Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Life during wartime – Happyness – La Marseillaise – Le siffleur – Brothers – Lola (2010) – Kinatay – Dans ses yeux – El secreto de sus ojos – La pregunta de sus ojos – Dr House – Snake eyes –– Iron man 2 – Orange mécanique – L’élite de Brooklyn – Brooklyn’s finest – Hamlet – Crazy night – Date night – La mort aux trousses – Les femmes de mes amis – Jal aljido mothamyeonseo – Le fil – Queer as folk – Rose et noir – Boudu – Estômago – Copie conforme – Ten – Infectés – Paranormal activity – Mark Dixon, détective – Where the sidewalk ends
Personnes citées : Todd Solondz – Charlotte Rampling – Jean Renoir – Simon Istolainen – Serge Hayat – Brillante Mendoza – Jacques Demy – Brian De Palma – Jon Favreau – Stanley Kubrick – Malcolm McDowell – Pauline Carton – Yul Brynner – Antoine Fuqua – Ethan Hawke – Richard Gere – Shawn Levy – Cary Grant – Hong Sangsoo – Mehdi Ben Attia – Claudia Cardinale – Gérard Jugnot – Marcos Jorge – Abbas Kiarostami – Jean-Claude Carrière – Juliette Binoche – Marin Karmitz – Charles Gilibert – Angelo Barbagallo – Nathanaël Karmitz – Massoume Maedgi – Mattile Inserti – Gilles Jacob – Thierry Frémaux – Jafar Panahi – Ben Hecht – Otto Preminger
Réalisé par Todd Solondz
Sorti aux États-Unis (Festival de Telluride) en septembre 2009
Sorti en France le 28 avril 2010
C’est une sorte de suite de Happyness, film de 1998, du même réalisateur. Mais les acteurs ont changé. Nous sommes à Miami. Bill a fait de la prison pour pédophilie, et sa femme Trish, accro aux somnifères et autres tranquillisants, songe à se remarier avec Harvey. Elle a trois enfants, une petite fille aussi malade mentale qu’elle, et deux garçons, l’un qui est à l’université pour étudier l’anthropologie, et l’autre, Timmy, le plus intelligent, qui va sur ses treize ans (c’est le garçon sur l’affiche) et voudrait bien savoir ce que les pédophiles font aux enfants – ce que sa mère est incapable de lui expliquer. Trish a aussi une sœur, Joy, complètement zinzin, qui croit parler aux deux hommes dont elle a sans doute provoqué la mort, et qui pleure sans arrêt. Or Bill vient de sortir de prison...
C’est superbement réalisé, de manière très classique, mais il y a un peu trop de tout, et certains épisodes gagneraient à être raccourci, voire supprimés (la séquence avec Charlotte Rampling).
La conclusion est énoncée par Timmy : « Je me fiche de la liberté et de la démocratie, ce que je veux, c’est un père ». Hélas pour lui, c’est mal parti.
En 1937, Jean Renoir, qui voulait tourner La Marseillaise, avait lancé un appel de fonds à ses futurs spectateurs, avec l’appui, me semble-t-il, du Parti Communiste, et le film avait pu se faire. Tous les techniciens appartenaient à la CGT !
Le Parti Communiste et la CGT sont aujourd’hui quasi-moribonds, mais l’idée a été reprise par... l’UGC, société de distribution de films qui possède en France 371 salles de cinéma. Elle s’est en effet associée avec une start-up sur Internet, PeopleForCinema, créée l’année dernière par Simon Istolainen et Serge Hayat. Ensemble, ils ont proposé aux abonnés d’UGC – 250 000 détenteurs des cartes de fidélité du réseau – d’investir dans la production de films : les abonnés intéressés pourront miser sur certains films mis en chantier ; si le film a un succès moyen, ils récupéreront leur mise, s’il fait un triomphe, ils toucheront une partie des bénéfices. L’UGC se paiera en fonction du nombre d’internautes qui se seront connectés sur son propre réseau (il en compte, en moyenne, un million par mois).
