JPM - Films vus - Notules - Juin 2009

Notules - Juin 2009

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : La nuit au musée 2Night at the Museum: Battle of the Smithsonian – La nuit au musée – Very bad tripThe hangover – L’école des dragueurs – FriendsHome – Dis-moi qui tuer – OSS 117 prend des vacances – DeparturesOkurinitoSix feet underÉtreintes brisées – La mauvaise éducation – Citizen Kane – Terminator RenaissanceTerminator Salvation – The dark knight – Totó, qui vécut deux foisTotò che visse due volte – The women – Saló ou les 120 journées de Sodome – Coraline – L’étrange Noël de Mr Jack – James et la pêche géante – Les beaux gossesUne journée particulière – Nous nous sommes tant aimés – Nos héros retrouveront-ils leurs amis mystérieusement disparus en Afrique ? – Horst Vessel Lied – Le bal – Fais-moi plaisir ! – Changement d’adresse – Un baiser s’il vous plaît – La party – Vertige – Le projet Blair witch

Personnes citées : Theodore Roosevelt – George Armstrong Custer – Napoléon Bonaparte – Alain Chabat – Auguste Rodin – Hank Azaria – Todd Philips – Josiane Balasko – Mike Tyson – Yann Arthus-Bertrand – Isabelle Delannoy – Étienne Périer – Michèle Morgan – François Périer – Jean Yanne – Dario Moreno– Edwige Feuillère – François-Henri Pinault – Jacques Séguéla – Al Gore – Davis Guggenheim – Ludwig Van Beethoven – Léon Zitrone – Pedro Almodóvar – Gael García Bernal – Michel Ciment – Penelope Cruz – Joseph McGinty Nichol – McG – Sam Worthington – Christian Bale – Isaac Asimov – Daniele Cipri – Francesco Maresto – George Cukor – Pier Paolo Pasolini – Henry Selick – Tim Burton – Riad Sattouf – Ettore Scola – Adolf Hitler – Sophia Loren – Emmanuel Mouret – Éric Rohmer – Blake Edwards – Peter Sellers – Frédérique Bel – Johan Libéreau

La nuit au musée 2

Mardi 2 juin 2009

Réalisé par Shawn Levy

Titre original : Night at the Museum: Battle of the Smithsonian

Sorti aux États-Unis le 14 mai 2009

Sorti en France le 20 mai 2009

C’est évidemment la suite de La nuit au musée, qui a obtenu un succès honorable. Les ingrédients sont exactement identiques, et l’histoire joue avec les mêmes anachronismes. Le président Theodore Roosevelt cohabite avec le général Custer, avec Napoléon (joué par Alain Chabat), avec Abraham Lincoln, avec le Penseur de Rodin, avec un pharaon très méchant (le même acteur, Hank Azaria, joue ces trois derniers), et on en passe.

Amusant, peut-être un peu moins spectaculaire que le premier épisode où le squelette du dinosaure était beaucoup plus remuant, et toujours très coûteux : il n’y a guère de plan qui ne soit truffé de trucages numériques. Et puis, enfin la solution au problème du vieillissement des musées, réputés trop calmes : ouvrir seulement la nuit, quand tous les personnages s’animent !

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Very bad trip

Vu le mercredi 3 juin 2009, sortie prévue le 24 juin 2009

Réalisé par Todd Phillips

Titre original : The hangover

Sorti aux États-Unis le 2 juin 2009

Sorti en France le 24 juin 2009

Les distributeurs français perdront-ils un jour cette manie de sortir les films étrangers sous des titres bidons ? À quoi cela sert-il d’affubler d’un faux titre anglais un film qui porte déjà un titre en anglais, au surplus tout à fait approprié (le mot hangover signifie « gueule de bois ») ?

