sa main exige que ses neveux éliminent le gêneur. Après bien des réticences, ils s’exécutent, si je puis dire, mais Terry a des remords et menace de se dénoncer. Affolé, Ian envisage de tuer son frère pour l’empêcher de mouiller tout le monde. Les deux frères se battent, et c’est lui qui est tué accidentellement. Puis Terry se suicide, ce qui règle tous les problèmes en suspens.

Comme dans Match point, un chef-d’œuvre en comparaison, c’est un engrenage qui entraîne les personnages principaux et les force à commettre un crime que la Cassandre de Troie (le nom du bateau n’a pas été choisi au hasard) aurait jugé inévitable – les cons disent « incontournable ». Le raffinement de scénario n’est que dans le dédoublement du coupable, l’un des deux doubles étant pourvu d’un embryon de sens moral, et l’autre non, d’où une sorte de conflit intérieur censé pimenter cette histoire sans grande originalité. C’est tout, et il faut convenir que le récit n’avance pas.

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Sites associés :    Yves-André Samère a son bloc-notes 122 films racontés

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