En fait, c’est surtout PeopleForCinema qui va y gagner, si la combine marche : jusqu’ici, il a investi dans deux bides, Le siffleur (330 000 entrées) et Brothers (440 000 entrées).
Réalisé par Brillante Mendoza
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 11 septembre 2009
Sorti aux Philippines le 23 septembre 2009
Sorti en France le 5 mai 2010
Rien à voir avec le film de Jacques Demy. Le dialogue fait constamment entendre ce mot de lola, appliqué aux deux vieilles dames de l’histoire, et le générique de fin le leur attribue en guise de prénom, alors qu’on sait qu’elles se prénomment autrement : c’est le terme en tagalog pour grand-mère, par quoi on désigne toutes les femmes âgées aux Philippines.
Manille, de nos jours. Une querelle de rue, et un garçon en poignarde un autre. Sa grand-mère porte plainte, mais le meurtrier a lui-même une grand-mère, qui est désolée et qui tâche de dédommager la famille de la victime, laquelle tire le diable par la queue et aura du mal à régler le prix des funérailles. Or elle-même est pauvre et vit de la vente de légumes dans la rue – activité apparemment illégale, puisque la police harcèle les vendeurs. Elle va jusqu’à gruger ses clients pour épargner quelques pesos...
Les deux grands-mères finissent par se rencontrer et taire leur querelle. Si bien que la plaignante se désiste et que le meurtrier est relâché. Bizarre, la justice, aux Philippines, où l’auteur d’un crime peut être relâché si la famille de la victime retire sa plainte. Polanski devrait aller vivre dans ce charmant pays.
La vraie vedette de ce film, où la pluie et surtout les bruits de la rue, comme d’habitude chez Mendoza, sont omniprésents, est en fait Manille, une ville affreuse, pauvre et sale jusqu’au sordide, mais dont le petit peuple, très religieux, est chaleureux et généreux. Mendoza est ainsi fidèle à son style, et n’a jusqu’ici raté qu’un seul film, le précédent, Kinatay, pour avoir voulu justement sortir du genre qu’il sait pratiquer et donné dans le policier mâtiné de gore. Le film ne sera pas au festival de Cannes, sous prétexte que Mendoza y était déjà l’année dernière. Cela en dit long sur la sélection des films.
Réalisé par Juan José Campanella
Titre original : El secreto de sus ojos
Sorti en Argentine le 13 août 2009
Sorti en France le 5 mai 2010
Film argentin, tiré d’un roman d’Eduardo Sacheri, La pregunta de sus ojos, et dû à un réalisateur qui a fait surtout de la télévision (il a réalisé cinq épisodes de Dr House), et qui l’a aussi produit et monté.
L’histoire commence en 1999, mais presque tout le récit est un flashback ramenant le spectateur en 1974, lors d’une enquête mal ficelée sur le meurtre d’une jeune institutrice, à Buenos Aires. Le personnage central est un auxiliaire de justice, une sorte de greffier ou d’assistant du procureur (il passe son temps à rappeler qu’il n’est pas un juge), qui, ayant beaucoup contribué à faire arrêter le meurtrier, ne parvient pas à oublier cette affaire – surtout parce que l’assassin, qui a montré en prison des dispositions pour le rôle de mouchard, a été rapidement libéré par le régime péroniste. Or cet assassin a très vite disparu de la circulation. Le héros du film tente, de nos jours, d’écrire un roman basé sur cette affaire, et va le soumettre au veuf de l’institutrice, qui s’est retiré à la campagne ; lequel veuf le prie de se mêler de ses affaires !