 Le réalisateur, âgé de trente-huit ans, n’a qu’une modeste filmographie : son dernier film, en 2006, s’intitulait L’école des dragueurs, titre tout à fait incitatif, convenez... Le présent film semble relever de la même inspiration, puisqu’il s’agit encore d’un de ces redoutables « films de potes », genre s’adressant exclusivement aux teenagers – quasiment le seul public des États-Unis : quatre jeunes hommes sont allés de Los Angeles à Las Vegas pour enterrer la vie de garçon d’un des leurs, Doug. Au lendemain de leur première nuit de bringue, qui devait être la seule, ils se retrouvent à trois seulement : Doug a disparu, ainsi que la Mercedes prêtée par son futur beau-père. La suite qu’ils ont loué au Caesar’s Palace est dévastée, l’un d’eux, d’ailleurs dentiste, a perdu une incisive, il y a un tigre dans la salle de bains et un bébé inconnu dans un placard. Ils ne se souviennent de rien, et vont passer le reste de l’histoire à tenter de reconstituer cette nuit d’ivresse qui ne doit rien à Josiane Balasko. Seul le générique de fin, sous la forme de 75 photos fixes – dont trois de fellations –, dévoilera tout, mais avant cela, on aura appris que notre dentiste s’est marié, comme dans Friends, quoique avec une strip-teaseuse, que le tigre appartenait à Mike Tyson, qu’ils ont dérobé malgré eux 80 000 dollars à un voyou chinois irascible, lequel, en représailles, détient un Doug qui n’est pas le bon, et que le plus débile d’entre eux est un as au blackjack. Ils auront en outre subi, de la part de deux policiers rancuniers auxquels ils avaient volé leur voiture, un essai pédagogique du taser, infligé devant un public d’enfants obèses et ravis de la démonstration.

On rit, mais nerveusement, car tout cela vole très bas. Il semble que les deux scénaristes se soient inspirés du principe de Feydeau : tout ce qui ne devrait pas arriver arrive néanmoins. À cela près qu’on est très loin de Feydeau et de sa critique sociale, inexistante ici, où sévissent surtout les blagues de garçon de bains. Cependant, le film est bien réalisé, ce qui n’empêchera pas de l’oublier très vite.

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Home (2009)

Vendredi 5 juin 2009

Réalisé par Yann Arthus-Bertrand

Sorti en France le 5 juin 2009

L’exploitation de ce film n’est pas traditionnelle, puisque un certain nombre des 180 salles (12 à Paris) qui le programment ne le passeront qu’une seule fois : forcément, l’entrée ne coûtera que 4 euros ! D’autres salles ont fait un effort plus important, comme Le Cinéma des Cinéastes, qui le projettera trois fois par jour, jusqu’au mercredi 10. Et puis, le titre est fâcheux, il a déjà servi l’année dernière pour un film d’Ursula Meier. Par ailleurs, on a beaucoup fait valoir que la sortie de ce film était « mondiale », donc qu’il sortirait le même jour dans tous les pays. C’est faux, il est sorti le 3 juin en Belgique et le 4 en Slovaquie.

Yann Arthus-Bertrand, l’auteur de ce film-ci, dont il a écrit le texte avec Isabelle Delannoy, débuta comme acteur à 19 ans, dans Dis-moi qui tuer, film d’Étienne Périer avec Michèle Morgan, François Périer, Jean Yanne et Dario Moreno. Cinq ans plus tard, ce fut OSS 117 prend des vacances, avec Edwige Feuillère tout de même ! Puis il quitta le métier pour devenir photographe, ce qui lui a réussi, puisqu’il y a fait fortune et que cela lui a valu des amitiés flatteuses. C’est l’un de ses amis, l’héritier Pinault, qui a financé son film, et le générique ne nous le laisse pas oublier, non plus que le battage publicitaire dont « Le Canard enchaîné » de cette semaine fait ses choux gras :

 

Home

 

On aura compris que le cher photographe est un rusé compère, qui manie la pub comme trente-six Séguéla, en plus finaud.