On découvre en fait que cet homme a enlevé l’assassin et le garde depuis dans une cellule aménagée chez lui, pour le faire expier en ne lui laissant qu’une vie complètement vide (il ne lui adresse même pas la parole). C’est peut-être la seule faiblesse de ce film, car on devine tout un bon quart d’heure à l’avance. Mais dialogue et interprétation sont parfaits. Et la réalisation, très sobre, ménage néanmoins une séquence étonnante, la découverte et la poursuite de l’assassin, dans un stade, en plein match de football nocturne, dans un long plan séquence qui, parti du ciel au-dessus du stade, s’en rapproche progressivement, décèle l’assassin dans la foule, filme sa poursuite par les deux enquêteurs, dure 5 minutes et 21 secondes, et s’achève quand l’homme poursuivi s’écroule au milieu de la pelouse, sous les yeux de dizaines de milliers de spectateurs. C’est la seule séquence en caméra portée, qui laisse loin derrière elle tout ce qu’on a pu voir dans le genre, sauf peut-être le début de Snake eyes, de Brian De Palma, en 1998 (le match de boxe).
Réalisé par Jon Favreau
Sorti aux États-Unis le 26 avril 2009
Sorti en France le 28 avril 2010
Pour garder les yeux ouverts, il m’aurait fallu les célèbres écarteurs de paupières que Kubrick a utilisé sur Malcolm McDowell dans Orange mécanique ! Non seulement le film ressemble plutôt à un jeu vidéo, mais le personnage central, Stark, comme son nom l’indique, n’a aucun intérêt : ni utilité ni profondeur, c’est un marchand d’armes qui fait l’andouille en public, et rien de plus. On est loin de Batman.
Passons, ça ne vaut pas plus. Profitons plutôt de l’occasion pour dire qu’on commence à en avoir par-dessus la tête de ces films où la scène finale est insérée APRÈS le générique de fin ! Si, comme la plupart des spectateurs, vous êtes parti avant, vous l’avez ratée. Or 99 % des spectateurs n’ont aucune envie de se taper la lecture d’une liste de noms défilant, caractères blancs sur fond noir, pendant huit minutes, où l’on vous donne des précisions aussi indispensables à la compréhension du film que l’identité des répétiteurs des vedettes, celle de TOUS les chauffeurs des camions ayant transporté le matériel, ou les références de la cantine. Regardez un film un peu ancien : vous n’y verrez à la fin qu’une seule page, parfois deux, où figurent les noms des principaux acteurs, et c’est tout. On se foutait bien de savoir qui était le maquilleur de Pauline Carton ou le coiffeur de Yul Brynner.
Réalisé par Antoine Fuqua
Titre original : Brooklyn’s finest
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 16 janvier 2009
Sorti en France le 5 mai 2010
Le titre doit être pris au sens ironique, on suppose, car on ne voit, en guise de personnages, que des malfrats, des trafiquants de drogue et des policiers généralement sans scrupules. La mise en scène n’est pas franchement mauvaise, et les acteurs sont assez bons, surtout Ethan Hawke, interprète d’un policier à la gâchette facile, mais le scénario nous ressert pour la millième fois les états d’âme de ceux qui ont des ennuis personnels et du chef qui veut obtenir l’impossible de la part de ses subordonnés, chef qui, comme par hasard et une fois de plus, est une femme !
À la fin, tout le monde tue tout le monde, comme dans Hamlet, mais en plus bruyant. Reste en vie le seul policier honnête et à quelques jours de la retraite, mais on n’allait quand même pas tuer Richard Gere. Néanmoins, quand, après la tuerie ultime, vous le voyez, dans le plan de fin, s’avancer seul, à pas lents et les yeux baissés, vers la caméra, vous pariez qu’il va les ouvrir à la dernière image et regarder droit dans l’objectif. Gagné ! Message de l’auteur du film : que tout cela vous donne à réfléchir. Amen.
Réalisé par Shawn Levy
Titre original : Date night
Sorti aux États-Unis le 6 avril 2009
Sorti en France le 12 mai 2010
Encore un Titre À La Con, faux titre anglais à l’usage des spectateurs qui ne savent pas que date désigne un rendez-vous amoureux. L’histoire commence comme La mort aux trousses, à cela près que Cary Grant est remplacé par un couple de bobos, pris par deux flics pourris pour des maîtres-chanteurs détenant des photos susceptibles de compromettre un procureur non moins pourri.