Mais qu’en est-il de son film ? Après les premières minutes qui vaudront quelque agacement aux amateurs (une vue aérienne de volcan est sonorisée par la sempiternelle mélopée d’une chanteuse tiers-mondiste, glapissant, comme dans une pub pour du café, un texte indéchiffrable, suivie de diverses cantates assez tire-larmes), et qui laissent craindre qu’on va jouer du violon plutôt que de fournir des arguments, cela se tasse, et la suite fait dans le sérieux. Sont abordés, sinon traités, les sujets sur l’agriculture, l’élevage et la pêche intensifs, sur le pétrole, sur le gaspillage de l’eau, sur la folie des grandeurs qui ravage certains pays sans ressouces naturelles comme Dubaï, et tout cela est intéressant. On n’en regrette que davantage le coup de chapeau, peu avant la fin, à la politique écologique... du Gabon ! Puis on en vient au serpent de mer, le réchauffement climatique. Et là, il faut regretter que les choses se gâtent, car le film (qui ne craint pas d’affirmer que, selon les scientifiques, les choses se sont aggravées dernièrement, alors que le dernier rapport du GIEC a précisément réduit les perspectives catastrophistes de l’avant-dernier) reprend deux bobards débités par Al Gore dans « son » film – qui n’est pas de Gore, mais de Davis Guggenheim. D’abord, le vieux truc des neiges du Kilimandjaro, que le réchauffement aurait presque fait disparaître : on sait que les causes sont tout autres. Ensuite, ne craignant pas de surenchérir sur les extravagances d’Al Gore, qui prétendait que le niveau des océans monterait de six mètres au cours de ce siècle – alors que le même GIEC pronostique entre 25 à 32 centimètres d’élévation –, il affirme que la seule fonte des glaces du Groenland va faire monter ce niveau de... sept mètres !

C’est faire bon marché de l’arithmétique. Compte tenu de la surface des glaces de cette île, 1 841 100 kilomètres carrés, et de celle des océans, 360 700 000 kilomètres carrés, une augmentation de 7 mètres du niveau des eaux terrestres nécessiterait de faire fondre, sur le Groenland, une couche de glace épaisse et uniforme de... 1371 mètres ! D’où viendrait la prodigieuse quantité de chaleur nécessaire ? Alentour, la fameuse « banquise qui fond » ne connaît la fonte qu’en été, et se reconstitue chaque hiver, ce qu’on oublie régulièrement de préciser.

Terminons par cette perle : une vue d’un incendie de forêt provoque ce commentaire très réaliste : « Notre planète va-t-elle commencer à se consumer ? ».

Le film, lui, attend les cinq dernières minutes pour fournir des informations plus optimistes (les spectateurs ont besoin de pommade), mais il commet la bévue d’inclure les éoliennes parmi les solutions. On sait ce qu’il en est...

À voir, donc, mais surtout pour les images.

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Departures

Lundi 8 juin 2009

Réalisé par Yôjirô Takita

Titre original : Okuribito

Sorti au Canada (Festival du Film de Montréal) le 23 août 2008

Sorti en France le 3 juin 2009

Le mot japonais okuribito (qui s’écrit おくりびと) signifie bien départs, mais il fallait absolument dire la même chose en anglais...

Le film est basé sur une idée séduisante, mais une fois celle-ci exposée, reste insatisfaisant à cause de sa lenteur. Comme on disait naguère au « Canard enchaîné », le réalisateur prend son temps... et le nôtre ! Néanmoins, il recèle assez d’autres idées que celle-là pour retenir notre attention.

Daigo, jeune violoncelliste marié à Mika, perd son emploi parce que son orchestre est dissous faute de succès. Pas étonnant, ces ploucs, lors de leur dernier concert, ont joué la Neuvième de Ludwig Van... S’ils avaient plutôt formé un groupe de rap, ils seraient encore en activité.

Plus sérieusement, Daigo prend surtout conscience qu’il n’a aucun talent et s’est lourdement endetté pour acquérir un violoncelle de professionnel, folie dont il a caché à sa femme le montant : 18 millions de yens (131 685 euros au cours du jour, ou 864 000 francs). Quittant Tokyo pour la ville natale de Daigo et vivre modestement dans la maison que sa mère lui a léguée, le couple va néanmoins se tirer d’affaires, parce que Daigo a trouvé un emploi... dans une entreprise très artisanale de pompes funèbres. Là encore, il ne dit rien à sa femme, et elle le croit employé dans une agence de voyages. Quand elle saura la vérité, elle le sommera de prendre un emploi plus convenable, mais on devine aisément qu’elle va changer d’avis, puisque Daigo s’est pris d’un goût inattendu pour son métier.

Deux ou trois scènes amusantes, dont la toute première, agrémentent un film qui par ailleurs se traîne lamentablement, ce qui ne l’a pas empêché de ramasser l’Oscar du meilleur film étranger cette année. Mais on sait ce que valent les Oscars... Circonstance aggravante, tout est prévisible, et l’on devine longtemps à l’avance que le jeune homme va changer d’avis sur son père, « ce salaud qui les a abandonnés quand il avait six ans » : sans coup férir, le père meurt, admirez l’astuce du scénario, et c’est Daigo, après avoir beaucoup traîné les pieds, qui va se charger de la cérémonie funèbre, et découvrir le détail lui révélant que son père l’aimait toujours, quoique de loin. Torrent de larmes chez Daigo. Fin du film.

À l’actif de cette pellicule, le charme du personnage principal et la curieuse décontraction de son patron, qui ressemble à Léon Zitrone lorsqu’on le voit pour la première fois, et n’a rien d’un personnage de Six feet under.

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Étreintes brisées

Mercredi 10 juin 2009

Réalisé par Pedro Almodóvar

Titre original : Los abrazos rotos

Sorti en Espagne le 17 mars 2009

Sorti en France le 20 mai 2009

Depuis ses débuts, Almodóvar pratique le tarabiscotage intensif des scénarios, et ce procédé atteignait son summum dans le très douteux La mauvaise éducation, monument d’imposture, puisqu’il faisait état d’un épisode pédophilique n’ayant en réalité jamais eu lieu – et dont évidemment la publicité a fait ses choux gras. Mais ce film comportait au moins un personnage intéressant, celui joué par Gael García Bernal. Ici, rien de tel.

Le scénario ? Extrait de la gangue des retours en arrière et autres artifices, il est simple : un réalisateur de cinéma, Mateo, veut réaliser une comédie avec une pseudo-actrice n’ayant en fait jamais joué, Lena, uniquement parce qu’il est tombé amoureux d’elle. Or elle est déjà la maîtresse d’un riche homme d’affaires, Ernesto, qui ne sait rien de ce coup de foudre et veut produire le film. Mais, le tournage terminé, Mateo part en vacances avec Lena. Mis devant son infortune, Ernesto se venge en soudoyant le monteur du film, pour qu’il choisisse les plus mauvaises prises et sabote le montage définitif. Le film sort pendant lesdites vacances des tourtereaux – performance ultra-rapide et complètement invraisemblable – et se tape un bide. Sur le chemin du retour vers Madrid, Mateo et Lena ont un accident de voiture, la fille est tuée, l’homme perd la vue. Quatorze ans plus tard (!), la directrice de production, Judit, complice de la magouille par jalousie elle aussi, avoue tout à Mateo. Par chance, elle avait gardé tous les négatifs, et Mateo peut remonter son film, qui sera évidemment un chef-d’œuvre – même si, d’après ce qu’on en voit, il est permis d’en douter...

Franchement, qui peut croire à une histoire pareille ? Néanmoins la majorité des critiques ont marché, criant d’enthousiasme devant ce film « qui fera date », disent-ils. N’est-ce pas, Michel Ciment ? Et, sous le prétexte que Mateo a pris le pseudo d’Harry Caine, qui rime avec Citizen Kane, ils y voient « un hommage au cinéma » ! Être un gogo n’empêche donc pas de rassembler lecteurs et auditeurs...