Le film est bourré de gags, dont le plus étrange est celui des deux voitures collées. Le dialogue n’est pas en reste et recèle quelques perles, dont un « Ça serait mieux avec un mort » dans une scène de confrontation violente. Mais enfin, l’argument est aussi mince que peu crédible.
Réalisé par Hong Sangsoo
Titre original : Jal aljido mothamyeonseo
Sorti en Corée du Sud le 14 mai 2009
Sorti en France le 5 mai 2010
Le portrait extrêmement agaçant d’un cinéaste sud-coréen qui approche de la quarantaine, se cantonne au genre « art et essai », ne s’intéresse pas à ce que font les autres, lance des invitations qu’il n’a pas l’intention de tenir, fume et boit beaucoup, et tente de renouer avec une ancienne maîtresse qui, après une nuit, lui signifie que décidément, il n’a plus rien pour l’intéresser – en quoi on la comprend.
Les vingt premières minutes irritent et ennuient d’emblée, parce que tout le monde échange des compliments et des courbettes et que cela tire en longueur. L’essentiel du film, ensuite, se perd en conversations et en disputes, au point qu’on se croit revenu au temps de la Nouvelle Vague française !
Et puis, les acteurs jouent mal, à contretemps, sur un mode inapproprié aux situations : que dire de ce serviteur qui pleure au téléphone parce que son patron vient de se faire cocufier par sa femme trop jeune pour lui ? L’auteur, lui, termine ses scènes en faisant un panoramique vers la mer, ou vers la cime d’un arbre... On ne lui a pas appris que les mouvements de caméra devaient servir à montrer quelque chose de significatif, et n’ont pas été inventés pour faire joli ? Et, soit dit en passant, le titre français n’a aucun rapport avec l’histoire, mais cela, ce n’est pas nouveau.
Bien entendu, parce que le film vient de la Corée, la critique bien parisienne a poussé des cris d’admiration. Alors, personne pour dire que le roi est nu ? En Asie, on peut aussi fabriquer des navets, savez-vous ?
Réalisé par Mehdi Ben Attia
Sorti en France (Festival d’Angoulême) le 29 août 2009
Sorti en France le 12 mai 2010
Malik, jeune Tunisien qui a eu son diplôme d’architecte en France, rentre au pays, chez sa mère, Sara, riche veuve très libérale (c’est Claudia Cardinale, seule vedette du film), et dont ne saura qu’à la fin qu’elle était catholique française avant son mariage avec Abdelaziz, mort depuis d’un cancer. Homosexuel, ce que sa mère ignore encore, Malik tombe amoureux de Bilal, qui tient le rôle de factotum dans la propriété de Sara, et qui, lui aussi, est homosexuel et a grandi en France. Lorsque Sara découvre la vérité, elle a un peu de mal – mais elle s’y fera très vite – à donner sa bénédiction, d’autant moins que son fils feint d’être le père du futur enfant qu’une de ses copines, lesbienne, élèvera avec sa propre compagne : il s’est contenté de fournir la matière première. Visiblement, l’auteur-réalisateur a vu Queer as folk !
Au passage sont égratignés la religion, le gouvernement répressif et cette plaie des pays arabo-musulmans, les préjugés contre l’homosexualité. Inutile de préciser que le film n’est pas sorti en Tunisie !
Et le fil du titre ? Il s’agit d’un trouble obsessionnel compulsif dont souffre le personnage de Malik : il imagine un fil qui le relie à on ne sait quoi, et qui, s’il vient à faire un tour sur lui-même, voire plusieurs, l’oblige à faire autant de tours en sens inverse pour ne pas être emberlificoté dans ce lien. Cette lubie, qui semble bizarre mais n’est pas inventée, sert uniquement à enrichir la description de son caractère, et, contrairement à ce qu’on pourrait croire, n’est le symbole de rien.
Le film est sympathique, il comporte une très belle scène érotique où Malik caresse le dos nu de son ami, et se termine par un mariage très hypocrite où les deux mariés et les deux témoins sont tous homosexuels. Les paysages sont paradisiaques, il y a la mer et le soleil, beaucoup de beaux garçons, et le tout ne dure qu’une heure et trente-trois minutes. Que demander de plus ?
Réalisé par Gérard Jugnot
Sorti en Suisse (Festival de Zurich) le 26 septembre 2009
Sorti en France et en Belgique le 14 octobre 2009
Vu tardivement, et en vidéo puisque le film n’a pas dépassé les deux semaines d’exploitation en salles. Son insuccès s’explique peut-être par le désir de tout embrasser (les opprimés de l’histoire sont juif, musulman et homosexuels) et par un dialogue et une mise en scène lourdingues, pour ne rien dire du jeu de quelques acteurs assez mauvais. Ce n’est pas la première fois que Gérard Jugnot se fourvoie ainsi, il avait déjà commis un Boudu désastreux. Peut-être devrait-il remettre en question sa capacité à être un véritable auteur de cinéma, et songer que la générosité d’inspiration ne compense pas l’insuffisance de talent.
Réalisé par Marcos Jorge
Sorti au Brésil (Festival de Rio de Janeiro) le 26 septembre 2007
Sorti en France le 19 mai 2009
Film italo-brésilien au scénario confus, qui se déroule sur deux époques, mélangées via le procédé du flashback. Raimundo Nonato, ignorant et naïf mais qui sait cuisiner, débute dans un snack-bar de bas étage, puis est engagé dans un bon restaurant italien. On ne sait comment il aboutit en prison, où il gagne confort et popularité en cuisinant pour ses compagnons de cellule.
Il est aussi tombé amoureux d’une prostituée qui veut bien tout faire avec lui, mais pas l’embrasser, car elle estime que ce n’est « pas éthique ». Mais le jour où il la surprend qui embrasse son patron, il les tue tous les deux et découpe un bifteck dans la fesse de la fille.
C’est assez prenant, mais on a du mal à suivre : où se place ce dernier épisode, alors qu’au même moment se déroule un festin avec tous ses compagnons de cellules... apparemment libres ? En tout cas, le film est beaucoup trop long pour le peu qu’il raconte.
On appréciera sans doute les scènes de préparation culinaire. Conseillé : le plat à base de fourmis, qui m’a empli de scepticisme (j’ai déjà mangé des fourmis, le goût, pharmaceutique, est affreux).
Réalisé par Abbas Kiarostami
Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2010
Sorti en France le 19 mai 2009
Un écrivain britannique donne en Italie une conférence sur son dernier livre, qui a le même titre que ce film, et qui traite des rapports entre les œuvres d’art et leurs copies. Une Française, qui tient une boutique d’art, assiste à sa conférence, l’invite dans son magasin, lui fait dédicacer quelques exemplaires de son livre, puis l’emmène, sur sa demande, dans une balade en Toscane. On ne saura que plus tard la vérité : ils sont mariés, tout cela était une aimable comédie, mais leur mariage est à la dérive parce que l’homme est froid et trop absent.
Mais est-ce bien la vérité ? Le scénario, dû au réalisateur, est ambigu : dans la première moitié, les deux personnages se comportent comme s’ils ne s’étaient jamais rencontrés jusqu’alors ; dans la seconde partie, comme s’ils étaient mariés. Or les deux thèses sont confortées, chacune par un détail. Qu’ils soient deux étrangers, c’est corroboré par le fait que le jeune garçon dit à sa mère « J’ai l’impression que tu te prépares à tomber amoureuse », ce qu’il ne dirait pas si l’homme était son père. Qu’ils soient mariés est confirmé par la conversation de la femme avec l’aubergiste, quand elle lui dit que son mari, absent de la scène et qui ne peut entendre leur conversation, ne se rase qu’un jour sur deux, or l’homme, peu avant la fin du film, remarque « Tu sais bien que je me rase un jour sur deux » : comment l’aurait-elle su si elle ne le connaissait que depuis la veille ? Ces ambigüités déroutent les spectateurs, dont certains quittent le film en cours de projection.