Reste le style visuel propre à Pedro Almodóvar, tout en couleurs très crues, comme d’habitude. La seule image qui restera, je le crains, est celle d’une larme tombant sur une tomate. Ne restera pas, en revanche, la performance de Penélope Cruz. Actrice passable, elle est comme toujours d’une vulgarité pénible, et beaucoup moins belle qu’on le prétend.

Devenu un notable intouchable, Almodóvar a perdu toute spontanéité. Désormais, il mise sur sa réputation et son capital acquis. Une sorte de lapin Duracell. Almodóvar ? Un Scorsese-bis.

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Terminator Renaissance

Jeudi 11 juin 2009

Réalisé par Joseph McGinty Nichol, alias McG

Titre original : Terminator Salvation

Sorti aux États-Unis le 14 mai 2009

Sorti en France le 3 juin 2009

Ce n’est pas vraiment que le scénario est complètement nul, mais il sert surtout de support à une débauche de bagarres réalisées à grands coups de trucages numériques, dans un vacarme quasi-permanent, qui peut décourager les plus indulgents. De sorte que les acteurs ont peu d’occasion de montrer ce qu’ils savent faire en matière d’art dramatique.

C’est Sam Worthington la véritable vedette. Christian Bale, censé être en tête d’affiche, est un peu en retrait, comme dans The dark knight. Ici, il incarne le chef des combattants humains de la Résistance dans la guerre contre les robots, qui veulent détruire tous les humains. Tous les scénaristes ne s’appellent pas Isaac Asimov !

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Totó, qui vécut deux fois

Vendredi 12 juin 2009

Réalisé par Daniele Cipri et Francesco Maresto

Titre original : Totò che visse due volte

Sorti en Argentine le 7 avril 1999

Sorti en France le 10 juin 2009

Est-ce pour accompagner la sortie d’un remake d’après George Cukor, The women (qui n’est joué que par des femmes), qu’on exhume ce film italien en noir et blanc et plans fixes, où l’on ne voit que des hommes, y compris dans les rares rôles féminins ? Hélas, tous sont vieux, laids, bossus, édentés comme des acteurs de Pasolini, réalisateur auquel les deux metteurs en scène se réfèrent complaisamment. Lisez le langage prétentiard des deux énergumènes : « L’emploi exclusif du noir et blanc est dû à notre commune passion pour le cinéma classique, américain en particulier, et au fait que nous n’aimions pas la couleur vidéo. Le noir et blanc deviendra une constante, parce qu’en travaillant à Palerme, avec ces personnages, ces hommes, il était très facile de tomber dans la vulgarité ou dans la platitude la plus absolue. Le problème (mais ça, on peut le dire maintenant, a posteriori) était de partir du réalisme pour le transcender et lui conférer une dimension abstraite, un peu métaphysique, absurde. Le noir et blanc permet de manière admirable de saisir cette dimension-là... En plus de toute une série d’autres éléments : la manière de montrer les choses, le découpage, le plan, les acteurs... Mais c’est vrai que le noir et blanc donne une touche particulière. Il y a des corps qui sont là, évidents, ce sont des corps qu’on pourrait mettre nus dans n’importe quel documentaire, dans n’importe quel journal télévisé. Mais de cette manière, avec cette conscience, ce regard, les personnages dépassent leur propre matérialité, ils deviennent énormes, épiques ».

Passons sur ces « corps qu’on pourrait mettre nus [...] dans n’importe quel journal télévisé »... En fait, on a plutôt une vision débile de certains épisodes des évangiles, où Jésus est un vieillard qui ne veut qu’une chose, qu’on lui fiche la paix, refusant de guérir un bossu parce que ça l’embête, où les apôtres ne songent qu’à se remplir la panse, où Lazare est plongé dans un bain d’acide, et où tous les hommes se masturbent compulsivement, ou copulent entre eux exclusivement. Il faut donc ne pas manquer de culot pour se référer à Pasolini, qui, même lorsqu’il se plantait magistralement (Saló ou les 120 journées de Sodome), restait un artiste. Ici, non seulement les acteurs sont aussi laids et jouent aussi mal que chez Pasolini, mais tout est laid, y compris les décors, et l’image qui, quoique bien cadrée, est très sale.