Tout le film consiste en conversations montrées en plans-séquences, avec un point culminant lors d’une rencontre, dans un village où se célèbrent des mariages « romantiques », entre ce couple et un couple de touristes habitués du lieu et chaleureux (l’homme, c’est Jean-Claude Carrière).
La séquence de fin, dont on pourrait estimer qu’elle est de trop, amorce une réconciliation peu probable. Seul Kiarostami est capable d’en révéler autant sur les êtres dans ce type de scène, et l’on se souvient de son fameux Ten, qui décrivait l’Iran actuel en dix séquences, toutes filmées à l’intérieur d’un taxi ! Copie conforme est certes un peu moins bon, mais n’écoutez pas ceux qui se plaignent que ce film est ennuyeux. Il est en tout cas magistralement réalisé, dans son apparente simplicité.
Le jury du festival de Cannes s’est abstenu de récompenser, par la Palme d’Or, Copie conforme, d’Abbas Kiarostami. En guise de consolation, il a donné le prix d’interprétation féminine à son actrice principale, Juliette Binoche. Mais celle-ci n’a pas compris ! Elle a VRAIMENT cru que c’était elle qui était récompensée...
Le résultat a été à la hauteur de nos plus folles espérances : la pauvrette s’est lancée dans un discours fleuve où elle remerciait tout le monde. Sa famille, naturellement, qui pourtant n’est pour rien dans le film. Puis les hommes qui l’ont aimée (sic). Enfin, elle a souhaité trouver bientôt un nouveau chevalier servant qui la fera se sentir un peu moins seule.
Ce pensum a duré de longues minutes, et on n’avait pas de peine à imaginer les fous-rires et les bâillements, dans la salle.
Madame Binoche n’a pas encore compris que son métier consiste à jouer des rôles, pas à endormir le public en lui racontant sa vie ou en déballant ses états d’âme. Dommage, c’était trop tard pour les Gérard. Mais en 2011, elle n’y coupera pas.
Réalisé par Àlex Pastor et David Pastor
Titre original : Carriers
Sorti en Allemagne (Fantasy Filmfest) le 18 août 2009
Sorti en France le 26 mai 2010
Comme naguère Paranormal activity, ce petit film de série B, réalisé par deux frères espagnols, montre qu’on peut faire du bon cinéma sans vedette, sans beaucoup d’argent... et sans flatter le public dans ses instincts les plus bas. En dépit de l’argument qui est celui d’un film d’horreur et qui a été cent fois utilisé, à aucun moment on ne tombe dans le racolage gore. En réalité, cette histoire est celle du comportement d’un petit groupe de jeunes qui tentent de fuir l’épidémie causée par un virus dont on ne saura rien, et contre laquelle n’existe aucun remède.
C’est assez noir, puisque le plus jeune homme en est réduit à tuer son frère aîné, contaminé. Avec sa petite amie, il aboutit sur la plage de son enfance, pour y attendre une mort probable. La réalisation est très classique et n’emploie aucun des procédés habituels. Comble de bonheur, le film est court, car le scénario n’est alourdi par aucune fioriture. En ce temps de vaches maigres (les sorties de films sont rares et n’offrent rien de bien palpitant), le film est bienvenu.
En toute conscience, il est impossible et il serait impardonnable de laisser tomber dans l’oubli les grands textes, ne serait-ce que par souci de conserver l’Histoire. C’est pourquoi, en vue d’édifier les personnes qui se seraient égarées sur ce site, et en premier lieu les cinéphiles qui rejettent l’abominable jugement d’Alfred Hitchcock, à savoir que « les acteurs sont du bétail », voici, pour prouver le contraire, le discours prononcé par Juliette Binoche lorsque lui a été décerné, à Cannes le dimanche 23 mai 2010, le prix d’interprétation féminine. Une grande leçon d’intelligence et de bon goût, en seulement trois minutes.