Le film, qui date de 1998, a d’abord été interdit dès avant sa sortie en Italie. On devrait plutôt inventer une autre forme de sanction contre la bêtise.

Et puis au fond, blasphémer, cela prouve quoi ? Qu’on croit aux inepties de la religion. Sinon, elle vous laisserait indifférents.

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Coraline

Mardi 16 juin 2009
Coraline

Réalisé par Henry Selick

Sorti aux États-Unis (Festival International du Film de Portland) le 5 février 2009

Sorti en France le 10 juin 2009

Henry Selick est connu pour avoir réalisé L’étrange Noël de Mr Jack, faussement attribué à Tim Burton, qui l’a seulement écrit. On lui doit aussi James et la pêche géante, autre succès. Tous ces films sont des œuvres d’animation faites avec des figurines.

Coraline raconte l’histoire d’une petite fille qui a beaucoup à se plaindre de ses parents, lesquels la négligent parce qu’ils sont trop occupés : la mère travaille sur ordinateur à un catalogue de jardinage, et le père écrit un long texte dont on ne saura rien. Si bien que la maison est un peu lugubre et la nourriture médiocre. Mais la petite fille découvre, cachée sous le papier peint d’une pièce, une porte minuscule qui ouvre sur un autre monde, où elle rencontre les doubles de ses parents, beaucoup plus aimables, lui semble-t-il, et dans un décor de conte de fées. Seule particularité, ils ont des boutons à la place des yeux (pas des boutons de fièvre, des boutons que l’on coud sur les vêtements). Alors, un refuge et le bonheur ? Hélas, il s’avère que ces parents de rechange sont un couple de sorciers, qui exigent que « leur fille » se laisse coudre aussi des boutons à la place des yeux. Affolement. Elle refuse, et leur échappe. Après bien des péripéties mouvementées, tout se termine dans l’optimisme. Scénario un peu simpliste et pas vraiment intéressant, donc.

Il y a pas mal de mièvrerie dans la première partie, qui est manifestement destinée aux enfants, mais cela se corse ensuite, et le film ne leur est, dès lors, plus vraiment destiné. La dernière partie est très virtuose, rappelant que Selick est un maître de l’animation. Néanmoins, faisons une réserve : toute cette virtuosité semble moins justifiée par les nécessités de la narration que par le désir de faire du spectacle en donnant libre cours à un délire visuel très mouvementé, où le spectateur se perd un peu et qui ne s’imposait pas vraiment. Mais répétons qu’il en a plein la vue, donc les amateurs de technique ne seront pas déçus.

Signalons aux masochistes qu’il existe une version 3D, que je ne suis pas allé voir, pour trois raisons : le port des lunettes est très pénible, le prix des places est majoré de TROIS euros (!), et... on vous confisque à la sortie les lunettes que vous avez pourtant payées ! En outre, le relief au cinéma n’est pas convaincant, car ce n’est pas du vrai relief comme dans la vie réelle, mais plutôt un empilement de plans, comme une succession de panneaux qui n’en restent pas moins plats : aucun objet ne possède vraiment son propre relief. Le résultat, visuellement, reste très artificiel. Ce défaut semble sans remède, car la caméra ne voit que ce qu’on lui donne à voir et se trouve incapable, comme nos yeux, de balayer rapidement les objets d’avant en arrière, afin de déterminer la position spatiale de tous les points. Si l’holographie pouvait s’appliquer aux images animées, il y aurait une amélioration, mais nous n’y sommes pas, et de loin.

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Les beaux gosses

Mercredi 17 juin 2009

Réalisé par Riad Sattouf

Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2009

Sorti en France le 10 juin 2009

Le titre n’est tel que par antiphrase, car les garçons de cette histoire ne brillent pas par la beauté : acné, coiffures ridicules, appareils dentaires, vêtements ne devant rien aux magasins chics, on les a enlaidis à plaisir, et une courte scène qui nous projette dans un avenir imaginaire les montre, adultes, beaucoup plus à leur avantage.

Ces jeunes sont en troisième et un peu cancres. Pas très fins non plus. En fait, tous ne pensent qu’à une seule chose, et inutile de préciser laquelle. Or l’apprentissage se fait mal, voire pas du tout. En général, c’est bien observé (voire l’importance de la chaussette dans la vie sexuelle des garçons), et l’on rit, car c’est une comédie assumée comme telle, mais beaucoup moins lourde que prévue.

Le réalisateur est dessinateur de bande dessinée, cela se sent, et il n’a pas raté son coup. Comme quoi, ne pas venir de la télévision a ses avantages !

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Une journée particulière

Mardi 23 juin 2009

Réalisé par Ettore Scola

Titre original : Una giornata particolare

Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 1977

Sorti en France le 7 septembre 1977

Probablement le meilleur film de Scola. Il avait accédé à la célébrité en 1974, avec Nous nous sommes tant aimés, mais il travaillait déjà depuis une décennie. Par la suite, on reprit quelques films de ses débuts, comme Nos héros retrouveront-ils leurs amis mystérieusement disparus en Afrique ?, une comédie datant de dix ans.

Une journée particulière se passe durant la visite qu’Hitler fit à Rome le 2 mai 1938, pour une entrevue avec son allié Mussolini. Loin de ces réjouissances populaires dont on aura les échos, par la radio (omniprésence du célèbre Horst Vessel Lied, chanson phare du nazisme, aujourd’hui interdite en Allemagne), tout au long du récit, deux défavorisés font connaissance, s’aiment, puis sont séparés : une brave femme, Antonietta, naïvement admiratrice du Duce et de sa doctrine, à laquelle d’ailleurs elle n’a rien compris, et un intellectuel, Gabriele, qu’on a exclu de la radio nationale pour cause d’homosexualité.

Le film comporte à son début un plan-séquence d’une virtuosité qu’on voit rarement, lorsque la caméra balaie l’extérieur de l’immeuble, entre par une fenêtre et suit Sophia Loren, pendant plusieurs minutes, à l’intérieur de l’appartement, où elle réveille sa famille, prépare le petit déjeuner... et se voit traitée comme une domestique par l’ensemble de la maisonnée ! Ce plan compte 5558 images et dure 3 minutes et 51,58 secondes au cinéma – 3 minutes et 42,32 secondes en vidéo. C’est peu, sans doute, mais la caméra se balade dans tout l’appartement, qui est forcément un décor de studio, alors que, sans aucune coupure, elle venait de l’extérieur.

Le spectateur est complètement en empathie avec les deux personnages, ce qui est suffisamment rare au cinéma pour être noté. Plus important, mais cela a été si abondamment analysé ailleurs qu’il est inutile d’y revenir, il en dit long sur le plan politique, et en particulier, sur l’aveuglement des Italiens... aveuglement toujours d’actualité, à voir la constance avec laquelle ils élisent et réélisent Berlusconi !

Ce que Scola réalisa ensuite n’est plus de ce niveau. On note cependant une curiosité, Le bal, film sans aucun dialogue, réalisé d’après une pièce de théâtre qu’on avait jouée à Paris.

En bref : reprise. À voir absolument.Haut de la page

Fais-moi plaisir !

Jeudi 25 juin 2009

Réalisé par Emmanuel Mouret

Sorti en France et en Belgique le 24 juin 2009

Les films d’Emmanuel Mouret sont un peu à part, car leur auteur se fiche complètement des modes et s’en tient à son style de marivaudage contemporain, un peu comme Rohmer, dont il paraît être le seul héritier. Son Changement d’adresse avait été bien accueilli, alors que, inexplicablement, Un baiser s’il vous plaît avait été descendu en flammes par la critique ; or ces deux films n’étaient pas si différents.