– Merci beaucoup. What a joy ! What a joy ! What a joy to work with Abbas ! [Kiarostami, le réalisateur de son film] Ta caméra était celle qui... qui m’a révélée à mon féminin, à mes complexités, à ma générosité. Ta bienveillance a été celle qui m’a portée le long de cette aventure qui était si belle. Y a presque pas de mots, parce que, ce qu’on ressent devant une caméra qui vous aime, qui vous entoure, qui... qui attend, qui sait aimer, ça, c’est le plus... le plus beau des miracles. Merci à ces producteurs qui nous ont portés tout le long de cette histoire, depuis ce début, ce coup de fil que j’ai donné à Marin Karmitz [producteur]. Il doutait, mais très vite il a plus douté. Merci à Charles Gilibert [producteur], à Angelo Barbagallo [le traducteur], qui était là tous les jours avec nous, dans la chaleur de Lucignano. Merci à Nathanaël [Karmitz, producteur] d’être là derrière. Les cinq personnes qui m’ont... qui m’ont aidée précieusement ont été Massoumeh Mahidgi ; ont été Mattile Inserti, au tout début, quand j’ai commencé à rencontrer Abbas, à Cannes ; ont été Vernescchie, qui m’écoute, qui est allongé dans un lit d’hôpital ; ont été... mon Dieu, la mémoire se perd. Merci au jury, qui a été long à délibérer, mais vous y êtes arrivés, je suis très heureuse. Merci à Gilles [Jacob, président du festival], mon ange gardien, merci à Thierry Frémaux [délégué général du festival], l’organisateur qui a décidé de nous faire passer à 22 heures ça ch’peux pas le rater celui-là, Thierry, juste pour te faire plaisir. Merci à... à mes parents, qui ont été... ma mère qui, qui nous a élevés seule, mais aussi à mon père, à qui j’ai su pardonner. Je les aime du fond du cœur. Et merci à mes enfants qui ont supporté mes absences. Je crois que l’amour, dans ce film, il a toutes sortes de... de tournants et de retournants et de tout ce qu’on veut, mais il n’empêche que je crois à l’amour, que je crois qu’un jour je me marierai, malgré tout, et je remercie du fond du cœur les hommes qui m’ont aimée et qui ont su me supporter.
(A suivi un speech sur ce cinéaste iranien emprisonné, Jafar Panahi, membre du jury mais qui n’a pas pu venir à Cannes)
L’Histoire retiendra par conséquent que madame Binoche a été révélée à sa générosité par une caméra qui l’entourait, qu’elle a su pardonner à son père – détail qui ne pouvait que passionner le public –, et qu’elle espérait se marier avec un homme qui enfin la supporte. On lui souhaite de le trouver, ce qui, après tant de pudeur et de modestie, va certainement s’avérer une simple formalité.
Réalisé par Otto Preminger
Titre original : When the sidewalk ends
Sorti aux États-Unis le 26 juin 1950
Sorti en France le 22 août 1951
Ressorti en France le 22 août 2007
Fils d’un voleur, Mark Dixon a voulu être le contraire de son père, et il est devenu policier au 16e district de New York. Mais c’est aussi une brute, qui frappe les gangsters avant de les arrêter. Aussi son chef le rétrograde-t-il. Dixon, dès le début, cherche vainement à coincer un gangster, Scalise. Un soir, il tue accidentellement un nommé Paine, un type douteux qui gravite dans l’entourage de Scalise. Craignant d’être renvoyé de la police, il jette le corps dans le fleuve. Mais le corps est retrouvé, et on accuse de meurtre le beau-père de Paine, qui est incarcéré. Pour ne rien arranger, Dixon, tombe amoureux de la veuve, Morgan.
Le film raconte comment il va réussir à arrêter Scalise, et comment il remet à son chef sa confession écrite du meurtre de Paine. Il finira en prison, mais Morgan l’attendra, évidemment.
Beau film noir, sur un scénario du célèbre Ben Hecht, et filmé impeccablement par Preminger.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.