Fais-moi plaisir ! relève du même genre très personnel, avec un point de départ cocasse (une fille un peu trop portée sur l’introspection somme son amant de coucher avec une femme qu’il a seulement croisée, afin qu’il s’enlève de l’esprit cette obsession supposée ; insistant : « Écoute, je fais des efforts, tu pourrais toi aussi y mettre un peu du tien ! »), mais il me semble que l’auteur ne l’a pas réussi comme les précédents, car il a voulu ajouter aux ingrédients habituels une touche – voire une louche – de burlesque, et cela ne fonctionne plus aussi bien. D’abord, on sent trop l’emprunt évident au film de Blake Edwards, La party, où Peter Sellers faisait un numéro démentiel. Ensuite, le gag du rideau coincé dans la braguette, déjà pas très subtil et un tantinet vulgaire, se prolonge au-delà du raisonnable, si bien que trois quarts d’heure plus tard, on en subit encore les répercussions sur le scénario. Enfin, la dernière partie, chez la soubrette de la fille du président, est très faible, et l’on s’ennuie un peu – outre le fait qu’il abandonne en route les personnages qu’on a vus auparavant, sans avoir dénoué leur situation !

Dommage, car le début était jubilatoire, dans le dialogue comme dans la mise en scène. Frédérique Bel est bonne comédienne, alors que Mouret se cantonne dans les limites d’un personnage de benêt raisonneur et obstiné, qui agace certains. Mais c’est sans doute qu’il se veut davantage auteur que comédien.

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Vertige

Mardi 30 juin 2009

Réalisé par Abel Ferry

Sorti en France le 24 juin 2009

Oh mon Dieu ! Pourquoi suis-je allé voir ce film ? Moi qui aurais le vertige en montant sur le tabouret de 15 centimètres que Sarkozy utilise en douce pour discourir face aux « grands » de ce monde (mais une caméra indiscrète l’a surpris, et ledit monde n’a pas fini d’en rigoler).

Bref, la première demi-heure de ce film fait vraiment peur, grâce à des prises de vues à haut risque, soulignées par une bande sonore angoissante. Les cinq acteurs, qui jouent des grimpeurs en montagne, ne semblent pas avoir été doublés, et s’être donc sérieusement « mis en danger », comme les représentants de cette profession adorent dire dès qu’ils interprètent un rôle sortant un peu des stéréotypes (par exemple, si un chanteur joue à l’écran autre chose qu’un chanteur, ces impudents charlatans disent qu’il se met en danger – sic et resic). Puis on se dit qu’après tout, le caméraman qui a filmé ça était encore plus fortiche, puisque LUI doit en plus se coltiner une caméra !

Hélas, la deuxième partie est un film d’horreur banal, flirtant même au début avec Le projet Blair witch, une sacrée référence dans la nullité ! On y trouve donc un assassin mystérieux chassant l’humain à l’arbalète, des victimes disparaissant l’une après l’autre, des blessures gravissimes répandant un maximum de sang, et surtout des filles qui ne cessent de sangloter et de pousser des cris stridents. Dès lors, ce n’est plus Loïc (Johan Libéreau, brillant jeune acteur) qui fait une chute dans le vide, c’est le film tout entier.

Comme il est permis de rire des ridicules au cinéma, signalons le carton de fin, ce type d’annonce qu’on affiche avant le générique final, et qui tend généralement à nous certifier que ce qu’on vient de voir est une aventure authentique. Or celui qu’on peut lire ici nous apprend que personne n’a survécu. Comment donc a-t-on pu connaître tous les détails d’un fait divers tragique n’ayant conservé aucun témoin ?

À voir pour la première demi-heure. Après, vous pouvez partir.

En bref : à voir.Haut de la page

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Sites associés :    Yves-André Samère a son bloc-notes 122 films racontés

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